• Aucun résultat trouvé

2 L'impossible connexion entre l'eau et le rail

B) Tramway et progrès technique

La concurrence du rail s'intensifie dans le secteur des transports urbains lorsque les compagnies adaptent à leurs engins de nouveaux procédés techniques. L'utilisation de la vapeur puis de l'électricité comme force motrice améliorent considérablement la qualité du service de transport par tramway. A la fin de la période étudiée, le chemin de fer urbain est en plein essor.

1 L a vapeur

Pour tracter ses voitures sur rail, l'OTL possède une impressionnante cavalerie de miles chevaux répartis dans trois dépôts. « Le service de la cavalerie était alors le principal service de la Cie OTL ; il comptait une pléiade de vétérinaires et un bataillon de

palefreniers. »1. La plus grande part du coût d'exploitation étant engouffrée par l'entretien

des chevaux, la compagnie cherche rapidement à supprimer la traction hippomobile. D'autant plus que la force de deux chevaux ne permet pas de franchir la pente formée par le dos d'âne du Pont de la Guillotière. Ce passage nécessite l'utilisation d'un troisième cheval (cf. annexe 39) avec ce que cela implique en perte de temps .

L'utilisation de la vapeur convient à un service de bateau omnibus mais le tramway est soumis à des contraintes qui rendent difficile l'application de la vapeur dans les rues de Lyon. « La vapeur utilisée par le chemin de fer ne pouvait guère l'être au milieu des rues parce qu'elle effrayait les chevaux, rependait des cendres brûlantes au sol, noircissait les façades et exigeait l'emploi de locomotives lourdes peu compatible avec des arrêts fréquents. »2. Dans les années 1880 plusieurs essais sont effectués par l'OTL. En 1884, une

machine à vapeur Carrel, spécialement conçu pour le service urbain mais trop légère et peu puissante, n’arrive pas hisser une remorque chargée dans la grande rue de la Mulatière. Plus tard on emploie une automotrice Merkarski à air comprimé qui avait donné des résultats concluants dans d'autres villes, mais c'est également un échec3.

La solution est trouvée avec la locomotive d’Émile Lamm. Propriétaire d'un brevet en Amérique sur une locomotive urbaine sans fumée, sans cendres, sans charbon, sans foyer et sans chaudière, Lamm forme en France la Société des Locomotives sans foyer, système Lamm et Francq. L’ambition de la compagnie n'est pas de vendre ses locomotives mais d'obtenir la concession de certaines lignes4. L'OTL qui termine la construction de la

ligne n°12 de Bellecour à Saint-Fons, plus tard étendue jusqu'à Vénissieux, confie l'exploitation de cette dernière à Lamm et Francq à partir de 18885.

A la place de la chaudière, c'est un grand réservoir d'eau hermétiquement fermé qui est monté sur la locomotive. L'eau est réchauffée par le passage d'un courant de vapeur arrivant par le bas du réservoir et provenant d'un générateur fixe installé dans un dépôt. Pour l'exploitation de la ligne n°12 de l'OTL, la chaudière est installée à mi-parcours. Le réservoir d'eau des machines leur assure une autonomie de 18 km soit un aller-retour de Lyon à Vénissieux. L'illustration suivante montre la machine n°2 utilisée par l'OTL6.

1 Arrivetz, Jean, Histoire des transports à Lyon, p. 17. 2 Ibid.

3 Ibid.

4 Borgé, Guy et Marjorie et Clavaud, René, op. cit., p. 45. 5 Arrivetz, Jean, op,. cit, p. 19.

Au XIXe siècle, les compagnies de transport par tramway s'intéressent de près aux innovations permettant de remplacer la traction hippomobile. Les petites locomotives à vapeur Carrel sont plus discrètes mais pas assez puissantes, les essais des automotrices Merkarski se soldent par un échec. La machine sans foyer de Lamm permet pour un temps de trouver une solution au problème que pose l'utilisation des chevaux. Mais l'exploitation de Lamm dure moins de dix ans. Les locomotives sans foyer possède l'énorme inconvénient d'avoir une autonomie extrêmement réduite. La machine fonctionne tant que l'eau est suffisamment chaude pour créer la pression nécessaire mais elle se refroidit rapidement. Il suffit que les aléas de la circulation bloquent le tramway pour que le convois ne puisse arriver à destination. Le rayon d'action limité des locomotives sans foyer n'offre que peu de perspectives de développement des lignes. La solution définitive est trouvée avec l'emploi de l'électricité.

