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L’approche hygiéniste

Historiquement, dans la continuité des travaux précurseurs de Bernardino Ramazzini (1633-1714) et de Louis-René Villermé1 (1782-1863), qui ont permis

d’établir des liens entre troubles de la santé et conditions de travail (Laville, 2004, pp. 38‑40), la prévention a longtemps suivi un modèle hygiéniste.

Pour Daniellou (2010, pp. 11‑12), le modèle hygiéniste est caractérisé par une relation directe entre le danger et le risque, et par le fait que, pour éviter que se matérialise le risque, on choisit de poser un certain nombre d’écrans entre les travailleurs et le danger. Pour Poley (2015, p. 208), l’approche hygiéniste se traduit par une mise en relation directe entre un « déterminant » et un « effet ».

On retrouve une conception similaire de la prévention dans ce que Mohammed- Brahim et Garrigou (2009, pp. 52‑53) appellent le « modèle par écran » :

La notion d’écrans, que l’on peut rapprocher de celle de barrières développée par Reason (2016 [1997]) et Hollnagel (2006), fait référence au paradigme même du modèle dont l’objet est d’apposer donc ces écrans ou barrières aux facteurs de dangers identifiés (agent chimique dangereux, tâche exposante, état de santé péjoratif).

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Figure 4 – L'approche hygiéniste ou "par écran" (à partir de Daniellou, 2010, p. 12)

Daniellou (op. cit., p. 11), souligne que le modèle hygiéniste est un modèle souvent rencontré dans l’industrie. Mais ce modèle est critiqué par les ergonomes de l’activité. On constate en effet que, à travers les définitions que nous venons d’évoquer, l’approche hygiéniste met de côté les « déterminants techniques, organisationnels et humains » du danger (Mohammed-Brahim et Garrigou, 2009, p. 52). Il met de côté l’activité des travailleurs, il oublie qu’ils ont d’autres choses à gérer (2010, p. 13). Ajoutons que dans ce modèle, le travail peut difficilement être conçu autrement que dans une approche pathogénique, où le travailleur ne peut être que victime face au risque.

Malgré les critiques, cette approche est encore très présente. Comme le soulignent Mohammed-Brahim et Garrigou (op. cit.), elle est notamment caractéristique de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, qui a été transposée dans le droit français (voir annexe 1).

L’approche comportementale

Un autre modèle de la prévention qui est souvent rencontré dans les entreprises est l’approche comportementale. Dans ce modèle, l’opérateur, grâce à son comportement, est censé devenir davantage acteur de sa propre sécurité. Mais comme le souligne Daniellou, Simard et Boissières (2010, pp. 25‑26), lorsqu’elles parlent de « comportement », les entreprises « s’attachent principalement aux comportements de conformité aux règles prescrites : le port des EPI1, le respect des procédures, le

rangement du poste de travail ». Si ces comportements de « conformité » peuvent effectivement contribuer à la sécurité, cette approche masque souvent l’apport de certaines « initiatives » des travailleurs, qui sont face à des situations non prévues par le prescrit, qui sont face à un prescrit inadapté source d’injonctions contradictoires, ou qui préfèrent se fier à leur expérience sensorielle plutôt qu’à certains capteurs et indicateurs.

77 De plus, comme le notent Daniellou et al. (ibid., p. 27) :

Le comportement observé à un moment donné n’est que le résultat de la construction complexe de l’activité. On ne peut pas changer le comportement sans agir sur ce qui explique que l’activité soit organisée d’une certaine façon. Si le comportement observé n’est pas souhaitable du point de vue de la sécurité, il faut donc :

- comprendre ce qui conditionne l’organisation de l’activité ; - transformer certains des éléments qui l’influencent.

Sans cet effort de compréhension de l’activité, l’approche comportementale de la sécurité peut devenir contreproductive en termes de prévention. Elle peut en effet conduire à une forme de « silence organisationnel » (Morrison et Milliken, 2000), phénomène symptomatique d’une organisation dans laquelle le travailleur préfère se taire, plutôt que dire qu’il n’a pas pu respecter les consignes et expliquer pourquoi, par peur de la réprimande, peur de la sanction ou parce qu’il ne sera pas écouté. Le risque pour l’organisation est que se perdent des informations précieuses pour assurer la sécurité des travailleurs et du système, laissant l’encadrement prendre seul les décisions à partir d’information qui sont trop peu représentatives des réalités du terrain (Rocha, 2014, pp. 58‑60).

