• Aucun résultat trouvé

La mise en œuvre de la démarche de prévention de la pénibilité a été l’occasion de se consacrer à deux problématiques communes à de nombreux établissements de l’Entreprise A : le travail en rythmes successifs alternants (travail posté), et le travail en hauteur.

Le travail en rythmes successifs alternants

Comme nous l’avons indiqué, le travail en rythmes successifs alternants, ou travail posté, fait partie des facteurs légaux de pénibilité. Et les modes de production de l’Entreprise A exposent nombre de ses salariés à ce facteur de risque (voir section 3.4.2, p. 94).

Seulement, si les effets négatifs du travail posté n’ont jamais été remis en question dans l’Entreprise A, la mise en œuvre de mesures de prévention reste complexe. Les exigences de la production ne permettent effectivement pas d’envisager une suppression pure et simple du travail posté. La signature de l’accord sur la prévention de la pénibilité a d’ailleurs été suivie, quelques mois après, par un accord sur la compensation de la pénibilité du travail en rythmes successifs alternants, offrant la possibilité d’un départ en retraite anticipée aux opérateurs postés.

Néanmoins, afin de mieux saisir les conséquences du travail posté et les ressorts possibles pour améliorer la situation des salariés, la CCPP a décidé de faire appel à des chercheurs experts du sommeil et du travail de nuit. Nous avons ainsi pris contact avec plusieurs ergonomes et psychologues spécialisés afin de les inviter à des réunions de la CCPP. Ces rencontres ont débouché sur la mise en œuvre de plusieurs dispositifs :

Ø Le médecin coordinateur, membre de la CCPP, a réalisé un diagnostic des systèmes de « roulette », c’est-à-dire la façon dont les équipes enchaînent les postes de nuit, après-midi et matin. Ce diagnostic a révélé que la majorité des sites respectaient les principales recommandations scientifiques en la matière : sens horaire (d’abord matin, puis après-midi, puis nuit) et des rotations rapides (deux matins, deux, nuits, deux après-midi et quatre jours de repos dans la plupart des usines). Mais le diagnostic a par ailleurs montré que dans plusieurs établissements, le poste du matin commençait entre 3 h et 5 h, ce qui va à l’encontre des recommandations basées sur des critères chrono-biologiques.

Ø Afin de mesurer les conséquences du travail en rythmes successifs alternants avec ces systèmes horaires, un ergonome expert du travail de nuit et du travail posté a réalisé des études sur le sommeil des opérateurs dans trois usines, avec des

L’accompagnement de la mise en œuvre d’un accord sur la prévention de la pénibilité

160

organisations horaires différentes. Les opérateurs volontaires pour participer à l’étude devaient compléter un questionnaire et remplir un « agenda de sommeil » dans lequel ils consignaient leurs périodes de sommeil, leurs consommations de caféine, les siestes, les baisses de vigilances.

Nous avons accompagné deux des trois restitutions. Ces études ont notamment montré que le sommeil des opérateurs était de moins bonne qualité dans l’usine où les opérateurs commençaient le poste du matin le plus tôt (3 h). Ces études ont également permis de sensibiliser les opérateurs et leur encadrement sur les effets du travail posté.

Durant notre intervention dans l’Entreprise A, les études « sommeil » n’ont toutefois pas permis d’aboutir à des transformations majeures dans les systèmes horaires. Cependant, avant notre départ, un responsable RH local avait évoqué sa volonté, partagée par une majorité de ses salariés, de tester un poste de nuit de 9 h (au lieu de 8 h) afin de raccourcir le poste du matin qui est considéré comme le plus « pénible ».

Ø Le médecin coordinateur, l’ergonome expert et une psychologue spécialiste du sommeil ont produit un diaporama électronique – présentation PowerPoint® – dans lequel ils ont condensé les connaissances actuelles sur les effets du travail posté et les principales recommandations pour préserver la santé des opérateurs. Ce diaporama a été diffusé auprès de tous les médecins du travail du groupe, afin qu’ils en fassent une présentation dans chaque établissement auprès du CHSCT, des opérateurs et de l’encadrement.

Le travail en hauteur

Les prédiagnostics réalisés par le Cabinet A et les diagnostics du Cabinet B ont permis de révéler l’existence, dans plusieurs établissements, de nombreuses situations de travail dans lesquelles les opérateurs étaient exposés à un danger de chute de hauteur.

Le travail en hauteur n’entre pas dans la liste des facteurs légaux de pénibilité. Mais, durant nos deux premières années d’intervention, plusieurs accidents de travail dans le Groupe A, dont un mortel, ont mis en exergue les préoccupations que les analyses ergonomiques avaient suscitées. La DDRHCI et la direction HSE centrale ont alors décidé d’approfondir l’analyse de risque dans les situations de travail en hauteur et d’élaborer des démarches de prévention. Pour mettre en œuvre ces actions, ils ont fait appel au Cabinet B, à l’ergonome de l’INRS, à un responsable du service HSE central et à nous-même. Notre action collaborative s’est décomposée comme suit :

- Une analyse documentaire à partir des directives sécurité et des comptes-rendus d’accident de travail, afin d’identifier des déterminants communs aux situations à risque et afin d’analyser les recommandations qui avaient été produites suite aux accidents.

161 - Des études de terrain axées sur des situations de chargement/déchargement de

camion, car la fréquence et la gravité des chutes y étaient notablement élevées. - Plusieurs réunions, pour partager nos analyses des situations observées et les

fondements mêmes de nos méthodes d’analyse.

- La construction d’une grille d’analyse intégrant une approche ergonomique du travail dans l’évaluation et la compréhension des situations à risque.

5.2.6. Développer l’intégration de l’AET dans les