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Marcelle Devaud, élue et militante de la cause des femmes 4

Chapitre 2 : Au Québec, une structure duale et stable stable

Encadré 3.1 Marcelle Devaud, élue et militante de la cause des femmes 4

Née en 1908 à Constantine (son père était magistrat), Marcelle Gougenheim, après des études de lettres à Grenoble, épouse Stanislas Devaud, qui est élu député de Constantine en 1936, et avec qui elle a six enfants. Marcelle Devaud commence sa carrière politique comme attachée parlementaire de son mari. Après avoir participé avec celui-ci à la Résistance, elle fonde à la Libération à Paris avec Hélène de Suzannet et Irène de Lipkowski les « Françaises libres », brève expérience d’un parti gaulliste féminin qui tourne court avec la création d’un nouveau parti de droite, le Parti républicain de la liberté, dont Marcelle Devaud est vice-présidente de 1946 à 1952. Marcelle Devaud crée alors avec Irène de Lipkowski et Georgette Barbizet le Comité de liaison des associations féminines (CLAF, qui deviendra CILAF).

En 1946, elle est élue par l’Assemblée nationale au Conseil de la République, où elle siège jusqu’en 1958 (et dont elle occupe une vice-présidence de 1948 à 1951). Siégeant à la commission de l’intérieur et à la commission du travail et de la sécurité sociale, elle a participé à la mise en place des différents régimes de sécurité sociale, et notamment la sécurité sociale étudiante. Elle est par ailleurs maire de Colombes de 1959 à 1965, et membre du Conseil économique et social de 1963 à 1979. En 1958, elle n’est pas réélue au Conseil de la république, mais est élue (UNR) à l’Assemblée nationale, où elle siège jusqu’en 1962.

C’est en 1952 que Marcelle Devaud a rencontré, au cours d’un voyage à Washington, les responsables du

Women’s bureau, visite à l’issue de laquelle elle milite, dans le cadre du CILAF, pour la création d’une instance

similaire au sein du ministère du Travail.

Marcelle Devaud assure la présidence du Comité du travail féminin pendant toute sa durée d’existence, de 1965 à 1984. Elle est par ailleurs membre du Conseil économique et social de 1963 à 1979, et représentante de la France à la commission de la femme aux Nations-Unies de 1975 à 1983.

Est ainsi créé par un arrêté du 25 septembre 1965 un Comité d'étude et de liaison des problèmes du travail féminin, investi d’une mission de recherche et de conseil concernant l’activité professionnelle des femmes, et composé de membres issus des associations féminines et familiales, des organisations syndicales et professionnelles, ainsi que de personnalités choisies pour leur compétence sur la

4 Sources : (Chaperon 2000 ; Man 1997) ; entretien avec Marcelle Devaud le 28 octobre 2004 ; biographie de Marcelle Devaud sur le site Internet du Sénat : http ://www.senat.fr/evenement/archives/devaud.html Source de la

question du travail des femmes5. Ce Comité est doté de très faibles moyens : il dispose de locaux exigus au ministère du Travail, et ne bénéficie initialement d’aucun personnel administratif de soutien, en dehors d’une Secrétaire générale et d’une secrétaire générale adjointe.

Cependant, cette faiblesse institutionnelle se trouve compensée par l’engagement militant de ses membres. En effet, en créant le Comité, le ministre du Travail n’a pas apporté une réponse uniquement substantive aux associations féminines qui revendiquaient une telle instance, mais également une réponse « procédurale6 », au sens où ont été nommées comme présidente et membres du Comité des défenseuses de la cause des femmes. Outre la présidence confiée à Marcelle Devaud, ont été nommées au Comité des « figures » importantes du féminisme de l’époque, issues non seulement des associations féminines, mais aussi des syndicats, des milieux juridiques et universitaires, ou encore d’organisations internationales (cf encadré 3.2).

Encadré 3.2 : Quelques « figures » du Comité du travail féminin

Jeanne Chaton (1899-1989)

Déportée aux travaux forcés en Allemagne pendant la première guerre mondiale, Jeanne Chaton devient après la guerre une militante pacifiste. Elle travaille bénévolement au Bureau international du travail (BIT) et à la Société des nations (SDN). Diplômée de science politique, de philosophie, et agrégée d’histoire, elle

enseigne à Paris jusqu’en 1965. En 1965, elle est nommée représentante de la France à la commission du statut de la femme des Nations Unies. Très active dans le milieu associatif féminin, elle est vice-présidente du CILAF, membre du Conseil national des femmes françaises (CNFF) et de l’Association des femmes

diplômées des Universités (AFDU), où elle occupe divers postes de responsabilité.

