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L'œuvre de Jacques Godefroy nous offre la possibilité d'examiner concrètement cette problématique, puisqu'elle contient tous les genres de publications auxquels se dédièrent les humanistes: les travaux de reconstitution des sources, des traités juridiques et des manuels de droit, fruits de préoccupations didactiques. Ces œuvres montrent Jacques Godefroy sous trois aspects différents: philologue et historien, juriste érudit et professeur occupant la chaire de droit romain à l'Académie de Genève.

1. Godefroy historien et philologue

Le génie de Jacques Godefroy apparaît avant tout dans ses œuvres consacrées à la reconstitution des sources. C'est là que se déploient son art et son savoir et qu'il nous fait profiter de son immense connaissance de toute la littérature antique, aussi bien juridique que littéraire. L'intérêt philologique et historique prime sans doute l'intérêt juridique, puisque dans tous ses travaux, le juriste n'est engagé qu'à titre d'expert venant en aide à l'historien et au philologue. Ainsi, le but primordial de ses recherches est le rétablissement philologique et historique des sources juridiques romaines.

Cette prépondérance philologique et historique détermine déjà Gode-froy dans le choix de ses sources: il préfère en effet les sources éloignées ou difficiles à étudier, comme le sont les Douze Tables, la Lex Julia de maritandis ordinibus, ou le Codex Theodosianus9

La série de ses travaux de recherche commence avec son œuvre de jeu-nesse, publiée en 1619 à Heidelberg, et consacrée à un commentaire sur les Douze Tables, sujet de prédilection des humanistes de l'époque et du père même de Jacques Godefroy, Denys. Le titre annonce le but érudit de l'auteur: Opus continens legum XII tabularum XII fragmenta quae supersunt ordini suo restituta. C'est un travail exemplaire de philologie

9 Voir Christian Henri TROTZ, «Ad eruditum lectorem praefatio», in: Jacobus GoTHO-FREDUS Opera iuridica minora, éd. par Christian Henri TROTZ, Leyde 1733 (cité ci-après éd. Trotz), pp. 11 ss; on y trouve aussi une analyse détaillée de toutes les œuvres de Jacques Godefroy.

juridique et historique10Toute la matière est présentée avec rigueur, exactitude; l'œuvre est dominée par le souci de Godefroy d'être complet.

En effet, si tout en en faisant le reproche aux auteurs modernes, il estime encore pardonnable le fait qu'ils aient oublié des textes, vu l'ampleur de la littérature, il juge par contre inacceptable qu'ils les aient écartés sciem-ment là où ils ne concordaient pas avec leurs propres hypothèses11

Peu après la publication de cette première œuvre, Jacques Godefroy s'attaquait à la Lex Julia de maritandis ordinibus12, sujet surprenant puisqu'il n'a, en effet, qu'une valeur secondaire du point de vue juridi-que. Cependant, cette loi étant l'une des plus citées dans le Digeste, elle garde une importance incontestable du point de vue historique. Elle faisait partie de la législation d'Auguste et fut élaborée notamment en matière de mariage dans le cadre d'une grande réforme destinée à reconstituer une société désorientée par les crises intérieures et extérieu-res. A la restauration de la religion et des cultes, à la réorganisation des ordres sénatoriaux et équestres et de toute l'administration de l'Em-pire, s'ajoutèrent ainsi les réformes luttant contre les divorces trop faciles, les mariages désordonnés, le célibat et l'aversion pour la pro-création. Les lois juliennes de ordinibus maritandis (18 avant J.-C.) et de adulteriis, ainsi que la Lex Papia Popea (9 après J.-C.), auxquelles Auguste avait donné une publicité particulière en les faisant voter par le peuple, prévoyaient une réglementation sévère du mariage et de la famille.

De nouveau, notre historien philologue rétablit en premier lieu le texte authentique de la loi et accompagne ensuite cette reconstruction par des probationes, des témoignages dans la littérature antique pour ajouter

fina-lement des notes explicatives historiques13

10 Le contenu des différents livres: 1. Fragmenta XII. Tabularum suis nunc primum tabulis restituta, una cum Paraphrasi; 2. Historia et Commendatio XII. Tabula-rom; 3. Probationes eorum quae supersunt e XII. Tabulis fragmentorum; 4. Vete-rum ScriptoVete-rum qui ad XII. Tabulas ex professo scripserant fragmenta; 5. Notae Jacobi Gothofredi ad fragmenta XII. Tabularum; 6. Index ad fragmenta XII.

