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La rédaction d’un projet social est un exercice spécifique aux Centres Sociaux (voir partie I chapitre 1 – 1.1.3). Il suppose une charge de travail conséquente et parfois fastidieuse, qui mobilise un bon nombre d’acteurs (professionnels, bénévoles, partenaires) tant dans sa rédaction que dans son élaboration.

Ensemble, ils doivent s’organiser des temps d’échanges et de travail collectif afin d’élaborer et d’évaluer les projets qu’ils ont mis en place par le passé et ceux qu’ils envisagent pour l’avenir.

La CAF propose aux professionnels des Centres Sociaux d’évaluer et d’interroger le positionnement de leur structure via une « feuille de route » qui a pour objectif de les guider durant toute la procédure et qui donnera lieu à ce nouveau « projet social ». Étant donné l’immense diversité des modes de gestion, taille ou encore type de gouvernance que l’on peut trouver dans les Centres Sociaux, la rédaction du projet social semble être le point commun qui réunit l’ensemble de ces structures puisque la rédaction du projet social est une étape nécessaire au renouvellement des agréments. Il répond à un cahier des charges unique. Nous avions supposé une certaine homogénéité des projets sociaux, c’est pourtant loin d’être le cas. Notre analyse a porté sur 15 projets sociaux83 et nous n’y avons pas retrouvé pas de « schéma

général ». Nous avons constaté des formes très différentes de projets tant dans le format et la présentation esthétique du document (paysage/portrait, profusion de tableaux ou minimum d’illustrations…) que dans les méthodes de diagnostic ou encore d’organisation et d’évaluation. Cette multiplicité des formats ne facilite pas la démarche d’analyse comparative.

1.3.1.a. Une rhétorique spécifique

Nous avons choisi d’utiliser une méthode lexicographique pour analyser ces projets. Celle-ci consiste à étudier l’utilisation faite des champs lexicaux dans des corpus de documents afin d’en ressortir des similitudes. Une comparaison devient possible et permet la construction d’hypothèses. Cependant cette méthode s’est faite via un logiciel et nous ne disposions que de 12 projets sociaux en version numérique. L’analyse est donc réalisée à partir de ces 12 documents pour lesquels nous avons comptabilisé les termes les plus souvent utilisés.

Tableau 16 : Utilisation des champs lexicaux principaux dans le projet social (en %)

G ou ve rn an ce Ac tio ns CS Pr oj et s oc ia l Pe rs on ne Ac te ur s Je un e Ac tio ns G éo gr ap hi e En fa nc e Fa m ill e Au tr es To ta l Thouaré 13,7 15,1 4,1 32,8 16,8 13,2 4,4 100,0 Le Kiosque 25,2 11,1 11,1 4,8 4,0 43,8 100,0 Horizon 36,4 63,6 100,0 Allée verte 16,5 11,0 12,0 15,6 10,8 17,2 6,8 10,2 100,0 La Fontaine 4,0 3,9 23,4 8,4 17,6 20,9 7,8 14,2 100,0 Doué la Fontaine 17,7 10,1 16,3 16,8 21,9 3,6 10,4 3,2 100,0 Grain de sel 5,2 15,4 13,1 20,2 6,4 20,6 6,1 9,0 4,0 100,0 Loir et Bercé 3,4 8,2 3,4 4,4 26,2 19,7 13,0 17,0 4,6 100,0

83 Suite à des problèmes avec leur réseau informatique, l’un des centres de l’échantillon n’a pas été en mesure de nous fournir leur

Loire Divatte 9,9 9,2 21,1 11,7 6,3 23,6 12,0 6,2 100,0

Indigo 5,4 10,2 4,5 24,7 17,1 22,4 4,5 4,4 6,8 100,0

CLEP 4,1 5,7 12,4 9,5 9,9 6,5 15,2 29,1 7,5 100,0

Donges 28,5 4,5 13,1 10,9 13,6 7,5 13,5 8,4 100,0

Source : (Galand et Michel 2017a)

Cette analyse met en avant un vocabulaire commun à tous les centres. En dressant une liste des 15 termes les plus utilisés dans chacun des projets sociaux (en excluant les mots : Centres Sociaux, le nom du centre et les mots de liaison), nous obtenons un total de 70 termes, ce qui montre bien une certaine redondance dans les termes employés. De plus, beaucoup de ces mots, bien que différents, reprennent la même idée. Afin d’affiner la lecture et l’analyse de ces termes, nous avons choisi de les regrouper par grands champs lexicaux (11 au total – voir tableau 16) :

- Famille : Parents, Famille, Familles. - Enfance : Enfants, Enfance.

- Géographie : Quartiers, Cholet, Vendée, Laval, Benet, Quartier, Donges, ville, CCRDF, commune, communauté, communes, territoire.

