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Des transferts de gestion aujourd’hui plus fréquents

Section I- L’affectation des biens à l’utilité publique : une notion finaliste

B- Des transferts de gestion aujourd’hui plus fréquents

La facilitation des transferts de biens entre les personnes publiques est également une revendication ancienne au même titre que celle de la valorisation du domaine public et de la mise en place d’outils juridiques visant à rassurer les investisseurs privés.

La circulation des biens a été beaucoup freinée avant l’intervention du CGPPP. L’accent est moins porté sur le propriétaire du bien lui-même mais davantage sur la poursuite de l’affectation même entre des propriétaires différents.

Pour les personnes publiques, la gestion de leur patrimoine est une question importante car, il s’agit, pour elles de gérer au mieux leurs biens publics. Une partie entière du CGPPP est consacrée à la gestion des biens. Plusieurs éléments doivent être approfondis pour se rendre compte de la « respiration » apportée par l’adoption du Code.

C. Maugüé, dans un article relatif à cette réforme, distingue quatre domaines dans lesquels la gestion des biens entre personnes publiques a été facilitée.443

Ce qui est notable, ce sont les règles de gestion facilitée ne touchant pas à la propriété publique des biens. Le code reconnaît enfin la possibilité de transferts de gestion liés à un changement d’affectation entre les personnes publiques, et non plus seulement au bénéfice de l’Etat comme cela était le cas auparavant lorsque l’article L. 35 du Code du domaine de l’Etat était en vigueur. La gestion peut se faire par une personne autre que celle qui est propriétaire

443C. Maugüé, « La réforme du droit des propriétés publiques et la gestion du patrimoine public », BJCP, n°53, p. 258.

du bien en question car ce qui compte c’est l’affectation de la dépendance que l’on suit de manière évidente. On permet simplement à une autre personne publique d’utiliser le bien conformément à son affectation.444

Certains diront comme C. Maugüé que cela permet au propriétaire de rester maître de l’affectation. Il faut néanmoins relever que l’essentiel, réside dans le fait que cette affectation reste libre. Pendant toute la mise à disposition du bien par la personne publique propriétaire, rien n’empêche le bien de remplir sa mission c’est-à-dire de servir son affectation. C’est d’ailleurs cette dernière qui reste au cœur de l’action.

En ce qui concerne les superpositions d’affectation, les rapports juridiques sont clairement posés par le CGPPP.445En effet, des conventions devront être prévues pour anticiper ce genre de situation.

Le deuxième apport du CGPPP relatif à la circulation des biens concerne la possibilité de procéder à des transferts de propriété du domaine public. Les articles L. 3112-1 et L. 3112-2 du CGPPP446, dérogent au principe d’inaliénabilité du domaine public. Ils permettent aux personnes publiques de procéder, entre elles, à des cessions à l’amiable sans procéder au déclassement préalable du bien. L’innovation principale se situe à ce niveau. Auparavant, pour que les personnes publiques puissent avoir la possibilité de vendre un bien à une autre personne publique, la situation était complexe et délicate. Il fallait procéder au déclassement

444 L’article L. 2123-3 du CGPPP énonce: « I- Les personnes publiques mentionnées à l’article L1 peuvent opérer, entre elles, un transfert de gestion des immeubles dépendant de leur domaine public pour permettre à la personne publique bénéficiaire de gérer ces immeubles en fonction de leur affectation. La durée pendant laquelle la gestion de l’immeuble est transférée peut être déterminée dans l’acte. Dès que l’immeuble transféré n’est plus utilisé conformément à l’affectation prévue au premier alinéa, l’immeuble fait retour gratuitement à la personne publique propriétaire. »

445 L’article L. 2123-7 de ce Code énonce: « Un immeuble dépendant du domaine public en raison de son affectation à un service public ou à l’usage du public, peut quelque soit la personne publique propriétaire, faire l’objet d’une ou de plusieurs affectations supplémentaires relevant de la domanialité publique dans la mesure où celle-ci sont compatibles avec ladite affectation.