Finalement, si dans l’approche hygiéniste le travailleur ne peut être que victime face au risque, dans une approche comportementale qui ne chercherait à obtenir que des comportements de conformité, le travailleur ne peut être que coupable lorsqu’il est exposé à un danger.

Cependant, dans la sphère ergonomique, sociologique et gestionnaire, des modèles alternatifs aux approches hygiénistes et comportementales se sont diffusés. Elles se recentrent davantage sur l’activité des travailleurs, leurs contraintes, leur organisation. Nous présenterons ici les deux modèles qui nous semblent les plus emblématiques.

L’approche ergotoxicologique

Le premier modèle est celui de l’approche ergotoxicologique. D’après Mohammed-Brahim et Garrigou (2009, p. 50), on doit sa paternité à Devolvé (1984) et Villatte (1985). Il est une réponse aux sources d’insatisfaction du modèle dominant de prévention des risques chimiques. Cette insatisfaction réside d’une part dans le constat que les normes « intrinsèques » d’exposition sont définies selon des critères dont la scientificité est contestable, qu’elles peuvent faire l’objet de pressions sociales et économiques, et que ce qui détermine l’acceptabilité du risque n’est pas explicité (Mohammed-Brahim et Garrigou, 2009, pp. 53‑54). Cette insatisfaction se situe d’autre part dans les limites « extrinsèques » du modèle dominant qui postule que, dans les situations d’exposition, il n’y a qu’un seul toxique dans l’environnement, qu’il ne pénètre que par les voies respiratoires, que les conditions environnementales de travail (températures, pressions) et le temps de travail ont des valeurs stables, et que « la personne exposée est un homme biologique moyen sain, indemne de toute

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“hypersensibilité” » (ibid., p. 54). Ce qui n’est évidemment représentatif d’aucune situation réelle de travail. Par ailleurs, ces normes ne tiennent pas compte de l’activité de l’opérateur et de l’évolution dynamique des conditions physiques (température, mais aussi, humidité, bruit et lumière) qui peuvent affecter la dangerosité des toxiques présents. Ainsi il n’est pas tenu compte du fait qu’une température élevée rend les produits plus volatils et que certains produits peuvent abaisser les seuils sonores à risque pour l’audition. De la même façon, il n’est pas tenu compte du fait que l’opérateur va être davantage exposé aux produits toxiques parce qu’il produit un effort physique ou travaille dans une posture contraignante, va suer et voir ses rythmes respiratoires et cardiaques s’accélérer (ibid., 54-56)1.

En réponse, l’approche ergotoxicologique invite donc à ne plus évaluer le risque toxique ni à mettre en œuvre des moyens de protection en se basant uniquement sur des normes définies à partir de tests de laboratoires, mais à évaluer et prévenir le risque en s’intéressant de plus près au travail des opérateurs. Ceci dans leurs différentes activités, en tenant compte de leurs enjeux, de leurs contraintes, de leurs représentations du risque, de leurs savoir-faire de prudence, de l’efficacité réelle de leurs équipements de protection individuels et collectifs, et des spécificités de chaque situation de travail.

L’approche constructive

La deuxième approche est celle que nous qualifierons de « constructive ». Nous l’inscrivons dans la lignée des travaux sur les facteurs humains et organisationnels de la sécurité industrielle (notamment Amalberti, 2004 ; Daniellou, 2012 ; Daniellou et al., 2010 ; G. Morel, Amalberti et Chauvin, 2009 ; G. Morel et Chauvin, 2006), sur la production des règles (Reynaud, 1989 ; Terssac (de), 2003b), sur la « sécurité en action » (Terssac (de), Boissières et Gaillard (dir.), 2009), sur les espaces de discussion (Detchessahar, 2011, 2013 ; Rocha, Mollo et Daniellou, 2014) et sur les organisations de haute fiabilité (Vogus, Rothman, Sutcliffe et Weick, 2014 ; Weick, Sutcliffe et Obstfeld, 2008 [1999]). Par ailleurs, comme l’a montré Judon (2017), l’approche constructive de la sécurité peut être articulée avec une approche ergotoxicologique.

Dans l’approche « constructive », la sécurité est conditionnée par la possibilité d’articuler la sécurité « réglée » et la sécurité « gérée » (Nascimento, Cuvelier, Mollo, Dicioccio et Falzon, 2013).

