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6. DE LA THÉORIE SOCIALE À LA THÉORIE SOCIOCOGNITIVE DE BANDURA

6.4 Les sources du sentiment d’efficacité personnelle

6.4.5 La persuasion verbale

La persuasion par autrui est bénéfique, dès lors où d’autres individus expriment à la personne leur confiance en ses capacités (Lecomte, 2004). La persuasion extérieure verbale n’est efficace qu’à la condition que la personne soit reconnue comme crédible aux yeux du sujet (Carré, 2004). Cependant, cet effet se manifeste surtout si la personne a déjà de bonnes raisons de croire qu’elle peut agir efficacement.

Selon Galand et Vanlede (2004), le sentiment d’efficacité dans le cadre d’un apprentissage peut être également influencé par des messages adressés à l’apprenant tels que : soutiens, critiques, encouragements, conseils, attentes, etc. Les apprenants sont sensibles au fait que leurs formateurs ont la perception de leur compétence (Ibid.).

Des études indiquent par exemple que les formateurs manifestent, souvent sans en être conscients, leurs attentes vis-à-vis des apprenants à travers l’attention qu’ils leur portent, la manière de les regarder et de leur parler, la façon de les regrouper, la difficulté des tâches qu’ils leur assignent, le degré d’autonomie qu’ils leur accordent […]. (Ibid., p. 103)

Selon les auteurs, les différentes études menées ont des points de controverse. Cependant ces derniers, eu égard aux différentes études menées dans le domaine de la formation mettent en évidences des formes de feed-back reconnues comme favorables au soutien du SEP.

Il apparaît que des feed-back sous forme de commentaires sur les améliorations possibles d’un travail : « entraînent un intérêt et une performance plus élevés que des feed-back sous forme de notes, de félicitations, ou de notes plus des commentaires » (Galand et Vanlede, 2004, p. 103).

Autre élément retenu par les auteurs, pour soutenir le sentiment d’efficacité des apprenants et par conséquent leur apprentissage, il est nécessaire de focaliser ceux-ci sur les moyens qu’ils peuvent acquérir en vue de mieux maîtriser la tâche à accomplir.

Par ailleurs, il semble que ce soit la combinaison de la construction de nouvelles compétences et de leur validation graduelle à travers des feed-back sur la maîtrise de ces compétences qui se révèle payante avec des apprenants qui doutent fortement de leurs capacités.

Les recherches passées en revue montrent qu’au-delà de l’information “brute” sur la performance, ce sont les commentaires, l’appréciation positive des efforts réalisés, les conseils prodigués sur les stratégies pour mieux guider les

feed-back internes de réussite qui permet de développer au mieux le SEP perçu

(Ibid.).

C’est ce que Bandura (2003) nomme le perfectionnement guidé : Une fois que les apprenants ont compris les nouvelles compétences, ils ont besoin d’un guidage de la façon de traduire les règles abstraites en enchaînement d’actions concrètes et occasions de perfectionner ces

compétences, car celles-ci nécessitent beaucoup de pratique […] Le feed-back instructif leur permet de faire les corrections nécessaires pour faire correspondre leur comportement à la façon dont les choses leur semblent devoir être faites […] Il doit attirer l’attention sur les corrections nécessaires. Il devrait être fourni de manière à construire la confiance dans les capacités de la personne, ce qui est possible en attirant son attention sur ses succès et sur ses progrès et en corrigeant ses insuffisances d’une manière constructive plutôt que dans une évaluation critique. (p. 658)

Nous constatons le lien étroit entre les croyances d’efficacité et la réceptivité de l’environnement via le perfectionnement guidé.

Pour Bandura (2003), l’individu est simultanément agent et objet par la réflexion sur soi et l’influence sur soi, dans une attitude proactive, en utilisant les ressources qui sont à sa portée et ce, pour obtenir des résultats qui lui convient. « Les soutiens environnementaux qui facilitent la réalisation de l’itinéraire personnel souhaité par une personne sont donc créés à la fois individuellement et en relation avec les autres individus » (Ibid., p. 11).

