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par

Matteo CAMPAGNOLO

Dans des pages qui méritent encore aujourd'hui toute l'attention de ceux qui se penchent sur l'histoire de Genève, Eugène Choisy affirmait qu'à la fin du XVIe siècle:

«L'esprit d'autorité et de privilège a supplanté chez les magistrats politiques l'esprit de responsabilité et de simplicité des anciens temps. Le Magistrat se fait théologien et évêque, et c'est un des sei-gneurs du Petit Conseil, Jacques Lect, qui se montrera en fait le vrai successeur de Théodore de Bèze.»

Et plus loin:

«Un Jacques Lect est un magistrat politique à la fois juriste et théo-logien, calviniste décidé, d'une orthodoxie de doctrine irréprochable, mais aussi un champion opiniâtre de la suprématie du gouvernement politique sur le gouvernement spirituel.» 1

Nous nous efforcerons de suivre l'invitation qui se trouve dans les lignes de l'illustre historien, en cherchant à pénétrer la vision politique qui soutint et inspira l'activité de Lect, sa contribution à l'évolution de la Genève du temps de l'Escalade. Notre essai, d'une ampleur forcément limitée et de ce fait privilégiant sans doute arbitrairement certains moments de l'activité de Lect, n'a d'autre ambition que de présenter une interprétation possible, voire préliminaire à l'étude globale que le person-nage attend toujours.

Jacques Lect naquit à Genève en 1556 et y mourut le 25 août 1611 -quanta Reipublicae jactura/2Il tint un rang honorable dans la Républi-que des lettres: «JacRépubli-ques Lect est un gentil personnage», disait à ses

1 E. CHOISY, L'Etat chrétien calviniste à Genève au temps de Théodore de Bèze, Genève-Paris 1902, pp. 412, 457.

2 Genève, Archives d'Etat, Livre des morts XXIV, fol. 94 cité par Ch. BORGEAUD,

L'Académie de Calvin, Genève 1900, p. 306.

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disciples le grand Joseph-Juste Scaliger, non sans une pointe de condes-cendante réserve3Docteur en droit, avocat, il se consacra à l'étude des juristes romains et de l'histoire ancienne; il ne se tint pas à l'écart de la controverse théologique; il versifiait à ses heures et donna une édition des poètes épiques grecs. Ajoutons qu'il édita les œuvres du pasteur Antoine de La Roche Chandieu et de François Hotman4, dont il fut l'élève distingué. Quant à la valeur de l'homme politique parrainé par Théodore de BèzeS, elle fut aussitôt perçue et reconnue à Genève: nous en voulons pour preuve les grandes responsabilités dont il fut chargé à maintes reprises par ses concitoyens. Dans sa monumentale Histoire de Genève, Jean-Antoine Gautier le présente d'entrée comme «le fameux Jacques Lect»: il donne un relief tout particulier à l'action personnelle de celui-ci dans le récit des années qui précédèrent et suivirent l'Es-calade6.

Jacques Lect était très jeune, en janvier 1584, quand il fut choisi pour siéger au Petit Conseil, l'organe principal du gouvernement de la Répu-blique genevoise, probablement sur la lancée de sa nomination à la deuxième chaire de droit de l'Académie7Il se signala au Petit Conseil par une harangue, une véritable philippique, qu'il prononça le 14 décem-bre 1586. Il y soutenait, avec toutes les ressources de l'art oratoire, la thèse de ceux qui, comme lui, voulaient une guerre immédiate contre le duc de Savoie. Cette oraison si importante fut consignée in extenso dans les registres du Conseil8 Gautier l'admirait au point de la «rapporter

3 SCALIGERANA (SECONDA), [Saumur]1669, p. 138.

4 Voir Ch. BoRGEAuo, op. cit., pp. 296-310 avec bibliographie des œuvres de Lect.

Mentionnons ici le message en vers de l'ami de Lect, le pasteur Jean Jaquemot, qui le présente en train de faire triompher le droit d'un client ou d'apporter des émenda-tions au texte de Sénèque, ou enfin de retour à la maison après une séance au Sénat où ils mêlent leurs larmes pour l'empoisonnement du prince de Condé (ce qui nous pousse à dater cette pièce du printemps 1588; J. LECT, Poemata varia, Genève 1609, p. 84). «Poète, orateur» le dit dans son épitaphe le jurisconsulte de Nuremberg, Georges Remus (dans J. LECT, Orationes, Genève 1615, non paginé).

