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Cas pratique : les affaires Jelisic, Blaskic et Krstic

Une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile

B. L’homicide comme crime de guerre

III. Cas pratique : les affaires Jelisic, Blaskic et Krstic

Le crime contre l’humanité de meurtre est l’un de ceux que l’on rencontre le plus souvent dans la jurisprudence des Tribunaux pénaux internationaux. Nous relevons, comme trois exemples parmi d’autres, les affairesJelisic, Blaskicet Krstic, jugées par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. La première porte sur l’infraction simple de meurtre en tant qu’exécution sommaire ; la deuxième comporte une part supplémentaire de cruauté et la dernière, relative aux massacres de Srebrenica, revêt une ampleur particulière.

Le Tribunal a condamné l’accusé Jelisic pour assassinat comme crime contre l’humanité et comme crime de guerre. Ces actes étaient pratiqués d’une manière toujours identique, que le Tribunal a établie de la manière suivante :

«Les victimes subissaient d’abord un interrogatoire dans les bureaux administratifs auquel l’accusé participait le plus souvent et où elles étaient très sévèrement frappées, notamment à l’aide de matraques ou de bâtons. L’accusé, muni d’un pistolet ‘Skorpion’ doté d’un silencieux, leur demandait d’avancer jusqu’à l’angle des bureaux, où elles étaient exécutées d’une ou deux balles, tirées à bout portant dans la nuque ou dans le dos. Certaines victimes ont été tuées avant qu’elles n’aient atteint l’angle des bâtiments administratifs, de sorte que d’autres détenus ont pu être témoins de ces meurtres. D’autres ont été tués d’une ou deux balles derrière la tête, agenouillés sur une grille, près du bureau où les interrogatoires étaient menés. Il était ensuite demandé à certains détenus de transporter le corps de la victime derrière les bureaux administratifs, où les corps étaient entassés » 117.

Le général Tihomir Blaskic a été également condamné pour assassinat comme crime contre l’humanité. Certaines des victimes ont été tuées à bout portant, d’une manière comparable à celle que nous venons de relever dans l’affaire Jelisic:

«Les hommes ont, quant à eux, le plus souvent été tués par balle à bout portant.

Plusieurs témoins ont ainsi décrit comment les hommes de leur famille avaient été rassemblés puis tués par les soldats croates. Pour ne citer que quelques exemples, le témoin Abdullah Ahmic a indiqué avoir perdu son père et son frère et fut lui-même grièvement blessé par une balle. Les témoins Nura Pezer et H ont dit avoir perdu fils et mari lors de l’attaque. Le témoin Zec a assisté au meurtre de ses parents et de ses deux sœurs. Les observateurs internationaux ont eux aussi vu des corps gisant dans la rue, qui, pour beaucoup, avaient été abattus d’une balle dans la tête tirée à courte distance. (…) Une vingtaine de civils ont par ailleurs été tués à Ahmici-le-bas alors qu’ils tentaient de fuir le village. Les habitants en fuite devaient traverser un champ à découvert avant de rejoindre la route principale. C’est au niveau de ce champ qu’une vingtaine de corps ont été retrouvés, tués par des tirs précis. Les experts militaires en ont conclu qu’ils avaient été abattus par des tireurs d’élite » 118.

D’autres assassinats ont par ailleurs été commis de manière beaucoup plus cruelle et choquante. Le Tribunal établit ainsi les faits, cent trois personnes au moins ayant été tuées lors de l’attaque d’Ahmici :

«D’autres corps ont été retrouvés dans les maisons, carbonisés au point de ne pouvoir être identifiés et dans des positions laissant à penser qu’ils avaient brûlé vifs. On compte beaucoup de femmes et d’enfants parmi ces victimes. Le bataillon britannique de la FORPRONU a rapporté que ‘sur les 89 corps ramenés au village, la plupart sont ceux de personnes âgées, de femmes, d’enfants et de nouveau-nés’. Un observateur de l’ECMM a dit avoir vu des corps d’enfants qui, par leur position, semblaient avoir agonisé dans les

117 TPIY, Jelisic, §38.

118 TPIY, Blaskic, §414.

flammes : ‘dans certaines maisons, c’étaient des scènes d’horreur puisque non seulement les personnes étaient mortes mais, qui plus est, brûlées et visiblement brûlées, en tout cas d’après les constatations des moniteurs qui m’accompagnaient, au lance-flammes alors qu’elles étaient encore vivantes » 119.

