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Femmes, familialisme et nationalisme canadien français (1907- (1907-1960) (1907-1960)

France et au Québec

Encadré 1.1 : Les interrelations entre État, associations et producteurs de savoirs

A. Femmes, familialisme et nationalisme canadien français (1907- (1907-1960) (1907-1960)

Dans la première moitié du XXème siècle, la défense de la famille canadienne française est au cœur de l’idéologie de la « survivance », associant défense de la religion catholique, défense de la langue française et « revanche des berceaux ». Portée par le clergé et les dirigeants politiques formés dans des institutions religieuses, cette idéologie nationaliste, nataliste et cléricale accorde une place centrale à « la femme » en tant que mère de la nation – par ailleurs mère de famille nombreuse et soumise à son mari174. Le nationalisme canadien français a donc une forte composante familialiste, qui a pour particularité de se centrer sur le rôle de la mère. Dès lors, alors que se crée par ailleurs, sur l’impulsion de membres du clergé, un mouvement familial inspiré de l’exemple français, l’État, qui attribue aux femmes un rôle clé dans la défense de la nation canadienne française, encourage le développement des Cercles de fermières. Parallèlement, cette idylle entre femmes, famille et État est

173 Ibid, Y. COHEN. (2002 [1991]). "Du féminin au féminisme…", art. cité. 174 H.J. MARONEY. (1992). ""Who has the baby?... ", art. cité, p. 9.

toutefois troublée par les critiques adressées au Code civil par une autre organisation de femmes, la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste.

1) Les premières associations familiales, peu tournées vers l’action politique

Les premières associations familiales, qui se créent à partir des années 1930, sont pour l’essentiel des mouvements d’action catholique initiés par des membres du clergé, proposant des services aux familles, selon un modèle imité des exemples belges et français. La Jeunesse ouvrière catholique (JOC) donne ainsi naissance à la Ligue ouvrière catholique (LOC), elle-même à l’origine de Services de préparation aux mariage (SPM) et des Services d’orientation des foyers (SOF). D’autres mouvements, tels que les Foyers Notre-Dame/Couple et famille créés dans les années 1950 (sur l’initiative d’un sulpicien), s’inspirent des mouvements européens de spiritualité conjugale175.

A partir de l’après-guerre se développe un mouvement « laïc », plus axé sur l’éducation et s’adressant spécifiquement aux parents, les Ecoles de parents. Ces associations « s’inspirent de l’exemple français laïc et mettent l’accent sur l’éducation familiale et les nouveaux savoirs issus de la puériculture, de la psychologie et de la pédagogie176 ». Transformées en « unions de familles » à la fin des années 1950, elles constituent le fondement du mouvement familial québécois tel qu’il se redéfinira dans les années 1960.

Cependant, jusque dans les années 1960, le mouvement familial, constitué d’associations proposant des services aux familles, est très peu tourné vers l’État. Ceci ne signifie pas pour autant que le familialisme soit faible puisque, ainsi que précédemment souligné, il imprègne les représentations des leaders politiques et cléricaux.

2) Les Cercles de fermières, encouragés par l’État… et enviés par l’Église

Au début du XXème siècle, le mouvement des femmes québécois s’organise autour de deux clivages structurants, un clivage linguistique/confessionnel, opposant les « Canadiennes françaises » catholiques et les anglophones protestantes, et un clivage social/géographique séparant des femmes bourgeoises de milieux urbains et des femmes de milieux ruraux et plus populaires. Ces dernières font plus particulièrement l’objet de l’attention des pouvoirs publics, qui voient en elles la clé de la perpétuation de la nation canadienne française 177 ; de surcroît, du fait de leur rôle dans l’économie domestique, on mise sur elles pour freiner l’exode rural. C’est ainsi que le ministère de l’Agriculture encourage à partir de 1915 la création des « Cercles de fermières », regroupements de femmes dont

175 D. LEMIEUX et M. COMEAU. (2002). Le mouvement familial au Québec…, op. cit., p. 4. 176 Ibid.

les activités sont centrées sur l’économie domestique. Se multipliant en milieu rural, ces cercles regroupent un nombre croissant de femmes – jusqu’à 50 000 en 1945178. La défense des valeurs familiales est centrale dans les représentations véhiculées par les Cercles, empreintes d’une morale traditionnelle quant à l’assignation des femmes à la sphère privée. Le travail des Cercles de fermières n’en porte pas moins en germe des ferments d’émancipation, notamment par la construction d’un « métier de fermière179 ».