Madeleine Colin (1905-2001)

Madeleine Colin commence à travailler comme employée des PTT. Elle découvre le communisme à travers la Résistance, et adhère au PCF et à la CGT à la Libération. Elue secrétaire confédérale à la CGT en 1955, elle se voit confier la responsabilité des activités « en direction des femmes » (Christiane Gilles lui succède dans ces fonctions en 1969). Dans un contexte marqué par le développement de commissions féminines à divers niveaux de la confédération depuis l’après-guerre, elle crée en 1955 la revue Antoinette, qui connaît un grand succès (elle est publiée à 100 000 exemplaires dans les années 1970), et qu’elle dirige jusqu’en 1975. En 1956, elle est élue au Comité central du PCF, où elle fait partie de la commission des femmes.

Madeleine Guilbert (1910-2006)

Madeleine Guilbert est une pionnière de la sociologie du travail des femmes. Diplômée de philosophie, Résistante et communiste, elle est nommée à la Libération chargée de mission au centre d'études et de statistiques du ministère du Travail, où elle met en œuvre les premières enquêtes sur l’activité des femmes. Elle entre au CNRS en sociologie en 1950, au Centre d’études sociologiques dirigé par Georges Friedmann, où elle poursuit ses travaux sur l’activité des femmes qui la conduisent à publier ses deux thèses de doctorat sur « Les fonctions des femmes dans l'industrie » et « Les femmes et l'organisation syndicale avant 1914 ». Marguerite Thibert (1886-1982)

Historienne, socialiste et féministe (elle adhère en 1922 à l’Union française pour le suffrage des femmes), Marguerite Thibert a soutenu en 1926 une thèse sur le féminisme et le socialisme français de 1830 à 1850. Elle est ensuite partie travailler au Bureau International du Travail (1926), où elle est nommée en 1928 par Albert Thomas responsable d'une unité chargée des questions féminines. Elle travaille au BIT comme fonctionnaire,

5 Arrêté ministériel du 29 septembre 1965 portant création d'un Comité d'étude et de liaison des problèmes du travail féminin, publié au Journal Officiel du 3 octobre 1965, p. 8786-8787.

puis experte, jusqu’en 1965.

A ces membres fortement investies s’ajoutent six personnes spécialement recrutées pour former en 1971 le « Secrétariat permanent » du Comité, embryon de cellule administrative de soutien7. Lors des entretiens que nous avons réalisés avec quatre d’entre elles, toutes ont affirmé être déjà sensibilisées à la cause des femmes avant de venir travailler au Comité (dans le cadre de travaux universitaires, de leur activité professionnelle, de la participation à des associations (AFDU), voire au MLF pour l’une d’entre elles). Cette conviction féministe préalable contribue à expliquer leur investissement considérable en temps et en énergie dans leur travail pour le Comité.

S’ajoutant à celui des membres, cet engagement a permis de transformer un Comité dont l’existence aurait pu rester insignifiante en un acteur revendicatif au sein du ministère du Travail. Le Comité a en effet rapidement adopté une posture contestataire vis-à-vis de son ministère de tutelle, revendiquant, par le biais de lettres aux ministres, d’entretiens, ou encore de rapports, d’importantes réformes juridiques touchant au statut des femmes en emploi (égalité salariale, formation professionnelle, droits sociaux liés à la présence d’enfants…).

2) La création d’un Centre d’information féminin

Tandis que le Comité du travail féminin produit ses premières études et recommandations, et dans un contexte où, bien que le MLF ne soit pas officiellement « né8 », mai 68 a fait éclater la question de la « libération des femmes » sur la scène publique (question notamment relayée par le magazine Elle qui organise les « États généraux de la femme9 »), au niveau gouvernemental s’amorce en juin 1970 une réflexion sur l’opportunité de créer un centre d’information pour les femmes. En effet, est alors créé auprès du Premier ministre un groupe de travail chargé de réfléchir à un projet de création d’un « centre d’information, de documentation et d’orientation des problèmes féminins10 ». Marcelle Devaud participe à ce groupe de travail, conjointement avec d’autres personnes choisies pour leur compétence.