1 Des recherches sur l’exposition des travailleurs viticoles aux produits phytosanitaires ont par exemple

montré que le degré d’exposition n’était pas lié à la superficie des exploitations, ni à la durée de l’exposition – voire était inversement proportionnelle à la taille de l’exploitation –, mais était davantage corrélé avec certaines activités notamment durant le nettoyage des équipements – l’eau pouvant augmenter la perméabilité des EPI (Baldi et al., 2006). Elles ont aussi montré que les processus de certification des EPI comportaient de nombreuses limites qui ne permettaient pas de garantir une perméabilité suffisante des équipements face à certains toxiques (Garrigou, Baldi et Dubuc, 2008).

79 Pour Daniellou et al. (2010, p. 4), la sécurité réglée consiste à :

éviter toutes les défaillances prévisibles par des formalismes, règles, automatismes, mesures et équipements de protection, formations aux “comportements sûrs”, et par un management assurant le respect des règles.

Alors que la sécurité gérée est définie (id.) comme la :

capacité d’anticiper, de percevoir et de répondre aux défaillances imprévues par l’organisation. Elle repose sur l’expertise humaine, la qualité des initiatives, le fonctionnement des collectifs et des organisations, et sur un management attentif à la réalité des situations et favorisant les articulations entre différents types de connaissances utiles à la sécurité.

Cette approche se fonde sur une vision de l’opérateur comme un « agent de fiabilité » et non uniquement comme un agent « d’infiabilité » (Daniellou et al., 2010, pp. 11‑12). L’erreur et la transgression des règles sont davantage lues comme des sources de réflexions sur la définition des règles, la conception de l’organisation et du système de travail, ou sur la formation, que comme des motifs de sanction systématique.

La sécurité construite se fonde également sur des processus de conception « intégrée » des règles, qui implique que les règles sont définies en se basant sur une analyse du travail de ceux qui devront les mettre en œuvre et que les raisons qui amènent à définir ces règles doivent être partagées avec les opérateurs (Nascimento et

al., 2013, pp. 111‑112). L’objectif de ce processus est de définir des règles cohérentes

et qui permettent aux opérateurs de s’adapter aux situations qui ne sont pas prévues, car ils connaissent les causes fondamentales de la règle. Autrement dit, il faut des règles qui permettent de fabriquer le sens des règles par rapport aux situations et le sens des situations par rapport aux règles.

Cette approche se base aussi sur des espaces de discussion et de débat sur le travail et sur les règles (Detchessahar, 2011, 2013 ; Nascimento et al., 2013, pp. 111‑113 ; Rocha, 2014 ; Rocha et al., 2014 ; Rocha, Mollo et Daniellou, 2015). Ces espaces doivent permettre d’évoquer les situations de travail rencontrées, de détecter les « signaux faibles » (Daniellou et al., 2010, p. 92), de redéfinir collectivement et de s’approprier les règles, de confronter les logiques, de créer des référentiels communs et de valoriser les savoir-faire de prudence.

Enfin, la sécurité construite repose un management, « attentif à la réalité des situations » (Daniellou et al., 2010, p. 4) qui privilégie « la compréhension des décisions des acteurs plutôt que le rappel aux règles » (Nascimento et al., 2013, p. 111), et qui joue un rôle d’articulation avec sa propre hiérarchie de façon descendante mais aussi ascendante (Daniellou et al., 2010, pp. 90‑97).

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Figure 5 – Approche "constructive" de la sécurité

Cette approche vise la construction d’organisations résilientes (Hollnagel, Woods et Leveson (dir.), 2006), qui permettent de maintenir la production en sécurité même dans des situations complexes, qui n’ont pas toujours été anticipées. Elle a aussi une visée développementale de la prévention, dans laquelle l’opérateur est responsabilisé, a de l’autonomie et est reconnu pour son travail. La sécurité construite de la sécurité s’inscrit donc dans une approche salutogénique du travail.

Ce modèle a surtout été mobilisé pour aborder la question de la prévention des risques physiques, d’accident du travail ou d’accident industriel. Mais on peut retrouver les mêmes fondamentaux dans la prévention des risques psychosociaux : une délibération collective sur les règles, un encadrement présent et à l’écoute, un travail qui a du sens (Abord de Châtillon et Richard, 2015 ; Clot, 2004, 2012, Detchessahar, 2011, 2013 ; Petit et Dugué, 2010b ; Petit, Dugué et Daniellou, 2011). Dans cette section, nous avons pu mesurer à quel point les questions de santé et sécurité sont complexes. Elles sont « complexes » dans le sens que donne Morin (1990 [1982], p. 175) à la complexité, c’est-à-dire un défi tissé de désordre, de contradiction, de difficulté logique, de désordre, de problèmes d’organisation.