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les Cercles sont affaiblis, en tant que tels, par une offensive du clergé. En effet, jaloux de la relation privilégiée entre les Cercles et l’État180, le clergé crée en 1944 une organisation alternative, l’Union catholique des fermières (UCF), auquel il invite les femmes à se rallier. En résulte une diminution des effectifs des Cercles, et une scission, dans chaque paroisse, entre les deux organisations féminines. Alors que les Cercles tentent de compenser l’effritement de leurs effectifs à la campagne par le développement d’une implantation en ville, les évêques créent en 1952 une autre organisation dédiée aux femmes de milieu urbain, les Cercles d’économie domestique (CED). Cette bataille entre Église et État autour de l’enjeu de l’organisation des femmes de milieu rural s’intensifie dans les années 1950. Menacés par les campagnes de la hiérarchie catholique visant à les discréditer et/ou obtenir leur transformation en Unions catholiques des femmes rurales (UCFR, nouveau nom des UCF à partir de 1957), les Cercles de fermières, bien qu’affaiblis, parviennent à se maintenir.

Alors que les Cercles de fermières, incarnation – féminine – des valeurs familialistes du nationalisme canadien français, sont essentiellement tournés vers l’entraide et l’action locale, des groupes de femmes de milieu urbain, à vocation initialement philanthropique, se tournent vers l’action politique, prenant pour cible le Code civil.

3) Le Code civil et ses critiques

Si la défense de la famille canadienne française constitue une valeur clé pour les élites politiques, cela ne se traduit pas par une politique publique en direction des familles, dans un contexte où l’État intervient peu dans un secteur social dominé par les institutions ecclésiales, et où une telle intervention serait de surcroît perçue comme illégitime, remettant en question l’autorité du chef de famille instituée par le Code civil181. L’encadrement juridique des relations familiales par le « Code civil du bas Canada », calqué en 1866 sur le Code Napoléon, n’en constitue pas moins, justement, une intervention forte de l’État dans la sphère familiale, dans un sens familialiste.

178 Y. COHEN. (1988). "Les Cercles de fermières : une contribution à la survie du monde rural?" Recherches sociographiques, vol.2, n.3, p. 311-327, Y. COHEN. (1990). Femmes de parole, op. cit.

179 Y. COHEN. (2002 [1991]). "Du féminin au féminisme....", art. cité, p. 700.

180 Pendant la seconde guerre mondiale, le Ministère de l’agriculture a procédé à un encadrement plus systématique des Cercles. Y. COHEN. (1988). "Les Cercles de fermières…", art. cité, p. 323.

181 La seule exception notable à ce non interventionnisme est un programme de pensions aux « mères nécessiteuses », mis en place en 1937. D. BAILLARGEON. (1996). "Les politiques familiales au Québec. Une perspective historique."

Ce Code fait l’objet des premières mobilisations d’une autre organisation de femmes, celles-ci de milieu urbain, la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB). Créée en 1907, cette fédération, regroupant des bourgeoises canadiennes françaises issues des milieux philanthropiques, est le volet catholique et francophone d’un mouvement des femmes de milieu urbain dont le Montreal local council

of women (MLCW) constitue le volet anglophone et protestant. Tout en restant solidement ancrée

dans l’action sociale catholique, la FNSJB se tourne aussi vers l’action politique, et la réforme du Code civil constitue son premier cheval de bataille182.

