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Le premier des thèmes sélectionnés est celui du contrat social. Comme toutes les idées, l'origine de cette notion est tout à la fois incertaine et vraisemblablement plurielle. En effet, on l'a recherchée tant dans les pas-sages de l'Ancien Testament qui relatent l'alliance de Dieu avec Noë, Abraham et le peuple élu ou l'alliance du roi David avec les anciens d'Israël que chez les auteurs grecs et romains, à commencer par Platon, l'Ecole de Diogène, Epicure et Xénophon, mais aussi Cicéron et Au-gustin15.

13 Georges LAGARDE, Recherches sur l'esprit politique de la Réforme, Editions Auguste Picard, Paris 1926, pp. 265 et 268.

14 Pierre MESNARD, op. cit., et Jean DELUMEAU, Naissance et affirmation de la Réforme, PUF, Paris 1965, passim.

15 Dictionnary of the History of Ideas, 5 vol., Charles Scribners sons, New York 1973, Vol IV, entry «Social Contract», pp. 252 et ss.

En bonne logique, il conviendrait de distinguer en tout cas trois types de contrat social différents, à savoir: le pacte conclu entre Dieu et «son»

peuple; celui par lequel des hommes se constitueraient en tant que peu-ple; celui par lequel ce dernier se donnerait des gouvernants. Ces deux derniers contrats furent appelés par certains auteurs médiévaux respecti-vement pactum unionis (ou societatis) et pactum subjectionis16A l'époque, il était admis que au point de vue du droit positif l'empire du Moyen Age, comme l'empire romain, avait pour base le transfert de pouvoir effectué par le peuple dans la Lex regia17, dont l'interprétation dominante était absolutiste. Toutefois, vers 1530, Luther et Melanchton se rallièrent à l'idée de contrat social passé entre le peuple et le prince en arguant que, puisque l'empereur avait violé son serment, les nobles protestants étaient justifiés de lui faire la guerre18

La prétendue origine contractuelle du pouvoir donna donc lieu aux interprétations les plus diverses, mais ce sont les monarchomaques qui les premiers l'utilisèrent à mobiliser l'opinion publique contre l'obéis-sance aveugle à un prince tyrannique.qui se serait affranchi de ses obli-gations juridiques envers ses sujets. Ils le firent en se référant aux sour-ces vétéro-testamentaires de l'idée de contrat social davantage qu'à ses sources gréco-romaines ou médiévales19D'après Théodore de Bèze, chez les anciens Hébreux ... «il y avait un serment solennel, par lequel le Roi et le Peuple s'obligeaient à Dieu, assavoir à l'observation des loix d'icelui, tant ecclésiastiques que politiques; et puis, un autre serment mutuel entre le Roi et le Peuple»20Il en résulte que le peuple est bien titulaire de droits à titre propre et que les magistrats ou les Etats géné-raux sont habilités à les faire valoir même contre le roi si ce dernier venait à verser dans la tyrannie. Relevons en passant l'utilisation insis-tante par Bèze du mot «serment» qui fleure bon le droit féodal mais qui, par-delà ce dernier, évoque les notions explosives de trahison et de félonie.

16 Ibidem.

17 Clémy VAUTIER, Les théories relatives à la souveraineté et à la résistance chez l'auteur des Vindiciae contra tyrannos (1 579), F. Roth & Cie, Lausanne 1947, p. 59.

18 Ibidem, p. 115.

19 Ile livre de Samuel, 5:1-3; Jer livre des Chroniques, 29 :22; Ile livre des Rois, 11 :4,17;

1er livre des Maccabées, 1 :43-55, cités par Théodore DE BÈZE, éd. Kingdon, op. cit., pp. 30 et 46.

