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3. LE CHOIX DU MODÈLE CONCEPTUEL DE MOYRA ALLEN (1977) – RENOUVELÉ

3.2 Le contexte sociohistorique propice à l’émergence du modèle de Moyra

Au Canada, durant les années soixante, la remise en question du système traditionnel de santé publique est constamment évoquée (Desrosiers, 1999). Il existe une volonté affirmée des pouvoirs publics de se distancier de la santé publique traditionnelle, c’est pourquoi l'expression “ santé communautaire ” se substitue à celle de “ santé publique ” pour s’arrimer davantage avec une médecine plus globale.

Au Québec, avec la réforme radicale de l'organisation des services de santé et des services sociaux entreprise au début des années soixante-dix, de nouvelles structures de santé publique apparaissent tels que les départements de santé communautaire (DSC) à l'échelon sous-régional et les centres locaux de services communautaires (CLSC) (Ibid.).

Ces structures visent à combler le vide des établissements publics de soins de première ligne. Ce sont ces établissements qui ont la triple mission de fournir des soins curatifs et préventifs, des services sociaux individuels et des services

d'action communautaire. Leurs priorités se portent sur l'élaboration et la mise en œuvre de programmes de prévention des maladies chroniques et de promotion de la santé (Ibid.).

La publication du rapport Lalonde en 197441 sur les nouvelles perspectives de la santé des Canadiens, débouchera sur une conception de la prévention des problèmes de santé et de la promotion de la santé intégrée à la mise en œuvre d'une politique unique en matière de soins de santé.

C’est dans cette dynamique politique porteuse en matière de santé communautaire et en lien avec la déclaration d’Alma-Ata de 1978, dédiée à l’organisation des soins de santé primaire dans le monde, que Moyra Allen met en évidence le rôle vital et complémentaire des infirmières dans la prestation des soins de santé (Birot, Dervaux et Pegon, 2005).

Selon Moyra Allen, les infirmières sont en mesure d’améliorer la santé d’un patient en l’impliquant activement, lui et sa famille, dans un processus d’apprentissage axé principalement sur la santé.

Le climat politique de l’époque est favorable à l’émergence d’un rôle élargi de la profession d’infirmière compte tenu de l’augmentation de la demande de soins par le public. C’est ainsi qu’une série d’expériences sur le terrain autour des ateliers “ À votre santé ” permet à Moyra Allen de développer son modèle, en s’appuyant sur le potentiel de développement de la santé et sur les forces dont dispose le client et son entourage familial (Birot et al., 2005).

C’est en partie pourquoi, le modèle en soins infirmiers de Moyra Allen s’inscrit dans une perspective holiste de la personne soignée envisagée dans ses composantes physiques, psychologiques, sociales et spirituelles. L’auteure soutient donc une vision globale des personnes en interaction avec leur environnement. Il ne s’agit plus de s’intéresser uniquement aux individus de manière isolée, mais de les considérer comme faisant partie intégrante de leur famille. L’intervention infirmière est posée comme une collaboration infirmière- individu-famille dans une perspective d’apprentissage et de promotion de santé (Pepin et al., 2010).

Par ailleurs, pour Moyra Allen, la santé est une composante centrale de la pratique infirmière, elle est multidimensionnelle et dynamique (Birot et al., 2005).

41 Le rapport a été publié pendant que Marc Lalonde était ministre de la Santé nationale et du

Le concept de santé est entendu comme une dimension positive qui met l’accent sur les ressources individuelles et collectives. Pour Moyra Allen, la santé et la maladie sont des variables distinctes : l’une ne correspond pas nécessairement à l’absence de l’autre (Pepin et al., 2010).

Enfin, ce modèle propose l’apprentissage de la santé comme élément central du système de santé. L’infirmière y a un rôle d’éducatrice de santé, elle collabore avec la personne dans un partage de pouvoir et d’ouverture d’esprit (Ibid.). À ce titre, Moyra Allen s’est inspirée de la théorie de l’apprentissage social de (Bandura, 1977) qui est une des sources explicites et implicites à la base de cette conception.

Les premiers travaux d’Albert Bandura se sont centrés sur le rôle proéminent du modelage social dans la motivation, la pensée et l’action humaine (Carré, 2000). C’était la théorie marquante pour l’époque de l’apprentissage social, titre du livre paru en 1977 en version française. L’original en anglais est paru en 1971 : Bandura, A. (1971). Social Learning Theory. New York, NY : General Learning Corporation. La théorie de l’apprentissage social revisité par Bandura (1977) met en évidence que les individus ne sont pas des objets à la merci des forces de l’environnement. Les individus sont considérés comme des agents libres qui peuvent déterminer leurs propres devenirs. En conséquence, les individus et leurs environnements sont des déterminants réciproques l’un de l’autre. Par ailleurs, le sentiment d’auto-efficacité vu dans le cadre du modèle de Leventhal et al. (1980) fait partie de la théorie de Bandura (1986, 2003). C’est une ressource psychologique qui se réfère à des caractéristiques personnelles de résilience en lien avec le soutien social que propose l’environnement.

Dans cette perspective, le modèle en soins infirmiers de Moyra Allen se centre sur une conception multidimensionnelle de la personne en interaction dans son environnement et au service de sa santé. C’est pourquoi, Moyra Allen intitule ce modèle conceptuel dans un premier temps Situation-Responsive Nursing , puis dans un deuxième temps Developmental model of Health and Nursing (Kenneth Wright et Pugnaire Gros, 2012). On retrouve dans la littérature plusieurs appellations du modèle telles que : le modèle d’Allen, le modèle des forces, l’école de la promotion de la santé.

Au fil des ans, le modèle s’est développé et enrichi des découvertes de la pratique clinique du personnel professoral et des étudiants de l’Université McGill.

C’est pourquoi, le modèle est désormais connu sous le nom de McGill Model of

Nursing ou modèle McGill en soins infirmiers. C’est cette dénomination que nous

utiliserons.

C’est Laurie Gottlieb qui a été l’instigatrice du remaniement du modèle. Cette professeure a fait partie de la première unité de recherche en sciences infirmières et en santé au Canada initiée par Moyra Allen. Avec un doctorat en psychologie du développement, Laurie Gottlieb a continué à peaufiner le modèle en travaillant chacun des concepts fondamentaux du modèle : la santé, la famille l’apprentissage et la collaboration.

On retrouve ainsi dans ses écrits, l’approche développementale de la santé intégrée au modèle McGill (Developmental Health Framework within the McGill

model of Nursing), avec différents travaux portant sur la collaboration patient-

infirmière (Collaborative-Partnership) en 2006, sur la famille au centre des préoccupation (the Family Mindedness) en 2007 et la notion de “ force ” du patient avec son ouvrage Strenghts-Based Nursing Care en 2012. L’approche de soins fondée sur les forces représente pour l’auteure plus de quarante ans de recherche et de réflexion sur le rôle unique joué par les infirmières dans la promotion de la santé et de la guérison. Nous y reviendrons par la suite.

Nous proposons tout d’abord d’explorer plus finement les composants originels du modèle McGill en soins infirmiers.

3.3 Les composants originels du modèle conceptuel McGill en soins