2 L’électricité

Le tramway à vapeur est vite rattrapé par le système électrique. En 1881, Siemens met déjà en service le premier tramway électrique à Berlin puis à Paris où à lieu

l'Exposition d'électricité1. A Lyon c'est la petite compagnie du Tramway de Saint-Foy

(TSF) qui exploite la première ligne électrique entre Sainte-Foy-lès-Lyon et Saint-Just en juin 1893. La ligne permet de raccorder le funiculaire de Saint-Jean à Saint-Just exploitée par la Compagnie du funiculaire Saint-Jean-Saint-just (FOL). En 1898, la FOL rachète l'exploitation de la TSF. La carte ci-dessous, construite à partir du plan du réseau OTL en 19282 permet de localiser Sainte-Foy-les-Lyon et Saint-Just.

L’Exposition universelle et coloniale de 1894 est déterminante dans le processus général d'électrification du tramway et « l'année 1894 voit naître de nombreuses lignes de tramways électriques. »3. Pour desservir l'Exposition, une ligne est installée sur les quais

1 Racine, Roland, op. cit., p. 45.

2 Annuaire des Chemins de fer et des Tramways, Paris, Édition des réseaux français, 1928. 3 Borgé, Guy et Marjorie et Clavaud, René, op. cit., p. 70.

du Rhône, entre le pont Lafayette et le parc de la tête d'Or. Le tramway est alors alimenté par une succession de plots installées entre les rails. Le courant n'est sensé circuler qu'au passage de la motrice mais « par temps de pluie, les plots restent parfois sous tension, à la grande surprise des passants ou des chevaux, qui n'apprécient guère la décharge »1. Enfin,

une seconde ligne électrique est installée à l'intérieur de l'Exposition pour faire le tour complet du parc.

En vue de ces premières tentatives, l'OTL charge la société Thomson-Houston d'étudier l'électrification du trajet Charité - La Mulatière - Oulins. Le 26 avril 1894, la première ligne électrique de la compagnie est ainsi inaugurée. « Le succès est tel qu'il faut très rapidement doubler la ligne dans les sections encore à voie unique et augmenter la puissance de l'usine électrique du dépôt d'Oullins »2. Très vite, l'OTL décide d'électrifier

l'ensemble de son réseau. Cinq ans plus tard en 1899, l’électricité parcours toutes les lignes exploitées par la Compagnie des Omnibus et tramways de Lyon, première entreprise de transport par tramway dans l'agglomération lyonnaise.

Le transport de voyageurs est ainsi bouleversé à Lyon par la mise en place du tramway. D'abord hippomobile, ce mode de locomotion est traversé par une série d'innovations techniques qui aboutissent à l'électrification générale à la fin du siècle. En seulement vingt ans, le tramway s'est complètement transformé. Ces modifications successives lui assure une plus grande compétitivité dans le service de voyageurs. Le nombre de personnes transportées à Lyon explose. Face à un mode de locomotion collectif qui est en constante évolution technologique, le service des « mouches » devient moins compétitif. Les tramways électriques de l'OTL (cf. annexe 40) permettent d'atteindre une vitesse de 20 km/h3 tandis que les bateaux omnibus dépassent à peine les 10 km/h (cf. p.

32). Enfin les tarifs les plus bas des tramways OTL sont au même niveau que ceux des « mouches », soit dix centimes. Alors que la CLO ne peut baisser ses prix en dessous de vingt-cinq centimes dans les années 1860, l'OTL est en mesure de proposer des tickets à dix centimes. De fait, elle devient un concurrent redoutable pour le transport fluvial. Cependant, cette concurrence n'explique pas entièrement la suppression du service de transport fluvial en 1913.

1 Ibid. 2 Ibid.

2. L'action des entrepreneurs du rail

En 1913, la compagnie OTL qui est le nouveau propriétaire des « mouches » supprime définitivement le service. L'OTL s'impose dans la guerre qui oppose les compagnies de transport lyonnaises à la fin XIXe siècle. La compagnie étend progressivement son influence pour s'imposer comme la première entreprise de transport dans l'agglomération lyonnaise. En 1913, s'est un service qui rend encore service à la population qu'elle supprime. Malgré l'essor du tramway les « mouches » transportent quatre millions de voyageurs en 1905. Dans un contexte de croissance exponentielle du nombre de voyageurs transportés à Lyon, ce chiffre est moins impressionnant que pour l'année 1871 où les bateaux omnibus transportent autant de clients. Il révèle néanmoins l'utilité au public du service. Dans ce contexte, comment expliquer qu'un service d'intérêt public soit ainsi supprimé ?

Pour répondre à cette question, il fait s'intéresser au développement de la Compagnie des Omnibus et tramway de Lyon. L'étude de la stratégie adoptée par l'entreprise nous permet de comprendre l'attitude de ses dirigeants à l'égard du transport fluvial. D'une manière générale, cette attitude est liée à l'essor du rail dans le transport urbain. L'influence des entrepreneurs du rail sur le service des « mouches » est totale au début du XXe siècle. Cette influence pousse à une restructuration du transport fluvial urbain. Je m'intéresse ainsi dans une première partie à la politique menée par l'OTL vis-à- vis du transport fluvial avant de me focaliser sur la suppression définitive du service des « mouches »