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Trajectoires professionnelles et politiques des ministres chargées de la Condition féminine54

Chapitre 2 : Au Québec, une structure duale et stable stable

Encadré 2.8 Trajectoires professionnelles et politiques des ministres chargées de la Condition féminine54

Lise Payette

(cf Encadré 2.6). Journaliste, féministe engagée, avant de devenir première ministre d’État à la Condition féminine en 1979.

Pauline Marois

Née en 1949 dans un milieu modeste (son père était mécanicien), Pauline Marois a fait des études en administration des affaires (M.B.A.). Avant 1979, elle a exercé des fonctions administratives dans le secteur social au niveau local. En 1979, Lise Payette, nommée ministre d’État à la Condition féminine, la choisit comme directrice de son cabinet. En 1981, elle est élue (PQ) et devient Ministre d’État, puis Ministre déléguée à la Condition féminine. Elle est ensuite nommée Ministre de la main-d’œuvre et de la sécurité du

54 Source : Assemblée nationale du Québec, notices biographiques ; entretiens avec Pauline Marois, Monique Gagnon-Tremblay, Jeanne Blackburn, Louise Harel et Linda Goupil.

revenu (1983-1985), puis exerce de nombreuses fonctions ministérielles dans les gouvernements Bouchard et Landry : revenu (1995-1996), famille et enfance (1996-2001), santé et services sociaux (1998-2001), vice-première ministre (2001-2003). En juin 2007, elle est élue à la tête du Parti québécois.

Denise Leblanc-Bantey

Née en 1949, fille de pêcheur des Iles-de-la-Madeleine, Denise Leblanc fait des études de lettre (Bac) et de droit à Québec et à Montréal. Avant 1975, elle a été journaliste, professeure dans une commission scolaire et directrice du Journal Le radar. Militante au Parti québécois, elle exerce dès les années 1970 des fonctions de responsabilité au niveau local, et devient membre de l’exécutif national en 1977. Elue députée en 1976, ce n’est que lors de sa réélection en 1981 qu’elle accède à des fonctions ministérielles (après avoir été adjointe parlementaire entre 1976 et 1981) : elle est ministre de la Fonction publique de 1981 à 1983, et ministre déléguée à la Condition féminine de novembre 1983 à novembre 1984, date à laquelle elle démissionne du gouvernement suite au virage du « beau risque55 » de René Lévesque. Elle siège ensuite comme indépendante, et ne se représente pas en 1985. Elle travaille ensuite comme directrice du magazine Allure à partir de 1986. Elle est nommée membre de la Régie du cinéma en 1996.

Monique Gagnon-Tremblay

Diplômée en droit, Monique Gagnon-Tremblay a été une des premières femmes notaires de sa région, et avait travaillé en lien avec des associations féminines (elle était membre de l’AFEAS, cf chapitre 8), avant d’être élue députée du Parti libéral en 1985 (après avoir été une première fois candidate déçue en 1981). Toujours réélue depuis lors, elle a été ministre déléguée à la Condition féminine de 1985 à 1989, puis Ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration en 1989. Elle a nouveau exercé des fonctions importantes lors du retour des libéraux au pouvoir en 2003, en étant Vice-première ministre de 2003 à 2005, et ministre des Relations internationales et de la francophonie depuis 2003.

Violette Trépanier

Née à Montréal en 1945, après des études de pédagogie, Violette Trépanier exerce comme professeure de français au secondaire et au collégial de 1966 à 1976. Après avoir été attachée politique d’un député et Vice-présidente du Parti libéral de 1982 à 1985, elle est élue députée libérale en 1985 et réélue en 1989 (elle ne se représente pas en 1994). Après avoir été adjointe parlementaire du ministre des Affaires municipales entre 1985 et 1989, puis Ministre déléguée aux Communautés culturelles en 1989, elle est nommée en 1989 Ministre déléguée à la Condition féminine et ministre responsable de la Famille, fonction qu’elle exerce jusqu’en 1994. Elle est Ministre de la Sécurité du revenu de janvier à septembre 1994.

Jeanne Blackburn

Enseignante, Jeanne Blackburn milite pendant huit ans à l’AFEAS du Saguenay-lac-Saint-Jean (dont elle a été vice-présidente), avant d’être élue députée du Parti québécois dans Chicoutimi en 1985, puis réélue en 1989 et en 1994. Elle a été Ministre de la Sécurité du revenu et ministre responsable de la Condition féminine de 1994 à 1996, et présidente de la Commission de l'éducation de 1996 à 1998. Elle ne s’est pas représentée en 1998. Elle a été présidente de la Régie du cinéma de 1999 à 2002, et est présidente-directrice générale de la Fondation

des parlementaires québécois Cultures à partager depuis 2002.

