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1. LA PERCEPTION DE LA SANTÉ ET DE LA MALADIE SOUS L'ANGLE DE LA THÉORIE

1.2 La perception de la maladie chronique avec comme grille de lecture une

1.2.5 Le contrôle de la maladie

La perception de contrôle comprend trois facteurs issus de la théorie sociocognitive de Bandura (1977). C’est-à-dire : l’attente d’efficacité personnelle qui est l’impression, la perception de sa compétence personnelle ; l’attente de résultats et les habiletés nécessaires pour faire face à la situation (Coutu et al., 2000).

La façon dont réagit le malade à sa maladie fait l’objet d’études approfondies dans le cadre de la psychologie de la santé.

Si les études montrent que le comportement est doté d’un potentiel de réponses adaptatrices permettant de faire face aux situations, on ne sait a priori comment chacun va mobiliser ces différentes ressources. Car face à la maladie grave, l’adaptation se pose en termes radicalement distincts de ceux de la vie ordinaire. (Fischer, 2008, p. 36)

39 La pensée logique de l’adulte est l’aboutissement de ce long et lent processus de développement,

qui possède son fondement dans la maturation neurophysiologique tout en étant modulé par des éléments de culture et de scolarisation (Bonino, 2008, p. 72).

40 La pensée magique est précisément la conséquence de l’indifférenciation et du syncrétisme entre

Comme énoncé dans la problématique, la théorie sociocognitive de Bandura (2003) est une théorie empiriquement fondée et reconnue par la communauté de chercheurs. L’auto-efficacité est la variable clé de l’agentivité. Face à la maladie chronique, le malade puise dans ses propres ressources intérieures (Fischer et Tarquino, 2006) Il doit être convaincu de disposer des ressources nécessaires pour mettre en place des actions significatives (Bonino, 2008).

Pour compléter ces propos, Bandura (2003) met en évidence que chaque personne est en capacité d’exercer une influence continue sur lui-même, son corps, son psychisme et sur le monde extérieur, physique ou social. Dans cette perspective, l’auto-efficacité renvoie à la conscience et « perception de ses propres capacités à affronter et à mener à bien une tâche spécifique dans un domaine particulier » (Bonino, 2008, p. 41). L’auto-efficacité n’est pas une disposition innée mais plutôt une capacité d’autorégulation qui se construit au travers de diverses expériences dans des environnements donnés, qui se modifie avec le temps grâce à la puissance contributive de la personne elle-même (Ibid.). Le risque avec la maladie chronique, c’est de perdre le sentiment d’auto-efficacité dans tous les domaines de vie de la personne. Il s’agit donc d’analyser de façon lucide et objective les restrictions physiques, émotionnelles, cognitives et sociales imposées par la maladie tout autant que des opportunités restantes (Ibid.), afin de mettre en place des objectifs de vie pertinents et atteignables et les stratégies d’actions adaptées dans un environnement donnée. Trouver un sens à sa vie favorise le développement individuel via l’auto-efficacité. Cette dernière favorise le développement de compétences adaptées au nouveau projet de vie de la personne malade.

Avec ce postulat, nous nous situons dans la dynamique où la personne atteinte de maladie chronique est en capacité d’élaborer des compétences spécifiques pour vivre au quotidien avec sa maladie et retrouver une forme d’équilibre. Dans cette perspective, la personne malade construit un savoir spécifique sur la perception fine et singulière des interactions du biologique, du psychologique, du social et du spirituel dans son vécu quotidien. Cette élaboration cognitive permet à la personne malade d’être active dans l’autorégulation de sa vie et de ne plus subir la pression dominante du corps médical. « Ces nouveaux malades parviennent à rompre avec l’une des dichotomies centrales de nos

sociétés : celle entre ceux qui savent et imposent leur savoir et ceux qui ne peuvent que le subir » (Herzlich, 1969).

