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La réticence de l’enseignant novice aux conseils adressés par son tuteur (TU) avant la visite conseil

Première étude de cas

2. La réticence de l’enseignant novice aux conseils adressés par son tuteur (TU) avant la visite conseil

Au cours de l’ACS réalisée immédiatement après la visite conseil, le TU a évoqué les conseils adressés à l’EN qui sont demeurés inefficaces jusqu’à ce moment de supervision.

Plus précisément, le TU a rendu compte des réticences de l’EN à s’engager dans un travail d’enseignement selon les modalités qu’il lui préconisait et sur lesquelles le FU a particulièrement insisté.

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Unité 18, de l’ACS CH/TU (12 décembre 2006)

CH : en même temps là ce que tu es en train de dire suppose que CL [l’EN] ait pu avant d’intervenir aujourd’hui, identifier et cerner tous les problèmes qui pourraient être posés aux élèves, dès lors qu’ils sont dans cette activité-là. C’est-à-dire les plus prégnants et en extraire un certain nombre comme celui que tu es en train d’évoquer (…). Donc (…) quelles sont les raisons qui, selon toi, ont empêché CL [l’EN]

d’envisager l’ensemble de ces problèmes-là ?

TU : euh (…) Alors d’abord, il a une méconnaissance de l’activité mais pourtant il s’estime compétent en course de haies parce qu’il en a fait en formation et en tant que coureur, d’accord ? (…) En tout cas, je pense qu’il maîtrise l’activité de pratiquant. Par contre, est-ce qu’il maîtrise l’ensemble des paramètres de l’enseignement de la course de haies, je ne pense pas. Après, l’autre élément c’est que sa séance de la semaine dernière, je n’y ai pas assisté et il en est sorti en difficulté parce qu’il s’était placé face à ses coureurs en chronométrage. Là, il s’est aperçu que les élèves montaient au-dessus de la haie et ramenaient le genou dans l’axe mais pas sur le côté. C’est devenu pour lui quelque chose de déterminant (…) et lui il s’est ciblé là-dessus. Hier, on a discuté de la leçon ensemble comme on le fait chaque lundi et je ne suis pas arrivé à lui faire changer de point de vue. Je ne suis pas arrivé parce que, « un » je n’ai pas insisté parce que je savais qu’il allait y avoir aujourd’hui la séance qui serait filmée et tout. Bon voilà, je voulais qu’il s’en aperçoive de lui-même et puis « deux » c’est le problème de jusqu’où je peux lui imposer ? Enfin, ce n’est pas lui imposer mais lui faire voir avant qu’il l’ait expérimenté qu’il se fourvoie ou que ce n’est pas judicieux ? Je peux essayer de lui dire « est-ce que tu penses que tu ne pourrais pas faire autrement », « est-ce que tu penses que c’est vraiment le plus important » mais s’il me dit « j’ai vu ça et il faut qu’ils travaillent ça » et comme je ne suis pas sur la séance (…) Là, je ne suis pas avec lui en cours, je n’ai pas d’images pour lui dire « regarde il y a ça qui pourrait aussi être pris en compte » !

Le TU a fait part à la CH d’un moment informel de travail avec l’EN réalisé quelques jours avant la visite conseil (on a discuté de la leçon ensemble comme on le fait chaque lundi). À cette occasion, le TU a constaté que ce dernier n’était pas complètement novice dans cette

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activité mais que son expérience de « sportif » l’avait conduit à ne privilégier que l’aspect technique du franchissement de la haie (lui il s’est ciblé là-dessus). Les significations anciennes liées aux concepts et connaissances appris dans d’autres circonstances de formation ont amené l’EN à être réticent (je ne suis pas arrivé à lui faire changer de point de vue) face aux actions alternatives proposées par son TU orientées vers une activité d’enseignement (il [ne] maîtrise [pas] l’ensemble des paramètres de l’enseignement de la course de haies). Il apparaît que n’ayant pas fait de visite de tutorat sur ce cycle en athlétisme (sa séance de la semaine dernière, je n’y ai pas assisté), le TU n’a pas été en mesure d’aboutir à un accord avec l’EN à propos des indicateurs retenus par ce dernier (C’est devenu pour lui quelque chose de déterminant) depuis son positionnement d’observation (il s’était placé face à ses coureurs) et l’analyse de l’activité des élèves y faisant suite (les élèves montaient au-dessus de la haie et ramenaient le genou dans l’axe mais pas sur le côté.). Renonçant à insister, le TU a délégué au FU (je savais qu’il allait y avoir aujourd’hui la séance qui serait filmée et tout) le soin de convaincre l’EN (lui faire voir (…) qu’il se fourvoie ou que ce n’est pas judicieux) de la nécessité de transformer son activité pour adapter les aménagements des situations d’apprentissage aux besoins des élèves. En outre, cet extrait rend compte d’un tutorat non prescriptif mise en œuvre auprès des classes que le TU ne partageait pas avec l’EN (je voulais qu’il s’en aperçoive de lui-même ; jusqu’où je peux lui imposer) ainsi que la prédominance de moments d’échanges informels (on a discuté de la leçon ensemble) sur de réels entretiens formatifs (comme je ne suis pas sur la séance (…) Là, je ne suis pas avec lui en cours, je n’ai pas d’images pour lui dire « regarde il y a ça qui pourrait aussi être pris en compte »).

