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Comme nous l’avons dit supra (voir section 4.1.5, p. 109) le concept de « marges de manœuvre situationnelles » tel que Coutarel et al. (2015) l’ont défini nous apparaît comme le plus opérant pour aborder la question des marges de manœuvre, car il incite à transformer des déterminants internes et externes en cherchant à se projeter dans le résultat de leur combinaison singulière.

Par ailleurs, la précision qu’apporte la notion de « marges de manœuvre situationnelles » nous semble essentielle pour le travail d’encadrement, et par conséquent pour l’analyse du travail des professionnels RH. En effet, beaucoup d’encadrants – surtout lorsqu’ils sont aussi « cadres » – peuvent bénéficier d’une large autonomie d’après le prescrit de leur travail, mais avoir finalement des marges

135 de manœuvre situationnelles réduites, du fait des nombreuses autres contraintes qui pèsent sur eux (Cousin, 2004, 2008).

Cependant, il nous semble nécessaire, d’une part, de clarifier comment ces marges de manœuvre situationnelles peuvent s’insérer dans un modèle d’analyse qui comprend deux niveaux d’activité – fonctionnelle et métafonctionnelle. D’autre part, il nous paraît nécessaire de préciser la distinction entre « marges de manœuvre » et « pouvoir d’agir » qui, comme le soulignent Arnoud (2013) et Coutarel et al. (2015), sont souvent utilisés de façon interchangeable par les ergonomes. Nous proposons d’apporter ici des éclairages sur ces deux zones d’ombre de façon concomitante. Pour aborder la notion de « pouvoir d’agir » et son articulation avec les « marges de manœuvre », nous allons nous recentrer autour de quatre utilisations de la notion de « pouvoir d’agir », proposées par Clot (2000, 2008), Coutarel et al. (2015), Daniellou (1998b, 1998c) et Rabardel (2005).

Clot et Rabardel ont emprunté la notion de « pouvoir d’agir » à Ricœur (1990, p. 223), qui associe la diminution du pouvoir d’agir à la souffrance : « la souffrance n’est pas uniquement définie par la douleur physique, ni même par la douleur mentale, mais par la diminution voire la destruction de la capacité d’agir, du pouvoir- faire, ressenties comme atteinte à l’intégrité du soi ».

Rabardel aborde le concept de « pouvoir d’agir » en le distinguant de celui de « capacité d’agir ». Pour lui la capacité d’agir est « une potentialité dont dispose le sujet », qui peut se définir « par les résultats qu’elle est capable de faire advenir » et « par ce dont elle est constituée : les instruments, les compétences, les capacités fonctionnelles du corps propre, etc. » (Rabardel, 2005, p. 19). Les capacités d’agir de Rabardel sont donc assez proches du concept de marges de manœuvre potentielles proposé par Caroly (2001). Le pouvoir d’agir est quant à lui défini par Rabardel (op. cit.) comme dépendant :

des conditions externes et internes au sujet, qui sont réunies à un moment particulier, comme l’état fonctionnel du sujet, artéfacts et ressources disponibles, occasions d’intervention, etc. Il est toujours situé dans un rapport singulier au monde réel, rapport qui actualise et réalise la capacité d’agir en en transformant les potentialités en pouvoir.

Cette définition du pouvoir d’agir proposé par Rabardel est donc très proche des

marges de manœuvre situationnelles proposées par Coutarel et al. (2015), comme ces

derniers le soulignent d’ailleurs.

Clot pour sa part considère que le pouvoir d’agir « mesure le rayon d’action effectif du sujet ou des sujets dans leur milieu professionnel habituel » (2010, p. 18). Notons déjà ici que dans la définition de Clot, le pouvoir d’agir dépasse le cadre de la

situation de travail pour atteindre celui du milieu professionnel. Clot (2010, p. 19)

précise que « le pouvoir d’agir est hétérogène », c’est-à-dire « qu’il augmente ou diminue en fonction de l’alternance fonctionnelle entre le sens et l’efficience de l’action où se joue le dynamisme de l’activité, son efficacité », où « l’efficacité n’est pas seulement l’atteinte des buts poursuivis », mais « tout autant la découverte de

Articulation des modèles ergonomiques présentés

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buts nouveaux ». Clot relie fortement le pouvoir d’agir à la possibilité de vivre d’autres situations de travail, ou de vivre les mêmes situations autrement, en créant de nouveaux buts, de nouveaux instruments, mais également en donnant un nouveau sens aux expériences vécues (Clot, 2008). En effet, pour lui, « ce qui est formateur pour les travailleurs, c’est-à-dire ce qui accroît leur rayon d’action et leur pouvoir d’agir, c’est de rencontrer la possibilité de changer de statut de leur vécu : d’objet d’analyse, le vécu doit devenir moyen pour vivre d’autres vies » et « c’est seulement quand l’expérience sert à faire d’autres expériences qu’on conserve la main sur son histoire » (Clot, 2001, pp. 14‑15).