Les professionnels RH sont donc susceptibles de gérer un problème complexe, autour duquel s’agrègent par ailleurs les enjeux spécifiques de la fonction RH.

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La fonction RH face aux questions de santé

3.2.

et sécurité au travail

Depuis son lancement, notre recherche a été empreinte par un article d’Abord de Châtillon (2005), que l’auteur introduit ainsi :

La fonction ressources humaines est aujourd'hui confrontée à une évolution majeure de son activité en matière de management de la santé et la sécurité au travail (SST).

En effet, les années 2000 ont été celles d’une « prise de conscience » (Chakor et al., 2015, pp. 136‑144) au sein de la sphère RH de l’importance des enjeux SST, en premier lieu autour des enjeux de risques psychosociaux (Douillet et Sahler, 2006). Dans cette partie, nous proposons d’expliciter les facteurs qui font des questions de SST un enjeu central pour les professionnels RH.

3.2.1. La santé et la sécurité au travail : des enjeux

sociaux et sociétaux

À l’image de la gestion des Hommes par les Hommes, et comme nous l’avons déjà entrevu, la question des conditions de travail, de la santé et de la sécurité des travailleurs est aussi très ancienne (voir notamment Monod et Valentin, 1979).

Toutefois, des évolutions majeures dans les entreprises et dans notre société ont récemment étendu l’impact des enjeux de SST au sein de la fonction RH. Nous identifions trois principales évolutions.

Un développement des connaissances sur les risques, associé à une évolution de l’approche du risque au travail

Les connaissances sur les effets physiques, physiologiques, psychiques, cognitifs et toxicologiques des conditions de travail se sont progressivement enrichies1. Ce

développement des connaissances sur les risques professionnels a conduit à une prise de conscience, une « objectivation », face à certains risques, de la part des salariés (Askenazy, 2004, p. 32 ; Cézard et Hamon-Cholet, 1999, p. 9 ; Gollac, 1997, pp. 19‑30)2. Ces connaissances ont également mené à une « légitimation scientifique

d’une appréhension plus large [des risques] autour des conditions et de l’organisation du travail » (Chakor, 2014, p. 8). À partir des années 1960, apparaissent en France

1 Malgré les freins posés par certains états (Thébaud-Mony, 2007, pp. 49‑51) et certaines entreprises

(« Corporate Corruption of Science », 2005 ; Hardell, Walker, Walhjalt, Friedman et Richter, 2007 ; Huff, 2007 ; Pearce, 2008) et malgré la complexité du processus et la latence de certaines pathologies – en particulier certains cancers

2 Précisons que si les auteurs cités reconnaissent cette « objectivation », ils soulignent qu’elle ne suffit

pas à expliquer l’augmentation ressentie de la charge de travail et des nuisances, alimentant ainsi l’idée d’une intensification du travail (voir infra).

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des mouvements sociaux « qui mettent en avant des revendications sur la sécurité et sur la protection de la santé au travail, qui avaient du mal à émerger jusque-là » (Omnès, 2006, p. 173). À partir de là, s’anime par ailleurs un débat sur le « système assurantiel du risque professionnel » qui, tout en garantissant une couverture pour les salariés, a pu limiter les incitations de l’employeur à la prévention (Bruno, Geerkens, Hartzfeld et Omnès, 2012)1. La question des conditions de travail sera de

nouveau délaissée à partir de la fin des années 1970 avant de revenir au cœur du dialogue social à la fin des années 1990 (Lerouge, 2010, p. 34).

En réponse aux mouvements sociaux et au développement des connaissances, la responsabilité juridique de l’employeur en matière de risque professionnel s’est élargie de façon continue, en particulier à partir des années 1990, suite à l’adoption de la directive-cadre 89/391 du conseil de la CEE (Chakor, 2014, pp. 8‑10), qui a été transcrite dans le droit français (voir annexe 1). Une législation a eu un impact direct sur le travail des praticiens RH (voir 3.2.2).