Revendiquée par la FNSJB depuis 1914183, une commission d’enquête sur les droits civils des femmes est finalement mise en place par le gouvernement provincial en 1929. Dirigée par le juge Dorion et composée de quatre juristes (hommes), la commission procède à des auditions au cours desquelles plusieurs associations féminines formulent leurs revendications de réformes. Celles-ci ont essentiellement trait à la libre disposition du salaire pour les femmes mariées, à la protection des biens de la communauté (contre la capacité du mari d’en disposer sans le consentement de la femme), à la mise en place d’une part réservée pour la femme en cas de décès du mari, et à la majoration de l’âge au mariage pour les filles. Le pouvoir du chef de famille et le principe de l’obéissance de l’épouse ne sont toutefois pas remis en question. Conservatrice, la commission ne concède, dans son rapport, que des modifications à la marge, qui constituent toutefois des améliorations juridiques pour les femmes, au premier rang desquelles la libre disposition de leur salaire par les femmes mariées, et la création d’une catégorie de « biens réservés » que celles-ci peuvent administrer seules184. Le mouvement des femmes a donc été le fer de lance de cette première réforme du Code civil, bien que celle-ci soit d’ampleur limitée. Ce mouvement a ensuite concentré ses efforts sur le droit de suffrage, finalement obtenu au Québec en 1940185.

Mais en matière familiale, les revendications de la FNSJB ne se limitent pas au droit civil. En effet, dès 1909, la fédération revendique la création d’une pension aux mères, et joue par la suite un rôle essentiel dans la mise en place, en 1937, d’un programme de pensions pour les mères nécessiteuses186. Lorsque, au lendemain de la seconde guerre mondiale, le gouvernement fédéral

182 K. HÉBERT. (1999). "Une organisation maternaliste au Québec : la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste et la bataille pour le vote des femmes." Revue d'histoire de l'Amérique française, vol.52, n.3, p. 315-344.

183 Marie Gérin-Lajoie, cofondatrice de la FNSJB, joue un rôle essentiel dans le développement d’une analyse critique du droit du point de vue des femmes, en publiant une série d’ouvrages de vulgarisation mettant l’accent sur le statut juridique des femmes et les réformes souhaitables : citons par exemple son Traité de droit usuel (1902), et La bonne parole (1913).

184 COLLECTIF CLIO. (dir.) (1992). L'histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, Montréal : Le Jour. p. 351-359. 185 Obtenu au niveau fédéral en 1918, le droit de vote des femmes est d’abord revendiqué au Québec par des anglophones, dans le cadre de la Montreal suffrage association, fondée en 1912. En 1921, les deux grandes fédérations francophone/catholique (FNSJB) et anglophone/protestante (MLCW) se regroupent dans un Comité provincial du suffrage féminin, transformé en 1928 en Ligue des droits de la femme, présidée par Thérèse Casgrain. Cette dernière, épouse du président des Communes et vice-présidente des femmes libérales du Canada, contribue à faire passer le droit de suffrage des femmes dans le programme du parti – promesse électorale tenue en 1940. Ibid. p. 359-364.

186 Y. COHEN. (2006). "Genre, religion et politiques sociales au Québec dans les années 1930 : les pensions aux mères."

annonce la mise en place d’un système d’allocations familiales versées aux mères, le clergé et les milieux nationalistes québécois s’insurgent contre une intrusion de l’État fédéral perçue comme remettant en question l’autorité du chef de famille. Ce n’est que suite à l’intervention de Thérèse Casgrain que le versement aux mères est maintenu au Québec, après que le gouvernement fédéral a initialement cédé et émis les premiers chèques au nom des pères187.

Finalement, les premières réformes en matière familiale, qu’il s’agisse du droit civil ou de l’amorce d’une politique plus sociale, ont été promues par le mouvement des femmes, bien plus que par un mouvement familial qui, encore très marqué par l’action catholique, n’en appelle pas à une intervention de l’État.

B. L’étatisation de la société : quelles conséquences sur l’économie

des relations entre féminisme et familialisme ? (1960-1988)

A partir du début des années 1960, alors que la société et l’économie québécoises connaissent des transformations rapides188 (urbanisation, industrialisation puis tertiarisation de l’économie, laïcisation), l’État, sous l’impulsion du gouvernement libéral de Jean Lesage (élu en 1960), multiplie ses interventions dans de nombreux secteurs qui étaient auparavant monopolisés par des institutions cléricales : éducation, santé, service social. Simultanément, l’identité nationale se territorialise, comme le signale le remplacement de l’expression « Canadien français » par le terme « Québécois189 ». Comment les mouvements sociaux se positionnent-ils, dans le contexte de ce rôle changeant de l’État ? Force est de constater que les structures de mobilisation du mouvement des femmes et du mouvement familial se transforment à cette époque, sans que l’on puisse toujours relier clairement ces mutations à l’évolution parallèle du rôle de l’État. Nous reviendrons d’abord sur ces transformations dans l’organisation des deux mouvements, pour montrer que si tous deux se tournent vers l’État, le mouvement des femmes se voit doté de canaux officiels de représentation au sein de ce dernier avant le mouvement familial. Nous analyserons ensuite les orientations de ces deux mouvements, en nous intéressant plus spécifiquement aux facettes plurielles du rapport que le mouvement des femmes entretient avec la famille. Nous montrerons enfin que cette période a été marquée par une institutionnalisation des savoirs sur les femmes et la famille dans l’université.