Tabularum.

11 Jacobus GOTHOFREDUS, Fontes quattuor iuris civilis in unum collecti, praefatio ad lec-torem, éd. Trotz, col. 12 ss.

12 Leges Iuliae et Papiae itidem fragmenta suo ordine reddita, notaque illustrata, éd.

Trotz, op. cit. col. 1 ss. et 203 ss.

13 Les notae contiennent un commentaire historique minutieux où Godefroy interprète la loi mot par mot en y mettant en valeur tout son savoir sur le monde romain.

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Les travaux sur l'Edit du Préteur sont restés à l'état rudimentaire14 Godefroy essaie de reconstituer sa structure, la series materiarum, en se basant sur les différents commentaires des jurisconsultes romains.

Sa quatrième œuvre traite des «règles sabiniennes», travail publié, selon Esaïe Colladon, avant 1636 et qui fut ensuite intégré dans son tra-vail plus complet sur les règles de droit: De diversis regulis iuris antiqui commentarius15, œuvre qui mérite d'être traitée à part.

Ces quatre œuvres devaient former un ensemble de sources reconsti-tuées que Godefroy présente dans son Manuale comme les fundi iuris, permettant une nouvelle lecture du Digeste de Justinien:

«His scilicet quatuor praesidiis ante cognitis et ad manum subinde habitis, genuinus singularum legum quae per Pandectas occurrunt, intellectus erui fa ci !lime po test.»

En connaissant d'avance ces quatre sources présupposées et en les ayant sous la main, il sera facile, selon Godefroy, de saisir le sens origi-nal de chaque fragment des Pandectes s'y référant16Vœu pie pour le lecteur qui se trouve confronté à des sources de droit éloignées, très anciennes, comme l'avoue Godefroy lui-même, et reconstituées souvent de manière incomplète et hypothétique.

Mais le vrai problème de cette relecture humaniste du Digeste se situe ailleurs. Selon l'intention de Godefroy, il faut dépasser le texte de Justi-nien qui n'est rien d'autre qu'une source historique, qu'il faut lire sur le fond des sources préjustiniennes. Dans cette optique, la lecture du texte de Justinien se transforme sans doute en une lecture historique philologi-que, le sens juridique des sources passant au second plan. Pour celle-ci, la reconstitution des sources les plus utilisées par les jurisconsultes romains est indispensable, mais il faut alors être conscient que l'on quitte le terrain du droit pour entrer dans celui de l'histoire.

C'est aussi dans cette optique qu'il faut approcher l'œuvre monu-mentale de Godefroy, son commentaire du Codex Iheodosianus. Déjà annoncé dans la préface au commentaire des Douze Tables, Godefroy y

14 Series librorum Edicti perpetui, ex libris ad edictum Furii Anthiani, Pomponii, Callis-trati, Pauli, Ulpiani, Gaii, Iuliani, Hermogeniani, éd. Trotz, col. 241-248.

15 Jacobus GoTHOFREDUS, De diversis regulis iuris antiqui commentarius, praefatio de Esaïe Colladon, éd. Trotz, col. 709 ss.

16 Id., Manuale, dedicatio.

a travaillé jusqu'à ses derniers jours dans l'espoir de le terminer. C'est son ami Antonius Marvillius, professeur à Valence, qui y mettra la der-nière main pour sa publication, finalement, en 166517

Le Code Théodosien contenant les constitutions impériales depuis Constantin fut promulgué en 439. Il représente la première grande codifi-cation, précédant celle de Justinien, et est divisé en seize livres, subdivisés en tituli. Est-ce l'influence de son père, auquel nous devons l'édition humaniste du Corpus Iuris Civilis, qui a incité Jacques à entreprendre un travail similaire? Ce n'est pas exclu, mais cela ne suffit pas à expliquer la passion et l'endurance avec lesquelles Godefroy s'est voué à ce projet.

