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Cette deuxième partie aborde une première dimension de l’analyse : le bien-vieillir pour et dans les Centres Sociaux (voir tableau 20). Il y sera question de la manière dont la proposition des Centres Sociaux relève de la promotion du bien-vieillir et les enjeux que cela soulève, que ce soit en termes de discours, de pratiques ou d’impacts sur les individus.

Tableau 20 : Axes de recherche de la partie II

Questions de recherche Axes Chapitres

Quel est le rôle, la place du territoire dans la pratique des Centres Sociaux ? Comment la démarche de diagnostic du projet social oriente-t-elle l’action des

structures ? Dans le quotidien des structures, existe-t-il une différence entre l’usager et l’habitant ?

La question du territoire dans les

Centres Sociaux Chapitre 7

En quoi alors les actions répondent-elles à des problématiques identifiées sur le territoire ? Comment ces problématiques sont-elles identifiées ? Comment les Centres Sociaux, via leur action territoriale, se proposent-ils

d’être des « partenaires des pouvoirs publics » sur la question du vieillissement ? Quel regard portent les pouvoirs publics en question sur les

Centres Sociaux ? Quel est, ou peut-être, le rôle des Centres Sociaux dans

l’action publique autour du vieillissement ? Les Centres

Sociaux au sein d’un système d’acteur du bien-

vieillir

Chapitre 8

Quelle est la place que peuvent prendre les Centres Sociaux ? Comment s’intègrent des acteurs d’animation globale et collective dans un champ historiquement structuré autour d’une intervention sectorisée et individuelle ?

Comment se placent les Centres Sociaux entre ces différents courants, qui coexistent et positionnent les acteurs locaux ? Sont-ils intégrés et reconnus par

d’autres acteurs ? Sur quoi porte cette reconnaissance, si elle existe ? Quels peuvent être les freins à cette reconnaissance ? Existe-t-il des différences

départementales ?

L’action « vieillissement » des Centres Sociaux est-elle une action endogène ou

exogène ? Par qui, comment et pourquoi est-elle définie ? Bien-vieillir pour

les Centres Sociaux

Chapitre 5

En quoi la culture professionnelle des Centres Sociaux joue-t-elle un rôle dans leur proposition en termes de vieillissement ?

Quelles implications, l’intégration des Centres Sociaux a sur leurs pratiques dans un contexte prompt à l’isomorphisme institutionnel ? Evaluer l’impact de l’action des Centres Sociaux en termes de Bien-vieillir

revient à comprendre en quoi est ce qu’ils donnent la possibilité de participer. Bien-vieillir dans

les Centres Sociaux

Chapitre 6

Quelle perspective doit-on alors mettre en avant pour qualifier le bien-vieillir ? Quelles sont ces activités ? Pour qui et par qui sont-elles pensées ? Quelles

sont leurs traductions en termes de bien-vieillir ? Aux besoins de quelles populations répondent-elles ? Sont-elles accessibles à tout type de population?

Réalisation : Juliette Michel 2019

Il s’agit donc dans un premier temps de comprendre ce qu’est le bien-vieillir pour les Centres Sociaux, ce que signifie ce terme, les raisons de son usage et les pratiques que cela recouvre (chapitre 5). Revenir sur la généalogie du terme dans le réseau des Centres Sociaux revient à se reposer la question des dynamiques endogènes et exogènes des Centres Sociaux. Les archives montrent que les Centres Sociaux se sont toujours adressés au public de plus de 60 ans, pourtant le bien-vieillir comme cadre de cette action est récent et correspond à un contexte politico-partenarial particulier. L’origine du terme et ces différentes compréhensions parmi les acteurs des Centres Sociaux contribuent à une controverse quant à son sens et son usage. Les différents points de vue et cultures professionnelles des Centres Sociaux

conduisent à une acception particulière de ce qu’est le bien-vieillir, qu’il convient de confronter avec celle qu’en ont leurs usagers.

Qui sont ces usagers de plus de 60 ans ? L’analyse des fichiers adhérents des Centres Sociaux du panel, on ne dispose que de peu d’informations sur les personnes des plus de 60 ans fréquentant les Centres Sociaux car peu de structures renseignent cette information (voir partie III chapitre 7 – 1.2.2). Sur les 15 fichiers adhérents récupérés, seuls 8 présentent l’âge. Il est néanmoins possible d’en tirer des grandes tendances, confirmées par l’auto-questionnaire SBE, l’enquête usager et les observations. Le public de plus de 60 ans des Centres Sociaux est principalement composé de jeunes retraités. La moyenne d’âge sur les 8 Centres Sociaux du panel est de 70 ans et l’âge médian de 68 ans86. Ils

constituent l’une des populations les plus importantes des Centres Sociaux, après les moins de 20 ans (voir figure 21). Les usagers des Centres Sociaux sont majoritairement des femmes, représentant dans les 8 Centres Sociaux plus de 70 % des plus de 60 ans87. C’est également une classe d’âge sur laquelle

les Centres Sociaux accueillent peu de public précaire. On ne dispose que de peu d’informations sur le revenu des usagers, un seul fichier présentant cette donnée. Néanmoins les résultats de l’auto- questionnaire SBE montrent que 4 des 150 répondants déclarent recevoir le minimum vieillisses et 2 le RSA88 ce qui fait un taux de précarité assez faible. En 2018, 3,2 % des allocataires du régime général des

retraites touchent de minimum vieillesse (CNAV 2018 - contre 2,6 % parmi des adhérents des Centres Sociaux). L’analyse des anciennes catégories socioprofessionnelles (CSP) apprend que les usagers de plus de 60 ans des Centres Sociaux appartiennent à la classe moyenne au sens large (les employés et profession intermédiaires étant les CSP le plus courantes89). L’auto-questionnaire est également notre

seule source pour avoir des données chiffrées quant à l’autonomie des usagers de plus de 60 ans. Ces résultats montrent que les usagers des Centres Sociaux sont des personnes autonomes puisque seul un des répondants déclare recevoir l’APA et un l’Allocation Adulte Handicapé.