187 D. BAILLARGEON. (2003). "Maternalisme et État providence : le cas du Québec." Sextant, n.20, p. 139 ; J. BERGERON. (1996). Les frontières matérielles et imaginées de l'État-providence : les politiques familiales en France, au Canada et au

Québec de 1945 à 1993. Thèse de doctorat en science politique, Université de Carleton, Ottawa, Ontario ; COLLECTIF

CLIO. (dir.) (1992). L'histoire des femmes au Québec…, op. cit., p. 391-392 ; S. LÉPINE. (1990). "L'État et les allocations familiales, une politique qui n'a jamais vraiment commencé." Recherches féministes, vol.3, n.1, p. 65-81.

188 Certaines de ces transformations étaient amorcées dans les décennies précédentes ; le caractère de rupture ou de continuité de cette période de l’histoire québécoise couramment désignée sous le terme de « Révolution tranquille » a ainsi fait l’objet d’abondants débats entre historiens, sur lesquels nous ne reviendrons pas ici. Voir par exemple J. ROUILLARD. (1998). "La Révolution tranquille : rupture ou tournant?" Journal of Canadian Studies/Revue d'études

canadiennes, vol.32, n.4, p. 23-51.

1) Mouvement familial et mouvement des femmes : de l’action sociale à l’action politique

Entre les années 1960 et les années 1980, l’histoire des deux mouvements, qui connaissent par ailleurs un processus similaire de laïcisation, est marquée par la création de fédérations et de regroupements au niveau provincial, traduisant une volonté d’influer sur les pouvoirs publics. Dans l’État, ces efforts se traduisent, au niveau institutionnel, par la création d’instances ayant une vocation officielle de défense des intérêts des femmes, puis des familles.

Pour le mouvement familial, le déroulement, en 1967 à Québec, du Congrès international de l’Union internationale des organismes familiaux (UIOF) joue un rôle de « catalyseur » dans le processus de rassemblement des associations, dont sept fondent en 1972 un regroupement sous le nom d’Organismes familiaux associés du Québec190 (OFAQ). L’OFAQ se mobilise autour de deux revendications centrales : la mise en place d’un système formel de représentation des associations familiales au niveau gouvernemental et la mise en place d’une politique familiale191. Par la suite, alors que les associations familiales se diversifient et tendent à se spécialiser, leur fédération autour de l’objectif de mise en place d’une politique familiale se renforce, avec la création en 1983 du Regroupement inter-organismes pour une politique familiale au Québec (RIOPFQ), qui fédère une grande diversité d’organismes. Parmi ceux-ci, on trouve les Cercles de fermières mais aussi les deux grandes fédérations du mouvement des femmes qui se sont créées dans les années 1960, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) et l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFEAS) 192. Si ces associations de femmes font ainsi partie intégrante du lobby en faveur d’une politique familiale, elles disposent par ailleurs alors de leurs propres canaux de représentation dans l’État. Mais il convient de revenir au préalable sur l’histoire de la FFQ et de l’AFEAS.

La Fédération des femmes du Québec (FFQ) a été créée en 1965 à la suite des célébrations du 25ème

anniversaire du droit de vote des femmes, et notamment d’une réunion de réflexion organisée par Thérèse Casgrain sur le statut juridique de la femme193. Fédérant des associations féminines194 et des individus, la Fédération se définit comme une organisation non confessionnelle, et agit dès ses débuts comme un lobby auprès des gouvernements, revendiquant notamment, au niveau institutionnel, la création au sein du gouvernement d’un « Office de la femme » (cf chapitre 2). L’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFEAS), née en 1966 de la fusion de l’Union catholique des femmes rurales (UCFR) et des Cercles d’économie domestique (CED), est plus

190 L’OFAQ regroupe notamment des associations de services aux couples d’inspiration catholique (ex. Foyers Notre-Dame). La FUF n’en fait pas partie.

