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À la lumière de tous les éléments que nous avons exposés jusqu’ici, nous formulons cinq hypothèses de recherche :

1. La multiplicité des missions et des prescriptions, le positionnement de marginal sécant et la complexité des questions de santé et sécurité au travail pourraient accentuer le phénomène de balkanisation du travail des professionnels des ressources humaines. Cette balkanisation et la difficulté des professionnels RH à peser dans les processus de décision seraient source d’empêchement dans leurs activités fonctionnelles et métafonctionnelles, individuelles et collectives, relatives aux enjeux de SST.

2. Face à ces empêchements, les professionnels RH développeraient leurs propres marges de manœuvre en consolidant leurs connaissances sur les situations de travail des acteurs qu’ils encadrent.

3. Ils feraient également face à ces empêchements en agissant sur les marges de manœuvre des activités fonctionnelles et métafonctionnelles, individuelles et collectives, des acteurs qu’ils encadrent.

149 4. Les empêchements que vivraient les professionnels RH dans leur gestion des enjeux de SST seraient notamment imputables à un manque d’espaces de débat structuré sur leur propre travail. Les professionnels RH ne pourraient que trop rarement partager et développer leurs propres pratiques, mettre en débat leur système de règles, leur système technique et les critères de qualité de leur propre travail. Autrement dit, les espaces de débats structurés sur le travail ne permettraient pas suffisamment aux professionnels RH de s’engager dans des activités métafonctionnelles collectives ou dans des activités collectives de régulation avec leurs pairs et leur propre encadrement.

5. Les ergonomes pourraient favoriser le développement des marges de manœuvre situationnelles des activités fonctionnelles et métafonctionnelles des professionnels RH, en accompagnant la transformation des espaces structurés de débat sur le travail, en accompagnant le développement d’outils intermédiaires, et en favorisant la remontée d’informations sur l’activité fonctionnelle et métafonctionnelle des professionnels RH.

Dans le chapitre suivant, nous allons voir quelles sont les implications méthodologiques de la validation de ces hypothèses.

Chapitre 5

Analyser et accompagner le travail

des professionnels RH :

méthodologies d’intervention et de recherche

Nous l’avons indiqué dans l’introduction générale, cette thèse est le fruit d’une recherche-intervention, réalisée dans un groupe de l’industrie chimique. Dans le cadre de cette recherche-intervention, nous avons accompagné la direction du développement des ressources humaines et de la communication interne (DDRHCI) du groupe dans la mise en œuvre de diverses démarches de prévention en matière de santé et sécurité au travail (SST), et en particulier dans le déploiement d’un accord sur la prévention de la pénibilité.

L’objet de notre présente recherche, centré sur l’activité des professionnels RH face aux questions de SST et les contributions de l’intervention ergonomique, ne se confond pas totalement avec l’objet de notre intervention dans l’entreprise. En effet, la demande de la direction du développement RH concernait en premier lieu l’accompagnement de la mise en œuvre de démarches de prévention et non l’analyse du travail des acteurs RH. La direction RH portait néanmoins un intérêt pour notre travail de recherche, elle nous a offert les moyens matériels et temporels nécessaires à sa réalisation, et elle nous a permis d’accéder à de nombreuses données utiles à notre analyse du travail des professionnels RH.

Pour notre travail d’analyse, nous nous sommes appuyé sur des données recueillies dans le cadre de notre accompagnement ainsi que sur des données obtenues grâce à des méthodologies mises en œuvre indépendamment de cette mission d’accompagnement. Les méthodologies d’intervention et d’accompagnement ne se confondent donc pas non plus, et il nous est nécessaire de les expliciter.

Par ailleurs, les spécificités de l’analyse du travail des professionnels RH et notre positionnement d’intervenant-chercheur nous invitent à préciser les critères de scientificité de notre méthodologie et les fondements épistémologiques de notre recherche.

Dans le premier point de ce chapitre, nous préciserons notre positionnement dans l’entreprise et celui des trois acteurs RH centraux qui ont participé au pilotage de la démarche de prévention de la pénibilité. Dans le deuxième point, nous présenterons le déroulement global de notre intervention dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord sur la prévention de la pénibilité, en précisant les missions que nous avons réalisées. Dans le troisième point, nous évoquerons les autres missions que nous avons réalisées en marge du déploiement de l’accord.

Dans le quatrième point, nous expliciterons les fondements épistémologiques de notre recherche et nous discuterons des enjeux scientifiques et méthodologiques de notre

151 position d’intervenant-chercheur et de notre objet de recherche. Dans le cinquième point, nous déclinerons la méthodologie que nous avons mise en œuvre.

Notre positionnement dans l’entreprise

5.1.

Si notre travail de recherche était connu de la plupart des acteurs RH, notre positionnement dans l’Entreprise A était avant tout un positionnement d’ergonome interne, chargé de mission « prévention de la pénibilité ».

Dans l’Entreprise A, nous étions rattaché à la responsable de la formation corporate et du développement social, que nous désignerons par le sigle RFDS ou le prénom Julie1. En plus du pilotage des démarches relatives à la prévention de la pénibilité,

Julie conduisait la mise en œuvre des démarches relatives à l’accord sur la prévention du stress. Durant notre intervention, son poste a évolué, abandonnant la partie formation pour intégrer des responsabilités en matière de recrutement et en matière d’intégration et de maintien des travailleurs en situation de handicap.

Notre équipe faisait partie de la direction du développement des ressources humaines et de la communication interne (DDRHCI), dirigée par celle que nous appellerons Directrice du développement des ressources humaines (DDRH) ou Sophie. Cette dernière a joué un rôle de catalyseur de l’intégration de l’analyse ergonomique dans les processus de prévention et de conception dans l’Entreprise A et c’est elle qui a véritablement initié notre recrutement, après avoir rencontré notre encadrant de thèse.

Par ailleurs, durant un an, nous avons été accompagné par un chargé de mission RH, que nous appellerons Rémi, dans la mise en œuvre des démarches que nous allons présenter dans le point suivant.

L’accompagnement de la mise en œuvre d’un

5.2.

accord sur la prévention de la pénibilité

À quelques semaines près, les bornes temporelles de notre intervention dans l’Entreprise A coïncident avec la signature du premier accord sur « la prévention de la pénibilité », en janvier 2012, et la signature du deuxième accord, en avril 2016 – sur la prévention de la pénibilité et « l’intégration de l’ergonomie dans l’entreprise »2.

Le premier accord a été un point de départ et un des fils conducteurs de notre intervention. Pour bien saisir ce qu’ont été nos contributions dans l’Entreprise A,

1 Pour aider le lecteur à se repérer lorsque nous utilisons des prénoms d’emprunt, nous avons choisi des

prénoms se terminant en « i/ie » pour les acteurs centraux et en « a/as » pour les acteurs locaux.

2 Pour paraphraser les paroles de Michel Berger, ce complément dans le titre du deuxième accord est

L’accompagnement de la mise en œuvre d’un accord sur la prévention de la pénibilité

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nous allons préciser les principaux engagements de l’accord et les actions que nous avons réalisées pour y répondre.