• Aucun résultat trouvé

DE JACQUES GODEFROY

III. LES SOURCES DE GODEFROY

C'est donc dans cette atmosphère de méfiance et de crainte que Gode-froy s'intéressa à l'histoire de Genève et commença de réunir les maté-riaux accumulés dans les six volumes reliés qui forment le manuscrit his-torique 31 des Archives d'Etat. Il est aisé de connaître ses sources, qui sont indiquées systématiquement à la fin de chaque extrait ou copie de document. Ces matériaux, ordonnés chronologiquement, pourraient aussi être regroupés en trois catégories, selon leur provenance: 1) les ouvrages d'histoire imprimés; 2) les documents des Archives de Genève; 3) les documents et manuscrits de provenance extérieure, particulièrement savoyarde, piémontaise, bressanne et bourguignonne.

21 R.C. 132, f. 108 v., 109 v., 110 (17, 20 et 21 mai 1633): cf. Paul-Edmond MARTIN,

«Deux chroniqueurs genevois du XVIe et du XVIIe siècle», dans BHG, t. VI, livrai-son 3, 1937, pp. 223-240; Pau1-F. GEISENDORF, Les annalistes, genevois ... , op. cit., pp. 213 et ss.

22 R.C. 147, pp. 363-364 et 437 (13 septembre et 18 novembre 1648); cf. Paul-F. GEI-SENDORF, Les annalistes genevois ... , op. cit., p. 176.

23 AEG, R.C. 146, f. 60 v., 62 r., 80 r., 82 r., 109 r. et 115 r. (30 avril, 3 mai, 9 et 14 juin, 21 juillet et 4 août 1647): R.Cp. Past. 9, pp. 133 et 135 (11, 16 et 18 juin 1647).

91

a. Les sources imprimées

Le premier volume des matériaux, qui va de 406 à 1032 (fin du ume Royaume de Bourgogne), et le deuxième, que Paul- Edmond Martin a intitulé «Diocèse, évêques et comtes jusqu'en 1199», portent sur des périodes où les documents des archives locales et régionales sont exces-sivement rares. En revanche, ces volumes ont bénéficié du mouvement érudit, inauguré par l'humanisme, qui a procuré au monde savant de très nombreuses éditions de sources: actes des conciles, grandes chro-niques de France, de Savoie. Si, dans un premier temps, c'est surtout la philologie classique et la patristique qui ont profité de cet essor, l'his-toire du haut Moyen Age en a aussi bénéficié. Le nationalisme des humanistes allemands, à la fin du xve et au début du XVIe siècle, celui des auteurs français un peu plus tard, ont produit de nombreux ouvrages d'érudition et n'ont pas peu contribué à faire connaître les sources et l'histoire du Moyen Age européen. Le mouvement se poursuit jusqu'au XVIIe siècle, et les Allemands y acquièrent un grand mérite, notamment par les publications de chartes, de diplômes et de constitutions impé-riales de Melchior Goldast - qui s'intéressa aussi à la Suisse et à Genève - et de Marquard Freher. La Réforme, avec la polémique religieuse qu'elle a suscitée sur le devenir, la légitimité et les «notes» de l'Eglise, a également stimulé l'historiographie et la rédaction de chroniques uni-verselles.

Tous ces ouvrages, Jacques Godefroy les connaît, il en possède au moins une partie. Il bénéficie en outre du mouvement d'érudition qui s'est développé en France dès le début du XVIIe siècle, notamment dès l'assemblée du Clergé de France de 1615, qui a incité les Eglises locales à rechercher leurs «Antiquités», à rassembler leurs documents d'archives.

Ces recherches d'histoire diocésaine et nationale ont nourri l'érudition qui s'épanouira, dégagée de la polémique religieuse, dans les travaux des bollandistes et des bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur, à la fin du XVIIe et au XVIIIe siècle.

En outre, le paysage scientifique de la fin du XVIe et du début du xvne siècle est dominé par quelques grands juristes, parmi lesquels il faut signaler Jean Bodin, théoricien de l'histoire; Etienne Pasquier, com-pilateur des Recherches de la France; Denys Ier Godefroy, éditeur des Ins-titutes de Justinien, père et modèle de Jacques Godefroy, qui entra d'ail-leurs en concurrence avec un Genevois, Pierre d'Airebaudouze, seigneur du Cest, qui avait aussi voulu éditer Justinien; l'Anglais John Selden,

collectionneur de manuscrits ; le polygraphe allemand Hermann Conring (1606-1681), professeur à Helmstedt, auteur du premier traité de diplo-matique24.

