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Coordination des politiques du bien-vieillir : la Conférence des financeurs

Dans cette optique est promulguée, en 2015, la loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) qui « se fixe pour objectif de combattre ces représentations péjoratives de la vieillesse et de favoriser une nouvelle perception des personnes âgées, par la réactualisation et la réaffirmation des outils et des démarches de citoyenneté » (Blanchet 2018, § 6). Le vote de ce texte vient conclure une dynamique engagée en 2010 avec l’évaluation du « plan national Bien-vieillir ». Les conclusions de cette évaluation mettent en évidence la pertinence de la thématique du Bien-vieillir/vieillissement réussi, mais soulignent aussi un déficit en matière de gouvernance, de structuration et de moyens d’intervention.

La Loi ASV illustre une volonté d’élargir le périmètre de politique gérontologique et l’État, à défaut d’avoir le moyen d’assumer cette ouverture par lui-même, se retourne vers d’autres acteurs. Suite aux conclusions de la mission interministérielle sur « l’adaptation de la société au vieillissement » (2012), la loi met en exergue le besoin d’une mobilisation de tous les acteurs qu’il s’agisse du secteur associatif, des collectivités locales ou des entreprises. Les conclusions du rapport remettent les considérations sur les loisirs et le temps libre au goût du jour.

La loi ASV veut développer des politiques coordonnées de prévention au niveau local avec l’instauration d’une Conférence départementale des financeurs (CDF), pour une meilleure lisibilité de l’existant et l’identification des besoins. La CDF rédige un programme coordonné des financements des actions individuelles et collectives de prévention pour une durée de 5 ans. Les dépenses inscrites dans le programme, financées par le département et la CNSA, doivent bénéficier au moins pour 40 % du montant à des personnes âgées ne remplissant pas les conditions de perte d’autonomie. Le financement des actions individuelles fait l’objet d’un appel à projets annuel, rédigé sur la base d’un diagnostic des besoins et enjeux du territoire en matière d’accompagnement du vieillissement.

Ces acteurs « extralégaux » (au sens qu’ils ne sont pas issus de la mise en place d’une loi, comme ce que peut-être la CNSA), sont extrêmement nombreux. Si les « innovateurs périphériques » au temps du rapport Laroque se concentraient autour des clubs et des services municipaux du 3e âge, les acteurs

impliqués dans le vieillissement se sont depuis multipliés et diversifiés. En parallèle à la professionnalisation des acteurs, un marché autour des services proposé à la population âgée s’est développé, notamment à la suite à la loi Borloo66 (2005). En mettant en place un « chèque emploi service

universel » déductible d’impôt, cette loi consacre la création d’un marché des services à la personne

66 LOI n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur

(Puissant 2012). La Silver économie fait son entrée comme un champ particulier des activités autour de la vieillesse. La Silver économie « porte sur plusieurs marchés et concerne tous les biens et services qui peuvent être conçus dans les différents secteurs d’activité pour couvrir les besoins liés à l’avancée en âge de l’ensemble de la population française » (Rengot 2015, p.44).

À cela, il faut ajouter tous les acteurs intervenants dans la proposition de loisirs et d’activités, ainsi que de services non marchands, comme le transport solidaire ou les visites à domicile. Bon nombre d’associations caritatives ou d’ONG agissaient déjà sur ces sujets, la nouveauté est que, dorénavant, leurs actions sont reconnues et peuvent être intégrées dans les cadres des politiques publiques. On peut citer par exemple les Petits Frères des Pauvres, dont l’action à l’égard des personnes âgées et de la lutte contre l’isolement est continue depuis 1946. À côté de ses acteurs caritatifs, on retrouve des acteurs moins attendus, issus du secteur socioculturel. C’est le cas des Centres Sociaux.

« Si une partie des acteurs sociaux historiques sont encore présents (comme les services municipaux du troisième âge), il en existe de nombreux autres : des sociétés commerciales, des bailleurs sociaux, des fondations d’entreprise, des Centres Sociaux, des agences d’urbanisme, des structures intercommunales, etc. » (Argoud 2016a, p.114)

Comme le montrent les analyses de Dominique Argoud (2016 b) et Catherine Gucher et al. (2015), on peut identifier 3 logiques d’actions qui structurent le nouveau paysage de l’action sociale en termes de vieillissement :

- La territorialisation : au le sens donné par ces auteurs, la territorialisation exprime une volonté de construire une intervention à partir d’un territoire et non d’un champ d’intervention. Cela traduit une volonté de déspécialisation des approches. C’est illustré dans démarche « ville amies des ainés ». Cette déspécialisation se traduit par la mise en avant d’action intergénérationnelle. - La seniorisation reprend la mise en avant du bien-vieillir comme gérontologisme. Il s’agit de

prôner une vision positive du vieillissement et de prendre de la distance avec une visée incapacitaire et stigmatisante. Elle est illustrée par des modes d’intervention centrés sur les « jeunes vieux », les 50-75ans au risque d’occulter la personne âgée dépendante, limitant l’action sociale avant l’entrée dans le grand âge.

- La marchandisation illustre la prise en compte des personnes âgées comme un marché économique potentiel, suite à des années de considération de la vieillesse indigente prise en charge par des organismes à but non lucratif. On assiste ainsi au développement d’une Silver économie, vecteur potentiel de croissance économique. Cela se traduit par une logique de plus en plus concurrentielle du développement de service ou d’action pour les personnes âgées, ce que Michel Chauvière (2009)nomme « chalandisation du social ».