Louise Harel

Diplômée en sociologie et en droit, membre du Barreau du Québec (1978), Louise Harel a été élue députée du Parti québécois en continu depuis 1981. Avant d’être élue, elle avait beaucoup milité dans son parti en tant que féministe : dans l’entretien qu’elle nous a accordé, elle a notamment mentionné s’être faite arrêtée en 1972 suite à une manifestation pour protester contre l’absence de femmes dans les jurys lors des procès ; elle a par ailleurs souligné avoir fait adopté au congrès national de 1977, en tant que présidente de la région Montréal-centre pour le Parti, une résolution sur le droit à l’avortement. Après avoir été adjointe parlementaire du Ministre de la justice de 1981 à 1985, elle occupe des fonctions ministérielles de 1994 à 2003, notamment en matière de Concertation et Emploi (1994-1996), Immigration et communautés culturelles (1995-1996), Emploi et solidarité (1996-1998), Sécurité du revenu (1996-1998), Condition féminine (1996-1998), Affaires municipales et métropole (1998-2002).

55 En 1984, suite à la victoire des conservateurs aux élections fédérales, René Lévesque, mettant entre parenthèses l’objectif souverainiste, répond favorablement au projet fédéraliste proposé par Brian Mulroney en parlant d’un « beau risque ». Ceci cause la démission de plusieurs ministres de son gouvernement.

Linda Goupil

Diplômée en droit, membre du Barreau depuis 1986 et avocate en droit familial, Linda Goupil a beaucoup œuvré en faveur du développement de la médiation familiale, notamment dans le cadre d’une association d’avocats « familialistes ». Elue députée Péquiste en 1998, elle est ministre responsable de la Condition féminine de 1998 à 2003, d’abord en tant que Ministre de la justice (1998-2001) puis en tant que ministre de la famille et de l’enfance (2001-2003). Défaite en 2003, elle est retournée à sa pratique d’avocate.

Michelle Courchesne

Diplômée en sciences humaines et en urbanisme, Michelle Courchesne a exercé le métier d’urbaniste à la fin des années 1970, avant d’être nommée sous-ministre adjointe, puis sous-ministre en titre au ministère de la Culture et des Communications (1988-1995). Après avoir été Directrice générale de l'Orchestre symphonique de Montréal de 1995 à 2000, elle a exercé des fonctions de responsabilités dans des sociétés privées jusqu’en 2003. En 2003, elle est élue députée libérale, et devient Ministre des Relations avec les citoyens et de

l'Immigration, responsable du SCF et du CSF. Elle est ensuite Ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale de 2005 à 2007, et elle est depuis avril 2007 Ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport et Ministre de la famille.

Carole Théberge

Née en 1953, Carole Théberge a fait carrière dans le secteur privé en marketing et relations publiques. Elle a été élue Conseillère municipale à la ville de Lac-Saint-Joseph de 1998 à 2002, puis élue députée libérale en 2003. Elle a été Ministre déléguée à la Famille de 2003 à 2005, puis Ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine de 2005 à avril 2007. Elle n’a pas été réélue en 2007.

Le passage direct du militantisme au gouvernement peut toutefois se faire au niveau des cabinets : les ministres s’entourent volontiers de femmes issues du mouvement, comme en témoignent par exemple les trajectoires de deux anciennes membres de cabinets que nous avons interviewées (cf Encadré 2.9).

Encadré 2.9 : La cause des femmes, du mouvement au cabinet…

Récit 1 : Après avoir milité plusieurs années au sein du mouvement des femmes, et travaillé au siège de l’AFEAS, l’interviewée est recrutée dans les années 1980 au cabinet d’une ministre à la Condition féminine. Elle reste dans le cabinet de deux ministres successives pendant cinq ans, puis travaille à la recherche au ministère de l’Emploi, puis au Secrétariat à la condition féminine, et enfin au Conseil du statut de la femme. Voici comment elle raconte sa prise de conscience féministe, puis son passage du mouvement des femmes au cabinet ministériel :