Par ailleurs le terme d’autorégulation mobilisé plus haut n’est pas anodin. Il fait écho à cette capacité d’apprentissage autonome évoquée dans le cadre de notre problématique en lien étroit avec l’auto-efficacité de Bandura (2003, 2004, 2005; Rudd, Miller, Kaufman, Kraemer, Bandura, Greenwald et Debusk, 2004). Ceci est renforcé par le modèle d’autorégulation de Leventhal et al. (1980) qui se fonde sur trois postulats de base. Le premier postulat consiste à penser l’individu comme un agent actif de la résolution de son problème, il va chercher à comprendre ce dernier afin de se donner les moyens de diminuer l’écart entre son état actuel de santé et celui auquel il aspire. Le second postule que la représentation de la maladie construite par l’individu va guider l’adaptation à cette dernière, puis l’individu va procéder à l’évaluation de l’efficacité des stratégies d’adaptation mises en place. Ce mécanisme de feed-back permanent confère au modèle sa dynamique : grâce à un feed-back interne et externe (via l’environnement), les informations perçues par le patient sont continuellement mises à jour.

Dans cette dynamique, on peut emprunter les propos de Barrier (2010) où l’autorégulation peut être définie comme la capacité d’un système complexe à se réguler lui-même car il existe entre le “ tout ” et les “ parties ” qui le composent des phénomènes d’interactions et de rétroaction. Dans cette perspective et pour Bonino (2008), reconnaître que l’action de la personne malade est essentielle à une meilleure autorégulation de la maladie et à un plus grand bien-être individuel et social est une condition indispensable pour que celui-ci puisse se développer de la meilleure manière qu’il soit. À ce titre et par l’effet feed-back, les soignants ont à stimuler cette implication (Ibid.). Ceci souligne d’une part, l’importance d’une relation de collaboration entre soignants-soignés et non imposée où « les résistances et les refus du patient sont acceptés » (Bonino, 2008, p. 87) et donc d’autre part, une réciprocité des échanges entre savoirs professionnels et savoirs de sens commun.

Par ailleurs, cette perspective interroge le fondement intrinsèque de la perception de la maladie chronique. La santé et la maladie ne semblent pas être vécus par le malade chronique comme des entités distinctes mais semblent être en interrelation.

Notre recherche porte spécifiquement sur les dispositions sociocognitives des personnes adultes atteintes de maladie chronique. Il s’agit donc de prendre en compte ce savoir spécifique dégagé par ces “ sujets apprenants ” afin de réfléchir à son intégration dans le cadre des interventions de formation mises en place par les infirmières, qui détiennent quant à elles, un savoir professionnel.

C’est la place de la collaboration soignants-soignés dans une dimension d’apprentissage en relation avec les expériences de santé et de maladie que nous interrogeons. S’il apparaît que la notion de collaboration dans cette perspective et dans le milieu médical semble encore usitée à la marge, il n’en est rien dans le champ des sciences infirmières qui interroge les expériences de santé et de maladie chronique auprès des malades depuis plusieurs décennies.

Beaucoup de ces travaux s’appuient entre autres sur l’utilisation de la Grounded theory ou Théorie ancrée en français, c’est-à-dire que les théorisations proposées sont le fruit d’une analyse inductive, fondée sur des données recueillies par des observations et entretiens où la théorie ne préexiste pas à la recherche mais elle est au contraire le produit de cette recherche (Carricaburu et Ménoret, 2004). En effet, la théorie ancrée est une méthodologie largement employée en sciences humaines et sociales ainsi qu’en sciences infirmières. La théorisation est une étape préliminaire permettant de développer des interventions de soins et de les tester par la recherche, visant ainsi à agir positivement sur le phénomène. Beaucoup de recherches en sciences infirmières utilisent ce type de devis de recherche pour comprendre les expériences vécues par les personnes malades.

Au regard ce que nous avons détaillé, nous sommes donc à la recherche d’une approche en sciences infirmières qui mobilise la notion de collaboration dans l’apprentissage et qui prend en compte les expériences de santé et de maladie des personnes atteintes de maladie chronique.

C’est pourquoi, nous allons appréhender dans la partie suivante les sciences infirmières et les théories de soins infirmiers qui s’en dégagent pour nous saisir d’éléments qui pourraient contribuer à notre recherche.