20 Théodore DE BÈZE (éd. Kingdon), op. cit., p. 30.

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Peut-être l'une des raisons de la mutation que revêtit chez les monar-chomaques la théorie de l'origine contractuelle de la société ou du pou-voir tient-elle à son inspiration principalement vétéro-testamentaire. En effet, ces auteurs protestants marqués par les guerres de religions s'y réfé-raient comme à une alliance, avec la connotation militaire que comporte ce terme, davantage que comme à un contrat stricto sensu avec son inévi-table allusion au droit privé, et ce, qu'ils utilisassent le mot de contrat ou celui, plus amphibologique de pacte. Or, leurs prédécesseurs semblent avoir puisé aux sources gréco-romaines plutôt qu'aux sovrces hébraïques, de sorte que leur champ de référence était tout autre. Peut-être cette dua-lité d'inspiration de la théorie contractuelle n'est-elle pas étrangère à ses extraordinaires ambiguïtés qui s'avéreront tenaces puisqu'on les retrou-vera dans le vocabulaire de penseurs ultérieurs, particulièrement en anglais où les termes de covenant et de contract s'opposent davantage qu'en français «pacte» et «contrat»21

Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, la dualité de contrats postulée par Bèze s'explique par la nécessité où il se trouvait de rappeler la doctrine paulinienne quant à l'origine divine du pouvoir tout en affirmant les droits du peuple. Il est curieux de constater que cette bizarre construction théologico-juridique, laborieusement étayée d'exemples tirés de l'histoire profane antique ou médiévale, se retrouve pratiquement identique chez Brutus qui, toutefois, en tire des conséquences plus draconiennes que Théodore de Bèze. Pour ce dernier, il en résulte principalement que les représentants du peuple que sont les magistrats peuvent demander des comptes à un prince tyrannique. Pour l'auteur des Vindiciae contra tyran-nos, il en résulte aussi une remise en cause, sinon de la transmission héré-ditaire de la couronne, du moins de son automaticité22

George Buchanan et Johannes Althusius se réfèrent également au pacte social passé entre le roi et ses sujets, mais ce, très spécifiquement pour justifier la primauté de ces derniers en cas de conflit avec la cou-ronne. Car c'est le peuple qui fait le roi et non l'inverse23

21 Le latin <ifoedus», qui correspond à «alliance» ou «covenant» n'avait, semble-t-il, guère été utilisé par les scolastiques ayant traité du contrat social, à commencer par Manegold de Lautenbach qui avait eu recours à cette théorie pour appuyer le pape Grégoire VII contre l'empereur Henri IV dans la querelle des investitures autour de 1085.

22 Clémy VAUTrER, op. cit., p. 57.

23 Paul-Alexandre JANET, Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale,

se

édition, Tome II, Paris 1913, Slatkine Reprints, 1971, pp. 47 et 49.

Ce sont donc les monarchomaques qui firent de l'idée de contrat social l'une des armes les plus acérées dirigées contre l'absolutisme de droit divin. Certes, cette idée, considérablement remaniée au XVIIe et au XVIIIe siècles, continua à être sollicitée par des courants politiques irré-ductibles, comme en témoignent les exemples contradictoires de Locke, Hobbes et Rousseau, pour ne citer qu'eux. Les ambiguïtés historiques entourant l'apparition et l'évolution de cette idée se retrouvent aggravées sur le plan épistémologique. En effet, l'hypothèse du contrat postule un cadre juridique préexistant que précisément elle prétend constituer.

Intrinsèquement tautologique, une telle notion ne pouvait tirer sa force de persuasion que de circonstances extérieures. Dans notre conclusion, nous nous efforcerons de déterminer lesquelles.

DROIT DE RÉSISTANCE

Le second des thèmes que nous avons retenus est celui du droit de résistance. Relevons d'emblée que si ce thème constitue bien l'essentiel du message politique des monarchomaques protestants en général et de Théodore de Bèze en particulier, ces penseurs ne prétendirent nullement substituer un quelconque principe d'esprit critique, et moins encore de révolte, au principe classique d'obéissance, justifié dans la tradition chré-tienne officielle par la formule Omnis potestas a Deo24Dès le début Du droit des magistrats, Théodore de Bèze écrit: «Je prie que personne pour cela n'estime que je favorise aucunement à ces enragez Anabaptistes ou à autres séditieux et mutins, lesquels au contraire je croi estre dignes de la haine de tout le reste des hommes, et de très grieves peines pour leurs démérites »25

En l'occurrence, Théodore de Bèze se sentait lié par son De haereticis a civili magistratu puniendis, de 1554, justifiant l'exécution de Michel Servet par le pouvoir temporel de Genève comme par la doctrine politique de Calvin, qui était fort traditionnelle quant à l'obligation pour les sujets d'obéir à leur prince, même abusif. Dès lors, au lieu de se rattacher à Thomas d'Aquin (Omnis potestas a Deo ... per populum) ou à Jean de Salisbury et à son apologie du tyrannicide, il entreprit de se prévaloir

24 Epître aux Romains, XIII:l.

25 Théodore DE BÈZE (éd. Kingdon), op. cit., p. 8.

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directement de l'Ecriture, à commencer par la célèbre formule néo-testa-mentaire: «Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes» 26. C'était là ouvrir une brèche, potentiellement considérable, dans la muraille d'obéis-sance que plus d'un millénaire de tradition ecclésiastique avait dressée autour du pouvoir.

