• Aucun résultat trouvé

L’histoire et la géographie des Centres Sociaux permettent de formuler plusieurs questions auxquelles les résultats de cette thèse apporteront des éléments de réponse : il s’agit en quelque sorte de jalons de réflexion.

La tension endogène/exogène qui s’illustre aussi bien dans les conflits de définition que dans le rapport au territoire et aux habitants, est le premier point important de notre réflexion. L’histoire des Centres Sociaux, leur évolution de l’assistance au développement du pouvoir d’agir, témoigne de leur capacité d’adaptation au contexte social et aux évolutions institutionnelles. Elle est à l’origine des différences entre les définitions institutionnelles et militantes et de la faible lisibilité des Centres Sociaux. Ce qui définit le Centre Social va dépendre de qui le définit. Pour la suite de la recherche, une attention particulière sera portée sur les discours des Centres Sociaux, sur les Centres Sociaux et les origines de ceux-ci. L’action « vieillissement » des Centres Sociaux est-elle une action endogène ou

exogène ? Par qui, comment et pourquoi est-elle définie ?

La tension endogène/exogène a une traduction particulière dans le rapport des Centres Sociaux aux territoires. D’un côté le territoire d’agrément a une nature exogène, une définition « hors sol », allant jusqu’à ne pas paraitre dans les définitions de la FCSF. De l’autre, l’argument de l’endogénéité des pratiques des Centres Sociaux repose sur la capacité à porter des projets avec ou à partir de l’implication des habitants. Quel est le rôle, la place du territoire dans la pratique des Centres Sociaux ?

Comment la démarche de diagnostic du projet social oriente-t-elle l’action des structures ? Dans le quotidien des structures, existe-t-il une différence entre l’usager et l’habitant ?

Si le territoire est vu comme exogène dans les discours de la FCSF, il est un argument de légitimité de leur action au-delà de la préconisation et des publics de la CAF. Cette dimension a un rôle d’autant plus important ici qu’il y est question du vieillissement. En mettant en avant la dimension territoriale de leurs actions, les Centres Sociaux se placent comme un mode d’intervention particulier dans un contexte de territorialisation de l’action sociale du vieillissement (voir partie I chapitre 2 – 3,3). Les modes de gestion et de financement ainsi que leur histoire et leur implantation les rendent particulièrement proches de l’action publique. Comment les Centres Sociaux, via leur action territoriale, se proposent-ils

d’être des « partenaires des pouvoirs publics » (FCSF 1992 cité dans Maguin 2004) sur la question du vieillissement ? Quel regard portent les pouvoirs publics en question sur les Centres Sociaux ? Quel est, ou peut-être, leur rôle dans l’action publique autour du vieillissement ?

L’absence d’homogénéisation et de vue d’ensemble de l’action des Centres Sociaux en général et sur le vieillissement en particulier pose également certaines questions. Les contextes territoriaux de l’action des Centres Sociaux sont très différents d’une structure à l’autre, pouvant aller du rural dévitalisé, au littoral touristique en passant par les banlieues urbaines. En quoi alors les actions envers un public âgé

répondent-elles à des problématiques identifiées sur le territoire ? Comment ces problématiques sont-elles identifiées ?

Chapitre 2 : Bien-vieillir : de la théorie gérontologique aux

politiques publiques

Introduction

Après avoir défini les Centres Sociaux il est nécessaire de se pencher sur la seconde dimension de celle- ci : le bien-vieillir. Les Centres Sociaux, particulièrement la FCSF et des fédérations affiliées, ambitionnent de se positionner comme « partenaire des pouvoirs publics » (FCSF 1992 cité dans Maguin 2004). Comprendre quels sont les pouvoirs publics en question est donc essentielle. Les Centres Sociaux se positionnent spécifiquement dans le bien-vieillir. « Les Centres Sociaux, par les différentes formes que revêtent leurs actions, sont d’ores et déjà des acteurs de proximité en lien avec la santé publique et l’accompagnement du “Bien-vieillir” auprès des pouvoirs publics […] » (Union régionale des Centres Sociaux des Pays de la Loire 2015, p.6).