Le « pouvoir d’agir » tel qu’il est défini par Clot couvre donc un champ plus étendu que le « pouvoir d’agir » de Rabardel. En reprenant le vocabulaire de Coutarel et al. (2015), nous pouvons résumer la comparaison en disant que le « pouvoir d’agir », chez Rabardel (2005) se limite aux « marges de manœuvre situationnelles », alors que chez Clot (2001, 2008, 2010) il s’étend à leur développement.

D’ailleurs, en s’inspirant des propositions de Rabardel et de Clot, Coutarel et al. (2015, pp. 18‑20) ont proposé une définition du « pouvoir d’agir » en articulation avec la notion de « marges de manœuvre ». En effet pour eux le pouvoir d’agir « caractérise de manière générale la relation de l’opérateur à son milieu de travail, au-delà des situations singulières et selon une perspective diachronique traversée des histoires collectives » (ibid., p. 18). Et par conséquent :

Développer le pouvoir d’agir correspond donc à influencer les processus qui configurent durablement les situations de travail et les marges de manœuvre qui y sont associées. Il s’agit de développer durablement les possibilités (collectives, institutionnelles, temporelles…) de débats de normes, d’explicitation des valeurs qui les sous-tendent et d’arbitrages par ceux que ces débats traversent et affectent.

La marge de manœuvre situationnelle s’intègre donc dans un rapport actif au milieu, sur le long terme, construit dans et par les processus de configuration des situations de travail, que nous appellerons le pouvoir d’agir. En ce sens, le développement réitéré de marge de manœuvre situationnelle contribue au développement du pouvoir d’agir. (id.)

En adaptant le schéma présenté par Coutarel et Petit (2013, p. 181), Coutarel et al. (2015, p. 20) ont proposé de représenter schématiquement les articulations entre caractéristiques du travailleur, caractéristiques de son milieu, marges de manœuvre situationnelles et pouvoir d’agir (figure 15 ci-dessous).

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Figure 15 – Marge de manœuvre situationnelle et pouvoir d'agir (d’après Coutarel et al., 2015 ; adapté de Coutarel et Petit, 2013)

Nous ne pouvons nous empêcher de faire un parallèle entre le modèle proposé par Coutarel et al. (2015) et le modèle de Falzon (2013b)1. En effet, dans le modèle de

Falzon de l’activité métafonctionnelle résulte un développement des ressources de

l’opérateur, autrement dit, une transformation des caractéristiques de l’opérateur et de son milieu.

En continuant le parallèle, nous pouvons par ailleurs dire que le développement des marges de manœuvre situationnelles de l’opérateur dépend finalement de la possibilité de réaliser cette activité métafonctionnelle. Comme nous l’avons noté supra (figure 12 p. 130), la possibilité de réaliser une activité métafonctionnelle est en partie déterminée par l’activité fonctionnelle, par exemple à travers l’apparition de phases de « moindre charge » (Falzon, 2015 [1996]). Formulé autrement, les marges de manœuvre de l’activité métafonctionnelle sont en partie déterminées par l’activité fonctionnelle. Sans oublier que l’activité métafonctionnelle, en particulier à travers l’activité collective de réélaboration des règles et de reconception, peut consister en une transformation de ses propres déterminants, nous pouvons schématiser l’articulation entre marges de manœuvre de l’activité fonctionnelle et de l’activité métafonctionnelle comme suit :

1 Voir section figure 9 p. 123.

Articulation des modèles ergonomiques présentés

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Figure 16 – Dynamique entre déterminants des activités fonctionnelles et métafonctionnelles

Si l’on devait positionner ce modèle par rapport à la définition du « pouvoir d’agir » de Coutarel et al. (2015) ou à celle de Clot (2001, 2008, 2010), nous pourrions considérer que le développement du pouvoir d’agir est relié à la possibilité de développer à la fois les marges de manœuvre situationnelles de l’activité fonctionnelle et celles de l’activité métafonctionnelle.

