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Conclusion du chapitre

Chapitre 2. L’utilité des budgets mise en question

2.1. Les défaillances des budgets reconnues et intégrées dans la théorie classique du contrôle de gestion

2.1.1. La contingence de l’outil budgétaire : une insuffisance conceptuelle surmontable

2.1.1.1. De la théorie de la contingence

Dès 1958 Joan Woodward réalise une série des recherches dans l’industrie britannique et découvre qu’il n’existe pas vraiment de structure parfaite car celle-ci dépend fortement de la technologie de l’entreprise. Une des recherches porte tout particulièrement sur le contrôle de gestion et ses formes en fonction des configurations technologie-structure. Woodward envisage le contrôle sous deux angles :

• selon l’origine du contrôle :

o personnel – réalisé par une personne (le directeur par exemple) ou o impersonnel – réalisé par des instruments automatiques

• et selon le mode d’exécution :

o contrôle intégré – le système de contrôle est unifié pour toute l’entreprise o contrôle fragmenté – les contrôles sont diversifiés selon les compétences de

chaque département (les ouvriers d’un département reçoivent des instructions de différents départements concernant la qualité, le coût, les délais etc.) Joan Woodward croise ces deux angles et définit ainsi quatre types de contrôle. Elle envisage ensuite trois types de technologies : la technologie de production unitaire ou par petits lots, la technologie de production en grandes séries et la technologie de production continue. L’étude de Woodward (1965) révèle qu’à chaque type de technologie correspond un type de contrôle :

• le contrôle personnel et intégré est souvent rencontré dans les organisations à technologie unitaire et de petite taille,

• le contrôle personnel et fragmenté est plutôt appliqué dans les organisations à technologie unitaire mais de taille plus grande,

• le contrôle impersonnel et fragmenté correspond généralement aux organisations à technologies de grandes séries,

• le contrôle impersonnel et intégré est généralement appliqué dans les organisations aux technologies continues.

Deux autres britanniques Burns et Stalker (1961) effectuent une étude sur l’influence de l’environnement externe sur l’organisation interne de plusieurs entreprises britanniques et écossaises. Les auteurs définissent initialement cinq types d’environnements en fonction de leur stabilité/turbulence pour ne retenir au final que les deux situations extrêmes : l’environnement très concurrentiel, incertain et à technologie changeante d’une part, et l’environnement très stable à technologie et marché peu changeants d’autre part. Dans ces deux types d’environnements les auteurs observent se profiler deux types distincts d’organisations : l’organisation mécanique pour l’environnement stable et l’organisation organique pour l’environnement incertain. Ces deux types d’organisations sont caractérisés par deux modes de contrôle bien différents :

• Dans l’organisation mécanique adaptée à l’environnement stable l’on observe une division et une spécialisation stables des tâches avec un contrôle de l’exécution par le supérieur immédiat, une définition précise du travail avec des normes strictes à respecter et des canaux de communications verticaux.

• Dans l’organisation organique adaptée à l’environnent incertain l’on observe une continuelle redéfinition des tâches individuelles avec une participation de chacun au-delà ses responsabilité strictes, un réseau de contrôles très complexe avec des autorités croisées et des communications en général transversales.

Lawrence et Lorsch (1969) donnent une forme plus achevée des travaux de Woodward et de Burns et Stalker en formulant les principes de ce que l’on appelle aujourd’hui la théorie de la contingence. Ils envisagent la relation entre l’incertitude de l’environnement et la structure interne de dix entreprises américaines de secteurs différents. Ce qui attire leur attention c’est surtout le fait que les différences dans les sous-environnements des divisions au sein d’une même entreprise conduisent à des adaptations dans les modes d’organisation de ces divisions. Les dimensions qui représentent le mieux la différenciation des modes d’organisation sont les suivantes : le degré de formalisation de la structure, la nature des relations interpersonnelles (centrés sur les tâches ou sur les aptitudes) et l’orientation

temporelle des décisions. Les divisions dont les environnements sont fortement incertains se démarquaient par une structure faiblement formalisée et une orientation temporelle à long terme. Inversement, les départements dont les sous-environnements se montrent très stables ont une structure fortement centralisée et une orientation temporelle à court terme. Les relations interpersonnelles orientées vers les aptitudes démarquent uniquement les départements dont les sous-environnements on une degré moyen d’incertitude. Mais la conclusion la plus intéressante de Laurence et Lorsch est que les entreprises les plus performantes sont celles dont les divisions respectent fidèlement cette adaptation des organisations internes aux sous-environnements respectifs. C’est ce que les auteurs appellent le contingency fit ou, en Français, la correspondance/adéquation contingente.

Par ailleurs, la différenciation des divisions supposait, en contrepartie, l’existence de mécanismes d’intégration permettant la coordination de l’entité avec les objectifs généraux uniques. La coordination s’effectue par une multitude de mécanismes : contacts directs, comités, services de liaison, procédures budgétaires etc. Le degré d’intégration est alors mesuré par le nombre de mécanismes mis en œuvre. Les auteurs font, là aussi, des constats très intéressants : les entreprises les plus performantes sont celles qui ont la meilleure intégration pour un degré de différenciation donné ; et plus encore, les entreprises les plus performantes de l’échantillon sont celles qui ont la meilleure intégration parmi toutes les entreprises ayant diversifié leurs divisions de manière adéquate par rapport à leurs sous-environnements respectifs.

Les conclusions des recherches organisationnelles sur la contingence supposent qu’il existe des environnements ou des technologies pour lesquels les entreprises, pour être plus performantes, devront adopter des structures organisationnelles organiques (Chenhall, 2003; Otley, 1980). Dans ces structures organiques les modes de contrôle sont moins rigides et correspondent peu aux situations pour lesquelles a été développé le contrôle budgétaire. La technique budgétaire est donc considérée comme contingente aux conditions de l’environnement, de la technologie, de la structure etc.

Dans l’édition de son ouvrage de 1988 Anthony dédie une place particulière aux questions liées à la contingence des systèmes de contrôle de gestion. Il remarque notamment que dans les environnements à forte incertitude les estimations budgétaire doivent être moins strictes et plus souvent révisées. Le budget reste pourtant, selon l’auteur, le principal outil de contrôle. Il déclare avoir fait cette conclusion sur la base d’une multitude de recherches empiriques qui, toutefois, ne sont pas unanimes sur la question.

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