Aux savants allemands et suisses répondent les efforts des Français, qui s'attachent à l'étude des antiquités nationales et à la publication de chartes et de chroniques médiévales. Il faut signaler le bibliothécaire Jacques Dupuy (1586-1656) et surtout son frère aîné Pierre (1582-1651), garde de la bibliothèque et des chartes du Roi, qui a classé le «Trésor des Chartes» de France; André Du Chesne (1584-1640), historiogra-phe du Roi, qui entreprit notamment une collection des sources narra-tives de l'histoire de France intitulée Historiae Francorum scriptores coaetanei (dès 1636) qui devait compter vingt-quatre volumes; Adrien Valois, éditeur de la Notitia Galliarum et fondateur de la géographie

24 R.C. VAN CAENEGHEM, F.L. GANSHOF, Kurze Quellenkunde des Westeuropiiischen Mittelalters. Eine typologische, historische und bibliographische Einfülmmg, Gôttin-gen 1964, pp. 147-165; Wilhelm WATIENBACH/Wilhelm LEvrsoN, Deutschlands Ge-schichtsquellen im Mittelalter. Vorzeit und Kara/inger, fasc. I-IV, Weimar 1952-1963, pp. 1-9; Karl LANGOSCH, « Überlieferungsgeschichte der Mittellateinischen Litera-tur», dans Geschichte der Textüberlieferung der antiken und mittelalterlichen Litera-fur, t. II, Zurich 1964, pp. 142-151; Ferdinand Christian BAUR, Die Epochen der kir-chlichen Geschichtsschreibung, Tübingen 1852, pp. 39-71; Pontien PoLMAN, L'élé-ment historique dans la controverse religieuse du XVIe siècle, Gembloux 1932 (Diss.

Louvain), pp. 149 et ss, 205-234, 465 et ss; Victor CARRIÈRE, Introduction aux études d'histoire ecclésiastique locale, t. I, Paris 1940, pp. X et ss; Charles-Victor LANGLOIS, Manuel de bibliographie historique, deuxième éd., Paris 1901-1904, t. II, pp. 261 et ss, 270 et ss; E. MENKE-GLüCKERT, Die Geschichtsschreibung der Reformation und Gegenreformation. Bodin und die Begründung der Geschichtsmethodologie durch Bartholomiius Keckermann, Diss. Leipzig, Osterwieck/Harz, 1912, pp. 106 et ss; Jean EHRARD, Guy PALMADE, L'Histoire, deuxième éd., Paris 1965, p. 22;

Georges LEFEBVRE, La naissance de l'historiographie moderne, Paris 1971, pp. 101-106; et les chapitres de synthèse de notre ouvrage, Les évêques de Lausanne et leurs historiens des origines au XVIIIe siècle ... , Lausanne 1975, pp. 159 et ss, et pp. 223 et ss.

25 Le marquis de GoDEFROY-MÉNILGLAISE, Les savants Godefroy, op. cit., pp. 67-69, cite deux lettres de Denys Godefroy au président de Thou, de mars 1611 et du 12 mars 1614, qui font état de son goût pour le droit et surtout pour l'histoire, mais aussi de sa lenteur à s'initier à la pratique du barreau.

93

d'histoire ecclésiastique régionale, notamment des Gallia Christiana auxquels il collabore, et qui contiennent une grande abondance de docu-ments26.