5 Ch. BoRGEAUD, op. cit., pp. 296-297, 304; cf. Registres de la Compagnie des pasteurs, Genève 1976, t. V, publié par O. LABARTHE et M. TRIPET, pp. 18, 22 et t. VII, publié par G. CAHIER et M. GRANDJEAN, Genève 1984, p. 195; voir infra.

6 J.-A. GAUTIER, Histoire de Genève des origines à l'an 1691, Genève 1896-1914, t. V, pp. 423-424; t. VI, passim; t. VII, pp. 59-60; L.C. JoNES, Simon Goulart, Genève-Paris 1917, p. 305 rappelle que Lect fut dit «l'âme de Genève».

7 En octobre 1583, voir note 5.

8 Voir Registres du Conseil aux Archives d'Etat de Genève, vol. 81, fol. 304 ss.

tout au long» dans son Histoire9Construite, comme son auteur l'indique, en suivant «l'ordre qui a esté prescript par les sages qui ont parlé des causes et des raisons considerables en une deliberation de si grande consequence. Ils ont dit que pour bien et prudemment deliberer une guerre, faut considerer si elle est necessaire, si elle est juste et bien fon-dee, et en troisieme lieu si les moyens sont en main pour heureusement l'executer»10

La position de Genève vis-à-vis du duc de Savoie ne manquait pas d'analogies préoccupantes, nous voudrions presque ajouter, stimulantes, avec la situation d'Athènes face à l'impérialisme de Philippe de Macé-doine. S'il existe une harangue que les paroles de Lect résument fort bien quant à la construction, sinon quant au ton, telle est bien celle que Démosthène prononça «Sur les affaires de la Chersonèse» en 341 avant J.-CY. L'orateur athénien y montrait en effet à ses concitoyens que la guerre contre Philippe était une guerre juste, car Philippe occu-pait des territoires qui appartenaient à Athènes; que la guerre était nécessaire, parce que Philippe menaçait l'existence même d'Athènes et que vainqueur, il serait obligé de la détruire; finalement, il y soute-nait que la guerre était possible, si l'on utilisait les ressources négligées jusqu'alors.

Selon Lect, les Genevois, comme les Athéniens avant eux, péchaient par irrésolution. Le duc avait un dessein précis, il préparait de vastes opé-rations. La seule chance de Genève était de le prévenir par une attaque qui détruisît ses bases. Et - ajoutait-il, en s'éloignant là de son illustre modèle - les tergiversations des Genevois ne favorisaient pas seulement le Savoyard, mais étaient une manière de tenter Dieu, et il fallait craindre que «pour venger le mespris de nostre devoir, comme nous avons de grands exemples de son ire», il ne «donnait bresche à l'ennemy»12

Quant au deuxième point, Lect affirmait que la guerre était juste, du fait des attaques du duc contre «nos anciens droits et contre les traittez».

La guerre - continuait-il - «est un remede necessaire ordonné de Dieu

9 J.-A. GAUTIER, op. cit., t.V. p. 424. Elles est publiée en appendice, ibid., pp. 575-587.

Cette oraison avait déjà été publiée par J. GABEREL, Histoire de l'Eglise de Genève, Genève 1855, vol. II, pp. 220-234 des pièces justificatives, où elle est attribuée par erreur à Théodore de Bèze (cf. E. CHOISY, op. cit., p. 251).

IO J.-A. GAUTIER, op.cit., t. V, pp. 575-576.

11 DÉMOSTHÈNE, Harangues, t. 1, Paris 1924, texte établi et traduit par M. CROISET.

12 J.-A. GAUTIER, op. cit., t. V, p. 578.

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qui daigne bien l'honorer tant que de s'appeler Dieu des armées, remede receu et approuvé par le droit de nature, usité et prattiqué de tous tems en tous lieux ... Finalement - concluait-il - et afin de laisser les fondemens humains de la justice de nostre guerre, elle consiste souverainement et irrefragablement en la sainte cause de Dieu ... »13 Ces paroles ne nous surprennent point: elles font partie de l'idéologie biblique sur laquelle se fondait alors l'Etat-Eglise de Genève, qui s'identifiait au peuple élu de l'Ancien Testament14

Comme il l'avait annoncé, Lect, dans le plus parfait style de Démos-thène, consacrait une troisième partie de sa harangue, plus technique, aux ressources que les Genevois pouvaient mettre en œuvre et aux buts que devait se fixer une action militaire limitée.