Dans sa théorie de l’apprentissage sociocognitif, Bandura (2003) souligne l’importance de l’auto-évaluation sur ses propres activités via le sentiment d’efficacité personnelle et le feed-back en provenance de l’environnement. Dans cette perspective, l’apprenant peut mobiliser des ressources personnelles et des ressources de son environnement social et matériel, de manière à augmenter sa participation active et s’adapter au mieux aux exigences de cet apprentissage (Nader-Grosbois, 2007). Un environnement de formation qui a pour objectif d’influencer de manière variable les stratégies d’autorégulation de l’apprenant dans une dynamique interactive peut être nommé “ environnement hétérorégulatif ” (Ibid.). C’est un terme utilisé de façon générique pour mettre en évidence les initiatives d’expert46 émises à l’égard d’apprenants en faveur du développement de leurs apprentissages (Ibid.). Dans cette perspective les stratégies hétérorégulatives du formateur-expert et les stratégies autorégulatives de l’apprenant opèrent dans une dynamique interactive. Ceci rejoint la notion de partenaire de collaboration.

Au terme de cette exploration sur les sources d’activation du SEP, nous

46 Il faut entendre ici par expert, des professionnels qui pratiquent la pédagogie et qui possèdent

donc un savoir professionnel. Nous utiliserons par la suite la notion de formateur-expert pour faire référence aux infirmières qui pratiquent des activités de formation en ÉTP ou plus exactement qui mettent en œuvre des stratégies hétérorégulatives.

sommes en mesure dire que Bandura (2003) a réuni suffisamment de preuves empiriques de l’influence du SEP dans presque tous les domaines de la vie (adversité, vulnérabilité, stress, dépression, maladie chronique, comportement de santé, choix de vie, conduite globale de la vie).

Dans le cadre plus spécifique des maladies chroniques et selon Baudrant- Boga (2009), des études réalisées dans le cadre des broncho-pneumopathies obstructives (Gormley, Carrieri-Kohlman, Douglas et al., 1993; Kaplan, Ries, Prewitt et al., 1994) et du diabète (Heisler , Smith , Hayward et al., 2003 ; Van Dam, Van der Horts, Knopps et al.; 2005) révèlent une corrélation forte entre un SEP élevé, la mise en œuvre de comportements de santé par les patients et une amélioration des résultats cliniques. Par ailleurs, les programmes encourageant l’engagement des patients par leur participation active et mobilisant le SEP démontrent une augmentation de l’efficacité des compétences d’autogestion et une amélioration des résultats cliniques (Williams, McGregor, King et al., 2005 In Baudrant-Boga, 2009).

Ainsi, avec la théorie sociocognitive de Bandura (2003), il apparaît clairement que l’apprentissage est un processus social et que l’être humain est en capacité d’être proactif et réactif par son autorégulation.

La recension de ces écrits scientifiques nous permet de mettre à jour les ingrédients d’un dispositif de formation en mesure de développer le SEP et ce, dans le cadre d’une activité dont l’expression “ consacrée ” reste à ce jour l’éducation thérapeutique du patient.

Nous retenons qu’il ne faut pas confondre performance et SEP. La performance reste un indicateur de réussite et non le SEP en lui-même. Il faut davantage se préoccuper de l’engagement des apprenants et des processus d’auto- évaluation qu’ils mettent en place pour guider leurs efforts afin d’atteindre l’objectif qu’ils se sont fixé. L’objet est de formaliser dans une approche partenariale soignant-soigné des objectifs clairs et à échéances relativement proches pour guider leurs apprentissages. Les consignes se doivent d’être formulées en termes d’objectifs de compréhension et de développement de compétences plutôt qu’en termes de production à fournir ou de performance à atteindre. Il ne s’agit pas de mettre l’apprenant dans un contexte de compétition avec les autres apprenants. « Il s’agit d’amener les apprenants à se focaliser sur les progrès accomplis et sur la façon d’accroître leur maîtrise plutôt que sur

l’évaluation de leur rang par rapports aux autres » (Ibid., p. 107). Par ailleurs, pour vérifier le développement de compétences « les feed-back seront composés de commentaires sur les points forts et les points faibles d’une performance et de suggestions concernant les moyens d’améliorer la maîtrise de l’apprenant, plutôt que sous forme de score ou d’appréciation générale » (Ibid., p. 107-108). Il semble important que ces feed-back apportent aux apprenants une vision de la compétence comme une capacité qui se construit par la régulation efficace des ressources et des contraintes en pointant de façon positive les progrès accompli (Ibid.).