Le massacre de la population masculine bosniaque et musulmane de Srebrenica est resté dans toutes les mémoires. Il s’est déroulé en juillet 1995. A l’époque, le général Radislav Krstic était le chef d’état-major, puis le commandant d’une formation de l’armée serbe de Bosnie, le Drina Corps, qui contrôlait la région de Srebrenica.

Le massacre avait commencé par la séparation des hommes de leurs femmes et enfants puis par leur transport à Bratunac :

«Les hommes musulmans de Bosnie (un millier environ) qui avaient été séparés des femmes, enfants et personnes âgées à Potocari ont été conduits à Bratunac, où ils ont ensuite été rejoints par d’autres, capturés dans la colonne. Apparemment, rien n’a été fait pour séparer les hommes venant de Potocari de ceux de la colonne qui avaient été capturés dans les bois. Ils ont été gardés à plusieurs endroits, comme un hangar vide ou une vieille école, et même dans les autocars et les camions qui avaient servi à les y amener. À Bratunac, la nuit, on faisait sortir des prisonniers, et partout on entendait des cris de douleur et des coups de feu. Après un à trois jours de détention à Bratunac, les prisonniers ont été conduits ailleurs, à mesure que les autocars utilisés pour évacuer les femmes, enfants et personnes âgées devenaient disponibles » 120.

Le massacre a été conduit de telle manière que très peu de personnes ont pu en réchapper :

«Ces milliers de prisonniers musulmans, capturés après la prise de Srebrenica, ont pratiquement tous été exécutés. Certains ont été tués, séparément ou par petits groupes, par les soldats qui les avaient capturés et d’autres sur les lieux où ils étaient détenus provisoirement. Cependant, la plupart ont été abattus lors d’exécutions massives soigneusement orchestrées, qui ont débuté le 13 juillet 1995 dans le secteur situé juste au nord de Srebrenica. Les prisonniers qui n’ont pas été tués le 13 juillet 1995 ont été ensuite transportés en autocar vers des lieux d’exécution situés plus au nord de Bratunac, dans le secteur de responsabilité de la brigade de Zvornik. Les exécutions massives dans le nord ont eu lieu du 14 au 17 juillet 1995 » 121.

Très organisées, les exécutions se déroulèrent selon un schéma bien établi que décrit ainsi le Tribunal :

«La plupart des exécutions de masse se sont déroulées selon un mode opératoire bien établi. Les hommes étaient d’abord conduits dans des écoles ou des entrepôts vides. Après quelques heures de détention, ils étaient embarqués à bord d’autocars ou de camions et emmenés en un autre lieu pour y être exécutés. Généralement, les lieux d’exécution étaient des champs isolés. Les prisonniers n’étaient pas armés et, dans de nombreux cas, des mesures avaient été prises pour restreindre leur résistance : yeux bandés, poignets liés dans le dos ou chaussures confisquées. Une fois qu’ils étaient arrivés au lieu d’exécution, on faisait descendre les hommes des camions par petits groupes, puis ils étaient alignés et abattus. Ceux qui survivaient à la première salve étaient achevés d’une balle, parfois après qu’on les avait laissés souffrir un certain temps. Immédiatement après, et quelques fois même pendant les

119 TPIY, Blaskic, §417.

120 TPIY, Krstic, §66.

121 TPIY, Krstic, §67.

exécutions, des engins de terrassement arrivaient et les corps étaient enterrés, soit sur place soit dans un autre lieu proche » 122.

Ces trois exemples de ce que peut être le meurtre comme crime contre l’humanité nous permettront de mieux cerner les notions juridiques que nous allons maintenant analyser.

122 TPIY, Krstic, §70.

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