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4. LE CONSTRUIT DE SANTÉ-DANS-LA-MALADIE

4.2 Définition du construit de santé-dans-la maladie

Ellefsen (2010) a spécifiquement travaillé le construit de santé-dans-la- maladie dans le cadre de sa thèse portant sur “ L’expérience de sclérodermie systémique et de santé-dans-la-maladie pour des adultes : une étude phénoménologique existentielle herméneutique ”.

C’est à partir de sa recherche que nous avons pu puiser les éléments de compréhension sur ce construit.

L’auteure met en évidence d’une part, les limites des études empiriques sur le phénomène de santé-dans-la-maladie et d’autre part, que ce dernier est davantage véhiculé dans des théories émanant de modèles conceptuels. Il n’existe pas une littérature très approfondie sur ce construit compte tenu qu’il a peu été approfondi par des études empiriques sur des maladies chronique évolutives et instables.

Comme l’explique Ellefsen (2010), le construit de santé-dans-la-maladie est apparu dans des écrits théoriques et empiriques infirmiers vers la fin des années 1980 notamment dans la définition de Moch (1998).

Les buts de cette nouvelle perspective étaient de faire disparaître la dichotomie existant entre la santé et la maladie, d’étudier le concept de santé chez

les personnes vivant avec une maladie chronique, de sortir du modèle biomédical où la santé était souvent représentée comme l’absence de maladie, d’handicap ou de symptômes (Ellefsen, 2010).

À l’issue de sa recension conceptuelle, l’auteure met en évidence diverses définitions de la santé dans-la-maladie :

Une opportunité pour accroître le sens de la vie ; une expérience globale consistant à créer un sentiment de santé en dépit d’une maladie chronique; un pattern exprimant la santé et la maladie illness comme deux dimensions d’un tout qui peuvent coexister ou enfin l’adaptation physiologique et psychosociale de la personne à la maladie chronique. (Ibid., p. 45)

Pour poursuivre ses recherches sur l’exploration et la compréhension de ce phénomène peu connu qu’est le construit de santé-dans-la-maladie, Ellefsen (2010) a mis en œuvre une recherche de type phénoménologique portant sur des sujets atteints de sclérodermie systémique, soit une maladie chronique évolutive et très invalidante dans le temps.

Cette étude a produit des résultats qui ont permis à l’auteure de développer une nouvelle conceptualisation de la santé-dans-la-maladie.

Ellefsen (2010) a mis en évidence que le construit de santé-dans-la- maladie est significativement représenté par un processus d’intégration des expériences indissociables de la maladie (illness) et de la santé (wellness).

Pour l’auteure, quand la maladie chronique survient, s’opère une dialectique entre les expériences de santé (wellness) et de maladie (illness) qui s’intègrent pour refléter une nouvelle manière d’être ni en santé, ni malade (Ibid.). « Ce processus d’intégration interpelle donc la mobilisation continuelle du nouveau soi pour vivre en harmonie avec l’existence et pour s’accommoder de la dysharmonie intérieure et relationnelle vécue dans le corps malade » (Ibid., p. 219).

C’est selon Ellefsen (2010), un processus proactif dans lequel les personnes atteintes de maladie chronique se mobilisent pour placer la santé à l’avant-plan de leur vie afin de ressentir un bien-être entre le corps malade et le soi.

Dans les résultats de se recherche, Ellefsen (2010) met en exergue quatre thèmes sous-tendus à l’expérience des personnes atteintes de sclérodermie systémique : « la souffrance interminable du corps malade, la dysharmonie

intérieure et relationnelle du soi, le processus d’accommodation et l’heuristique d’accommodation » (p. 172).

Pour le premier thème, les résultats de la recherche amène l’auteure à souligner « l’importance de connaître la signification personnelle des pertes rattachée à l’expérience de la maladie chronique pour comprendre cette souffrance » (Ibid., p. 178).

Les résultats liés au deuxième thème soulignent l’omniprésence des émotions dans le quotidien des personnes atteintes de cette maladie chronique et l’augmentation de celle-ci à certains moments de la vie (Ibid.). Ces émotions comportent un large éventail de colère, de chagrin lié à la sensation d’être emprisonné dans son corps, avec le sentiment d’être stigmatisé dans leurs relations avec les autres (Ibid.).

