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Produire de la donnée en interne et question de diagnostic

2. Faire le terrain Introduction

Les deux phases suivantes du terrain se sont concentrées sur la production de données originales. Cela s’explique d’une part par la quantité limitée de données existantes et la remise en question de la représentativité de ces données au cours de la phase préalable. D’autre part, la démarche

d’émancipation des discours des Centres Sociaux est passée par la production de données, d’informations ne passant pas par le prisme d’une parole collective. Bien que ce terrain ait été marqué par des temps d’observations dans des instances fédérales, on s’est aussi intéressé à la parole des individus au cours des entretiens et/ou d’échanges informels durant les observations. Cela a supposé un changement des modes de participation. Dans la phase préalable, il s’agissait de soumettre des éléments et d’en échanger, dans la phase de terrain, cette participation s’est faite en cherchant à faire réagir sur des points spécifiques soulevés par la recherche. Ainsi, suite aux faiblesses constatées des diagnostics socio- territoriaux, nous avons proposé une formation. Dans la lignée des questionnements autour des partenariats, nous avons proposé une journée de réflexion, etc.

Les méthodes choisies pour ces phases de terrain sont donc des observations participantes ou non participantes suivant les contextes (I.4.2.1), l’entretien semi-directif (I.4.2.2.1) et l’enquête par questionnaires (I.4.2.2.2).

La distinction entre les deux phases de terrain est aussi une différence d’échelle. Après avoir développé un regard sur les Centres Sociaux en tant que groupe dans la phase préalable, la première phase du terrain s’est concentrée sur les Centres Sociaux du panel en tant que structure individuelle. L’échelle de la seconde phase du terrain est double, avec d’un côté une considération sur les personnes de plus de 60 ans dans les Centres Sociaux et de l’autre une considération sur des acteurs du vieillissement.

Les phases de terrain marquent une séparation entre les outils de la sociologie et de la géographie. Certaines observations ou entretiens ont été conduits conjointement, mais cela reste exceptionnel. Néanmoins, les notes d’observations et les retranscriptions d’entretiens sont mutualisées afin de pouvoir enrichir la base de données collectée sur les Centres Sociaux et enrichir notre propos au besoin.

Observer

L’observation est un point central de notre méthodologie. Elle a porté sur différent temps et a revêtu différentes formes. Le recueil d’information, durant ces observations, s’est fait par la tenue de carnets de terrain de février 2016 à février 2019 (voir figure 16). Le recours au carnet de terrain a permet d’avoir une trace constante de l’expérience de l’observation, de noter aussi bien les échanges marquants que le ressenti de l’observateur au moment de l’observation, ses questionnements et surprises. Cela a également permis de prendre en note les spécificités de l’espace, la perception des distances et les évolutions du paysage. Comme le souligne Carole Lanoix (2014) :

« En faire l’expérience consiste à développer une démarche nécessairement empirique, détachée des tourments du positivisme pour une objectivité toute relative (Daston, Galison, 2012), où seules les possibilités offertes comptent, ouverte par un usage heuristique et inventif, autant dire expérimental. » (§2)

Cela permet de réaffirmer le positionnement de cette thèse dans des approches empiriques relevant de la TNR(Théorie non représentationnelle— voir partie I chapitre 3 – 3.1.2 b).

Figure 16 : Carnets de terrain

Juliette Michel 2019

Les événements fédéraux

Les évènements fédéraux ont été les premiers lieux d’observations. Elles se sont tenues jusqu’à la fin de la recherche, mais leur forme a évolué. Ces observations n’ont pas suivi une grille d’observation fixe, car la nature de ces espaces a changé au cours de la durée de la recherche. D’abord moyen de compréhension du fonctionnement de l’institution, puis un lieu d’échange avec les professionnels tout en étant un temps d’observation, les évènements fédéraux ont également été des espaces de restitutions de certains résultats. La grille d’observation évoluée au cours des trois ans, en fonction de la direction des réflexions et de la nature des évènements.

Ces évènements fédéraux ont représentés 24 jours d’observations, à savoir 15 commissions fédérales sur le vieillissement (départementales, fédérales et nationales), 4 instances fédérales (assemblées générales départementales et conseil d’administration Régional), 3 journées de réflexions thématiques et 4 évènements fédéraux sur plusieurs jours (séminaires, conseil fédéral, JPAG). La nature différente de ces évènements a supposé des observations différentes. La distinction principale se fait entre les commissions et les autres évènements.

