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4. L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT DU POINT DE VUE DES ACTIVITÉS DE

4.3 Le construit de compétence dans la documentation scientifique : des

4.3.4 Des traits généraux qui se dégagent

Par leur analyse de la documentation scientifique, Jonnaert et al. (2004) mettent en évidence trois éléments constants qui semblent constitutifs du construit de compétence :

[…] • Une compétence reposerait sur la mobilisation et la coordination, par une personne en situation, d’une diversité de ressources : des ressources propres à la personne et des ressources spécifiques à la situation et son contexte.

• Une compétence ne se développerait qu’en situation.

• Une compétence ne serait atteinte que dans le cas d’un traitement achevé de la situation. (Ibid., p. 673-674)

Par ailleurs, eu égard à leur recherche, les auteurs mettent également en évidence que deux concepts sont redondants dans les définitions analysées : celui de situation et celui de ressource. De plus, il semble admis que le traitement de la situation doit être finalisé pour que la compétence se développe.

À ce titre Jonnaert et al. (2004) formalisent une définition qu’ils estiment encore très généraliste de la compétence mais qui a le mérite de mettre en évidence les dénominateurs communs puisés dans la documentation scientifique :

La compétence est la mise en œuvre par une personne en situation, dans un contexte déterminé, d’un ensemble diversifié, mais coordonné de ressources ; cette mise en œuvre repose sur le choix, la mobilisation et l’organisation de ces ressources et sur les actions pertinentes qu’elles permettent pour un traitement réussi de cette situation. (Ibid., p. 674)

Cette définition délimite la notion de ressources comme celle mobilisées par la personne. Celles-ci peuvent être d’origine interne et externe. Pour les auteurs, les ressources internes sont de plusieurs ordres et différentes des ressources externes.

Les ressources internes sont :

- d’ordre cognitif car ce sont « des connaissances adaptées et reconstruites en situation » (Ibid., p. 676) ;

- d’ordre conatif, c’est à dire lorsque « la motivation de la personne la pousse à agir dans cette situation » (Ibid.) ;

- d’ordre corporel, qui correspond à l’ensemble « mouvements coordonnés, déployés par la personne pour traiter une situation » (Ibid.).

Les ressources externes sont quant à elles : - d’ordre social, tel que recourir à un expert externe ; - d’ordre spatial et temporel ou encore d’ordre matériel.

Avec cette perspective, les connaissances de la personne ne sont pas dissociées des ressources internes et externes qui sont mises en interaction pour agir dans la situation. À ce titre, la situation est incontournable pour que la personne construise le sens de ce qu’elle réalise en regard de ses expériences et du but qu’elle s’est fixée dans la réalisation de cette situation (Jonnaert et al., 2004).

Pour Mérieu (2005), construire une compétence :

C’est devenir capable de résoudre précisément un problème donné dans une situation donnée. Parce qu’on a analysé la situation, on peut réagir de manière pertinente à cette situation. Et parce qu’on a été capable de cette analyse, on devient capable d’utiliser aussi cette compétence dans d’autres situations où elle s’avèrera aussi pertinente. La compétence reste toujours locale, mais elle peut être utilisée à bon escient dans d’autres lieux. C’est son niveau d’expertise qui en garantit la transférabilité. Plus je suis expert dans une compétence spécifique

– c’est-à-dire plus je comprends ce que je fais en construisant cette compétence

– plus je deviens compétent… Et, donc, plus je deviens capable de construire de nouvelles compétences. C’est cet « effet boule de neige » qui donne le sentiment que des acquisitions dans un domaine peuvent se répercuter dans un autre […]. (p. 12)

Cette définition met en évidence que la compétence ne peut être seulement située. La réflexivité à l’issue de l’action menée par la personne est nécessaire pour que celle-ci puisse mobiliser la compétence acquise dans d’autres situations. Il existe une complémentarité effective entre les compétences dites situées et celles dites réflexives.