« Pour décrire brièvement, mon engagement dans le mouvement féministe remonte à plus de 25 ans. J'étais toute jeune, une jeune mère de famille, et c'est vraiment une association locale qui m'a amenée à l'éveil à la condition des femmes au Québec, et puis cet éveil-là a été suffisamment fort pour m'inciter à m'engager tout de suite dans les mois qui ont suivi, et puis par la suite je n'ai jamais perdu cette flamme de l'engagement. Partant de ce point de départ, qui était à la fin des années 70, j'ai progressivement cheminé à travers, je dirais, tous les méandres de l'organisation du féminisme au Québec, en commençant par les associations locales où j'ai eu la présidence, ensuite aux instances régionales ; puis j'ai ensuite travaillé comme chercheure et employée du siège social d'une des grandes associations féminines au Québec, qui est l'AFEAS. Par la suite, j'ai travaillé aussi à la permanence d'un organisme qui s'occupait de toutes les questions qui touchaient au travail et à l'emploi des femmes, pendant près de cinq ans. Là, j'ai acquis des expériences très concrètes comme par exemple préparer des mémoires pour des commissions parlementaires, en tout cas j'ai acquis beaucoup de connaissances sur des grandes problématiques féminines. Par la suite, par une situation d'un hasard extraordinaire, j'ai été recrutée par la ministre de la Condition féminine de l'époque pour travailler dans son cabinet ».

Récit 2 : Après avoir milité dans de nombreuses organisations du mouvement des femmes (centre de femmes, centre de santé pratiquant des avortements) depuis les années 1970, tout en travaillant dans un Centre local de santé communautaire56 (CLSC), cette interviewée avait pris sa retraite lorsqu’elle a été contactée pour faire partie du cabinet de Linda Goupil :

56 Les CLSC sont, au Québec, des organismes publics locaux offrant des services de base à la population en matière de santé (soins, prévention, périnatalité).

« J'ai une formation en travail social et en sociologie, et j'ai travaillé dans un CLSC. Dans ce cadre, j'ai fait du travail de groupe avec les femmes, surtout des femmes chefs de famille, et d'autres aussi. On a mis sur pied un centre de femmes, qui a une trentaine d’années maintenant. C'était dans la basse-ville de Québec, et c'était un des premiers centres de femmes au Québec, avec une approche de conscientisation. Donc j'ai travaillé avec des femmes, et par ailleurs j’ai milité en dehors de mon travail, et dans le mouvement syndical, pour faire des formations en condition féminine, sur le droit à l'avortement, etc.. On a aussi mis sur pied avec d'autres femmes de Québec un centre de santé, on était la première clinique où les femmes pouvaient avoir un arrêt de grossesse. On a développé une approche qui a finalement été reprise dans les centres hospitaliers quand c'est devenu... Mais à l’époque on était illégaux. Mais on avait monté tout un réseau d'appui. Donc ça, c'est à la fin des années 70, au début des années 80. […] Donc tout ça fait partie de mon parcours. Et j'ai été dans toutes sortes d'organisations pour les femmes. Donc après ça, comment est-ce que je suis arrivée au cabinet de Madame Goupil ? En fait, j'avais quitté le CLSC, et j'étais supposée être à la retraite, mais je continuais à travailler. Et Madame Goupil a été nommée ministre, elle était jeune, sans expérience, sans connaissance des groupes, donc ils sont venus me chercher en disant : on a besoin de quelqu'un qui a de l'expérience ».

2) Des ministres interministérielles

La mission de la ministre chargée de la Condition féminine a été conçue dès ses origines, dans le prolongement de l’adoption de la politique d’ensemble Pour les Québécoises…, comme une mission intersectorielle. On peut toutefois distinguer, dans ce travail interministériel, une vocation, anciennement reconnue, de « coordination » de l’action gouvernementale, et un travail de vigilance par rapport à l’impact des politiques menées par les autres départements ministériels. Si elle a toujours été celle de la Ministre, cette dernière démarche a récemment été légitimé par la dynamique de gender mainstreaming.

a) Un rôle de « coordination »

La mission de la ministre chargée de la Condition féminine a toujours été conçue dans une optique interministérielle, dans le prolongement de sa vocation originelle de suivi de la mise en application de la politique d’ensemble Pour les Québécoises…, elle-même conçue comme une politique intersectorielle. La ministre responsable de la Condition féminine se voir donc assigner un rôle de coordination de l’action gouvernementale (cf Encadré 2.11), la promotion de la condition féminine étant conçue comme devant être le fait de l’ensemble des ministères, et non la mission exclusive d’une instance spécifique. Cette conception a pour contrepartie l’absence de crédits d’intervention : la ministre – et le Secrétariat à la condition féminine – ne peuvent impulser des interventions (en dehors de quelques actions ponctuelles d’information) par eux-mêmes, ils doivent obtenir des engagements des autres ministères.

Cette mission de coordination de l’action gouvernementale a pris appui, entre 1979 et 1985, sur un Comité ministériel de la condition féminine, présidé par la ministre, regroupant des représentants de différents ministères (cf Encadré 2.10). La ministre a ensuite assumé par elle-même cette fonction de coordination. Au niveau institutionnel, la vocation interministérielle de l’action de la ministre

chargée de la condition féminine s’est également traduite par son rattachement, jusqu’en 1995, au Conseil exécutif.

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