- Action : actions, action, activités. - Jeune : Jeunes, jeune, jeunesse

- acteurs : bénévoles, associations, partenaires, professionnel, acteurs.

- Personnes : habitants, personnes, population, adhérents, groupe, participants, publics, dongeois. - Projet social : démarche, travail, développer, créer, fonction, responsable, objectifs, axe,

agrément.

- Action des CS : échange, participation, communication, lien, rencontres, animation, ateliers, services, sorties.

- Gouvernance : comité, conseil, pilotage, administratif, bureau, commissions. - Autres : œuvre, sociale, jour, nouveaux, adultes, espaces, seules.

1.3.1.b. La question du bien-vieillir

L’analyse lexicographique a mis en avant l’existence d’une rhétorique propre au projet social. Celle-ci montrait l’importance que peut prendre l’orientation vers les actions enfance-jeunesse-famille au sein des centres. Ce parti pris s’explique par le fait que le projet social est destiné à la CAF. Néanmoins, ce constat nous a interrogé sur la place qui est accordée aux « personnes âgées », aux « seniors » et au bien-vieillir dans les projets sociaux. D’autant plus, lorsque, comme le montrent les fichiers adhérents, ils peuvent occuper une place prépondérante dans les structures (jusqu’à 60 % des adhérents dans certaines structures).

Cette lecture des projets sociaux nous a permis de dégager 3 positions des centres vis-à-vis de cette question du vieillissement :

- Les centres qui ont déjà mis en place et élaboré leurs actions,

- Les centres qui ont déjà eu la possibilité d’identifier des retombées possibles par leur diagnostic interne

Le développement d’une réflexion et d’une démarche autour de cette question apparait comme un processus qui s’inscrit dans le temps. Tous les centres n’en sont pas au même stade d’avancement. La mise en place d’actions spécifiques « Seniors » ou d’axe « bien -vieillir » ne semble donc pas être une démarche naturelle, au regard de ce qui est présenté dans le projet social. Néanmoins, les données utilisées pour la constitution de la typologie, issues de l’enquête SENACS montrent que la majorité des centres listent des actions en lien avec ces problématiques quand on leur pose la question. Alors, pourquoi est-ce que cela ne se traduit pas plus dans les projets sociaux ? Quelle est la réalité de ce que recouvre le terme d’action « Bien-vieillir » ?

L’exploitation du questionnaire SENACS ne peut se faire sans prendre en compte une limite qui sera récurrente quand on en vient aux données produites par les centres : le manque d’harmonisation. Si certaines des variables sont assez claires (territoire d’intervention, mode de gestion, nombre de collectivités, etc.), d’autres posent plus de problèmes. Par exemple, il n’existe pas une grille globale pour évaluer le nombre d’heures de bénévolat, chaque centre fait à sa manière. Autre exemple, un même type d’actions peut être considéré comme relevant du bien-vieillir dans un Centre Social et pas dans un autre. Cela peut être le cas de transports solidaire. La classification dépend de la population des usagers, mais également de la genèse de l’action, à savoir si elle a été développée avec pour objectif de toucher un public âgé ou non… Ce décalage est un élément de compréhension du décalage entre le discours porté par les projets sociaux et les résultats de la typologie.

La confrontation de ces projets sociaux avec les catégories des centres issues de la classification SENACS permet d’apporter un regard critique sur l’analyse que l’on conduit. La manière d’aborder la question des personnes âgées et du vieillissement varie fortement d’un projet à l’autre. Or, la typologie réalisée faisait ressortir un groupe composé de centres dont l’une des tendances principales était de présenter plus de 2 actions bien-vieillir. Si nous regardons les projets sociaux des deux centres de catégorie B, aucun axe particulier autour du bien-vieillir ou des actions à destination des personnes de plus de 60 ans ne semble se dégager. Et pourtant lorsqu’ils présentent leurs activités à travers le questionnaire SENACS, ils inscrivent des actions à destination de ce public. On fait donc face à deux manières de se raconter qu’il faudra ensuite confronter à la pratique de terrain.

1.3.1.c. La question du territoire

L’étude des projets sociaux nous a permis de saisir d’autres enjeux et notamment ceux concernant la construction du diagnostic socioterritorial qu’est le projet social. Ce diagnostic est un outil de base de la démarche des Centres Sociaux. Il est au cœur de la manière dont ils développent et construisent leurs

actions. Les enseignements tirés de leur lecture croisée ont permis d’interroger un des aspects centraux de l’enquête I-CARE : quels sont les outils et indicateurs à disposition des Centres Sociaux pour qualifier et évaluer leurs actions ? Notre lecture a montré que, même si les centres mobilisent des données externes et des méthodes de consultation qui peuvent être efficaces et pertinentes, il y a un problème d’adéquation entre la donnée, la population ciblée, le territoire d’action et l’objectif du diagnostic.