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Les ministres chargées de la Condition féminine au Québec (1979-2007)

Chapitre 2 : Au Québec, une structure duale et stable stable

Encadré 2.7 Les ministres chargées de la Condition féminine au Québec (1979-2007)

Dates Ministre chargée de la Condition féminine52

1979-1981 Lise Payette ministre d’État à la Condition féminine 1981-1983 Pauline Marois Ministre d’État, puis ministre déléguée à la

Condition féminine (à partir de septembre 1982)

1983-1984 Denise Leblanc-Bantey ministre déléguée à la Condition féminine (également ministre de la fonction publique)

1984-1985 René Lévesque, Premier Ministre, chargé de la Condition féminine par intérim.

1985 (16 janvier-17 juin) Francine Lalonde ministre déléguée à la Condition féminine 1985 (17 juin-16 octobre) Pauline Marois ministre déléguée à la Condition féminine

(également vice-présidente du Conseil du Trésor et ministre responsable de l’Outaouais)

1985 (16 octobre-12 décembre) Lise Denis ministre déléguée à la Condition féminine

1985-1989 Monique Gagnon-Tremblay ministre déléguée à la Condition

féminine

1989-1994 Violette Trépanier ministre déléguée à la Condition féminine et responsable de la famille

1994-1996 Jeanne Blackburn Ministre de la Sécurité du revenu et ministre responsable de la Condition féminine

1996-1998 Louise Harel ministre d’État de l’Emploi et de la solidarité et ministre responsable de la Condition féminine

1998-2003 Linda Goupil Ministre responsable de la Condition féminine

(également ministre de la justice de 1998 à 2001, puis ministre d'État à la Famille et à l'Enfance de 2001 à 2003).

2003-2005 La responsabilité du SCF et du CSF entre dans les attributions de la Ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration Michelle Courchesne, mais l’attribution « Condition féminine » n’apparaît pas dans son titre.

52 Sont indiquées par un arrière-plan grisé les ministres nommées au sein de gouvernements du Parti québécois, les autres correspondant à des gouvernements libéraux.

Février 2005- avril 2007 Carole Théberge Ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine

Avril 2007- Christine Saint-Pierre Ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine

1) Qui sont les ministres ?

A Lise Payette succède en 1981 sa directrice de cabinet Pauline Marois, qui vient alors, jeune mère de 32 ans, d’être élue députée. Celle qui fut ensuite vouée à une brillante carrière politique (cf Encadré 2.8) a donc fait son entrée au gouvernement par l’intermédiaire de la condition féminine. Elle souligne les difficultés qu’elle a alors rencontrées du fait de sa jeunesse et de sa faible influence politique :

Quand j'ai pris cette responsabilité, je chaussais de grands souliers, parce que Mme Payette est une femme qui a un grand talent, et qui a fait des choses assez remarquables et exceptionnelles. Donc en ce sens-là, je trouvais ma tâche un peu lourde et exigeante. Ma capacité d'influence était limitée à cause de ma jeunesse, du peu d'expérience, et du fait que la personne qui avait occupé cette fonction-là auparavant avait un pouvoir très important. C'était une femme d'influence, et elle ne se gênait pas pour dire à ses collègues ce qui n'allait pas. Je n'avais pas cette même stature lorsque je suis arrivée au gouvernement en 1981. J'étais une jeune femme qui avait été chef de cabinet, attachée politique, militante. J'avais aussi eu dans le passé des responsabilités majeures dans le domaine des services sociaux, mais je n'avais pas, au plan politique, été connue autrement que par l'action que j'avais menée à la direction du cabinet, et comme attachée de presse ou comme militante. Donc mon pouvoir d'influence était limité. (Entretien

avec Pauline Marois, le 12 avril 2005).

