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« de terrain » des enseignants novices

Chapitre 2. Un cadre théorique composite

4. Présupposés théoriques pour l’étude du développement de l’activité chez l’adulte en situation de formation

4.2. Transformer pour comprendre le fonctionnement et le développement de l’activité

Dans le prolongement des fondements vygotskiens d’une psychologie générale, une clinique de l’activité en psychologie du travail relève d’une méthode d’action dont la visée est de permettre au sujet « de transformer des fonctionnements réalisés en objet d’un nouveau fonctionnement afin d’en étudier le développement réel, possible ou impossible, et ses principes » (Clot 2004, p.7). Cette approche articule le principe d’intervention à la conception d’un dispositif « extra-ordinaire » susceptible d’organiser « une nouvelle activité dirigée se superposant à l’activité ordinaire que l’on cherche à comprendre»

(ibid., p.8). Grâce à la médiation d’un protocole expérimental-développemental (Yvon &

Clot, 2003) différents organisateurs ou invariants de cette transformation peuvent être postulés (Clot, 2004, 2005 ; Clot & Leplat, 2005).

Tout d’abord, il s’agit d’interroger la fonction, la posture de l’intervenant (chercheur) (Prot, 2006 ; Zittoun & Prot, 2007) ainsi que la nature de son observation, de ses actions et leurs effets sur la situation étudiée (Yvon & Clot, 2003). Ces éléments sont considérés comme déterminants car toute observation externe, aussi discrète soit-elle, affecte le comportement du sujet dans son activité et développe l’observation chez l’observé. On peut rappeler l’idée de Wallon (Wallon, 1983, p.287) pour comprendre cette fonction transformatrice :

« L’attention que le sujet sent fixée sur lui, semble, par une sorte de contagion très élémentaire, l’obliger à s’observer. S’il est en train d’agir, l’objet de son action et l’action elle-même sont brusquement supplantés par l’intuition purement subjective qu’il prend de son propre personnage ».

Ainsi, dans une perspective vygoskienne, ceci n’est pas un biais méthodologique, mais au contraire un principe initial « qui permet au sujet de se distinguer de son vécu » en lui

« prêtant des points de vue différents pour prendre la mesure de son expérience » (Zittoun

& Prot, 2007, p.141). Comme le précisent Yvon et Clot (2003, p.25), « puisqu’on ne peut comprendre sans transformer, on cherche alors à transformer délibérément pour comprendre (…) les lois du développement de l’expérience » en s’éloignant de toutes tentatives de modélisation de l’activité. Dans le prolongement de ce postulat, au cours des

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situations d’entretien en autoconfrontation vidéo simple puis croisée (Clot, Faïta, Fernandez & Scheller, 2001 ; Faïta & Vieira, 2003), l’activité de l’intervenant (chercheur) est doublement orientée. La première fois vers les traces vidéo des actions observables des professionnels dans la réalisation de leurs tâches. La seconde fois vers l’activité mobilisée par ces derniers pour analyser leur expérience vécue en situation de travail à partir de ces enregistrements audio-vidéo. Sur ce point et à certaines conditions, l’activité clinique de l’intervenant (chercheur) peut être un instrument psychologique pour le sujet observé ou autoconfronté et susciter le développement de son expérience professionnelle. Il lui incombe, en effet, de restaurer, chez ce dernier, la possibilité d’être étonné par ses actions situées et de s’interroger sur les contradictions susceptibles d’apparaître a posteriori. À cette fin, l’intervenant (chercheur) questionne, relance, s’efforce de comprendre et devient un « logisticien des ressources vidéo enregistrées » (cassettes DV, VHS, DVD) pour maintenir et prolonger le dialogue, dépasser les logiques défensives et aider les protagonistes du milieu de travail à « vaincre le silence imposé par le genre » (Prot, 2006, p.41). Dans cette situation, l’activité du sujet est adressée (Clot, 1999, 2002, 2005 ; Clot &

Leplat, 2005), c’est-à-dire que « l’activité de commentaire ou de verbalisation différée des données recueillies, selon qu’elle est accomplie pour le [chercheur] ou pour les pairs, donne un accès différent au réel de l’activité du sujet » (Clot, 1999, p.142).

Le second présupposé concerne la multiplication et le déplacement des contextes dialogiques sur l’activité (Fernandez, 2001), c’est-à-dire la décontextualisation /recontextualisation de l’expérience vécue (contexte de l’action en situation de travail puis contexte de l’action verbale de re-signification de l’expérience qui est adressée au chercheur ou au(x) pair(s) lors des autoconfrontations simples ou croisées). Il est possible de considérer que l’action réalisée n’est pas toute l’activité du sujet mobilisée pour répondre aux contraintes contextuelles d’effectuation. Sur ce point, dans une approche transformative et développementale, la « réduction fonctionnelle de l’activité » sous l’effet de son observation située contribue à en changer le statut. Ainsi, pour rendre techniquement possible « le rabattement de l’activité sur l’action réalisée », il est nécessaire de recourir à des moyens détournés, c’est-à-dire notamment à des supports inscripteurs qui préparent une « migration fonctionnelle » de l’expérience (Clot, 2005, p.10 ; Vygotski, 2003). Plus précisément, dans notre étude nous utilisons différents

« observables » (Van der Maren, 2004) de l’action d’enseignement et de formation qui, mobilisés a posteriori et dans un contexte artificiel, aident à provoquer chez les

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professionnels concernés une expérience réitérée. Autrement dit, au même titre que d’autres invariants organisateurs de la transformation de l’expérience, ces « observables » secondent le sujet dans sa tentative de percevoir autrement son expérience vécue. Il apparait donc que c’est l’observation externe et réglée des situations de travail (ici les situations de classe pour les EN et les situations de formation pour les TU et/ou FU) par l’intervenant (chercheur), qui contribue à « l’inventaire du détail » (Clot, 2005, p.10), « la précision » et « la construction rigoureuse » (Yvon & Clot, 2003, p.28) de ces

« instruments techniques » susceptibles d’outiller le sujet. En apprenant à s’en servir, ce dernier les transforme en ressourcesd’un « pouvoir d’agir » prospectif (« instrument psychologique »), au-delà du périmètre interlocutoire des situations d’entretien.

Enfin, le dernier présupposé invite à considérer l’objet d’étude dans sa globalité et de manière approfondie en conciliant une approche synchronique et diachronique à partir du principe selon lequel une situation qui se développe le « fait sous des formes qui se répètent dans des situations variées qui les reproduisent » (Clot & Leplat, 2005, p.312).

Pour les auteurs, la connaissance de ces régularités, « loin de ramener le singulier au général, élargit la perception des variations et permet d’identifier le singulier comme tel » (ibidem).

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