Le Code Théodosien, consacré en grande partie au domaine public de l'administration et de l'organisation de l'Empire, constituait pour un his-torien de la taille de Godefroy un défi bien plus grand que n'importe quel autre texte de droit. Godefroy a pu y investir tout son énorme savoir, ainsi que sa parfaite connaissance de la littérature antique et de l'histoire ancienne. Son travail dépasse de beaucoup celui d'une simple exégèse et interprétation philologique et historique: en effet, il reconstruit, dans les notae, la vie sociale et juridique de toute une époque que l'on voit se reflé-ter dans les Constitutions impériales. Aujourd'hui encore, ce travail n'a pas trouvé son égal et reste indispensable à toute recherche dans ce domaine.

2. Godefroy juriste érudit

Parmi ses écrits juridiques se trouve un traité qui mérite une attention particulière. Il est dédié entièrement aux règles de droit recueillies dans le Digeste, titre 50, 17, œuvre qui dans son genre était assez répandue à cette époque. Godefroy lui-même cite d'autres auteurs comme Revardus, Cujas, Fabre, Labitus18Cependant, le traité de Godefroy représente une

17 Codex Theodosianus cum perpetuis commentariis Jacobi Gothofredi, ... Opus posthu-mum ... recognitum et ordinatum ad usum codicis lustinianei opera et studio Anto-nii Marvillii. Editio nova, in VI tomos digesta .. .iterum recognita, emendata vario-rumque observationibus aucta, quibus adiecit suas Joh. Dan. Ritter, Leipzig 1736-1745; voir aussi Théodore MoMMSEN et Paul M. MEYER, Codex Theodosianus, vol. 1, pars prior, Prolegomena, Fe éd., Berlin 1905, pp. 116 ss.

18 Jacobus GoTHOFREous, regg., passim. Voir aussi Hans Erich TROJE, «Die Literatur des gemeinen Rechts unter dem Einfluss des Humanismus», in: Handbuch der Quellen und Literatur der neueren Privatrechtsgeschichte, éd. par Helmut CoiNG, tome 2, premier vol., Munich 1977, pp. 776 ss.

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contribution particulière, en ce sens qu'elle permet de cerner sa concep-tion des sources juridiques destinées directement à l'enseignement et à la pratique juridique. L'œuvre n'a pas été publiée du vivant de Godefroy; la publication a été assumée par Esaïe Colladon, fils du jurisconsulte David Colladon et ami de Godefroy19.

Dans la préface, qu'il a écrite lui-même, Godefroy expose les raisons qui l'ont poussé à rédiger ce livre. Il s'oppose à ceux qui déclassent les règles comme des proverbes et des dicta sans valeur; selon lui, au contraire, les règles retiennent une forme condensée de l'expérience juri-dique même. Elles contiennent des germes de solutions jurijuri-diques appa-raissant comme des points lumineux servant à s'orienter dans le vaste océan du droit. Indispensables à l'enseignement et à la formation du juriste, elles le sont encore davantage à la pratique des magistrats et juges, ainsi qu'à celle des juristes et des fonctionnaires. Avec une grande emphase rhétorique, Jacques Godefroy insiste sur ce point et ne laisse aucun doute sur son ambition d'écrire un livre destiné aussi à la pra-tique20.

A ces considérations générales, il ajoute une explication de sa méthode qui dénote une nette préférence pour une approche philologique et histo-rique du texte. En effet, il refuse de s'adonner à de libres constructions ou systématisations des règles selon des points de vue qui ne ressortent pas des sources mêmes. Il faut s'en tenir à l'ordre qui suit l'ordre original des jurisconsultes, que Tribonien lui-même a conservé.

L'ordre prédonné est immuable: «servatus itaque a me etiam hic ordo religiose», tel est son credo. Il suit par conséquent la division du titre D. 50, 17 qui contient vingt collections de règles de l'ordre imposé par les jurisconsultes romains21.

19 De la famille des Colladon sont issus plusieurs juristes importants. Le premier qui s'établit à Genève fut Germain Colladon, ami de Calvin. Son fils David devint pro-fesseur de droit à l'Académie. Voir Erich Hans KADEN, Le jurisconsulte Germain Col/adon, Genève 1974, p. 30, et Charles BoRGEAUD, op. cit., supra note 1, p. 375 note 2.

20 Jacobus GoTHOFREous, regg., praefatio, éd. Trotz, col. 717 ss: «lmo enim in id concinnatae illae collectaeque, ut Magistratibus ludicibusque in fora ius dicturis, ut lurisperitis de iure responsuris, pro formula essent...».