Il importe peu que Bèze, consulté, ait déconseillé la guerre immédiate, et que celle-ci ait été effectivement renvoyée de deux ans. Ce premier dis-cours consacre d'emblée le chef politique, marquant le brillant début d'une carrière qui allait conduire Lect à la tête de la cité. Nous ne pou-vons rappeler ici toutes les occasions qu'il donna à ses concitoyens et à ses historiens de l'admirer. Mentionnons pour le moins que le Traité de Saint-Julien, qui mit fin en 1603 à la longue guerre entre le duc et Genève, est présenté par Gautier, sur la base des documents de l'époque, comme un succès largement personnel de Jacques Lect.

Il nous faut revenir encore brièvement sur la harangue prononcée par Lect15 Certes non pour présenter l'auteur comme un précurseur des

13 Ibid., pp. 581-582. Nous pourrions multiplier les exemples qui montrent que Lect demeura toujours bibliquement et homériquement enclin à voir les côtés positifs de la guerre comme moyen de faire progresser l'humanité. (En philosophie, ce courant de pensée remonte à Héraclite, voir par ex. Enciclopedia filosofica, Venezia-Roma 1957, s.v. guerra). Lect montre qu'il épouse absolument la vision tacitienne de la saeva pax, par exemple dans sa première oratio de 1592, De studiis liberalibus pub/ica ob mala non deserendis, et surtout dans le De officio principis 1, dans Ora-tiones, cité.

14 Mais voir J. BoHATEC, Ca/vins Lehre von Staat und Kirche, Breslau 1937, pp. 175 ss, p. 179: «der theokratische Gedanke bei Calvin ... kein bloss ideologischer Über-bau»; voir surtout E. CHOISY, La théocratie à Genève au temps de Calvin, Genève 1898, p. 15: «Etat chrétien ... calqué sur la théocratie israélite du temps de la royauté», cf. pp. 23, 189, 259; p. 53: «théocratie de la Bible», cf. pp. 65, 168, à cor-riger par p. 239; p. 153: «cette théocratie est l'œuvre de Calvin»; p. 258: «le sys-tème théocratique de Calvin ... juridique», cf. p. 269; E.G. LÉONARD, Histoire géné-rale du protestantisme, Paris 1961, t. 1, p. 299.

15 J.-A. GAUTIER, op. cit., t. VI, pp. 479-517.

jusnaturalistes du

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siècle qui développèrent le thème de la juste guerre, car les fondements sur lesquels il s'appuie ne prétendent à aucune originalité. Le thème de la juste guerre et de sa nécessité se trouve synthé-tisé, par exemple, dans un passage de la République de Cicéron transmis au Moyen Age par la citation qu'en fit Isidore de Séville. A travers Isi-dore, saint Thomas, par exemple, suit exactement le texte de Cicéron, en le développant16Mais ce n'est pas, selon nous, dans les dissertations théoriques de Cicéron, d'Augustin, d'Isidore, de Gratien ou de Thomas, que Lect put trouver le ton et l'inspiration de sa harangue passionnée17

Le fond et l'ordre de l'exposé se trouvaient déjà dans Démosthène18 Cependant un autre rapprochement, avec un modèle tout proche cette fois, s'impose. Choisy a déjà insisté sur la communauté de vues conte-nues dans ce discours et dans un «advis» rendu par la Compagnie des pasteurs au Petit Conseil en 1582, dont la paternité est attribuée par l'his-torien à Théodore de Bèze19

Cet avis écrit ne faisait que reprendre et développer un avis rendu ora-lement par une délégation de la Compagnie, conduite par Bèze20Il n'est pas étonnant que l'exposé de Lect soit si proche de celui de Théodore de Bèze, dont il avait certainement pris connaissance. Nous pouvons de même supposer que les deux amis n'avaient pas manqué de s'entretenir souvent d'un problème aussi grave. Et l'analyse de la situation genevoise les incitait à répondre affirmativement aux trois points : la guerre de Genève contre le duc de Savoie était juste, nécessaire, et Genève avait

16 Sur la «juste guerre» de l'antiquité jusqu'à Grotius, voir P. HAGGENMACHER, Grotius et la doctrine de la juste guerre, Paris 1983; nous n'avons pu voir G. SALVIO LI, Le concept de la guerre juste, Paris 1918; Y. DE LA BRIÈRE, Le droit de juste guerre, Paris 1918.

17 CICÉRON, De Republica III, 35-36; IsiDORE, Etymologicum 18, 12 ss; THOMAS, Summa theologica II-II, q. 40. a.i; PLATON, Lois, 628 D.