La superposition d’affectations donne lieu à l’établissement d’une convention pour régler les modalités techniques et financières de gestion de cet immeuble, en fonction de la nouvelle affectation.

Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’application du présent article. »

446L’article L. 3112-1 du CGPPP énonce : « Les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L1, qui relèvent de leur domaine public, peuvent être cédés à l’amiable, sans déclassement préalable, entre ces personnes publiques, lorsqu’ils sont destinés à l’exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert et relèveront de son domaine public ».

L’article L. 3112-2 du CGPPP énonce : « En vue de permettre l’amélioration des conditions d’exercice d’une mission de service public, les biens mentionnés à l’article L. 3112-1 peuvent être également échangés entre personnes publiques dans les conditions mentionnées à cet article. L’acte d’échange comporte des clauses permettant de préserver l’existence et la continuité du service public. »

préalable du bien. Dans le cas contraire, le risque était de voir la vente censurée par le juge administratif si le bien restait affecté à une utilité publique447.

L’autre solution était alors de vendre la dépendance sans la déclasser mais les personnes publiques violaient alors le principe d’inaliénabilité. Les transferts étant quasiment impossibles, ces dernières se contentaient de simples mises à disposition de biens, qui n’entraînaient pas les mêmes conséquences et obéraient leur possibilité de mise en valeur desdits biens.

Désormais, les personnes publiques peuvent céder leurs biens à l’amiable, sans déclassement préalable. Cela concerne l’ensemble des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1 y compris les établissements publics ce qui est bénéfique pour eux. Le même allègement de procédure a été opéré pour les échanges d’immeuble entre les personnes publiques.

Ces nouvelles possibilités offertes aux personnes publiques ne sont pas, en ce qui concerne les transferts et les échanges, dénuées de conditions. Encore une fois, ces obligations sont justifiées par la volonté de faire respecter l’affectation des dépendances domaniales. Les dépendances ainsi cédées devront être destinées à l’exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert.

La première condition témoigne, quant à elle, du fait que la concentration reste à son paroxysme en ce qui concerne le critère matériel qu’est l’affectation de la dépendance domaniale. Les biens transférés devront poursuivre leur affectation initiale, soit en poursuivre une nouvelle. Cela ne veut pas dire non plus que durant le laps de temps pendant lequel la parcelle en question attend de recevoir sa nouvelle affectation, par le nouveau propriétaire du bien en question, celle-ci n’est pas protégée. Au contraire, elle reste soumise au régime de la domanialité publique car elle reste affectée à une utilité publique.

L’article L. 3112-3448 du CGPPP relatif aux échanges d’immeubles met encore en avant le critère matériel. Cet article témoigne du respect dû à la protection des services publics en eux mêmes, peu importe leur propriétaire.

447CE, 9 mai 1958, Delort, AJDA, 1958, II, p. 331, conclusions M. Long.

448L’article L. 3112-3 du CGPPP énonce: « En vue de permettre l’amélioration des conditions d’exercice d’une mission de service public, les biens mentionnés à l’article L. 3112-1 peuvent être échangés, après déclassement, avec des biens appartenant à des personnes privées ou relevant du domaine privé d’une personne publique.

L’acte d’échange comporte des clauses permettant de préserver l’existence et la continuité du service public. »

Le code va même autoriser les personnes publiques à procéder à des déclassements anticipés d’immeubles encore affectés à un service public. L’article L. 2141-2449du CGPPP permet de déroger à la règle de l’interdiction de déclasser un immeuble sans désaffectation de fait du bien. Ces mesures ne bénéficient, certes, qu’à l’Etat et à ses établissements publics, ce qui est regrettable. Cela va pourtant permettre une avancée notable et une prise en compte des réalités économiques, puisque les opérations d’envergure ne seront plus retardées.

