• Aucun résultat trouvé

Deuxième étude de cas

3. Une réorganisation potentielle de l’activité tutoriale suite à la visite conseil

Lors de l’ACS de la TU faisant suite à la visite conseil, celle-ci a évoqué les conseils qu’elle envisageait de dispenser pour aider l’EN à dépasser ses difficultés initiales. Dans cette perspective, elle a mis en relation le problème de défilement du temps perçu par l’EN avec une action de correction orale des productions des élèves peu efficiente et non conforme aux orientations du cadre européen de référence. Sur ce point, il est nécessaire de se rapporter à la précision donnée par la TU deux mois plus tard (Unité 36), concernant la réforme des programmes d’enseignement de l’espagnol, pour en saisir les incidences sur l’activité tutoriale à cette période de l’année (Unité 28).

Unité 36 de l’ACS CH/TU (07 février 2008)

CH : de quoi parlez-vous là, des prescriptions officielles ?

TU : oui, oui les prescriptions officielles, le CECLR, le cadre européen de référence pour les langues, et ni à elle ni à moi ça ne nous convient ces nouvelles modalités pour l’inter-correction. C’est cette idée d’abandonner le fond pour favoriser la forme. Voilà c’est de ça que je parle. Enfin, bon moi je lui ai dit franchement, je l’ai dit à la FU aussi, je prépare Emma [l’EN] à toutes les nouveautés mais je trouve que c’est un enseignement des langues très passif : les élèves écoutent, ils lèvent le doigt et ils répètent ce qu’ils ont entendu. Ils n’ont plus l’initiative de construire eux-mêmes des phrases ce qui était une pratique, à mon avis, très intéressante et qui les rendait maîtres de la langue qu’ils utilisaient.

Unité 28 de l’ACS CH/TU (05 décembre 2007)

CH : (…) Donc, c’est ce que vous appelez l’inter-correction avec soit un élève plus fort qui finit la formulation soit c’est l’EN qui, en reprenant une prononciation maladroite donne la réponse ?

184

TU : oui, mais tu vois j’ai relu tout ce que tu m’as donné là [Les observables de l’action d’enseignement et de formation] et je m’aperçois que mes formulations quand je m’exprime ne sont peut-être pas claires pour elle et je ne lui ai peut-être pas assez bien expliqué l’auto et l’inter-correction ainsi que la relation qu’il y a entre les deux. Normalement c’est un triangle : l’élève fait une faute, un autre corrige et si personne dans la classe ne peut corriger c’est l’EN qui corrige en dernier lieu et ensuite retour. C’est là que je n’ai peut-être pas été assez claire parce que l’élève qui a fait l’erreur doit répéter en s’aidant donc soit de la proposition d’un autre, soit de la proposition du professeur et cela n’a pas fonctionné. L’élève a fait l’erreur, un autre a corrigé ou elle [l’EN] souvent et je crois que le retour n’est pas systématique. Emma [l’EN] le fait faire de temps en temps mais pas de façon systématique et cela tu vois, je me rends compte que je n’ai peut être pas été assez claire (…)

CH : donc c’est un véritable chantier professionnel ?

TU : oui ça c’est un véritable chantier intéressant qui apparaît justement plus clairement après ça et ce que l’on vient de dire.

CH : si je comprends bien tu envisages de revoir ça ?

TU : oui là c’est la confusion dans l’esprit des élèves et la confusion dans les pratiques d’Emma [l’EN] et je pense que ça vient être de ça (…).Elle est peut-être aussi dans une période transitoire (…)

CH : (…) Il y a un long échange sur l’inter-correction (…). Là, tu engages un questionnement et elle te dit quand même qu’elle ne perçoit pas l’impatience dont elle témoigne dans son comportement avec les élèves.