Mais, qui dit désobéissance ne dit pas nécessairement résistance armée. Entre les deux attitudes, il y en a quelques autres, à commencer par celles de résistance passive et de non-violence qui auraient mérité, semble-t-il, que Théodore de Bèze et les autres monarchomaques les explorassent, fût-ce par égard pour le Sermon sur la montagne. D'ail-leurs, Calvin lui-même avait accordé que, en cas de tyrannie: «il ne reste plus aux fidèles qu'une attitude de résistance passive et respectueuse envers l'autorité corrompue, et de reconnaissance joyeuse envers le Maî-tre qui leur accorde cette marque indiscutable d'une élection privilégiée:

souffrir persécution pour la justice»27.

Quant à la non-violence, qui recouvre différentes formes d'objections de conscience, de désobéissances civiles et de résistances politiques, il serait erroné d'y voir une notion étrangère à la culture chrétienne ou qui aurait été greffée sur cette dernière par Gandhi et Martin Luther King.

Dans son maître ouvrage La paix créatrice, Barthélémy De Ligt relate une multitude d'expériences non violentes chrétiennes depuis l'origine de notre ère et en passant par certains courants anabaptistes du

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siè-cle28. A notre époque, l'éminent spécialiste d'histoire des religions qu'est Mircea Eliade confirme l'importance du commandement de non-violence dans pratiquement toutes les traditions religieuses, notamment dans le christianisme où, toutefois, il fut assez tôt délaissé par les courants domi-nants pour n'être défendu, pratiqué et illustré, au cours des siècles, que par des penseurs et des groupes, mouvements ou sectes minoritaires29.

L'une des particularités du discours politique de Théodore de Bèze et des monarchomaques me paraît résider dans l'identification implicite-ment opérée entre désobéissance et lutte armée. Du droit des magistrats,

26 Actes des Apôtres, 5:29, cités par Théodore DE BÈZE (éd. Kingdon), op. cit., p. 4.

27 CALVIN, Institution chrétienne, éd. Lefranc, Chatelain et Pannier, Paris 1911, cité par Pierre MESNARD, op. cit., p. 294.

28 Barthélémy DE LIGT, La paix créatrice, Histoire des principes et des tactiques de l'action directe contre la guerre, Marcel Rivière éd., Paris 1934, 2 vol., passim.

29 Mircea ELIADE, The Encyclopedia of Religion, Macmillan Publishing Company, New York, London, vol. 10, pp. 463 et ss.

par exemple, fait usage à réitérées reprises d'expressions telles que

«réprimer mesmes par la voie des armes si besoin est la tyrannie» 30.

Certes, son auteur recommande bien «qu'on ne vienne jamais aux armes qu'après avoir essaié tous autres remedes; et finalement qu'on ait bien consideré non seulement ce qui est licite, mais aussi ce qui est expédient, de peur que le remede ne soit pire que la maladie» 31 . Cette réserve, qui n'est pas sans évoquer l'une des conditions de la doctrine de la guerre juste dégagée en 1539 par le néo-scolastique espagnol Francisco de Vito-ria dans sa Deuxième leçon sur les Indiens, à savoir la condition de pro-portionnalité32, connut à l'époque des guerres de religions un sort compa-rable à l'idée vitorienne: elle fut tout simplement ignorée par les destina-taires du message, à savoir les magistrats protestants, ainsi que par tous les opposants ultérieurs au pouvoir absolutiste. Sur ce point capital, les autres monarchomaques, de Knox à Althusius, en passant par Hotman, Buchanan et Brutus, ne firent pas preuve de plus de prudence que Théo-dore de Bèze. De là à justifier le recours à la force armée non seulement par les magistrats du pays, mais par les princes des autres pays (sous-entendu «protestants»), il n'y avait qu'un pas qui fut allègrement franchi par l'auteur des Vindiciae contra tyrannos33De là aussi à reconnaître à tout un chacun le droit et même le devoir d'insurrection armée en cas d'oppression - et quoi de plus subjectif que l'oppression? - il n'y avait que la transposition dans l'ordre temporel de la doctrine luthérienne du sacerdoce universel, transposition qui, de fait, prit deux siècles pour s'incarner finalement dans la Grande Révolution.

