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Conclusion au chapitre 2

SECTION 2 : LE PROFIL ATTITUDINAL ET LES DIFFERENTS MECANISMES

3. Modèles d’attitude et prédiction des comportements

3.1. Théories et persuasion du comportement

3.1.1. La théorie de la dissonance cognitive

Les attitudes se distinguent des comportements par leur non-observabilité. En effet, seul le déclaratif permet de les définir. Les comportements sont observables, représentent ce que nous faisons, et sont la plupart du temps le résultat d’une attitude. Le comportement peut toutefois précéder une attitude dans deux cas : Problème d’attribution, rationalisation a posteriori qui attribue une cause (attitude) à un comportement afin de le justifier2. Dissonance cognitive : Explique la réaction des individus en cas d’incohérence perçue entre attitudes et comportements (Théorie de FESTINGER, 1957). Pour ces cas, le retour à l’équilibre peut prendre deux formes : Trouver une raison qui clarifie l’inadéquation, ou modifier l’attitude pour qu’elle coïncide avec les actes (plus fréquent en cas de dissonance forte). Ainsi, une dissonance cognitive amène souvent une recherche d’information post-achat sélective, pour se rassurer sur la pertinence de la décision prise3.

1 En plus des théoriciens tel que ROSENBERG et HOVLAND (1960), et H.C TRANDIS (1964), nombreux sont les auteurs comme DUSSART C. « Comportement du consommateur et stratégies de marketing » et Black RONING « Le profil du consommateur », portant une optique unanimes sur le fait que l'attitude a trois composantes d'après le modèle psychologique classique encore appelé modèle à trois parties (la théorie tri-componentielle des attitudes), qui est l'explication la plus courante de ce concept d'attitude. C'est lui qui spécifie qu'il y a trois composantes de l'attitude : la composante cognitive, la composante affective et la composante conative.

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En effet, il est impératif de cerner la relation « attitude – comportement » : l’attitude n’est pas directement observable, alors que le comportement est un acte percevable. Toutefois, un individu peut exprimer verbalement son attitude. L'intensité d'une attitude peut être évaluée en posant une question à un individu et en lui demandant s'il est tout à fait d'accord, plutôt d'accord, indifférent, plutôt pas d'accord, ou pas du tout d'accord. Les attitudes changent lentement : elles permettent donc souvent de prédire le comportement d'un individu envers un objet. Cependant, ce lien n'est pas automatique : un individu peut finalement agir à l'inverse de son attitude (Ex : Un individu peut avoir une attitude négative envers un produit mais finalement l'acheter car il est moins cher ou plus rapidement disponible que les produits des concurrents,…).

3 Alban ROY, LES STRATÉGIES PARCOURS D’ACHAT, Comprendre les nouveaux comportements consommateur pour mieux agir, The LINKS, Mai 2013, p.35.

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Ainsi, pour former des attitudes envers un objet, il est nécessaire de l'évaluer au préalable, ne serait-ce qu'implicitement, sans que l'on soit réellement conscient des critères d'évaluation que l'on se fixe, on procède néanmoins à l'attribution d'une valeur positive ou négative, qui va servir de base au fondement de l'attitude. Lorsque nos attitudes sont contredites ou démenties par les faits, nous ressentons un inconfort mental que l'on nomme dissonance cognitive1.

En 1957, Léon FESTINGER propose la théorie de la dissonance cognitive, qui peut être considérée aujourd’hui comme une des plus importantes en psychologie sociale (OLSON & STONE, 2005 ; FOINTIAT, GIRANDOLA & GOSLING, 2013). L’univers de pertinence de cette théorie concerne les cognitions et leurs relations. Selon FESTINGER, une cognition est « une connaissance, une opinion ou croyances sur l’environnement, sur soi-même ou sur son propre comportement» (ex : « j’ai soif », « je joue de la guitare », « j’aime le jogging »). Pour FESTINGER, les cognitions doivent être analysées à l’aide de l’implication psychologique qui renvoie à l’idée d’un lien que l’individu se représente comme optimal entre deux cognitions prises isolément2

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Quand un consommateur a choisi entre deux alternatives d'égale valeur, il a tendance à attribuer après coup une plus grande valeur à l'alternative choisie et une moins grande valeur à celle rejetée. Mais l'inconfort ou le désagrément survient lorsque le consommateur s'aperçoit que son choix a été sous-optimal, c'est-à-dire qu'une autre option aurait dû être privilégiée. (Il est frustré d'apprendre la sortie d'un appareil très performant, qui surclasse celui qu’il vient d'acheter et qui apportait jusque-là toute satisfaction ? FESTINGER a formalisé cette frustration qu'il appela « Dissonance