Le Comité du travail féminin essaie de profiter de ce projet gouvernemental pour renforcer son assise institutionnelle, proposant que ce centre d’information soit créé en son sein. Ainsi, dans une

7 La mise en place de ce Secrétariat permanent faisait suite à une réforme du Comité en 1971, par laquelle le Comité a pris le nom de « Comité du travail féminin » (par opposition à l’ancien « Comité d’étude et de liaison des problèmes du travail féminin »).

8 La naissance médiatique du MLF date du mois d’août 1970, lorsque la presse s’est faite écho du dépôt, par un groupe de militantes, d’une gerbe sous l’arc de triomphe à la mémoire de la femme du soldat inconnu. F. PICQ. (1993).

Libération des femmes : les années-mouvement, Paris : Seuil.

9 C’est en effet à la suite de mai 68 que Jean Mauduit, Secrétaire général du magazine, décide de lancer une grande enquête sur les françaises, en préparation de la tenue, en novembre 1970, d’ « Etats généraux de la femme » : 26 tables rondes sont organisées dans 19 villes, et 13 commissions thématiques sont créées à cette occasion. W. GUÉRAICHE. (1999). Les Femmes et la République, Paris : L'Atelier. p. 200.

10 Source : lettre du 12 juin 1970 du Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations publiques, au ministre du travail Fontanet, indiquant que le Premier ministre lui a donné son accord pour mettre en place ce groupe de travail. CAC, 19860111, art. 1.

note du 21 octobre 197011, la Secrétaire générale du Comité appelle de ses vœux la création d’un centre de documentation qui constituerait tant une source d’information en interne pour le Comité qu’un moyen de faire connaître son action :

Il a été suggéré de créer auprès du Secrétaire d’État auprès du Premier ministre un centre de documentation et d’information pour les femmes. Ce centre relativement coûteux dont l’assise paraît instable s’il n’est rattaché qu’à un secrétariat d’État (qui par ailleurs lance des opérations de type « assistance ») ne trouverait-il pas un meilleur démarrage auprès du Comité ?

Le Comité disposerait là d’un élément d’information sur les problèmes que les femmes rencontrent dans leur travail, dans la préparation à l’emploi de leurs enfants et en particulier de leurs filles, dans l’organisation sociale de la vie de leurs familles. Cette source d’information contribuerait par conséquent à vérifier la sécurité de son diagnostic et l’impact de son action12.

Si le Comité se voit effectivement affecter les moyens nécessaires à la création d’un centre de documentation en 1971, avec la mise à disposition d’un local à cet effet, ainsi que d’une bibliothécaire et d’une documentaliste, ceci n’empêche pas la création parallèle d’un « Centre d’information féminin ». En effet, la création d’un Centre d’information féminin constitue seule réponse gouvernementale immédiate aux demandes soulevées dans le cadre des États généraux de la femme, organisés par le magazine Elle du 20 au 22 novembre 1970 à Versailles : c’est à l’issue des travaux des États généraux que Jacques Baumel, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, annonce la création d’un Centre d’information féminin13 (idée qui était, comme on l’a vu, en gestation depuis quelques mois dans l’appareil gouvernemental).

Le premier Centre d’information féminin (CIF) est créé à Paris en janvier 1972. Il a un statut d’association loi 1901, mais fait semble-t-il par ailleurs l’objet d’une circulaire14, dont nous n’avons pu retrouver la trace. Ses statuts en tant qu’association loi 1901, déposés à la préfecture par Jacques Baumel lui-même, suffisent toutefois à mesurer la tutelle gouvernementale dont il fait l’objet15. Ayant pour vocation « de mettre à la disposition des femmes, par tous moyens appropriés, les informations dont celles-ci souhaitent disposer dans tous les domaines » (art. 3), le CIF est administré par un Conseil d’administration présidé par « un membre du gouvernement désigné par le Premier ministre » (en 1974, Françoise Giroud s’en voit attribuer la présidence), cinq représentants de ministères, trois membres représentant le Comité du travail féminin (Claude du Granrut, Marcelle Devaud et Simone Veil), la Délégation générale à l’information et le Secrétariat général du CIF, et des représentants des trois chaînes de télévision et de Radio-France (art. 6).

11 Claude du Granrut, « Note sur le Comité d’étude et de liaison des problèmes du travail féminin. Projet de réforme », 21 octobre 1970, 7 p., CAC, 19860111, art. 1.

12 Claude du Granrut, « Note sur le Comité d’étude et de liaison des problèmes du travail féminin. Projet de réforme », 21 octobre 1970, 7 p., CAC, 19860111, art. 1, p.7.