Au début du deuxième volume de matériaux pour l'histoire de Genève, on trouve une liste de la main de Jacques Godefroy, intitulée «Me faut avoir», qui est un catalogue d'histoires des pays et des villes voisines qu'il veut se procurer. Suivent toute une série de catalogues des évêques de Genève, de diverses provenances mais en relation étroite avec les Gallia Christiana27

Ces ouvrages généraux ou étrangers ne sont pas utilisés en première ligne pour découvrir des événements de l'histoire de Genève ou des faits en relation avec elle; il s'agit plutôt de rassembler du matériel de compa-raison sur d'autres villes qui se sont trouvées au haut Moyen Age dans la même situation que Genève: villes épiscopales, dont l'évêque était investi des droits comtaux ou était en butte à la concurrence d'un comte. Il s'agissait en somme de déterminer, faute d'archives genevoises assez explicites, par comparaison avec des villes épiscopales d'Allemagne et de France, quel avait pu être à l'origine le statut de l'évêque en relation avec le roi des Francs, puis avec l'empereur, et surtout en relation avec le comte de Genève. Les ouvrages sur les institutions visaient aussi à préci-ser le statut de Genève même comme ville impériale et comme ville libre, ainsi que la nature exacte du vicariat impérial. On voit donc réapparaî-tre, traité de manière originale, le vieux problème de la souveraineté de Genève, que Jacques Godefroy devait par ailleurs défendre comme magistrat et comme juriste face aux prétentions des ducs de Savoie. Vieux problème qui, à vrai dire, sous-tend toute l'historiographie genevoise de l'ancien régime.

b. Les documents tirés des archives de Genève

Les dépouillements effectués par Godefroy dans les archives dites de la Petite Grotte, c'est-à-dire dans les archives politiques, sont certaine-ment les plus complets et les plus approfondis qui aient été faits de tout l'ancien régime, du moins en ce qui concerne le Moyen Age. Dès le Traité de Seyssel de 1124 et jusqu'en 1536 à peu près, Godefroy n'a manqué

26 Infra, note 56.

27 AEG, mss. hist. 31, t. II, f. 2.

aucun des documents qui forment le fondement des droits de l'évêché:

les pièces les plus fondamentales des actuels «portefeuilles historiques», comme on les appelle depuis le milieu du XIXe siècle sont soit copiées in extenso, soit au moins mentionnées. A l'époque de Godefroy, l'ordre des archives n'était pas excellent. L'inventaire confectionné au milieu du XVIe siècle (daté de 1564), en partie pour aider Bonivard dans ses tra-vaux, était vieilli et insuffisant28Mais dans ces tiroirs, ou ces «layettes»

comme on les appelait, où les documents étaient rangés selon le type de droits qu'ils étaient censés soutenir, Godefroy savait parfaitement com-ment retrouver les pièces intéressantes. Des dossiers pour la défense de la souveraineté de Genève étaient manifestement déjà constitués. Godefroy donne souvent, en guise de cote, la mention «utilisé à Hermance»29 après avoir copié ou extrait certains titres, qui avaient été invoqués par les Genevois lors des conférences d'Hermance de 1598, où le duc de Savoie avait voulu contester la souveraineté de la ville.

Mais, indépendamment de ces recherches de droits qui faisaient partie intégrante de sa tâche de magistrat et de négociateur, Godefroy a certai-nement passé d'innombrables heures dans la Petite Grotte. Il a retrouvé un ancien inventaire des archives, intitulé Registrum litterarum communi-tatis, qui semble aujourd'hui perdu. Il en tire des analyses de nombreux collections des Pièces historiques, mais l'inventaire est perdu: vérification faite, les cotes et les autres références données par Godefroy ne correspondent ni à l'inven-taire des titres de la communauté exécuté en 1486-1487 à l'occasion de l'affaire des subsides (AEG, Archives A 1) ni à celui de 1564 (AEG, Archives A 2). Il s'agit peut-être d'un inventaire des titres de la communauté de Genève datant des années 1428-1430, continué jusqu'en 1444, aujourd'hui perdu. Les notes que l'historien Edouard Mallet (1805-1856) a tirées de cet ancien inventaire (Bibliothèque de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, Papiers Mallet, portefeuille «Evêques (Cartularium Genevense)», liasse «François de Mies I, 1426-1430») ne contredisent pas les extraits de Godefroy. Ces notes de Mallet nous ont été signalées par M. Phi-lippe Broillet, corédacteur de l'inventaire des monuments d'art et d'histoire du can-ton de Genève, que nous remercions ici.