En conclusion et abstraction faite des subtils distinguos opérés par de Bèze et Brutus entre les tyrans manifestes ou non, d'exercice ou sans titre, nous sommes d'avis que, nonobstant sa légitimation par l'Ecriture, le droit de résistance défendu par ces auteurs s'inscrit dans une certaine tra-dition de collusion du spirituel et du temporel qui n'avait qu'un rapport lointain avec le commandement d'amour, message central du Nouveau Testament, et qui contrevient même explicitement au sixième commande-ment de l'Ancienne Alliance. Telle qu'elle avait été codifiée par Thomas d'Aquin, cette tradition interprétait le commandement évangélique de

30 Théodore DE BÈzE (éd. Kingdon), op. cit., p. 9.

31 Ibidem, p. 55.

32 Teofilo URDANOZ, OP, éd. Obras de Francisco de Vitoria. Relecciones teologicas, Madrid 1960, pp. 811 et ss.

33 Clémy VAUTrER, op cit., p. 122.

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non-résistance comme ayant une validité individuelle, mais appelant une intervention réparatrice de l'autorité légitime pour une cause juste et dans une intention droite, intervention qui, pourtant, n'avait aucun fonde-ment dans l'enseignefonde-ment du Christ34. Ni meilleurs ni pires que leurs adversaires, les monarchomaques revendiquèrent leur part du prétendu

«concordat constantinien» ... et ils en héritèrent.

SOUVERAINETÉ POPULAIRE

Troisième des thèmes sélectionnés, celui de la souveraineté populaire est commun à Hotman, à Bèze et à Brutus dans une acception aristocrati-que qui n'est pas sans surprendre le lecteur contemporain, mais qui cor-respond assez bien à la sociologie politique du XVIe siècle. A l'époque, les tenants de la démocratie fournissaient les contingents des anabap-tistes plutôt que ceux des protestants, luthériens ou calvinistes, qui misaient sur la noblesse et les magistrats. Néanmoins, les monarchoma-ques se réfèrent implicitement ou explicitement à la notion de souverai-neté populaire dans une perspective de contestation de la monarchie de droit divin qui, pour être traditionnelle dans la chrétienté, n'en avait pas moins toujours été réfutée par certains penseurs qui se référaient soit à la vieille idée d'une médiatisation du pouvoir divin par le peuple, à l'instar de Thomas d'Aquin, soit à l'idée plus vieille encore qu'avait illustrée l'Athènes de Démosthène et quelques autres exemples puisés dans l'Anti-quité classique. Au demeurant, ils se réclamaient tout haut d'un autre concept, non moins ancien, et dont les rapports avec la souveraineté du peuple s'étaient traduits par une série d'alliances ambiguës, celui de théo-cratie35. C'est dire que ni l'expression de souveraineté populaire ni le mot de démocratie, que n'utilisent jamais nos auteurs, ne furent inventés par eux.

«Il existe une similitude frappante - relève très pertinemment Clémy Vautier - entre le mouvement d'idées représenté par les monarchoma-ques et la doctrine conciliaire, qui avait pris corps au xve siècle et dont

34 J.D. TooKE, The just war in Aquin as and Grotius, London 1965, pp. 170 et ss.

35 Eugène CHOISY, La théocratie à Genève au temps de Calvin, Genève 1897 et L'Etat chrétien calviniste au temps de Théodore de Bèze, Genève 1902.

les principaux champions avaient été Gerson et Pierre d'Ailly, tous deux professeurs à l'Université de Paris. Selon cette doctrine, soutenue aux conciles de Constance et de Bâle (1431-1449), «toute la constitution de l'Eglise est basée sur cette idée que la plénitude du pouvoir ecclésiastique, substance indivisible et inaliénable, réside dans l'Eglise universelle que représente le concile; par contre l'exercice de ce pouvoir appartient en commun au pape et au concile»36