2.1.1.a. Le cas particulier des commissions

La spécificité de l’observation des commissions été due à la spécificité de notre statut, à la fois chercheurs extérieurs et membres d’un réseau via le salariat dans le cadre CIFRE. Les commissions, qu’elles soient locales ou nationales ont pour objectifs l’échange de pratiques, une réflexion sur la pratique des Centres Sociaux sur le sujet abordé, la structuration d’une culture commune et d’une parole politique des Centres Sociaux. Ces temps reposent sur la participation et les échanges entre les acteurs du réseau (bénévoles ou professionnels) présents à ce moment-là. La nature des commissions a été un élément important de notre recherche. Elles ont alimenté les réflexions autour du bien-vieillir pour les Centres Sociaux aussi bien que celle autour de l’intégration dans un système d’acteurs.

Durant ces temps nous étions des acteurs du réseau. La FCSF étant l’un des commanditaires de la recherche, les commissions nationales ont été des lieux de restitution de l’avancée des travaux. Puisque le vieillissement dans les Centres Sociaux est un objet en cours d’élaboration et qu’il dépend notamment de ces instances, notre implication devait être mesurée. Nous devions à la fois répondre aux attentes du commanditaire tout en influençant, le moins possible, l’ensemble de la dynamique (Galand et Michel 2019).

L’observation dans les commissions a donc été une observation participante active, c’est-à-dire une observation dans :

« un contexte d’enquête où le chercheur exerce une activité à l’intérieur du groupe ou de l’institution étudiée, comme, par exemple, un emploi rémunéré. En exerçant cette activité, il acquiert un statut professionnel et se conduit avec les enquêtés comme un collègue. Le chercheur joue alors de front un double rôle » (Namian et Grimard 2016).

Il s’est donc agit de jongler entre les deux statuts : répondre à la demande de retour faite à un intervenant extérieur dans les temps dédiés à ce retour, tout en se positionnant comme un collègue le reste du temps.

2.1.1.b. Une grille générale

Le fait d’être un collègue, un membre du réseau nous a donné accès à ces instances, il est donc important d’assumer ce rôle. Mais il s’est aussi agi de se saisir ces opportunités d’observations. Un moyen de parvenir à cet équilibre a été d’intégrer la prise de notes dans les carnets de terrain au déroulement des évènements.

Les évènements fédéraux se structurent autour de deux types de moments : un temps de présentation et un temps de discussion, généralement en groupe dans lequel il va y a voir des échanges. Si rester en retrait durant les temps de présentation a été simple, cela a été plus compliqué durant les temps d’échange. La stratégie adoptée a donc été de prendre le rôle de « rapporteur » c’est-à-dire d’endosser la responsabilité de rendre compte des échanges du groupe, que ce soit sur un support écrit ou à l’oral. Dans ces conditions, la position de retrait lors des échanges, la prise de notes constantes et la faible participation aux échanges se justifient tout en permettant de tenir notre rôle de collègue.

Figure 17 : Exemple d’observation : commission nationale Développement Social Local et vieillissement

Réalisation : Juliette Michel 2019

L’observation dans les temps fédéraux a suivi une grille d’observation générale, mise en place dès la phase préalable. Cette grille revenait à noter : la date et la nature de l’évènement (repris pour toutes les observations des carnets de terrain), le nombre de personnes présentes, leurs origines géographiques, leurs statuts (bénévole ou professionnel), le genre et l’âge approximatifs des bénévoles l’ordre du jour, le déroulé de la journée, la nature des échanges et les citations intéressantes, les réflexions sur le moment (voir figure 17).

En plus des réflexions nourries par le contenu des observations, le nom de ces évènements fédéraux, notamment les commissions ont été un point central dans l’orientation de la recherche. Par exemple, le premier élément d’une réflexion autour de l’usage du terme bien-vieillir dans les Centres Sociaux a été sa présence ou absence dans les intitulés des commissions fédérales portant sur le vieillissement. Si l’ancienne commission régionale et la commission départementale du Maine-et-Loire sont des commissions « bien-vieillir » ce n’est pas le cas de la commission nationale, nommée « Développement social local et vieillissement ». La réflexion autour de l’usage de ce terme et l’échelle de cet usage est un élément important pour la compréhension du bien-vieillir pour les Centres Sociaux et les liens possibles avec d’autres acteurs.