31 Ms hist. 31, t. III, f. 115-116: Lettre de l'évêque de Genève à l'abbé d'Entremont, du 4 août 1292.

95

dépouillé le bullaire de Félix V (huit volumes, aujourd'hui à Turin), non seulement pour copier les principaux actes d'Amédée VIII de Savoie à l'époque où il était pape, puis administrateur de l'évêché de Genève, mais encore pour en faire un index des paroisses aux fins de déterminer les limites du diocèse de Genève : des centaines et des centaines de petites bandes de papier, portant le nom de la paroisse et les numéros du volume et du folio, découpées et collées par ordre alphabétique32Il a complété cette topographie du diocèse par un dépouillement systématique des qua-tre volumes de visites pastorales qui se trouvent encore aux Archives d'Etat. Plus loin, il a introduit une copie complète des Franchises d' Adhémar Fabri de 1387, les a entièrement collationnées avec l'original et indiqué en marge les variantes de la confirmation de ces franchises par Félix V en 144433Arrivant au milieu du

xve

siècle, il commence aussi à citer les registres du ConseiP4, et indique les noms des quatre syndics chaque fois qu'il peut les découvrir dans les documents.

Godefroy a utilisé aussi des documents d'archives qui se trouvent aujourd'hui à la Bibliothèque publique, tels que les obituaires de Saint-Pierre et de Bonmont35, et un recueil de suppliques adressées à Félix V, accompagné du volume de réponses et de décisions correspondant à ces suppliques36 •

Godefroy cite enfin des recueils de pièces historiques et juridiques, qui se trouvent aujourd'hui aux Archives d'Etat, annotés par lui, mais dont la provenance n'est pas précisément indiquée: un volume de polémique his-torique contre Genève, qu'il dit être du jésuite Pierre Monod37, sur lequel

32 Ms. hist. 31, t. II, f. 29-57; cf. aussi t. V, f. 329 et ss, liste des chapelles et églises, hôpitaux, couvents, prieurés, chapitres (dignitaires et chanoines), syndics, laïcs cités, chevaliers et donzels titrés du bullaire.

33 AEG, mss. hist. 31, t. IV, f. 224 r.-239 v.

34 Ibid., t. V, f. 234, 236-244, 248, etc.; t. VI, passim.

35 Mss. hist. 31, t. IV, f. 38 v., 42 r., 46 r., 74 r., 91 r., 95 r., etc. Ces obituaires, précé-demment aux Archives d'Etat, ont été remis à la Bibliothèque en 1749 (R.C. 249, p. 128).

36 Mss. hist. 31, t. V, f. 303 et 317; BPU, ms. lat. 126/1 et 2; ce recueil se trouvait déjà à la Bibliothèque publique à l'époque où Godefroy faisait ses recherches histori-ques, mais il n'est pas décrit par Jean SÉNEBIER, Catalogue raisonné des manuscrits conservés dans la Bibliothèque de la Ville et République deGenève, Genève 1779.

37 AEG, ms. hist. 31, t. Il-VI, passim, sous la désignation de «Fourbe Manot», ou

«Manot», ou encore «Le Fourbe» tout court. Ce manuscrit se trouve dans la collec-tion des mss. hist., sous le n° 156; il est intitulé «L'Extirpacollec-tion de la Rebellion, ou declaration des motifs que le Roy a d'abandonner la protection de Geneve».

nous aurons l'occasion de revenir. Un autre recueil provient, d'après Godefroy, «des manuscrits de M. Roset»38: il s'agit d'un cartulaire, ensemble de copies d'actes en faveur de l'Eglise et de l'évêché de Genève, dont le répertoire est de la main de Michel Roset, secrétaire d'Etat de 1555 à 1560, qui a pu se trouver aux Archives dès cette époque39

Finalement, Godefroy a également eu accès à la «Grotte du Commis-saire général», c'est-à-dire à la Grande Grotte, qui contenait les droits fonciers, et en a tiré au moins un document, daté de février 140040Et puis, bien évidemment, le Citadin de Genève, fondé en partie sur les archi-ves, et un manuscrit des Chroniques de Bonivard.

c. Les documents et manuscrits de provenance extérieure

La dernière catégorie de sources de Godefroy n'est certes pas la moins intéressante: les documents fournis par ses correspondants savoyards, bressans, bourguignons, piémontais.