Le revers le plus important qu’elle eut à subir fut d’être rétrogradée de ministre d’État à ministre déléguée à la condition féminine, sortant ainsi du Comité des priorités, en septembre 1982 :

Il s'est passé quelque chose qui m'a beaucoup blessée, c'est que le Premier ministre a décidé de remodeler son comité de priorités. Et la ministre à la Condition féminine était sur le comité de priorités. Or il a décidé, en remodelant son comité des priorités, de ne pas reconduire la ministre à la Condition féminine à ce comité. Il y a eu un tollé des groupes de femmes, et il y a eu des membres de mon cabinet aussi qui ont été très fâchés, qui ont dit : « on s'en va, ça ne vaut pas la peine de travailler dans ces conditions ». Ça a été terrible, ça a été un moment très pénible et très difficile » (Entretien avec Pauline Marois, le 12

avril 2005).

Malgré ces protestations exprimées au sein du mouvement des femmes et du cabinet de la ministre, la ministre à la Condition féminine est ensuite restée au rang de déléguée (cette fonction étant occupée par Denise Leblanc-Bantey en 1983-1984). La fonction a été maintenue lors de l’alternance politique de 1985, en étant attribuée à Monique Gagnon-Tremblay, dont c’était également la première fonction ministérielle. En 1989, la famille s’est ajoutée à la condition féminine dans les attributions de Violette Trépanier, dans un contexte où venait d’être lancée la première politique familiale explicite (cf chapitre 1).

Avec le retour du Parti québécois au pouvoir en 1994, la condition féminine devient une « responsabilité » ministérielle (sont nommées des ministres « responsables de la Condition féminine »), associée à une fonction ministérielle première. En 1994, Jeanne Blackburn est

responsable de la Condition féminine en étant simultanément ministre de la Sécurité du revenu ; en 1996, cette responsabilité incombe à la ministre de l’Emploi et de la solidarité Louise Harel. Entre 1998 et 2001, elle échoit à Linda Goupil, en tant que ministre de la Justice de 1998 à 2001, puis ministre de la Famille et de l’enfance de 2001 à 2003.

Lorsque le Parti libéral revient au pouvoir en 2003, la « Condition féminine » n’apparaît dans l’intitulé d’aucune fonction ministérielle. La responsabilité du Conseil du statut de la femme et du Secrétariat à la condition féminine entre toutefois dans les attributions de la Ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration Michelle Courchesne. En réponse aux abondantes protestations émanant du mouvement des femmes53, la condition féminine réapparaît dans l’intitulé d’une fonction ministérielle en 2005, Carole Théberge étant nommée Ministre de la famille, des aînés et de la condition féminine. Suite aux élections d’avril 2007 qui reconduisent au pouvoir le Parti libéral, la condition féminine est désormais associée à la culture et aux communications, Christine Saint-Pierre étant nommée ministre de la Culture, des communications et de la condition féminine.

Ainsi, la condition féminine, en dehors de l’épisode de 2003-2005, est toujours apparue dans l’intitulé d’une fonction ministérielle depuis 1979. Ce dernier épisode a par ailleurs permis de tester le poids du mouvement des femmes dans le maintien de la fonction, d’autant plus que l’appellation « condition féminine » s’est finalement trouvée maintenue après avoir été fortement remise en question au niveau gouvernemental (cf ci-dessous).

Les femmes nommées à ce poste sont, de façon classique, des élues du parti au pouvoir (cf Encadré 2.8). Si la condition féminine a pu constituer pour certaines d’entre elles, parmi les premières (Pauline Marois, Monique Gagnon-Tremblay), une voie d’entrée au gouvernement, ce n’est pas toujours le cas, et la fonction a également pu être attribuée à des ministres occupant ou ayant occupé d’autres fonctions ministérielles plus reconnues : par exemple, Louise Harel a été chargée de l’emploi (1994-1996) avant d’être chargée de la condition féminine (1996-1998). Certaines ministres ont auparavant participé au mouvement des femmes. Outre le cas de Lise Payette, précédemment évoqué, peut être mentionné, du côté des ministres Péquistes, celui de Louise Harel, qui avait été une féministe engagée, notamment au sein de son parti, avant d’être élue et d’accéder à des fonctions gouvernementales. L’extrait suivant, tiré de notre entretien avec l’ex-ministre, témoigne bien du large panel que cette trajectoire a pu impliquer en termes de répertoires d’action, de la manifestation – allant jusqu’à l’arrestation – à l’action gouvernementale, en passant par l’organisation de colloques :