Pouvoir d’agir, pouvoir penser, pouvoir débattre

Daniellou (1998b, 1998c) propose une autre approche de la notion de « pouvoir d’agir ». Il relie de façon interdépendante le « pouvoir d’agir » avec le « pouvoir débattre » et le « pouvoir penser ». Daniellou insiste ainsi sur l’idée que

139 pour agir sur les situations de travail, il est nécessaire de pouvoir « penser les situations de travail, dans leur complexité et dans leur singularité », de « pouvoir penser sa propre activité et celle de ses collègues », de pouvoir débattre en reconnaissant « la diversité des logiques nécessaires à la survie de l’entreprise » en permettant des remontées d’informations « issues de l’analyse de la réalité quotidienne » du travail (1998b, pp. 7‑8). Daniellou, insiste également sur l’idée que pour pouvoir mener des actions de changement il faut être capable de concevoir « un autre état des choses » (Sartre, 1943, p. 479) :

Tant qu’il est difficile d’imaginer la possibilité d’un changement dans les faits, il y a beaucoup de chances que l’un ou l’autre type de défenses se déploie, pour rendre la situation tenable – défenses qui, rappelons-le, affectent les mécanismes de pensée et notamment d’attribution causale. (Daniellou, 1998c, p. 37)

Autrement dit, avant de pouvoir penser à la transformation de la situation, il faut d’abord pouvoir concevoir qu’elle puisse être différente. Il y a donc une interdépendance forte entre le « pouvoir penser » et le « pouvoir d’agir ».

Daniellou (ibid.) formalise cette interrelation entre les trois types de pouvoirs (d’agir, penser et débattre) autour d’un triangle (figure 17), en prenant soin de préciser que le triangle n’a pas de premier sommet.

Figure 17 – Dynamique du pouvoir penser, pouvoir agir et pouvoir débattre (d’après Daniellou, 1998b, p. 7)

Nous retrouvons dans ce triangle une dynamique comparable à celle que nous avons dans la figure 16, dans la mesure où il y a une interdépendance plus ou moins directe entre chaque élément. La différence est que dans le modèle représenté par la figure 16 le pouvoir penser et le pouvoir débattre sont “contenus” dans les déterminants de l’activité métafonctionnelle, alors que le pouvoir agir se situe dans les marges de manœuvre.

Rocha (2014 , voir en particulier pp. 175-176) a notamment repris cette approche du pouvoir d’agir, en prenant le développement du pouvoir débattre comme point de départ du développement du pouvoir d’agir et du pouvoir penser.

Proposition d’un nouveau modèle

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Le rôle des encadrants dans le développement du pouvoir d’agir

Pour que notre propos reste intelligible, nous avons abordé la question des marges de manœuvre et du pouvoir d’agir en mettant quelque peu de côté le rôle des encadrants et du collectif. Pourtant, comme Coutarel et al. le rappellent, pour développer le pouvoir d’agir il faut influencer « les processus qui définissent la configuration des différentes situations de travail » (2015, p. 19, texte mis en italique par les auteurs). Parmi ces processus, il y a les processus « de décision, de conception, de participation, de management, d’arbitrage, de recrutement et de formation » (id.). Pour développer le pouvoir d’agir des opérateurs, les marges de manœuvre de leurs activités fonctionnelles et métafonctionnelles, il est nécessaire de comprendre et de transformer l’activité de ceux qui conçoivent et organisent leur travail. Et comme Caroly (2010, p. 110) le souligne, la possibilité pour l’encadrement de mettre en œuvre de façon collective des régulations, c’est-à-dire la possibilité de donner des marges de manœuvre à l’activité métafonctionnelle collective des opérateurs, est déterminée par les marges de manœuvre des encadrants eux-mêmes. Il est donc nécessaire de réinsérer l’activité des encadrants dans notre modèle d’analyse. Dans le point suivant, nous allons proposer un modèle d’analyse qui fait justement la jonction entre les modèles que nous avons développés autour des questions du travail d’encadrement, de l’activité collective, des activités fonctionnelles et métafonctionnelles, et des marges de manœuvre.

Proposition d’un nouveau modèle

4.4.

À notre sens, il y a un enjeu à proposer un modèle qui met davantage en lumière les liens possibles entre les divers modèles et notions que nous avons évoqués jusque-là : activité métafonctionnelle, activité collective de réélaboration des règles, activité de conception, marges de manœuvre, travail d’encadrement, etc.