Tout d'abord, il faut remarquer que Godefroy, par son éducation, par sa parenté demeurée en France, par ses fonctions académiques et par sa position de haut magistrat, disposait d'un réseau de correspondants important en Suisse, en Savoie et en France. Par exemple en 1626, le commissaire général bernois Michael Stettler, qui préparait une histoire officielle de la ville de Berne, s'adressa au Conseil de Genève pour obte-nir des documents historiques sur la période postérieure à 150041 Le Conseil chargea Godefroy d'explorer les archives et, avant de communi-quer les documents au requérant, de soumettre au gouvernement «ce qu'il trouvera dans les titres de la ville d'honorable et d'avantageux pour l'envoyer ensuite audit Sieur Stetler». Godefroy ayant fait son travail, le

38 Ms. hist. 31, t. V, f. 73, 316; t. VI, f. 73, 74, 76, 78, 86, 165.

39 Il y est aujourd'hui sous la cote mss. hist. 28.

40 Ms. hist. 31, t. V, f. 11.

41 L'ouvrage de STETTLER parut peu après, en deux volumes, et non sans avoir été cen-suré, sous le titre Chronikon oder Grundliche Beschreibung der fiirnembsten Geschich-ten und 11wGeschich-ten, welche sich in gantzer Helvetia, den jüngsGeschich-ten Jahren na ch, von ihrem Anfang her gerechnet ( ... )bis auff das 1627 Jahr, participirt, verlauffen, Bern 1626-27;

il fut continué jusqu'en 1630 et, pourvu de cet appendice, parut en 1631 sous le titre Schweizer-Chronik. Les recherches aux Archives de Genève ne pouvaient donc four-nir que des compléments à un matériel que Stettler rassemblait depuis 1602 (voir Richard FELLER/Edgar BoNJOUR, Geschichtsschreibung der Schweiz vom Spiitmittelal-ter zur Neuzeit, 2te Aufl., t. 1, Basel!Stuttgart 1979, pp. 356-359).

97

Conseil décida d'envoyer à l'historien bernois un certain nombre de copies et d'extraits, en le priant toutefois «de ne rien mettre ou inserer dans son livre qui ne redonde à l'honneur de ceste Republique, et qui ne s'accorde avec le renom de son ancienne liberté42». Ce premier contact, pris sous le signe d'une précautionneuse méfiance, semble avoir été peu fécond pour l'œuvre de Godefroy. Mais du côté suisse, Godefroy a obtenu des copies de documents conservés aux archives de l'Abbaye de Saint-Maurice, certifiés conformes par Gaspard Bérody, notaire et cha-noine de Saint-Maurice43Lorsque l'on sait que G. Bérody est l'auteur d'une chronique locale en latin, où il se montre particulièrement bien informé de ce qui se passe à Genève44, on entrevoit les échanges qui ont pu se développer entre le juriste protestant et la célèbre abbaye.

Mais ces relations restèrent fort limitées, en comparaison de ses contacts avec Samuel Guichenon, inaugurés en 1639.

Guichenon, avocat au présidial de Bourg-en-Bresse, futur historio-graphe de la maison de Savoie45, s'occupait alors avec passion de son his-toire de Bresse et de Bugey, qui devait paraître en 1650 et pour laquelle il collectionnait des documents originaux et surtout des éléments généalogi-ques. Il était en relations notamment avec André Duchesne, avec le généalogiste d'Hozier, avec le grammairien Vaugelas à Paris, et avec le Genevois Bernard Budé de Vérace46Celui-ci, petit-fils de l'humaniste Jean Budé, et fils de la Savoyarde Esther d' Allinge-Coudrée, dame de

42 R. C. 125, f. 11 r.-12 r.; (14 et 16 janvier 1626).

43 Mss. hist. 31, t. I, f. 211 r.-212 v.; t. II, f. 202; t. IV, f. 55-56.

44 Sur ce personnage, né vers 1590, qui fut non seulement notaire mais régent d'école, plus tard recteur de Saint-Jacques, chancelier de l'abbé et prieur claustral, voir l'art.

«Berodi» par l'abbé Emile TAMINI, dans Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, t. II, 1924, p. 133. La chronique latine de Bérody, qui va de 1610 à 1642, a été publiée par Pierre BouRBAN dans la Revue de la Suisse catholique, 1889-1893, et en tirage à part, avec la pièce intitulée «Le mystère de Saint-Maurice et de la légion thébéenne», jouée en 1620, Fribourg, Imprimerie catholique, 1894.