Chez Bèze, c'est plutôt implicitement qu'apparaît l'idée de souverai-neté populaire, par exemple dans l'affirmation ci-après: «Je dis donc que les peuples ne sont point issus des magistrats, ainsi que les peuples aux-quels il a pieu de se laisser gouverner ou par un prince ou par quelques seigneurs choisis, sont plus anciens que leurs magistrats, et par consé-quent que les peuples ne sont pas créés pour les magistrats, mais au contraire, les magistrats pour les peuples»37Chez Brutus, la notion de souveraineté du peuple se traduit également par le rôle éminent accordé aux magistrats, ainsi d'ailleurs qu'aux Etats généraux38Il en va de même pour Hotman dont le Franco-Gallia insiste sur la légitimité historique des grandes assemblées souveraines dont seraient issues les institutions poli-tiques françaises39Mais, chez ces trois auteurs, le concept même de sou-veraineté apparaît comme relativisé par une perception quasiment féo-dale des pouvoirs que Bodin épurera pour en extraire la théorie moderne du pouvoir absolu de l'Etat-nation. Ses Six livres de la République datent de 1576 et constituent une réponse, qui se veut définitive, aux thèses des monarchomaques. Toutefois, il appartiendra au dernier des monar-chomaques protestants, Johannes Althusius, de réfuter en 1603 cette théorie dans une perspective démocratique et fédéraliste inspirée de l'exemple des Pays-Bas plutôt que du modèle français. «Qui osera dire, écrit-il, que le peuple puisse transférer à quelqu'un sa souveraineté?

C'est là un droit indivisible, incommunicable, imprescriptible à tout pou-voir ... Bodin s'est trompé en attribuant la souveraineté aux rois et aux grands: c'est le droit de la société tout entière. C'est la société, après Dieu, qui donne toute puissance légitime à ceux que nous appelons rois ou princes; or, quelque grand que soit le pouvoir d'une conces-sion, il y en a toujours un plus grand, c'est-à-dire le pouvoir de celui qui

36 Clémy VAUTIER, op. cit., p. 98.

37 Théodore DE BÈZE (éd. Kingdon), op. cit., p. 9 (cf. aussi p. 24).

38 Clémy VAUTIER, op. cit., p. 102.

39 François HoTMAN, Franco-Ga/lia, éd. par Ralph E. Gisey et J.H.M. Salmon, op. cit., passim.

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concède.»40 Il est frappant de constater à quel point ces divers auteurs furent, dans leurs doctrines mêmes, tributaires des institutions qu'ils criti-quaient, commentaient, ou dont ils faisaient l'apologie, comme si dans la philosophie politique de l'époque le fait devait toujours précéder le droit.

Mais, que l'on ne s'y trompe pas. Quels que fussent les emprunts des monarchomaques protestants à la notion de souveraineté populaire, cette notion figurait pour eux davantage comme une référence théorique ou comme un argument polémique que comme un objectif politique délibé-rément poursuivi. Dans la mesure où ils étaient français, ces auteurs n'entendaient pas contester la monarchie, mais plutôt son interprétation absolutiste à laquelle ils espéraient substituer une interprétation aristocra-tique favorable soit aux magistrats, dominés par les nobles, soit aux Etats généraux, également dominés par eux.

S'il ne suscita pas ces thèses, le massacre de la Saint-Barthélemy créa néanmoins les conditions politiques de leur acceptabilité par l'opinion publique. «Tout change en 1572- écrit Georges Weil141- ; l'attention générale se porte sur les Etats généraux: en leur faveur se produit un de ces mouvements d'opinion violents, irrésistibles, dont l'histoire de France offre maints exemples.»

C'est leur pouvoir financier qui intéresse avant tout le public; on demande qu'eux seuls puissent imposer au peuple des charges nouvelles.

Rien de plus conforme aux idées du Moyen Age; la royauté le comprit bien, elle qui s'était arrogé le droit de fixer la taille au mépris des déclara-tions faites en 1484. L'Hôpital en 1560 et Henri III en 1576 reconnurent qu'il appartenait aux Etats de résoudre la question d'argent...

Rien de plus conforme aux idées du Moyen Age; la royauté le comprit bien, elle qui s'était arrogé le droit de fixer la taille au mépris des déclara-tions faites en 1484. L'Hôpital en 1560 et Henri III en 1576 reconnurent qu'il appartenait aux Etats de résoudre la question d'argent...