Finalement, ce que nous voulons proposer ici est un modèle d’analyse du travail qui innove moins par l’apport de nouvelles notions que par les liens qu’il trace entre plusieurs modèles utilisés en ergonomie.

Le modèle que nous proposons repose sur dix idées structurantes :

1. La première idée est que, comme Falzon (1994, 2013b) le propose, l’activité

fonctionnelle – à dominante productive – de l’opérateur alimente son activité

métafonctionnelle – à dominante réflexive –, dans laquelle il va individuellement et

141 Pour réaliser cette activité métafonctionnelle, l’opérateur dispose de marges de manœuvre qui sont également situationnelles, dans la mesure où elles sont le résultat de la « rencontre circonstanciée des différents déterminants » (Coutarel et Petit, 2013). Dans la définition des marges de manœuvre de l’activité métafonctionnelle, interviennent trois principales catégories de déterminants. Il y a, d’une part, ceux qui sont liés aux caractéristiques de l’opérateur (état interne, capacité individuelle à prendre du recul, capacité à analyser une situation, connaissances, expériences, besoin de donner du sens, rôle et positionnement dans le collectif et l’entreprise, etc.). Il y a, d’autre part, les déterminants liés au cadre de l’activité métafonctionnelle individuelle et collective (octroi de temps, management, espaces de débats sur le travail, collectif de travail, etc.). Enfin, il y a les déterminants qui résultent de l’activité fonctionnelle. Nous soutenons en effet l’idée entrevue chez Falzon (Falzon, 2015 [1996]) que l’activité fonctionnelle de l’opérateur est un des déterminants qui interviennent dans la définition des marges de manœuvre situationnelles de l’activité métafonctionnelle (temps de faible charge, débordement, etc.). Autrement dit, l’activité fonctionnelle alimente et conditionne l’activité métafonctionnelle (voir figure 12, p. 130).

2. Comme le souligne Falzon (1994, 2013b), l’activité métafonctionnelle – individuelle – permet de développer les ressources internes et externes de l’opérateur. Les ressources internes peuvent se situer dans de nouvelles connaissances, une nouvelle compréhension des situations rencontrées, un autre sens du vécu (Clot, 2001). Les ressources externes peuvent prendre la forme de nouveaux outils matériels et cognitifs, ou de nouvelles règles autonomes (voir figure 9, p. 126).

3. Comme le proposent Falzon et al. (1997), l’activité métafonctionnelle peut aussi être collective. Cette activité permet de créer de nouvelles ressources internes et externes pour l’opérateur. Le développement des ressources internes dans l’activité métafonctionnelle collective (AMC) peut prendre la forme de partages d’expérience, de partages de connaissances, de partages des logiques d’action, de partages de savoir-faire, ou de partages du sens donné aux situations rencontrées. Le développement des ressources externes peut se situer dans le partage d’outils ou le renforcement du soutien social (voir figure 13 p. 133).

Notons par ailleurs que la frontière entre activité métafonctionnelle individuelle et activité métafonctionnelle collective est souvent ténue. Les réflexions individuelles viennent alimenter le débat, la discussion. L’échange de points de vue et d’expériences vient alimenter la réflexion individuelle. Nous rejoignons finalement ici les propos de Daniellou (1998b) qui tire un trait d’union entre le « pouvoir penser » et le « pouvoir débattre ». Notons également que l’activité collective peut aussi avoir des effets directs sur l’opérateur. Le fait même de s’exprimer, d’agir sur le développement de ses ressources, de partager et voir reconnus son savoir-faire et ses logiques d’action, peut avoir un effet direct sur son état psychique.

Proposition d’un nouveau modèle

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4. Dans certaines conditions (voir 4.2.5 et 4.3.2), l’activité métafonctionnelle collective peut prendre la forme d’une activité collective de régulation du système

organisationnel et technique, que nous abrégerons en « ACR ». À cette ACR,

peut éventuellement participer l’encadrement, le plus souvent dans le cadre de son activité fonctionnelle, à la fois en donnant un cadre structurel à cette activité, en partageant ses logiques de conception et d’organisation, et en négociant les transformations de l’organisation et du système de travail ainsi que les cadres mêmes de l’ACR et de l’activité métafonctionnelle. De cette ACR, peut résulter une modification des ressources internes de l’opérateur, qui passent par de nouvelles formations, de nouveaux modes de management, ou de nouveaux accompagnements, qui devront éventuellement être négociés avec l’encadrement. Il peut également en résulter une modification des ressources externes, comme de nouveaux effectifs, de nouveaux outils, de nouvelles installations, une nouvelle répartition des tâches, de nouvelles règles de métier, de nouvelles règles de structure, et un nouveau cadre pour l’activité métafonctionnelle et l’ACR – qui devront eux aussi être éventuellement négociés avec l’encadrement (voir figure 14, p. 134).