Une intensification du travail

Malgré la tertiarisation de l’économie occidentale, l’arrivée de nouvelles formes d’organisation du travail de type lean, promouvant le juste-à-temps, la réactivité et la flexibilité face à la demande, la réduction des stocks, et les rotations aux postes, a conduit à une intensification du travail, marquée à partir des années 1980. Ces nouvelles formes d’organisation s’accompagnent souvent d’une augmentation de la charge de travail et des nuisances (Valeyre, 2006), entraînant dans leur sillage une augmentation des accidents et un fort accroissement des maladies professionnelles (Askenazy, 2004, en particulier pp. 20-30). D’après une enquête DARES (2014a) sur les conditions de travail, après une stabilisation sur la période 1998-2005, le travail des salariés s’est à nouveau intensifié durant la période 2005-2013.

Même si Askenazy pointait une certaine indifférence de l’État français face à cette situation (2004, pp. 78‑79), qui se traduit notamment par une réduction des effectifs chez les inspecteurs du travail (DGT, 2015), les arrivées du document unique d’évaluation des risques (DUER, Décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001) et du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P, Loi n° 2016-1088 du 8 août 20162) peuvent être interprétées comme une prise en considération de l’impact des

conditions de travail sur la santé publique et du coût social du manque de prévention.

Par ailleurs, sans forcément remettre totalement en question le principe même du mode d’organisation de type lean, une partie de la sphère RH s’est attachée à identifier des leviers permettant d’éviter leurs effets néfastes en matière de SST (Abord de Châtillon et Desmarais, 2017 ; Abord de Châtillon et Richard, 2015 ;

1 Une critique qui est toujours d’actualité (Abord de Châtillon et Bachelard, 2005).

2 La Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 créait déjà une « fiche » individuelle de suivi des

83 Bertrand et Stimec, 2011 ; Detchessahar, Devigne, Grevin et Stimec, 2012 ; Minguet, 2011 ; Stimec et Michel, 2010 ; Ughetto, 2011). Ces auteurs ont en particulier montré que le travail d’écoute et d’accompagnement des managers, la participation des salariés aux processus d’organisation, et l’existence d’espaces de discussion sur le travail étaient des éléments déterminants de la santé des salariés dans ce type d’organisation.

Un vieillissement de la population active

En France, l’âge moyen de la population active est en constante augmentation depuis le milieu des années 1990 (Blanchet, 2002, p. 126) et devrait continuer à progresser dans ce sens jusqu’à l’horizon 2025, à partir duquel il devrait se stabiliser puis commencer à décroître (Léon et al., 2011, p. 3). Depuis quelques années, cette évolution démographique de la population est devenue un vaste défi pour l’État et pour les praticiens RH (Peretti, 1999).

Premièrement, ce vieillissement de la population est synonyme de départ massif à la retraite des baby-boomers. Du côté de l’État français se pose la question du financement de ces retraites qui fonctionnent essentiellement suivant un modèle contributif et par répartition. Depuis 1993, les réformes des retraites se sont succédé, rallongeant progressivement la durée de cotisation et repoussant l’âge légal de départ à la retraite. À la fin des années 2000, l’État a par ailleurs incité les entreprises à mettre en œuvre des accords ou des plans d’action, entre autres, sur les thèmes du recrutement et du maintien dans l’emploi des travailleurs après 50 ans (Décret n° 2009-560 du 20 mai 2009). Autrement dit, non seulement la population active vieillit, mais on lui demande de travailler plus longtemps. Ceci vient contrarier une culture des entreprises françaises caractérisée par un faible emploi des seniors, en comparaison avec le Japon, les États-Unis, l’Allemagne ou les pays scandinaves (voir graphique 2). Notons, de plus, que les entreprises françaises sortent d’une période de départs à la retraite peu nombreux correspondant au « creux » démographique de la Seconde Guerre mondiale ; pour les entreprises, le revirement de situation est susceptible d’être brutal.

La fonction RH face aux questions de santé et sécurité au travail

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Graphique 2 – Taux d'emploi en pourcentage des travailleurs âgés de 55 à 64 ans1, dans plusieurs pays développés, entre 1992 et 2011 (réalisé à partir de

données de l’INSEE)

Du côté des entreprises, ces départs massifs à la retraite posent aussi la question de la conservation des connaissances, des savoir-faire et des « savoir-y-faire » (Massoni, communication personnelle) des salariés qui partent en retraite. Sur cette question, l’État a également cherché à agir. En effet, le Décret du 20 mai 2009 évoqué supra