TU : oui elle dit « j’essaie de leur donner la parole d’abord », et il y a le « d’abord » mais après c’est elle qui la reprend (…). Maintenant, il y a de nouvelles directives et elle se trouve un peu prise entre plusieurs feux. Elle me voit faire mais moi je continue à corriger les élèves parce que j’ai essayé la nouvelle méthode qui proscrit la correction des élèves soit-disant que « ça les bloque ». Bon, j’ai essayé (…) je ne sais pas comment cela marche ailleurs mais avec une langue latine ça pose problème parce que si l’élève entend une faute c’est en principe calqué sur le français. Donc s’il entend une faute chez un camarade, tu peux être certaine qu’il la refait et moi je ne veux pas avoir des débutants éternels alors je continue de corriger. L’EN est prise entre deux feux en se disant « si je continue de corriger

185

comme ma TU » (…) mais je lui ai bien expliqué ma position. Alors, « (…) je suis dans l’ancienne méthode et je vais peut-être me faire sanctionner lors de la visite de validation », pas la visite conseil ! Tu as vu que c’était quand même une discussion assez ouverte mais lors de la visite bilan (…). Donc, elle essaie un peu les deux façons et des fois elle les laisse parler mais quand on est dans la correction, c’est elle qui corrige « il faut gagner du temps, il faut gagner du temps, il ne faut pas bloquer l’élève ». On lance la correction et l’élève en fait ce qu’il veut. Voilà ce qui explique que soit ma formulation n’était pas assez claire pour l’histoire du triangle soit elle navigue entre deux méthodes.

Illustration 11 : De gauche à droite lors de l’ACS, (a) analyse de l’activité de l’EN en situation de classe puis (b) analyse de l’activité de la TU lors de l’entretien de visite conseil à propos de l’inter-correction.

Lors de cet échange et à propos des observables mis à sa disposition (j’ai relu tout ce que tu m’as donné-là), la TU a commenté les raisons de l’inefficacité des conseils adressés jusqu’alors à l’EN sur l’inter-correction (soit ma formulation n’était pas assez claire pour l’histoire du triangle soit elle navigue entre deux méthodes). Cette dernière a, en outre, prolongé son analyse en évoquant son refus d’appliquer avec ses élèves (moi je ne veux pas avoir des débutants éternels alors je continue de corriger) la nouvelle méthode européenne de l’enseignement des langues (Maintenant, il y a de nouvelles directives) qu’elle considérait comme une prescription inadéquate pour l’enseignement de l’espagnol (avec une langue latine ça pose problème). Sur ce point, il est possible de considérer que les conseils adressés à l’EN ont été circonscrits au bagage expérientiel de sa TU et à sa pratique actuelle en classe (Elle me voit faire mais moi je continue à corriger les élèves).

Dans cette circonstance, faute de voir l’inter-correction nouvelle méthode réalisée concrètement par sa TU, l’EN a agi, selon la TU, par « essais-erreurs » (des fois elle les

186

laisse parler mais quand on est dans la correction, c’est elle qui corrige ; [L’EN] est peut-être aussi dans une période transitoire). Autrement dit, celle-ci s’est trouvée dans un rapport de contraintes contradictoires ([l’EN] est prise entre deux feux) entre, d’une part, le but prescrit de l’action de correction des élèves par l’enseignant ([ne pas] bloquer l’élève) et d’autre part, sa propre mise en œuvre (dans la correction, c’est elle qui corrige) en réponse aux contraintes de la situation de classe (il faut gagner du temps, il faut gagner du temps). Cet extrait nous amène à penser que l’action alternative suggérée par la TU lors de la visite conseil, consistant à mieux réaliser l’inter-correction afin de gagner du temps et aider les élèves en difficulté simultanément, n’a pas été encore accompagnée d’explications opératoires concrètes et suffisantes (je ne lui ai peut-être pas assez bien expliqué l’auto et l’inter-correction et la relation qu’il y a entre les deux) pour que l’EN enseigne avec davantage d’efficience ([l’EN] le fait faire de temps en temps mais pas de façon systématique), sans prendre le risque d’échouer lors de sa validation (je vais peut-être me faire sanctionner lors de la visite de validation).

Les données montrent enfin que le contexte de l’ACS a permis à la TU de reconsidérer son activité de formatrice (c’est un véritable chantier intéressant qui apparaît justement plus clairement après ça et ce que l’on vient de dire) ainsi que la nécessité de s’affairer à ce chantier professionnel (oui là c’est la confusion dans l’esprit des élèves et la confusion dans les pratiques de l’EN).

4. Contribution des situations d’autoconfrontation au

Outline

Documents relatifs