13 W. GUÉRAICHE. (1999). Les Femmes et la République, Paris : L'Atelier. p. 204.

14 CNIDFF, SERVICE DES DROITS DES FEMMES ET DE L'ÉGALITÉ et MINISTÈRE DÉLÉGUÉ À LA PARITÉ ET À L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE. (2002). Actes du 13 mars 2002 : Journée de réflexion du réseau déconcentré

des droits des femmes et de l'égalité et du réseau des centres d'information sur les droits des femmes. p. 13.

15 CAC, 19810605, art.35, dossier « Centre d’information féminin », Statuts du Centre d’information féminin (déposés le 7 janvier 1972), reproduits dans un document datant de 1977.

Le gouvernement met par ailleurs à la disposition des moyens conséquents à la disposition du Centre : ce dernier est logé dans une annexe de l’Hôtel de Matignon, 69 rue de Varenne, et il dispose d’une ligne budgétaire rattachée au secrétariat général du gouvernement. Investi d’une triple mission d’information, « juridique », « professionnelle », et « sur la vie quotidienne »16, le Centre assure cette mission par un service d’information téléphonique, mais ouvre également des permanences au public. A partir de 1972 se créent parallèlement des CIF en province ; on en compte une dizaine en 197417. Ces centres, qui ont le statut d’associations, naissent pour beaucoup sous l’impulsion des municipalités, parfois à l’initiative d’associations déjà existantes. Annie Guilberteau, actuelle directrice générale du Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF, héritier du CIF), souligne ainsi comment les Centres se distinguent d’autres associations féminines du fait de cette création « autour d’un concept préalablement proposé », et non sur l’initiative spontanée des femmes elles-mêmes :

Contrairement à d'autres mouvements associatifs féminins ou féministes, nous ne sommes pas nés d'une volonté de regroupement de femmes (ou d’individus) qui auraient pensé ce « concept CIDF », nous avons à l’inverse regroupé, autour d'un concept préalablement proposé, un certain nombre d'associations déjà existantes, en y associant des personnalités, même si bien sûr, dans quelques localités, ce sont des femmes qui se sont regroupées pour créer des CIDF. Parfois, ce sont des associations déjà existantes qui ont impulsé la création de CIDF. (Entretien avec Annie Guilberteau, le 26 janvier 2006)

Ces CIF locaux ne font toutefois pas l’objet du même contrôle étatique formel que le centre parisien. En 1976, le CIF emploie 18 personnes à Paris et 8 en province, et dispose d’un budget total de 11,5 millions de francs18.

B. La « Condition féminine », de délégation en ministère

A partir de 1974, avec la nomination de Françoise Giroud comme secrétaire d’État à la Condition féminine, et les nominations ministérielles qui s’ensuivent au titre de la « Condition féminine » jusqu’en 1981 (déléguée, ministre), la défense de la cause des femmes se trouve affirmée à un niveau relativement plus central dans l’appareil gouvernemental, quoique à travers des institutions dont le statut reste fragile.

1) Françoise Giroud, un « symbole de réussite » pour les françaises

Quelques années après la formule ironique du général de Gaulle se moquant de la possible création d’un « secrétariat d’État au tricot », Valéry Giscard d’Estaing nomme en juillet 1974 Françoise

16 CNIDFF, SERVICE DES DROITS DES FEMMES ET DE L'ÉGALITÉ et MINISTÈRE DÉLÉGUÉ À LA PARITÉ ET À L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE. (2002). Actes du 13 mars 2002 : Journée de réflexion du réseau déconcentré

des droits des femmes et de l'égalité et du réseau des centres d'information sur les droits des femmes. p. 13.

17 Ibid. p. 13.

18 CAC, 19810605, art. 35, dossier « Centre d’information féminin » (1976). En plus de ces employés contractuels, le CIF dispose ponctuellement des services d’une assistance sociale, d’un contrôleur du travail mis à disposition par le ministère du Travail, et de plusieurs bénévoles « dans la limite de nos locaux » (Note-Budget 1976). Les CIF disposent par ailleurs d’un « bulletin interCIF » dont nous n’avons pu dater précisément la création, mais le n°23 date de septembre 1977. En janvier 1979, celui-ci prend le nom de CIF-Informations, publication mensuelle d’une cinquantaine de pages.

Giroud secrétaire d’État à la Condition féminine19. En l’absence de revendication en ce sens de la part du mouvement des femmes ou du Comité du travail féminin, cette initiative présidentielle20 peut se comprendre en lien avec des enjeux de politique interne, ainsi qu’en relation avec le contexte international en matière de promotion des droits des femmes.