Jonnaert et al. (2004) évoquent que le biais actuel des programmes d’études est de se polariser uniquement sur la compétence située. Selon les

auteurs, le programme d’études n’est qu’un outil et ne peut présumer du développement de la personne. Les propos des auteurs sont les suivants :

Ce sont les apprenants qui élaborent les compétences en situation, et personne ne peut se substituer à eux dans ce travail de construction […] Le programme d’études définit par contre ce que l’enseignant peut mettre en place pour favoriser une telle construction par ses élèves. (Ibid., p. 689)

Dans cette même dynamique, Parmentier et Paquay (2002) ont formalisé un modèle pédagogique de construction de compétences. Dans celui-ci, l’apprenant est amené à mobiliser les compétences acquises dans de nouvelles situations. Pour les auteurs, dans une séquence d’enseignement-apprentissage, dix types d’activités de l’apprenant sont susceptibles de contribuer au développement de compétences :

(1) faire face à des situations-problèmes (situations nouvelles et motivantes) ;

(2) exploiter des ressources (mises à la disposition de l’apprenant ou rendues accessibles) ;

(3) agir et …

(4) interagir (pour chercher, confronter, analyser, comprendre, produire, etc.) ;

(5) réfléchir et …

(6) (co-)évaluer (à propos des processus mis en œuvre et des produits obtenus) ;

(7) structurer et …

(8) intégrer (pour fixer les nouveaux acquis dans le long terme et les articuler aux acquis antérieurs) ;

(9) construire du sens et …

(10) préparer le transfert. (Parmentier et Paquay, 2002, p. 4)

Ce modèle génèrerait la possibilité pour les apprenants de construire leurs compétences en situation, de développer l’analyse réflexive dans et par leurs actions, de construire une relation constructive entre les différentes ressources intrinsèques et extrinsèques dont ils disposent, et d’être en capacité via la résolution de problèmes dans des situations diverses de transférer les compétences acquises.

Pour Jonnaert et al. (2004), c’est la compétence explicitée et réfléchie ou réflexive qui est la moins mobilisée dans les programmes d’études. Si la compétence se construit en situation, ce n’est pas suffisant pour que celle-ci puisse être transférable dans d’autres situations. L’objet est de développer chez l’apprenant des compétences donc dites adaptatives.

Si les référentiels de compétences peuvent être utiles d’un point de vue prescriptif sur la finalité de ceux-ci, ils ne peuvent tendre à normaliser les conduites humaines en termes d’apprentissage. À ce titre, nous nous situons dans le présupposé où l’apprenant se construit tout en construisant son environnement. Nous faisons là état d’une approche socioconstructiviste. Le socioconstructivisme est une théorie basée sur la théorie du constructivisme en introduisant le processus social de l’apprentissage (Jonnaert, 2009). Cette conception permet de faire appel aux ressources internes de la personne apprenante d’ordre cognitive, conative et affective (Carré, 2005), à ses comportements et à l’environnement (ressources externes).

Dans cette perspective, nous nous appuyons sur les propos de Leclercq (2014) pour définir le construit de compétence comme :

La capacité d’agir efficacement dans des familles de situations complexes […] en mobilisant des ressources internes (savoirs, savoirs faire, attitudes) et externes (ici les systèmes de soin, l’entourage, les systèmes légaux, la technologie, etc.), “ avec une attitude réflexive et un souci de développement continu ”. (p. 2)

Cette approche par compétence est une manière de concevoir, de penser et de mettre en œuvre l’éducation thérapeutique du patient. Dans cette dynamique et en situation de formation, c’est nécessairement le contexte de la situation d’apprentissage bâti sur ces principes, qui devrait permettre à l’apprenant de construire ses compétences dites réflexives ou adaptatives.

Si nous avons questionné le construit de compétence et définit celui-ci dans le cadre de l’ÉTP, il s’agit maintenant d’étudier les liens à opérer avec d’une part, la conception ou les conceptions sous-jacentes à l’ÉTP et d’autre part, ses fondements théoriques en termes d’apprentissage.