Dans cette perspective, Bandura (2003) établit la distinction entre deux grandes catégories de compétences : les compétences déterminées et les compétences génératrices. Dans le cadre des compétences déterminées, on se situe dans l’apprentissage de moyens optimaux ou procédures pour réaliser une activité (Ibid). Ce n’est pas pour autant que l’apprenant sera capable de les mobiliser dans des situations nouvelles. Avec les compétences génératrices, on se situe a

contrario dans la mise en œuvre de compétences qui se réalisent spontanément

pour s’adapter à des circonstances changeantes.

Dans ce cadre et eu égard à ce que nous avons pu mettre en évidence dans les composants de la théorie sociocognitive de Bandura (2003), ce sont les influences de modelage, elles-mêmes, guidées par le formateur-expert qui pourront permettre dans un premier temps la transmission de procédures à mettre en œuvre de différentes manières et dans diverses circonstances, qui pourront permettre dans un deuxième temps, l’acquisition de compétences génératrices.

Ainsi, les éléments théoriques présentés mettent en évidence qu’il est possible de mettre en place des activités d’apprentissages qui soutiennent une acquisition graduelle de compétences via le développement du sentiment d’efficacité personnelle même quand ce dernier est très bas.

Activer les sources du sentiment d’efficacité personnelle chez les personnes atteintes de maladie chronique représente un intérêt majeur pour que ceux-ci puissent apprendre à persévérer face aux difficultés et à mieux gérer leur stress et leur anxiété. Nous faisons référence ici à la régulation des émotions de façon intrinsèque, c’est-à-dire la régulation de la part du sujet de ses propres émotions et la régulation extrinsèque mise en œuvre par l’environnement (Sander et Scherer, 2014) via un feed-back positif par exemple.

Mettre en œuvre un dispositif de formation hétérorégulatif orienté sur le développement du SEP, c’est mettre l’accent sur l’autorégulation de l’apprentissage.

Les apprenants qui s'autorégulent : planifient, organisent, s'auto- enseignent et auto-évaluent leurs progrès au plan métacognitif. Au plan affectif, ils se perçoivent comme efficaces, autonomes et motivés intrinsèquement. Au plan comportemental, ils choisissent, structurent et même créent les conditions environnementales qui favorisent au maximum leur apprentissage. (Ruph, 1999, p. 75)

Le sentiment d’efficacité personnelle est la variable clef de cette autorégulation en interaction avec les stratégies hétérorégulatives mises en œuvre par le formateur-expert.

Même s’il est reconnu que la maladie chronique, en raison des restrictions qui l’accompagnent, met à rude épreuve le SEP, celui-ci est pourtant reconnu comme l’un des fondements du bien-être et du bon fonctionnement psychique (Bonino, 2008). Sa maîtrise est reconnue comme indispensable pour affronter de manière efficace les exigences et les changements de la vie quotidienne et favorise une meilleure adaptation (Ibid.).

Dans cette perspective, c’est la notion de durabilité dans le temps qui nous questionne. Ceci fait le lien avec la notion de volition travaillé par Zimmerman (1986, 2002).

Dans une perspective sociale cognitive, la capacité à mobiliser, diriger et soutenir son propre effort d'apprentissage joue un rôle central dans l'autorégulation.

Dans les processus motivationnels qui soutiennent le SEP, on distingue ceux qui engendrent le passage à l’action (motivation initiale), de ceux qui les protègent des distractions et des motivations concurrentes, ce sont les processus volitionnels (Ruph, 1999) comme déjà évoqué. C’est ce que nous nous proposons d’appréhender avec la théorie de l’autorégulation de Zimmerman (1986, 2002) pour compléter les composants d’activation du SEP de la théorie sociocognitive de Bandura (2003).

7. LA THÉORIE DE L’AUTORÉGULATION DE ZIMMERMAN DANS