cognitive », concept aujourd'hui régulièrement mobilisé en marketing. Des études

récentes ont revisité ce concept important de la psychologie qui est également pertinent lorsqu'il s'agit d'étudier la satisfaction du consommateur. L'attitude que l'on aura à l'égard d'une offre dépendra de cette valeur perçue. S'il devait exister un décalage sensible entre la valeur affirmée et la valeur perçue (dans le sens négatif uniquement, car une bonne surprise est toujours la bienvenue), nous constaterions une infirmation de l'attente qui se traduira par un sentiment de déception et une dévalorisation de l'attitude à l'égard de la marque, voire une dissonance cognitive, que s'efforcera de réduire notre consommateur au plus vite. Lorsque l'évaluation initiale d'une offre s'est révélée erronée, un inconfort, une dissonance cognitive se fait jour, dont le corrélat semble être l'activation des structures impliquées dans le traitement de stimuli négatifs ou aversifs. Même inconsciemment, le consommateur cherchera à réduire cet inconfort, quitte à modifier ses attitudes ou son évaluation à l'égard de l'offre « dissonante ». La dissonance cognitive ne pourrait être que la prise de conscience effective du consommateur de l'écart constaté dans l'évaluation des deux options de choix initiales3.

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Bernard ROULLET et Olivier DROULERS, Bernard ROULLET et Olivier DROULERS, NEUROMARKETING, Le marketing revisité par les Neurosciences du consommateur, Ed Dunod, Paris, 2010, p.52.

2 Fabien GIRANDOLA et Robert-Vincent JOULE, Op.cit, p.236.

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Figure III.16 : Changer l’attitude pour changer le comportement

Source : David VAIDIS, Attitude et comportement dans le rapport cause-effet : quand l’attitude détermine l’acte et quand l’acte détermine l’attitude, n°54, 2006, p.104.

Le fait que le comportement puisse modifier l'attitude est surprenant. En effet, l'idée que la réalisation d'un comportement puisse amener l’individu à modifier son attitude est moins acceptable avec la représentation d’un être rationnel qui agit selon ses opinions et adapte donc son comportement à ses attitudes. L’ordre est ici inversé : l’attitude qui était cause devient effet et le comportement qui était l’effet vient prendre la place de la cause (voir figure III.17). Dans la mesure où c’est ici le comportement qui provoque l’attitude, nous pouvons dès lors parler d’un être rationalisant qui adapte ses attitudes à ses actes. En effet, il a été démontré que l’individu ajuste dans bien des cas ses attitudes aux comportements qu’il réalise. La psychologie sociale utilise le terme de manipulation comportementale pour désigner une procédure ayant pour objectif d’amener l’individu à se comporter d’une certaine manière pour provoquer un changement d’attitude dans le sens du comportement émis, on parle alors d’une rationalisation du comportement (ARONSON et MILLS, 1959 ; BEAUVOIS et JOULE, 1981, 1996). Dans ce sens, la théorie sous-jacente à cette approche est la théorie de la dissonance cognitive développée par FESTINGER au milieu des années 1950. Cette théorie repose sur le principe de consistance selon lequel l’humain serait motivé à conserver une cohérence entre ses attitudes et ses comportements. La théorie de la dissonance cognitive (1957) permet de faire l’hypothèse suivante : si un individu est amené à agir librement de manière antinomique à son attitude initiale, il modifiera cette attitude conformément au comportement émis1.

Une situation de dissonance apparaît chaque fois que nos cognitions s’avèrent incohérentes entre elles. De façon typique, un conflit entre notre comportement et nos attitudes entraîne une situation de dissonance. En outre, les relations entre nos

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cognitions peuvent être dissonantes, consonantes ou non pertinentes. Or un individu confronté à une situation de dissonance cognitive cherchera à restaurer la consonance au sein de son système cognitif. Trois types de réactions s’offrent alors à lui1

: une première solution consiste à modifier une des cognitions de manière à la rendre consonante avec l’autre, un second type de réaction consiste à ajouter des cognitions consonantes de manière à réduire l’impact de la cognition dissonante. Enfin, on peut réduire la dissonance en diminuant l’importance de la cognition dissonante. La principale découverte de FESTINGER est de proposer que l’individu a tendance à modifier la cognition la moins résistante2.

Figure III.17 : Changer le comportement pour changer l’attitude

Source : David VAIDIS, Attitude et comportement dans le rapport cause-effet : quand l’attitude détermine l’acte et quand l’acte détermine l’attitude, n°54, 2006, p.108.

Alors que l’individu maintient naturellement une cohérence entre ses cognitions (Temps 1), la présence d’une incohérence flagrante entre une attitude et un

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On peut appliquer sans trop de difficultés ce principe au concept de fidélité à la marque. Rappelons qu’un consommateur est fidèle lorsqu’il adopte un comportement répétitif d’achat tout en développant une attitude favorable à l’égard de la marque choisie (JACOBY, 1975). La fidélité à la marque est un phénomène dynamique et doit donc être appréhendé comme tel.

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Patrick SIMON, Pour une Clarification de la Relation entre Attitude envers la Marque et Fidélité à la Marque Vers la mise en évidence d’un modèle intégrateur, CONVEGNO “LE TENDENZE DEL MARKETING IN EUROPA”, Université Ca’ Foscari Venezia, 24 Novembre 2000, p.05.