45 Fondamental, basé sur une abondante bibliographie et sur les manuscrits de Gui-chenon conservés dans diverses bibliothèques, l'ouvrage de Valerio CASTRONOVO, Samuel Guichenon e la storiograjia del Seicento, Torino 1965, 200 pages.

46 Sur cette correspondance, voir Jules BAux, «Samuel Guichenon, sa vie, son œuvre et sa correspondance inédite avec les savants de son temps», dans Revue de la Société littéraire, historique et archéologique du département de l'Ain, t. I, 1872, pp. 125-137, 157-168, 189-203, 237-245, 305-318, 368-378, 397-409; t. II, 1873, pp. 1-7,97-108, 129-140, 185-189, 193-199,237-243, 321-333; t. III, 1874, pp. 2-21;

t. IV, 1875, pp. 2-16,65-77, 145-162,209-224,289-307,354-365; t. V, 1875, pp. 2-14.

Boisy, fit partie du Conseil des CC à Genève, mais avait de nombreuses attaches avec la Haute-Savoie. Il connaissait évidemment Godefroy et ses travaux historiques, et c'est peut-être lui qui en a parlé à Guichenon.

D'emblée, les relations entre Guichenon et Godefroy se placèrent sous le signe de l'échange. Guichenon ayant pris contact avec le juriste gene-vois en lui demandant des renseignements et des documents sur le Pays de Gex47, Godefroy lui répondit très obligeamment - tandis qu'une autre lettre de Guichenon, adressée au même moment à David Piaget, restait sans réponse. Le 28 octobre 1639, en effet, Jacques Godefroy écri-vit à Guichenon: «Je vous offre, si vous ne l'avez pas, le manuscript de M. de Langes qui est l'histoyre des comtes de Savoye depuis l'an 954 jus-ques à Amé, premier duc de Savoye, où vous trouverez quelque chose de votre Bresse.»48 Ce «manuscrit de M. de Langes», que Godefroy cite en plusieurs endroits de ses matériaux pour l'histoire de Genève49, n'est autre qu'une version des Chroniques de Savoie de Cabaret ou de Perrinet du Pin, améliorée par les recherches de Nicolas de Langes, qui était conseiller du Roy, président en la sénéchaussée et juge du présidial de Lyon. Il avait été forcé de quitter Lyon à la suite des guerres de la Ligue et, réfugié en Franche-Comté, faisait des recherches sur l'histoire de Savoie. Recherches utilisées en plus d'un endroit par l'imprimeur de Tournes pour sa réédition des Chroniques de Paradin50 Jules Baux s'étonne avec raison que Guichenon n'ait pas connu le «manuscrit de

D'emblée, les relations entre Guichenon et Godefroy se placèrent sous le signe de l'échange. Guichenon ayant pris contact avec le juriste gene-vois en lui demandant des renseignements et des documents sur le Pays de Gex47, Godefroy lui répondit très obligeamment - tandis qu'une autre lettre de Guichenon, adressée au même moment à David Piaget, restait sans réponse. Le 28 octobre 1639, en effet, Jacques Godefroy écri-vit à Guichenon: «Je vous offre, si vous ne l'avez pas, le manuscript de M. de Langes qui est l'histoyre des comtes de Savoye depuis l'an 954 jus-ques à Amé, premier duc de Savoye, où vous trouverez quelque chose de votre Bresse.»48 Ce «manuscrit de M. de Langes», que Godefroy cite en plusieurs endroits de ses matériaux pour l'histoire de Genève49, n'est autre qu'une version des Chroniques de Savoie de Cabaret ou de Perrinet du Pin, améliorée par les recherches de Nicolas de Langes, qui était conseiller du Roy, président en la sénéchaussée et juge du présidial de Lyon. Il avait été forcé de quitter Lyon à la suite des guerres de la Ligue et, réfugié en Franche-Comté, faisait des recherches sur l'histoire de Savoie. Recherches utilisées en plus d'un endroit par l'imprimeur de Tournes pour sa réédition des Chroniques de Paradin50 Jules Baux s'étonne avec raison que Guichenon n'ait pas connu le «manuscrit de