L’amélioration de la circulation des biens démontre que l’essentiel est de protéger l’affectation des biens et particulièrement celles des biens qui servent des services publics.

Finalement, le propriétaire du bien en question est en retrait sur ces questions. Cela prouve que le critère matériel doit primer et qu’il n’empêche en rien une protection efficace des biens du domaine public affecté.

Notre raisonnement nous conduira à envisager que ce critère est à lui seul capable de protéger cette affectation des biens en dehors de toute idée de propriété ou d’appartenance à un domaine public.

449L’article L. 2141-2 du CGPPP énonce : « Par dérogation à l’article L. 2141-1, le déclassement d’un immeuble appartenant au domaine public artificiel de l’Etat ou de ses établissements publics et affecté à un service public peut être prononcé dès que sa désaffectation a été décidée alors même que les nécessités du service public justifient que cette désaffectation ne prenne effet que dans un délai fixé par l’acte de déclassement. Ce délai ne peut être supérieur à une durée fixée par décret. Cette durée ne peut excéder trois ans. En cas de vente de l’immeuble, l’acte de vente stipule que celle-ci se résolue de plein droit si la désaffectation n’est pas intervenue dans ce délai. »

Chapitre 2 : L’affectation des biens : une justification efficace de la gestion autoritaire des biens par une autre personne que le propriétaire.

Les mutations domaniales impliquent, une gestion autoritaire des biens publics par l’Etat. L’affectation était appréhendée comme une faculté, une prérogative détachable de la qualité de propriétaire public. L’affectataire était libre, tant dans la décision du choix de départ de l’affectation, que dans sa modification en cours de temps, répondant très souvent à un changement des besoins d’utilité publique.

Les mutations domaniales, dont on va expliquer la naissance, le fonctionnement et ses enjeux, sont au contraire une manifestation de l’autorité que détient encore l’Etat sur ce pouvoir d’affectation. Cette théorie des mutations domaniales est assez paradoxale dans ses effets.

Elle illustre parfaitement l’idée que l’affectation est une notion primordiale. D’une part, elle permet à l’Etat de bafouer la liberté du pouvoir affectataire que détient toute personne publique, à savoir, les collectivités territoriales ou les établissements publics. D’autre part, cette théorie montre que l’essentiel au sein du domaine public est l’affectation, qu’elle seule doit rester inaliénable.

Cette théorie sublime le critère matériel, la destination des dépendances domaniales sans accorder d’importance au propriétaire du bien en question. Cette théorie fait l’objet de nombreuses critiques qu’il faudra évoquer. (Section I)

Cependant, cette théorie persiste encore aujourd’hui parce qu’elle révèle la place centrale de la notion d’affectation. (Section II)

Section I : Les mutations domaniales : preuve de l’importance donnée à la préoccupation de l’intérêt général.

L’invention de la théorie, d’origine jurisprudentielle, des mutations domaniales répondait et répond toujours à un impératif d’utilité publique. Pour mieux comprendre l’étude de cette théorie, il faut d’abord s’attarder sur ses origines et ses justifications. L’explication de cette gestion autoritaire des biens publics va démontrer tout l’enjeu et la signification des mutations domaniales au regard des biens publics et de leur affectation. C’est en analysant les fondements et les mécanismes complexes de cette théorie (§2), que cette dernière apparaîtra comme étant au service de l’intérêt général. (§1)

§1 : La manifestation d’une prérogative exorbitante de l’Etat au nom de l’intérêt général.

Le juge administratif est à l’origine de la théorie des mutations domaniales. Il s’illustre, une nouvelle fois, comme le juge créateur de règles répondant à des besoins précis notamment celui, résultant de l’impossibilité pour les personnes publiques d’exproprier le domaine public. L’analyse des fondements de cette théorie (A) permet, d’une part, de comprendre à quel point elle est toujours utile et d’autre part qu’elle tend à répondre au besoin d’utilité publique. (B)

A-Les fondements de la théorie des mutations