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comportement génère un état de tension désagréable (Temps 2) lequel motive l’individu à recouvrer un état d’équilibre1. C’est ce que FESTINGER nomme l’état de

dissonance cognitive. Une possibilité pour réduire cette tension est de rendre cohérent

ses attitudes avec son comportement. De la sorte, il n’y a plus de dissonance (Temps 3)2.

Figure III.18 : La réduction de la dissonance cognitive

Source : Richard LADWEIN, Le comportement du consommateur et de l’acheteur, Ed Economica, 2è Ed, 2003, Paris, p.338.

MILLS, ARONSON et ROBINSON mettent en évidence que, consécutivement à une décision, les individus ont tendance à rechercher des informations favorables et à éviter les informations défavorables relatives au choix qu’ils viennent d’effectuer. De tels résultats sont susceptibles d’expliquer pourquoi les propriétaires de nouvelles voitures lisent préférentiellement les publicités relatives au véhicule qu’ils viennent d’acheter au

1 Le principe de la théorie de la dissonance cognitive se base sur l’existence de contradictions entre l’attitude et le comportement, et pour y apporter un rééquilibre à cette disparité l’individu opte généralement à modifier son attitude ou son comportement. Exemple : « L’excès de vitesse en voiture » (Je sais que les excès de vitesse y est pour plus de 30 % des accidents mortels chaque année. Et pourtant, je roule la plupart du temps au-delà de la vitesse autorisée).L’excès de vitesse en voiture est dangereux mais je roule au-delà de la vitesse autorisée. Ces éléments sont dissonants car contradictoires, c’est ce qui provoque une tension que le conducteur souhaite réduire. Pour cela, il peut : Modifier son comportement : arrêter l’excès de vitesse, ou modifier son attitude : critiquer les recherches mettant en évidence un lien entre l’excès de vitesse et le danger, et se dire par exemple que son véhicule est équipé d’assistances électroniques de correction de trajectoire en cas de dérapage, ce qui amoindrie le risque.

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détriment de publicités concernant des modèles concurrents. De telles approches peuvent être appréciées comme la volonté d’éviter tout regret consécutivement à un achat1.

Ainsi, dans bien des cas, suggère FESTINGER, il est plus aisé d’éliminer la dissonance en modifiant ses attitudes plutôt que son comportement. Il peut arriver au fil du temps et des achats successifs que le consommateur développe une attitude moins favorable, voire défavorable, à l’égard de la marque choisie tout en persévérant dans son comportement répétitif d’achat. Dans ce cas, le consommateur se trouve alors dans une situation d’inertie. Cependant, toujours selon la théorie de la dissonance cognitive, il est beaucoup plus aisé pour le consommateur d’éliminer cette dissonance en modifiant ses attitudes plutôt que son comportement (voir figure III.18). Notre consommateur pourrait ainsi modifier ses attitudes afin de les rendre consonantes avec son comportement (ex : finalement c’est un bon produit). Ainsi l’attitude passe d’une phase favorable à une phase plutôt défavorable puis de nouveau favorable. DICK et BASU (1994) ont complété l’approche de JACOBY et CHESTNUT (1978) en suggérant de plutôt prendre en compte l’attitude relative que l’attitude absolue. Le consommateur doit développer une attitude positive plus forte à l’égard de la marque choisie pour être qualifié de fidèle. De la sorte, une attitude relative plus forte à l’égard d’une marque permettrait de choisir entre deux marques bénéficiant d’une attitude favorable2

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Cependant, la motivation constitue un facteur instinctif de la dissonance cognitive. La motivation correspond à l’énergie qui pousse un individu à satisfaire un besoin en induisant un comportement. Cette énergie est toute personnelle. Elle existe quand l’individu prend conscience de l’importance de l’écart entre ses désirs et la réalité génératrice d’un besoin3. Cet écart crée un déséquilibre interne que l’individu supporte mal. On dit qu’il est en état de dissonance cognitive. Le désir de réduction de cet écart va constituer le moteur de la motivation, pour effectuer un retour à une situation d’équilibre4. Ainsi, l’attitude et le comportement sont conceptuellement liés et une corrélation importante existe lorsque les mêmes caractéristiques se retrouvent à la fois dans l’attitude et le comportement qui lui est associé. Une grande part de la littérature s’est appuyée sur le changement d’attitude pour observer un changement de comportement. En ce sens, la manipulation persuasive utilise le changement d’attitude pour provoquer un changement de comportement. La théorie de la dissonance cognitive en tant que manipulation comportementale s’appuie quant à elle sur le comportement pour provoquer un changement d’attitude5

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1 Richard LADWEIN, Op.cit, p.337.

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Patrick SIMON, Op.cit, p.05.

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Le processus d’apprentissage implique autant que les croyances elles-mêmes, un processus d’achat réfléchi qui n’est pas toujours observé, et d’autres cheminements existent qui s’observeront, par exemple, là où l’implication est minimale (KRUGMAN, 1965), ou encore là où il y a dissonance cognitive (FESTINGER, 1957).

4 Claude DEMEURE, Op.cit, p.34.

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