18 Voir note 11.

19 E. CHOISY, L'Etat chrétien calviniste (cité ci-dessus, note 1), pp. 251, 254; l'avis est publié dans P. WIPPER, L'Eglise et l'Etat à Genève au XVIe siècle, Moscou 1894, en russe, pièce justificative, pp. 19-25 et dans Registres de la Compagnie des pasteurs de Genève, t. IV, publié par O. LABARTHE et B. LESCAZE, Genève 1974, pp. 434-442 avec des notes abondantes auxquelles nous renvoyons. Voir aussi J.-A. GAUTIER, op. cit., t. VI, pp. 280-283.

20 E. CHOISY, L'Etat chrétien calviniste, cité, pp. 215-217 avec lequel s'accordent les édi-teurs des Registres de la Compagnie des pasédi-teurs de Genève, cit., pp. 439-440, qui ren-voient à J. CALVIN, Institution de la religion chrestienne, publiée par J.D. BENOIT, t. V, Paris 1957-1963, IV, 20, 12.

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les moyens de la mener à bien. C'est le ton de leur discours qui demeure très différent: les pasteurs étaient consultés sur une question de droit et étaient engagés à se borner au point de vue chrétien et théologique. De l'autre côté, la «bien humble et affectionnée remonstrance» de Lect ten-dait à convaincre ses collègues du Conseil qu'une déclaration de guerre immédiate s'imposait. Le discours de Lect est nettement plus ample que celui des pasteurs, car il développe longuement les points de la nécessité de la guerre et tout particulièrement celui des ressources de la Républi-que, là où le pouvoir religieux ne s'était senti autorisé qu'à faire appel à la foi en Dieu.

Comme nous l'avons dit, cette oraison de Lect et d'autres qui se trou-vent analysées dans l'Histoire de Gautier, montrent combien celui-ci apprécia en Lect l'orateur politique, modelé sur les grands leaders anciens. Ce jugement nous paraît digne d'attention, dans la mesure où il met en lumière ce qui fut sans doute l'aspiration la plus profonde de Lect, le trait le plus intéressant de sa personnalité: sa volonté d'être en même temps homme politique, savant et éducateur du peuple, de conjoin-dre intimement l'activité politique, érudite et pédagogique. Comme les grands maîtres anciens de l'art oratoire, Lect se présente tour à tour devant les auditoires les plus variés, dans les occasions les plus diverses:

ses collègues du Petit Conseil, le Conseil des Deux Cents - qui fait figure de Sénat de la République genevoise -,le peuple lors des cérémo-nies publiques liées à la vie de l'Académie, ses élèves enfin. Pour propo-ser, prouver, convaincre, diriger, exhorter, enseigner, former ... L'unité que nous décelons dans cet engagement qui se situe à des niveaux si dif-férents caractérise et forme l'essence de l'humanisme de Jacques Lect: en qui l'acte de gouvernement, préparé par la réflexion sur les modèles anti-ques profanes et biblianti-ques, se prolonge dans l'œuvre orale et écrite de l'éducateur.

Ce dernier aspect retint tout particulièrement l'attention de Charles Borgeaud qui, dans son Histoire de l'Académie de Calvin21, dresse le portrait de Lect comme celui du champion de l'Académie entre 1590 et 1610, après les deux fondateurs, Calvin et Bèze. Les éléments et les éta-pes de sa formation sont à cet égard révélateurs. Le fils de l'ancien syn-dic Barthélemy s'inscrivit en 1575 à l'Université de Bourges, parmi les élèves de Jacques Cujas. Il subsiste des témoignages suffisants de l'intimité et de l'accord qui lièrent le jeune Lect au grand

juris-21 Voir note 4.

consulte22L'étudiant ne dédaigna pas non plus le magistère du vieil Hot-man, «l'adversaire du droit romain», qui enseigna à plusieurs reprises à Genève, où il composa et publia certains de ses ouvrages et de ses pam-phlets les plus fameux23La fréquentation de ces maîtres fit de Lect le romaniste qui allie à la profonde connaissance des codes et à la maîtrise philologique le souci de l'aspect politique et pratique de l'activité juridi-que, l'intérêt aussi pour l'aspect historique de l'étude du droit romain.