21 Id., regg., éd. Trotz, col. 721 ss « ... tributo ideo seu diviso hoc titulo in viginti dis-tinctas Collectiones seu systemata Regu1arum, pro lurisconsultorum videlicet et commentariorum diversitate, sic ut in singulis collectionibus suus quidam materia-rum ordo eluceat».

La fameuse définition de la règle juridique du D. 50, 17, 1, que déjà Tri-bonien avait mise à la tête de ce titre, sert à Godefroy d'introduction méthodologique.

D. 50, 17, 1. Paulus libro sextodecimo ad Plautium.

«Regula est, quae rem quae est breviter enarrat. Non ex regula ius sumatur, sed ex iure quod est regula fiat. Per regulam igitur brevis rerum narratio traditur et, ut ait Sabinus, quasi causae coniectio est, quae simul cum in aliquo vitiata est, perdit officium suum.»

«La règle définit en bref l'essence d'une chose. On ne déduit pas le droit de la règle, mais on forme la règle selon le droit qui existe. Par la règle on retient un résumé bref des choses et, comme dit Sabinus, une sorte d'exposé des faits qui perd son utilité dès qu'il est altéré.»

Godefroy divise le texte en deux parties: la première provient de la main du jurisconsulte Plaute et la deuxième contient une remarque expli-cative de Paul commençant par «per regulam igitur».

Le texte donne ainsi une définition de la règle suivie d'un principe méthodologique concernant le rapport entre la règle et le droit. Godefroy examine la définition mot par mot, en distinguant entre un élément maté-riel: «res quae est» et un élément formel: la «brevis narratio». Le terme

«res quae est» - le jurisconsulte Paul préfère le pluriel, comme le remar-que notre auteur - concerne toute affaire juridique dans son acception la plus large, en strict parallèle avec la rhétorique qui emploie le même terme. Godefroy souligne cette affinité avec la théorie rhétorique de la

«thesis» et de l'«hypothesis». La règle reproduit la «res» sous forme d'une

«narratio», terme emprunté, lui aussi, à la théorie rhétorique décrivant le fait essentiel du sujet en discussion de la façon la plus succincte.

La fonction méthodologique qui caractérise la règle juridique est expri-mée par la petite demi-phrase de Plaute: «ut ex iure quod est Regula fiat».

Comme nous l'explique Godefroy22, le droit précède la règle et ceci d'abord du point de vue génétique- «regula tempore posterior quam ius»

- et aussi du point de vue normatif, puisque le jurisconsulte Paul dési-gne les règles comme étant du <<ius receptum», c'est-à-dire du droit qui, à travers la pratique, a progressivement gagné sa force normative. La règle juridique trouve donc son origine dans la casuistique. Elle s'oppose au

<<ius constitutum» qui, au contraire, est créé par un acte de décision et mis en vigueur par l'autorité compétente: «quod scilicet aliqua nominatim iuris specie constitutum fuit». Certes, une règle acceptée par la pratique peut se confondre avec la <<ius constitutum», en devenant du droit coutumier

22 Id., regg.: ad rubricam tituli et ad legem 1: pp. 8 ss.

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- «usu invaluit et obtinuit» - mais de par son ongme elle différera toujours23D'ailleurs, les jurisconsultes n'ont pas formulé ces règles pour constituer du droit nouveau, mais plutôt pour résumer le droit existant et le mettre ainsi à portée de main.

Godefroy distingue deux genres de règles : celles de vieille souche remontant à la jurisprudence des «veteres», transmises de main en main et de bouche à oreille entre les jurisconsultes, et celles ne contenant qu'un résumé d'une décision de portée générale, soit jurisprudentielle, soit législative, pour lesquelles Godefroy ne manque pas d'exemples.

C'est dans ce contexte qu'il faut placer le sévère avertissement donné par le jurisconsulte Plaute de ne pas déduire le droit de la règle, mais de formuler la règle selon le droit existant. En effet, comme le remarque Godefroy, les règles ont tendance à entrer en vigueur comme principes incontestés d'un droit a priori décisionnaire. Le jurisconsulte Plaute s'oppose à toute application déductive des règles qui trahirait leur fonc-tion et origine empiriques.