Cet extrait montre l’inefficacité relative de modalités de conseil qui ne sont pas fondées sur une observation par l’EN de pratiques alternatives. Il apparaît en outre qu’organisée selon certaines modalités, la visite conseil est propice à une activité conjointe formative pour chaque protagoniste. Au cours d’une ACS réalisée deux mois après cette situation de supervision, l’EN a rendu compte au CH des raisons de sa réticence initiale à faire siens les conseils de son TU.

Unité 28, de l’ACS CH/EN (05 février 2007)

EN : c’est toujours pareil en escalade que ce soit prescriptif ça ne me dérange pas mais dans d’autres activités que je maîtrise un peu mieux, je vais lui demander

« pourquoi tu ferais ça et quel est l’intérêt de faire comme tu fais toi ? ». On a eu

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pas mal de problèmes au début en course de haies justement à cause de ça. J’étais parti sur quelque chose et lui il me disait (…) Enfin je ne faisais pas de travail de groupes puisque j’étais toujours sur mon pôle d’animation. Je disais « non je n’ai pas envie parce que là au moins je les ai tous devant moi, je les fais travailler ». Il me disait « oui mais tu ne penses pas que si tu les mets par groupes, ils vont travailler quand même ? » et je disais « non, je ne pense pas ». Il me fait alors « bon d’accord, on verra pour l’instant, mais pense à essayer » jusqu’à la visite conseil où je me suis fait « démonter ». Là, j’ai changé [Rires]. Je suis passé à un travail de groupes ce qui est effectivement intéressant (…)

Cet extrait montre que la préoccupation majeure de l’EN a concerné le contrôle de la classe (parce que là au moins je les ai tous devant moi, je les fais travailler) et que sa posture en situation d’enseignement était celle d’un « animateur sportif » (j’étais toujours sur mon pôle d’animation) confirmant ainsi les constats établis à ce propos par le FU lors de la visite conseil. Il apparaît que les « apports externes » du TU et son renoncement à insister (on verra pour l’instant, mais pense à essayer) n’ont pas permis de « remobiliser » (non je n’ai pas envie) l’EN afin qu’il oriente son activité vers des finalités d’apprentissage et pas seulement de mise au travail des élèves (je les fais travailler). En outre, la maîtrise et les connaissances des APSA ont eu des incidences sur le processus d’appropriation (que ce soit prescriptif ça ne me dérange pas mais dans d’autres activités que je maîtrise un peu mieux (…) ; On a eu pas mal de problèmes au début en course de haies justement à cause de ça) d’autres façons de s’y prendre (tu ne penses pas que si tu les mets par groupes, ils vont travailler quand même ?) suggérées, cycle après cycle, par son TU.

La plus-value de la visite conseil est apparu clairement dans les « conflits internes » provoqués chez l’EN et qui ont conduit ce dernier à être « affecté » (jusqu’à la visite conseil où je me suis fait « démonter ». Là, j’ai changé) et à accepter l’aide proposée par son TU pour aménager autrement les situations d’apprentissage proposées aux élèves (Je suis passé à un travail de groupes ce qui est effectivement intéressant). Les « concepts scientifiques ou formels » appris lors de la visite conseil ont permis à l’EN de signifier autrement son expérience vécue ou de « l’objectiver ». En retour, la signification de ces concepts s’est « subjectivée » au contact de situations quotidiennes, c’est-à-dire de nouvelles circonstances d’usage liées à des pratiques sociales avec les élèves et son TU. Ce constat nous amène à considérer que le développement de la signification de l’expérience

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vécue est ici engendré par des apprentissages confortés et que le développement du pouvoir des « actions conceptualisées » lors de la visite conseil dans le contexte de la classe est corrélatif à des interactions quotidiennes de formation au plus près des situations de travail de l’EN.

Précisément, ces rapports sont plus particulièrement documentés dans la section suivante.

3. Apports de la visite conseil au développement de l’activité de

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