191 D. LEMIEUX et M. COMEAU. (2002). Le mouvement familial au Québec…, op. cit., p. 47-61. 192 Ibid. p. 103.

193 COLLECTIF CLIO. (dir.) (1992). L'histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, Montréal : Le Jour. p. 464.

194 Lors du premier conseil d’administration de la FFQ en 1966, 36 associations envoient des déléguées, et 38 des observatrices. Ibid. p. 465.

hésitante à passer de l’action sociale à l’action politique195, posture que favorise toutefois son organisation au niveau provincial.

Dans les années 1970, les structures de mobilisation du mouvement des femmes se diversifient. En lien avec l’émergence d’un féminisme radical, des groupes de prise de conscience se créent, ainsi que des lieux de rencontre comme la Maison des femmes et la Librairie des femmes à Montréal. Plusieurs revues émanent de ce courant : Québécoises deboutte (1969-1974) ; Les têtes de pioche (1976-1979) ; Des luttes et des rires de femmes (1977-1981). Bien que se démarquant, dans leur idéologie comme dans leurs répertoires d’action, des grandes fédérations d’associations féminines, ces groupes ne rompent pas non plus totalement avec ces dernières, et les échanges se maintiennent entre ces divers segments du mouvement des femmes196. Une organisation comme le Réseau d’action et d’information pour les femmes (RAIF), qui combine une critique radicale avec une ambition réformiste, se situe ainsi à l’interface entre les grandes organisations féminines de masse et ce courant radical.

Le mouvement féministe radical né au début des années 1970 s’essouffle quelque peu – sans toutefois disparaître – au début de la décennie suivante, tandis que se développent des groupes plus spécialisés, intervenant auprès des femmes dans les domaines de la santé et des services sociaux (centres de santé des femmes, maisons d’hébergement, centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), centres de femmes…)197. Initialement conçus comme des groupes autonomes visant à rejoindre les femmes à partir de leur vécu, ces groupes tendent à devenir des groupes de « services », dont le développement est encouragé par l’État dans un contexte de retrait de l’État providence198.

En dehors de ces diverses structures autonomes (grandes fédérations d’associations féminines, groupes radicaux plus informels, groupes de services), la cause des femmes s’institutionnalise aussi au sein d’organisations telles que les partis et les syndicats. Des comités de condition féminine se créent ainsi dans les syndicats : en 1973 à la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) et à la Centrale de l’enseignement du Québec (CEQ), et en 1974 à la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

Ces différentes composantes du mouvement des femmes québécois – à l’exception des plus radicales – s’allient à plusieurs reprises pour faire pression auprès des autorités politiques sur des thèmes comme les services de garde pour enfants, l’équité salariale, l’assurance parentale, la lutte contre la pauvreté… Ce dernier thème est au cœur d’une grande manifestation organisée par la FFQ en 1995,

195 J. LAMOUREUX, M. GÉLINAS et K. TARI. (1993). Femmes en mouvement. Trajectoires de l'Association féminine d'éducation

et d'action sociale (AFEAS), 1966-1991, Montréal : Boréal.

196 COLLECTIF CLIO. (dir.) (1992). L'histoire des femmes au Québec …, op. cit., p. 476. 197 D. LAMOUREUX. (1986). Fragments et collages, Montréal : Remue-Ménage. p. 59.

198 M.-A. COUILLARD. (1994). "Le pouvoir dans les groupes de femmes de la région de Québec." Recherches

sociographiques, vol.35, n.1, p. 39-65, F. DESCARRIES. (2001). "Un féminisme en actes, un mouvement aux multiples

la « Marche du pain et des roses ». A la suite de cette dernière, le mouvement des femmes québécois (à l’initiative de la FFQ) a été à l’origine de l’organisation de la Marche mondiale des femmes de l’an 2000, s’affirmant ainsi comme un fer de lance du féminisme au niveau international199.

2) Défenseurs de la cause des femmes et de la famille : quelle représentation descriptive dans l’État ?

Ainsi, à partir des années 1960, dans un contexte où l’État prend la place de l’Église dans un nombre

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