Son enseignement, dont la trace nous est conservée, selon la coutume de l'époque, par des publications savantes, est là pour le prouver24: nous y trouvons non seulement deux commentaires, restituant les traités, conser-vés par fragments dans le Corpus, le de poenis25 de Modestinus et le de publicis judiciis26 de Macer, mais aussi l'édition des lettres de Symmaque, le sénateur romain de la décadence, qui avait voué un véritable culte à la tradition27Ce furent certainement autant des raisons intrinsèques, que des raisons d'opportunité, qui incitèrent parfois Lect à doubler son ensei-gnement des Pandectes d'un enseiensei-gnement d'histoire romaine, «d'huma-nités», comme l'on disait alors28

22 BoRGEAUD, op. cit., p. 296 sur la foi de BERRIAT-SAINT-PRIX, Histoire du droit romain suivie de l'histoire de Cujas, Paris 1821, p. 574. SYMMACHUS, Epistolarum ad diversos libri X, restituit, auxit notis, J. LECTIUS, Genève 1587, Epistola ad lectorem. Sur la famille de Lect voir Alain DuFOUR, «De la bourgeoisie de Genève à la noblesse de Savoie, xve-XVIe siècles, dans Mélanges A. Babel, Genève 1963, t. 1, p. 237;

J.-A. GALIFFE, Notices généalogiques sur les familles genevoises, Genève 1829-1895, t. III, p. 290. permis de consulter les dernières épreuves.

25 J. LECTII, Ad Modestinum de Poenis liber unus, [Genève] 1592. Cf. Ad lectorem, l'auteur avertit que cette publication est le fruit d'un cours professé à l'Académie par son auteur.

26 J. LECTII, Ad Aem. Macrum de publicis iudiciis liber unus, [Genève] 1597. Comme l'ouvrage précédemment cité, il s'agit selon toute probabilité d'un cours professé à l'Académie.

Avant les maîtres du droit, d'autres influences, à n'en pas douter, furent déterminantes dans la formation du juriste calviniste: il est à peine besoin de rappeler l'obligation de la fréquentation du prêche à laquelle étaient tenus les Genevois, celle de la fréquentation du cours de théolo-gie, en particulier celui de Théodore de Bèze, qui s'adressait à tous les étudiants29, celle de la fréquentation de la congrégation du jeudi où les textes sacrés étaient expliqués publiquement par un membre de la Com-pagnie des pasteurs30Lect se forma en lisant les œuvres des réforma-teurs, de Calvin en particulier, et surtout, il ne négligea pas l'étude de la Bible: son étude, affirme-t-il, fait partie du métier de juriste31

Nous n'avons pas l'ambition de présenter ici un bilan de la contribu-tion de Jacques Lect à l'étude du droit, ni même de présenter dans le détail ses ouvrages juridiques et sa méthode de travail32Nous préférons nous tourner du côté de ses discours académiques, qui présentent, à notre avis, le témoignage le plus accompli de son engagement éthico-politique.

Ils furent prononcés à l'occasion de solennités académiques, de 1592 à 1611. Publiés chaque fois avec une dédicace à un noble personnage bien affectionné à Genève, ils furent recueillis en un volume après la mort de l'auteur33Ils s'adressaient en premier lieu à la population estudiantine à qui les élégants discours en latin devaient donner le goût des études clas-siques, tout en formant les citoyens responsables, dévoués à la cause reli-gieuse et civile de la cité-église genevoise. Les mots dont se sert Borgeaud pour décrire l'enseignement de Lect définissent à merveille ses discours académiques, fruits de «cet humanisme calvinien, pénétré tout ensem-ble de résignation stoïcienne et d'ardeur huguenote»34 Il nous semble

29 BoRGEAUD, op. cit., p. 165.

30 R. STAUFFENEGGER, Eglise et société à Genève au XVII' siècle, Genève 1983, t. I, p. 218.

31 J. LECT, Adversus codicis Fabriani rà npwra T<:aK6ooÇa Praescriptionum theologica-rum libri duo, Genève 1607, pp. 18-19, 22. Cet ouvrage nous donne aussi une idée de la connaissance que Lect possédait des Pères de l'Eglise, de Luther, ainsi que d'un certain nombre des meilleurs auteurs catholiques romains, dont Bellarmin naturellement. Ne voit-on pas l'homme d'Etat revendiquant son droit à utiliser la Bible comme source du droit en vigueur, à se faire théologien? (voir infra et E. CHOISY, La théocratie, cité, p. 258).

32 Dont Borgeaud affirme qu'elle suit l'enseignement de Cujas, dont elle est digne en tout point, sinon originale (BoRGEAUD, op. cit., p. 297).

pouvoir ajouter que Lect poursuivait le but de façonner le zoon politikon idéal dans une version genevoise. De Cujas, Lect tirait sans doute le goût

pouvoir ajouter que Lect poursuivait le but de façonner le zoon politikon idéal dans une version genevoise. De Cujas, Lect tirait sans doute le goût