L’image de la personne dite « âgée » a évolué, passant du vieillard sénile au senior dynamique. Ce changement se comprend au sein d’une évolution conjointe des cadres théoriques et des cadres institutionnels de l’intervention publique. Celle-ci aboutit aujourd’hui à la perspective du bien-vieillir. C’est ainsi qu’en plus des lois établissant l’accès aux droits sociaux des personnes âgées (Allocation personnelle autonomie — APA, Retraite, minima vieillesse…), on a vu apparaitre le plan national Santé (PNS) « Bien-vieillir-vivre ensemble » (2007-2009) proposant différentes étapes pour un « vieillissement réussi » 53 de la santé aux relations sociales.

Apparue comme issue des théories de gérontologie sociale dans les années 60, l’idée d’un bien-vieillir prend son essor dans les années 1980 et est rapidement appropriée par les politiques publiques. C’est pourquoi nous considérons ici la gérontologie comme un champ d’intervention particulier. En tant que telle, elle est structurée par des dispositifs locaux, législatifs et présente un corpus théorique définissant diverses formes possibles de vieillissement (vieillissement actif ; vieillissement réussi).

L’objectif de ce chapitre est de comprendre ce qu’est le bien-vieillir en tant que théorie gérontologique et politique publique. Inscrire le bien-vieillir dans son héritage théorique (I.2.1.) permet de comprendre quels en sont les enjeux théoriques et de soulever certains questionnements nécessaires au développement de notre positionnement (voir partie I chapitre 3) et de notre méthodologie (voir partie I chapitre 4). Revenir sur les différentes étapes de structuration des politiques du vieillissement permet de comprendre comment émerge aujourd’hui le bien-vieillir (I.2.2.). Le croisement de ces deux perspectives permet de définir quels sont les acteurs de ce champ d’intervention et les enjeux que

suppose la mise en place d’une politique du bien-vieillir (I.2.3.) ce qui sera essentiel à la présentation des enjeux d’intégration des Centres Sociaux parmi les acteurs du bien-vieillir (voir partie III chapitre 8).

1. Une construction théorique sur le vieillissement

Introduction

Puisque c’est en tant que théorie du vieillissement que le bien-vieillir s’est d’abord illustré, c’est en tant que telle que nous commencerons par l’aborder. Traduisant d’abord l’idée d’un vieillissement non pathologique avant d’aboutir à un concept héritant de différentes théories, le bien-vieillir apparait avec les débuts de la gérontologie sociale. Au cours des années 60, la gérontologie sociale s’affirme comme une science sociale. Elle s’éloigne d’une considération descriptive du vieillissement pour une volonté explicative. La gérontologie sociale se définit comme :

« [des] recherches et enseignements [qui] ne concernent pas directement les aspects biologiques du vieillissement, mais se rapportent plutôt à ses aspects économiques, sociopsychologiques, sociologiques et politiques. Ces recherches se concentrent sur les hommes groupés en populations, membres de la société et de ses subdivisions, créateurs et vecteurs de culture. La gérontologie sociale étudie spécifiquement la condition et le rôle des personnes âgées, leur culture, leur organisation sociale et leur comportement collectif pour autant que ces divers éléments subissent les effets de l’évolution sociale ou, à l’inverse, influent sur cette évolution. » (Burgess 1958, p.1).

Elle nait d’une distinction, formulée à la fin des années 1950, entre le « vieillissement normal » et le « vieillissement pathologique » (Tibbitts 1963). Le développement de la gérontologie anglo-saxonne dégage un consensus autour de cette opposition (Hummel 2005) qui induit une compréhension du vieillissement comme une combinaison de facteurs génétiques et territoriaux (relations sociales, situation économique, pollution de l’air, etc.) ayant un rôle dans le développement d’un vieillissement normal ou pathologique. Cela en fait d’ailleurs une approche particulièrement intéressante à prendre en compte dans une réflexion géographique (voir partie I chapitre 3 – 1.2).

Les différentes théories de la gérontologie sociale ont évolué, passant d’une opposition entre désengagement et activité (I.2.1.1) à des vieillissements positifs (I.2.1.2). Si le terme « Successful aging » se substitue souvent à celui du bien-vieillir dans la littérature gérontologique (Balard 2013), revenir sur chacune des notions apparentées au bien-vieillir permet d’exposer les raisons de choisir de distinguer ces deux notions dans cette thèse (I.2.1.3).