5. L’encadrant est défini comme un travailleur. Par conséquent, même si son travail possède certaines spécificités, ce qui est valable en termes de modélisation du travail des opérateurs est valable pour la modélisation du travail des encadrants : - Les caractéristiques internes de l’encadrant (formation, expérience, état de

santé, etc.) et les caractéristiques de sa tâche (mission, environnement, organisation, système technique, etc.) sont des déterminants de son activité réelle – fonctionnelle – de travail (réalisée et empêchée).

- La « rencontre circonstanciée » (Coutarel et Petit, 2013) de ces déterminants définit les marges de manœuvre situationnelles de son activité fonctionnelle. - De son activité réelle, vont résulter des effets sur son système de travail

(production de règles pour l’organisation, choix de recrutement, etc.) et des effets à court, moyen et long terme sur l’encadrant lui-même (effets sur la santé psychique et physique, fatigue, etc.) ; les résultats productifs de son travail ont aussi un effet sur lui (e.g. satisfaction du travail bien fait).

- Dans son activité fonctionnelle, l’encadrant opère des régulations chaudes, en réévaluant la situation par rapport à son état interne, par rapport à l’effet de son travail et par rapport à l’évolution des déterminants externes.

- L’encadrant réalise lui-même des activités métafonctionnelles, individuelles et collectives, qui lui permettent de développer ses ressources internes et externes. Les marges de manœuvre de son activité métafonctionnelle sont déterminées à la fois par ses caractéristiques internes, par le cadre donné et négocié pour son activité métafonctionnelle, et par les possibilités et les opportunités qu’offre son activité fonctionnelle (débordement, temps de moindre charge, délégation). C’est une chose importante à souligner, car si l’organisation offre souvent plus d’autonomie aux encadrants qu’aux

143 opérateurs, de par leurs contraintes, les encadrants peuvent avoir finalement peu de marges de manœuvre situationnelles.

- Les ressources développées dans le cadre de l’activité métafonctionnelle vont des nouveaux outils individuels (e.g. outil de gestion), aux nouvelles règles de structure, en passant par de nouvelles connaissances ou un partage des logiques d’action.

- L’encadrant est lui-même encadré et peut faire partie de collectifs de travail. Dans certaines conditions, l’activité métafonctionnelle collective (AMC) peut prendre la forme d’une ACR dans laquelle peuvent être transformés les règles de métiers, les règles de structure, les modes de management ainsi que le cadre de l’ACR et des activités métafonctionnelles (espaces de débat, octroi de temps, etc.) (voir figure 18 ci-dessous et figure 19, p. 145).

Figure 18 – Dynamiques entre activités fonctionnelles et métafonctionnelles de l'encadrant et de l'encadrant de l'encadrant

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6. L’encadrant, de par sa fonction, peut avoir une influence sur les déterminants de l’activité fonctionnelle et de l’activité métafonctionnelle, individuelle et collective, de l’opérateur (voir figure 14, p. 134) :

- L’encadrant peut avoir un impact direct sur les caractéristiques de la tâche de l’opérateur, par exemple en définissant les objectifs, les méthodes, la répartition des tâches, les outils, etc.

- Il peut avoir un impact direct sur les caractéristiques de l’opérateur, en premier lieu lors du recrutement, mais également au travers des choix de formation et des méthodes managériales.

- Il peut avoir un impact sur l’ingénierie des espaces de discussion et de réflexion, notamment au travers du choix des participants aux réunions, de la création d’espaces et temps de réunion, des modes d’animation des débats, et des outils (objets médiateurs et intermédiaires) nécessaires à l’activité métafonctionnelle des opérateurs.

Nous insistons sur le fait que l’encadrant puisse avoir une influence, car cette possibilité est dépendante de ses propres marges de manœuvre situationnelles. Ce qui nous invite par ailleurs à souligner que ce qui vient d’être dit à propos de l’encadrant et valable pour l’encadrant de l’encadrant.

7. L’activité fonctionnelle de l’opérateur et ses activités collectives de régulation ont un impact sur l’activité fonctionnelle de l’encadrant et sur l’encadrant lui-même.