Le troisième thème étudié met en lumière les efforts soutenus de ces personnes pour vivre avec la sclérodermie systémique afin de réconcilier la perte d’un corps en santé et se réinvestir dans la vie (Ibid.). Ce terme d’accommodation traduit les notions d’implication, d’ajustement, d’adaptation avec la maladie, liées à la conscientisation de la réalité de la maladie chronique, des différents processus d’acceptation et de réinvestissement dans la vie (Ibid.). Cette nouvelle perspective de vie consiste à faire des efforts, à mettre des stratégies en place pour assumer cette continuité existentielle inhérente à l’expérience la maladie (Ibid.).

Enfin le quatrième thème mis au travail révèle trois grands types de stratégies pour « placer la maladie à l’arrière-plan de vie et diminuer l’impact de la souffrance » (Ibid., p. 187). L’auteure met en évidence que les personnes mettent en place des stratégies cognitives, des moyens pour réguler les symptômes, la médication, la répartition des activités sur la journée, etc. et la place importante que celles-ci accordent au soutien de leur entourage et des professionnels de santé.

Au terme de cette étude phénoménologique existentielle, Ellefsen (2010) définit l’essence de l’expérience de la santé-dans-la-maladie comme « la prise de pouvoir d’un nouveau soi afin de vivre en harmonie avec l’existence » (p. 190). Pour l’auteure, les personnes dites malades mettent en place des stratégies conscientisées de promotion de santé pour prendre soin d’eux et placer la santé à l’avant-plan de la maladie. Ce processus est assimilé à une prise de pouvoir sur soi consistant « à se connaître, à respecter ses limites et son rythme ainsi qu’à

s’affirmer auprès des autres » (Ibid., p. 191). « […] l’expérience de santé s’apparente à “ un acte balancé ” consistant à équilibrer la “ capacité de faire ” avec la “ volonté de faire ” » (Ibid., p. 193). Le sentiment d’harmonie avec l’existence se caractérise par « un sentiment de bien-être vécu entre le corps malade et le soi » (Ibid., p. 193). Un repositionnement de sa relation avec sa santé se met en place développant une nouvelle conception de ce qu’est être en santé (Ibid.). Les personnes adoptent une attitude positive face à la vie pour « être ni en santé, ni malade » (Ibid., p. 196) comme préalablement déjà évoqué plus haut.

Les résultats de la recherche menée par Ellefsen (2010) ont permis à l’auteure de conceptualiser l’expérience de la santé-dans-la-maladie en la caractérisant par : « (a) la coexistence de l’expérience de la santé (wellness) et celle de la maladie (illness); (b) une dialectique et (c) le caractère dynamique, continu et subjectif de ce processus » (Ibid., p. 198).

Dans la poursuite de son travail, l’auteure préconise de poursuivre cette étude « dans un contexte élargi de personnes de tout âge vivant avec une maladie chronique afin d’être dans le développement de nouvelles connaissances sur ce construit théorique » (Ibid., p. 212). C’est très précisément ce qui nous intéresse. Nous pensons que l’apport de cette conceptualisation s’arrime de façon structurée et cohérente avec une dynamique autorégulatrice des apprentissages centrée sur l’interrelation entre les expériences de santé et de maladie.

En effet, les processus d’accommodation et d’heuristique d’accommodation ont un lien étroit avec les sources d’activation du sentiment d’efficacité personnelle, eu égard à la persistance de l’effort, les feed-back autoévaluatifs et les feed-back renvoyés par l’environnement éducatif dans le cadre de l’ÉTP.

Comme le préconise Bonino (2008), « La maladie introduit des situations nouvelles et inconnues et oblige l’individu à abandonner des comportements habituels et consolidés » (p. 23). La maladie consiste certes en un défi durable dans le temps mais elle présente également de nombreuses opportunités de développement des personnes au cours de leur existence (Ibid.).

Ainsi, nous pensons que cette nouvelle conceptualisation de la santé-dans- la-maladie intégrée à l’ASFF pourrait permettre de trouver l’équilibre nécessaire pour développer à partir de la théorie sociocognitive Bandura (2003) une approche

centrée sur l’autorégulation de la santé-dans-la-maladie de la personne atteinte de maladie chronique.

Dans cette perspective, le partenariat de collaboration instauré entre l’infirmière et la personne adulte atteinte de maladie chronique se focalise sur un apprentissage autorégulé de la santé-dans-la-maladie.

Pour appréhender le paradigme de l’apprentissage, nous allons explorer les dispositions sociocognitives des apprenants adultes pour se saisir des composants cognitif, métacognitif, motivationnel, volitionnel et émotionnel qui jalonnent l’acte d’apprendre. C’est ce qui est abordé ci-après.

5. LE CHAMP DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION : LE PARADIGME