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Dans la seconde moitié du XIXe siècle, on observe un processus de « démocratisation de la mobilité »1. L'accès au transport n'est plus privilège et devient

possible pour un manouvrier. Deux phénomènes expliquent ce processus. D'abord l'offre de transport a augmenté et les prix ont diminué. De manière générale, ce processus s'observe dans toutes les villes de France. Depuis la naissance à Nantes du premier service de voitures omnibus en 1827, les transports n'ont cessé de se développer2. A Lyon, le premier

service est inauguré en 1837. Des entrepreneurs « profitant d'une économie basée sur le libéralisme et la libre entreprise, créent des sociétés d'omnibus qui se font une concurrence acharnée sur les lignes des centres urbains les plus rentables et au délaissement de la desserte des faubourgs »3. C'est pour réunir toutes ces entreprises que la Compagnie

lyonnaise des omnibus est créée en 18554. Une dizaine d'années plus tard, la CLO ne

représente que 7 % du transport lyonnais (cf. illustration 19 p. 50) alors qu'elle était la seule entreprise offrant un service de voyageurs. Le développement de la machine à vapeur a fait naître d'autres services de transport, par le chemin de fer et par la navigation à vapeur.

Grâce au développement industriel, l’offre de transport se développe considérablement ce qui entraîne une baisse des prix. La figure suivante montre le prix des courses par voitures omnibus selon les trajets en 18385. Le trajet de Lyon à Vaise qui coûte

dix centimes avec les « mouches » en 1870, coûte vingt-cinq centimes en 1838. Dans ces conditions, le nombre de voyageurs augmente considérablement. Le 3 juin 1862, lorsque le chemin de fer de la Croix-Rousse est ouvert, le prix des places est fixé à seulement dix centimes en deuxième classe et vingt en première6. Dès le lendemain de l'ouverture, la

ficelle transporte 6000 voyageurs par jour. En 1865, 2 200 000 personnes sont transportées grâce à la prouesse technologique de ce système de transport. Le premier juin 1864, le chemin de fer de la Croix-Rousse à Sathonay est ouvert. Le prix de la place est abaissé de

1 Guigueno, Vincent et Flonneau, Mathieu (dir.), op. cit., p. 15.

2 Rabault-Mazières, Isabelle, « Chemin de fer, croissance suburbaine et migrations de travail : l'exemple parisien au XIXe siècle », Histoire urbaine 3/2004, n° 11, p. 11.

3 Musée des transports urbains, interurbains et ruraux, http://www.amtuir.org/index.htm, Consulté le 05 août 2013.

4 A.M.L., 925 WP 225, Rapport au conseil municipal, le 21 février 1866.

5 Annuaire administratif de Lyon et du département du Rhône, Lyon, Mougin et Rusand, 1838, p. 192. 6 A.M.L., 925 WP 225, Rapport au conseil municipal, le 21 février 1866.

moitié par rapport à celui des voitures omnibus. Le nombre de départs et la rapidité du trajet sont fortement augmentés. Les innovations technologiques permettent ainsi à Lyon d’accroître l'offre de transport tout en diminuant les temps de trajets et le prix des places. Dans ces conditions, les lyonnais utilisent en masse les systèmes de transports collectifs urbains. De façon plus générale, « les ambitions technophiles du XIXe siècle » engendrent « l'entrée massive de l'Occident en mobilité »1.

Enfin, lorsque l'on visionne les cartes postales représentant le matériel flottant de la compagnie, on remarque la présence fréquente d'une publicité pour les chocolats Menier et même d'une publicité pour la marque Végétaline (Annexe 14). Le site internet de la marque Menier nous apprend que l'entreprise obtient le titre de « la plus grande chocolaterie du monde » lors de l'Exposition de Chicago en 1889. Afin de donner une plus grande visibilité de sa marque le fabriquant de chocolat décide d'inscrire son nom sur des affiches publicitaires installées sur les pontons et les bateaux omnibus. L’histoire de la publicité est liée à celle des médias qui sont ses supports naturels. En même temps que la presse écrite, la publicité est en plein essor à la fin du XIXe siècle avec l’affiche2. Depuis la

1 Guigueno, Vincent et Flonneau, Mathieu (dir.), op. cit., p. 20.

2 Martin, Marc, Histoire de la publicité en France, Paris, Presses universitaires de Paris Ouest, 2012,

Illustration 21 Prix des courses par voitures omnibus à Lyon en 1837 (Annuaire administratif de Lyon et du département du Rhône, 1838).

fin du Second Empire1, « l'affiche et l’affichage ont toujours tenu une grande place dans la

publicité française ». Les accords passés entre la compagnie et l'entreprise Menier n'ont pas laissé de trace dans les archives consultées, néanmoins, l'utilisation du matériel flottant des « mouches » comme support publicitaire va de pair avec l'idée d'un transport de masse, utilisé et vu par le plus grand nombre.

Se focaliser sur les aspects culturels permet de confirmer l'idée d'une utilisation massive du service des « mouches » par la population lyonnaise. Les buts du transport ne sont pas les mêmes en fonction des types de voyageurs. La compagnie s'intègre rapidement dans le quotidien de la ville pour devenir un service indispensable. Cette réussite, elle la tient d'une stratégie d'entreprise efficace. L'entreprise des « mouches » dès sa constitution se dote des moyens nécessaires à son succès. Il faut dire que Plasson et Chaize n'en sont pas à leur premier coup d'essai. Ce sont des hommes d'affaires qui ont déjà une expérience dans le transport et la navigation à vapeur.

N'oublions pas cependant de prendre en comte la dimension spatiale du service. Le transport s'effectue en effet sur un espace fluvial urbain qui, à partir du XIXe siècle, est en pleine mutation. L'étude de cet espace, de ses transformations et du rapport qu'il entretient avec les différents acteurs du transport fluvial permet d'expliquer le développement de l'entreprise créée par Chaize et Plasson. Replaçons donc la Saône au centre de cette étude.

1 Martin, Marc, «  De l'affiche à l'affichage (1860-1980) Sur une spécificité de la publicité française », Le

Deuxième partie : la Saône, un