Q : J'aurais voulu savoir - c'est peut-être une question un peu naïve liée au fait que je me suis pas québécoise - mais j'aurais voulu savoir si avant d'occuper ces fonctions, vous aviez déjà une préoccupation pour les droits des femmes ?

53 Ces protestations se sont notamment exprimées lors de la commission parlementaire qui s’est tenue à partir de janvier 2005 sur la définition d’une politique d’égalité (voir ci-dessous).

R : Oui. J'ai présidé la région de Montréal-centre pour le Parti québécois. Nous étions alors en 1974. Et 1975 verra le début de la décennie des femmes à Mexico, qui a eu une très grande influence ici au Québec. J'ai alors organisé comme présidente de Montréal-centre le premier colloque en matière de condition féminine, non seulement pour le Parti québécois, mais c'était même le premier qui se tenait à Montréal, et qui s'était intitulé : « solitaires ou solidaires ? ». Et c'était la première fois qu'on a abordé en public des questions comme la ménopause, l'ostéoporose, des questions liées à la santé des femmes, ces questions qui étaient restées occultées, on les a abordées, dans tous les domaines. Ça, c'était en 1974, comme militante.

Q : D'accord, donc vous étiez déjà militante féministe...

R : Oui, beaucoup. J'étais très militante. Puis au congrès national du Parti québécois, nous avons fait adopter, la région Montréal-centre que je présidais, une résolution dès 1977 - au grand désappointement de la direction du parti - une résolution quant à l'interruption volontaire de grossesse, pour mettre fin à des poursuites criminelles contre les médecins qui faisaient des avortements. Donc déjà en 1977, les choses étaient bien engagées. Puis j'ai été élue députée en 1981... La seule fois où je me suis faite emprisonner, c'était en 1972, c'était une manifestation de femmes, nous nous étions enchaînées pour protester contre le fait que les jurys dans les procès étaient exclusivement masculins. Jusqu'à 1972, les femmes ne pouvaient pas être jurés. Donc vous voyez que c'était antérieur à ma fonction de ministre… Q : D'accord, donc vous avez expérimenté diverses modalités de promotion des droits des femmes (rires)...

R : Ensuite, j’ai été responsable de la Condition féminine quand j'ai été élue vice-présidente du Parti québécois. Monsieur Lévesque était président à ce moment-là, et j'étais vice-présidente nationale, et j'étais responsable du dossier de la condition féminine, on appelait ça le comité d'action politique des femmes. C'était en 1979. […] Et c'est par la suite que je serai élue, en 1981. Donc c'est un parcours qui est très « condition féminine ». (Entretien avec Louise Harel, le 2 mai 2005)

Du côté libéral peut être mentionné le cas de Monique Gagnon-Tremblay, qui était membre de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFEAS) avant de devenir ministre à la Condition féminine en 1985. A l’inverse, les ministres les plus récemment nommées, Linda Goupil (PQ), Michelle Courchesne et Carole Théberge (PLQ), n’ont pas de passé de militantes féministes. Semble donc se dessiner une évolution vers des profils moins « militants ». Mais il convient toutefois de préciser que même auparavant, le militantisme féministe n’a jamais suffi à faire nommer une femme ministre à la Condition féminine : les ministres sont d’abord et avant tout des élues du parti au pouvoir.

Encadré 2.8 : Trajectoires professionnelles et politiques

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