Au niveau interne doivent être prises en considération l’actualité de la « question des femmes », ainsi que l’orientation idéologique et les choix stratégiques du nouveau Président. Si les activités du Comité du travail féminin et du Centre d’information féminin ont pu contribuer à faire émerger une sensibilité quant à la question des femmes dans les milieux gouvernementaux, cette dernière doit avant tout être reliée à l’impact culturel du mouvement des femmes21, dont l’action est fortement relayée par les médias notamment depuis la « naissance » du MLF en 1970. Certes, les groupes radicaux qui constituent le nouveau centre de gravité du mouvement des femmes depuis le début des années 1970 adoptent une posture révolutionnaire, et ne cherchent pas à interagir avec un État conçu comme intrinsèquement patriarcal22. Il n’en demeure pas moins que leurs actions, fortement médiatisées (fût-ce de façon stigmatisante), interpellent les pouvoirs publics, et contribuent à faire émerger la question du statut des femmes comme un problème public23. A cette multiplication des discours sur les femmes dans les sphères militantes et médiatiques s’ajoute le développement d’une expertise universitaire qui donne à voir les transformations sociologiques majeures vécues par les femmes depuis les années 196024.

Dans ce contexte, Valery Giscard d’Estaing, à la suite de François Mitterrand en 196525, choisit de faire un problème politique de cette « question des femmes » déjà devenue un problème public, en nommant Françoise Giroud secrétaire d’État à la Condition féminine. Ce choix renvoie, certes, pour partie, à un calcul électoraliste. En effet, les élections présidentielles de 1974 ont été marquées par un glissement à gauche du vote des femmes. Dans ces conditions, s’il doit par ailleurs son élection aux femmes (mais majoritairement aux femmes âgées), le président Giscard « comprend que les temps ont changé et qu’il doit, impérativement, moderniser le discours de la droite en direction des

19 Décret du 16 juillet 1974 portant nomination d'un membre du gouvernement, publié au Journal Officiel du 17 juillet 1974, p. 7443.

20 Il s’agit bien ici d’une initiative du président, le Premier ministre Jacques Chirac étant par ailleurs hostile à cette nomination (cf ci-dessous).

21 Pour un exemple d’analyse de l’impact culturel du mouvement des femmes, voir B. PAVARD. (2006). "Une « guerre de 20 ans » : les luttes du Planning familial dans 'L'Express' et 'Le Nouvel Observateur' (1955-1975)." p. 119-126 in Le

Planning familial : histoire et mémoire (1956-2006), sous la direction de C. BARD et J. MOSSUZ-LAVAU. Rennes : Presses

Universitaires de Rennes/Archives du féminisme.

22 C. DELPHY. (1984). "Les femmes et l'État." Nouvelles Questions Féministes, n.6-7, p. 5-19 ; J. JENSON. (1990). "Representations of difference : the varieties of french feminism." New Left Review, n.180, p. 127-160.

23 R.W. COBB et C.D. ELDER. (1972). Participation in American politics : the dynamics of agenda-building, Boston : Allyn and Bacon. ; J.W. KINGDON. (1995). Agendas, alternatives and public choices, New York : Harper Collins. ; D.A. ROCHEFORT et R.W. COBB. (1994). The politics of problem definition : shaping the policy agenda, Lawrence, Kan. : University Press of Kansas.

24 S. CHAPERON. (2001). "Une génération d’intellectuelles dans le sillage de Simone de Beauvoir." Clio, n.13, p. 99-116. 25 J. JENSON et M. SINEAU. (1995). Mitterrand et les françaises…, op. cit., p. 55-80.

femmes26 ». Mais la nomination d’une secrétaire d’État à la Condition féminine s’intègre par ailleurs bien, idéologiquement, dans le projet de modernisation sociale qui est celui de Valery Giscard d’Estaing, « désireux d’incarner une droite moderne, de conduire une politique « décrispée »27 ». Cette orientation explique le choix, hautement contesté à l’époque, de Françoise Giroud comme titulaire de cette fonction. En effet, comme Valéry Giscard d’Estaing s’en explique lui-même :

La question qui se posait était de savoir qui pourrait faire bouger ce secteur [de la Condition féminine]. […] Il fallait une femme qui soit un symbole de réussite. […] Françoise Giroud était la plus connue des femmes françaises de l'époque28.

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