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2 La compagnie des « mouches » liée à la compagnie lyonnaise de transport

Le long rapport de l'ingénieur en chef au conseil municipal sur les projets de traités entre la ville et la CLO d'une part, et entre la ville et la Compagnie des bateaux à vapeur omnibus d'autre part, nous permet de mieux comprendre la suite des événements1. Très

critique à l'égard des espérances placées derrière la CLO lors de sa création, le rapport accable le traité passé entre la ville et la CLO « Sous l'empire d'illusions que l'expérience ne tarda pas à détruire[...], on supposait en effet que le service des omnibus de la ville pouvait se développer avec un tarif de 25 centimes et que ce service emploierait 185 voitures[...]. On fixait en conséquence la redevance à payer par la compagnie à la ville à 110 000 francs pour la première période quinquennale, à 135 000 francs pour la seconde et à 160 000 francs par an pour les vingts dernières années (la durée totale de la concession était de trente ans).[...] C'était là, je le répète, autant d'illusions qu'on aurait évité, si on avait pu prendre une idée exacte de ce qui se passa à Paris. En 1855, les services d'omnibus de Paris employaient 347 voitures pour l'intérieur de Paris.[...] J'ai souvent fait remarquer qu'il semble qu'il existe une relation nécessaire entre les nombres de la statistique de Paris et ceux de la statistique de Lyon. Que le rapport de ces nombres est toujours très voisin de 1 à 12[...]. Le service de Lyon devait être fait avec 36 voitures, il en employait en réalité 44, y compris un certain nombre de petites voitures de banlieue qui travaillaient fort peu. »2.

Le trafic des CLO augmente tout de même, passant de 25 000 voyageurs transportés en 1855 à 3 176 000 en 18623. Seulement à partir des années 1862-1863, de

nouveaux services concurrencent la CLO Le 3 juin 1862, la première ficelle funiculaire (cf.

annexe 33) reliant la rue Terme sur la presqu'île au quartier de la Croix-Rousse pour 10

centimes en deuxième classe et 20 en première, est inaugurée. Dès le lendemain de l'ouverture, 6 000 voyageurs sont transportés chaque jour. Plus tard, en 1864 la ligne s'étend jusqu'à Sathonay4. Puis en 1863, le service des mouches est lancé avec des places à

quinze centimes. Sous l'effet de cette concurrence nouvelle, « le trafic des voitures

1 A.M.L., 925 WP 225, Rapport au conseil municipal, le 21 février 1866. 2 Ibid.

3 Ibid.

omnibus tombe de 3 176 000 à 2 553 000 »1. La solution consiste donc à soulager la CLO

d'une redevance qui écarte tout espoir de bénéfice. En effet, selon l'ingénieur en chef, la CLO perd 136 000 fr. entre 1857 et 1864 tandis que la municipalité reçoit 955 000 fr. de redevance. Dans ces conditions, la CLO demande une exonération de la redevance de 70 000 francs et une exonération de l'augmentation de cette redevance qui devait passer de 135 000 francs à 160 000. La ville de Lyon utilise la compagnie des mouches qu'elle juge en partie responsable des difficultés de la CLO pour combler le vide laissé par l'allègement de la redevance de la Compagnie lyonnaise des omnibus. L'ingénieur est favorable à la réduction de cette taxe et souligne que « même ainsi déduite, la taxe qui sera payée par la compagnie de Lyon excédera encore beaucoup celle qui est payée par la compagnie de Paris. »2. Dans ces conditions, il faut encore que le nombre de voyageurs dépasse les 4

millions par ans pour que le service soit rentable. Or, « il est certain[...] que ce chiffre ne sera ni atteint immédiatement ni dépassé de longtemps. »3.

Le poids des difficultés de la CLO est ainsi transférée sur la compagnie des bateaux omnibus. Pour l'année 1866, la compagnie des bateaux à vapeur omnibus paye ainsi un droit de voirie s'élevant à 60 666, 70 francs4. La convention du premier janvier 1867

arrondit la redevance à 70 000 francs pour l'année 18675. C'est à partir de cette année que

Chaize puis Bonne, administrateurs des bateaux omnibus refusent de payer une taxe aussi élevée. Invoquant la concurrence faîte par les voitures omnibus qui ont baissé le prix de leur place, Chaize demande dans une lettre au sénateur du 27 septembre 1866 une réduction de la redevance6. En 1867, il refuse de reconduire la convention du premier

janvier de la même année qui avait été faite pour un an. Les pourparlers aboutissent à la convention du 21 octobre 1868, d'une durée de 6 ans du 1er janvier 1868 au 31 décembre 1873. « Il est bien entendu que les effets en remonteront au premier janvier de la présente année alors même qu'il ne serait [le bail] approuvé qu'à une date postérieure » 7. La taxe est

réduite à 30 000 francs tant que les recettes annuelles de la compagnie ne dépassent pas 340 000 francs. Au-delà, l'excédent est partagé par moitié entre la ville et l'entreprise.

1 A.M.L., 925 WP 225, Rapport au conseil municipal, le 21 février 1866. 2 Ibid.

3 Ibid.

4 A.M.L., 342 WP 040, Renseignements statistiques de la compagnie des « mouches », le 30 novembre 1873.

5 A.M.L., 342 WP 040, Convention entre la ville et la compagnie, le 1er janvier 1867.

6 A.M.L., 925 WP 225, Lettre de Louis Elizée Chaize administrateur de la compagnie au sénateur du Rhône, le 27 septembre 1866.

L'article 6 de la convention retient particulièrement l'attention par sa singularité. Il bride le nombre de voitures utilisées par la CLO pour le service de Vaise à cinq pour les jours de la semaine. Les dimanches et jours fériés, le nombre d'omnibus restant illimité. Dans le cas où cette condition n'est pas respectée par la CLO, la compagnie des « mouches » voit sa redevance réduite aux droits d'attaches pour chaque jour où le nombre d'omnibus utilisés par la CLO sur la ligne de Vaise est supérieur à cinq. La compagnie des bateaux-mouches, devra alors réduire de cinq centimes le prix de ses tickets. La ligne de Vaise étant la ligne concurrente du service des « mouches », la ville assure à la compagnie une concurrence moins féroce. On voit à quel point la Compagnie des bateaux à vapeur omnibus est liée à la CLO Le projet de la convention est rédigé par l'ingénieur en chef. Fervent défenseur des tickets de transport à faible coût, il oblige la compagnie des « mouches » à baisser le prix de ses places de 5 centimes lorsque le nombre des omnibus de la CLO dépasse le nombre de cinq sur la ligne de Vaise.

C'est précisément ce lien entre les deux compagnies et l'application de l'article 6 de la convention du 21 octobre 1866 par la Compagnie des Baeaux à vapeur omnibus qui donne lieu à un affrontement entre la compagnie et la ville de Lyon. Le conflit remonte même jusqu'à l'administration supérieure à tel point qu'il englobe l'ensemble des acteurs de la gouvernance urbaine (voir pp 12-16). L'administration locale est en conflit avec les acteurs économiques. L’État intervient dans ce conflit en défendant ses propres intérêts et les ingénieurs sont chargés de donner leurs avis qui compte. Enfin le public intervient quant à lui de façon indirecte lorsque les arguments mettent en avant l’intérêt du public. C'est finalement dans les années 1880 qu'une solution aboutie.