Godefroy traduit judicieusement cette directive en distinguant entre un emploi légitime de la règle de droit qu'il dénomme transitif et un em-ploi prohibé qu'il désigne comme emem-ploi intransitif, distinction qu'il emprunte à la théologie scolastique.

L'emploi intransitif confère à la règle une valeur autonome: «sui valere», une normativité fermée et repliée sur elle-même, de sorte que la règle usurpe la place du droit lui-même. Godefroy mentionne à juste titre la fameuse règle catonienne qui, appliquée de cette façon, conduit à des conséquences fausses, comme l'ont déjà observé les jurisconsultes classi-ques. D'ailleurs ce n'est très probablement pas par hasard que Plaute a formulé sa remarque, comme le rappelle Jacques Godefroy au sujet de la règle catonienne24

A cet emploi injustifié des règles s'oppose l'emploi transitif, ouvert vers le droit qu'il reflète. L'application des règles exige qu'on les replace dans leur contexte d'origine, car c'est là seulement que l'on peut se rendre compte des circonstances, des éléments concrets qui limitent et concrétisent leur portée générale.

23 Id., loc. cit. p. 5: «Quamquam et ipsa regula, iam recepta, constitutio dicitur, 1.1, de privatis delictis. Proprie tamen Regulas sui initio inspecto, constitutio non est:

verum ius quod Prudentes excogitarunt, concinnarunt...».

24 Id., loc. cit. p. 9: « ... regulam Catonianam opponunt, ex qua tamen ius sumatur ... ».

C'est aussi sous cet angle-là que l'on comprend que les règles juri-diques sont toujours, et par principe, parsemées d'exceptions. Ces der-nières ne leur enlèvent nullement leur valeur, mais illustrent au contraire leur portée casuistique et précisent leur contenu : «regulae enim non vitiantur exceptionibus, sed declarantur potius». Les exceptions ne corrom-pent pas les règles, mais les illustrent plutôt.

De cette longue interprétation de la définition de la règle, figurant au D. 50, 17, 1, deux conséquences sont à retenir.

Quant à la forme méthodologique, les règles se présentent comme des résumés condensés, mis sous forme d'un bref énoncé, généralisant une conséquence juridique. Elles contrastent avec les principes axiomatiques et rationnels, portant leur normativité en soi, comme nous les rencon-trons plus tard dans les traités des philosophes juristes rationalistes. Les règles des juristes romains, que Godefroy essaie de présenter dans leur forme originelle, ne se laissent ni transformer, ni intégrer dans un sys-tème conceptuel. Une telle systématisation les priverait en effet de leurs fonctions primitives. C'est pour cette raison que Godefroy préfère pré-senter le titre D. 50, 17 De Regulis iuris antiqui dans les vingt collections de règles attribuées aux différents juristes, insistant ainsi sur le fait que son but n'est pas de commenter le texte de Justinien, mais de rechercher la forme la plus authentique des règles qui y sont contenues: «Sic ut in sin gu lis collectionibus su us quidem ma teri arum ordo eluceat»25

Quant à la détermination du contenu matériel des règles, Jacques Godefroy tente de relier celles-ci à leur contexte concret. Leur emploi transitif vise à les replacer à mi-chemin entre l'utilisation juridique géné-rale et la solution du cas concret. Ces règles ne sont jamais les pré-misses abstraites d'un raisonnement juridique à tenir, bien au contraire, elles nécessitent une évaluation concrétisante qui précise, détermine et limite leur portée. La règle sert de ligne directrice, de point d'orien-tation et représente une expérience généralisée indéracinable de son contexte.

Si nous examinons de plus près la méthode appliquée par Godefroy tout au long de son livre, nous constatons qu'il a fidèlement respecté l'avertissement de Plaute et de Paul. La règle figure en tête et chaque exposé qu'il lui consacre commence en général par la discussion de la lectio et des passages parallèles répartis dans le Digeste. Ensuite, il en

Si nous examinons de plus près la méthode appliquée par Godefroy tout au long de son livre, nous constatons qu'il a fidèlement respecté l'avertissement de Plaute et de Paul. La règle figure en tête et chaque exposé qu'il lui consacre commence en général par la discussion de la lectio et des passages parallèles répartis dans le Digeste. Ensuite, il en