86 L’âge moyen des répondants à l’auto-questionnaire SBE et à l’enquête usager est aussi de 70 ans, l’âge médian pour l’auto-

questionnaire est de 68 ans, 69 ans pour l’enquête

88 Revenu de solidarité active

89 Les anciens employés représentent respectivement 41 % et 17 % des répondants à l’auto-questionnaire SBE et l’enquête

usagers. Les anciennes professions intermédiaires représentent respectivement 17 % et 31 % des répondants à l’auto- questionnaire SBE et l’enquête usagers

Figure 21 : Pyramide des âges des Centres Sociaux du panel présentant cette information

Source : Galand et Michel 2017

Les Centres Sociaux s’adressent donc à une portion particulière des plus de 60 ans et ces particularités sont à prendre en compte quand on présente leurs perspectives sur le bien-vieillir et les impacts qu’ont les actions des Centres Sociaux sur eux.

Ces impacts, nous proposons de les lire par une dimension du bien-vieillir mise en avant par la littérature, les Centres Sociaux ou leurs usagers : la participation sociale (chapitre 6). Celle-ci va prendre des formes diverses dans le Centre Social, de la participation passive à des activités à l’engagement militant et bénévole. En examinant ces différentes formes de participation sociale, nous proposons d’examiner quels sont les apports, les limites et les publics de chacune d’elle. Cela permet de construire une compréhension de l’apport des Centres Sociaux à la création d’espaces de bien-vieillir.

Chapitre 5 : Dire, faire et vivre le bien-vieillir dans les

Centres Sociaux

Introduction

Le Centre Social, en tant que porteur d’une proposition d’action publique, fait appel à des concepts, à une culture et à un imaginaire politique de l’action sociale ou socioculturelle. Il participe ainsi à une « culture politique partagée »90 avec des structures du même ordre (comme d’autres Centres Sociaux),

des institutions tutélaires (comme la CAF) ou partenaires (comme les collectivités territoriales). Parce qu’il s’inscrit dans cette trame générale, le projet Centre Social91 est soumis à des contraintes (Ricœur

1990)92 :

- D’ordre formel : un projet social doit répondre à un certain nombre de critères - D’ordre éthique : un Centre Social défend certaines valeurs.

- De l’ordre de la « grammaire » : cohérence des termes et concept utilisé avec les termes et concepts utilisés au sein de la « culture partagée ».

- De l’ordre de la justification : les questions traitées par le Centre Social se doivent de s’inscrire dans un contexte plus large de bien commun ou d’utilité publique (Cefaï 2009).

L’orientation des politiques du vieillissement vers la promotion d’un bien-vieillir conduit à admettre le terme au rang de ces concepts faisant partie d’une culture politique partagée malgré l’absence de consensus autour de sa définition (voir partie I chapitre 2 – 3.2). Par exemple, les Centres Sociaux s’inscrivent parmi les porteurs des actions des plans des Conférences des financeurs (voir partie III chapitre 8 – 2.2), plans régulièrement nommés bien-vieillir (ex. : « Bien-vieillir en Sarthe 2018 »). Malgré le recours au « bien-vieillir », les réalités de pratiques, d’action et de compréhension par les acteurs des Centres Sociaux sont diverses, voire antagonistes. C’est cette diversité des sens et des réalités du bien-vieillir qu’explore ce chapitre. Il s’agit d’une analyse de discours. Les outils mobilisés dans ce chapitre sont : les entretiens avec les acteurs du réseau, les observations générales et fédérales, l’auto-questionnaire JPAG, les archives de la fédération des Centres Sociaux et Socioculturels de France (FCSF), l’analyse des projets sociaux et l’enquête usagers. Notre analyse porte sur deux échelles. Un premier temps porte les échelles fédérales, quand le second temps porte sur les professionnels des Centres Sociaux et leurs adhérents.

90On comprend ici la culture politique partagée comme une culture commune exprimée dans des cadres sociotechniques organisés

par des conventions. Celle-ci permet la justification de l’action. (Thévenot et Boltanski 1991)

91 On distingue ici le projet Centre Social, c’est-à-dire le projet et les ambitions de ces structures matière de changement de la

société et d’action. Il s’agit d’un projet politique, qui ne correspond aux projets sociaux des Centres Sociaux, exercice de diagnostic socioterritorial faisant l’objet d’une analyse particulière dans la thèse (voir partie I chapitre 4 – 1.3.1) qui nourrit les réflexions sur le projet Centre Social et sa formulation.

92 Paul Ricœur explique la nécessité de soumettre la visée éthique (ici le projet social) à la norme (ici les codes d’une culture

La première partie de ce chapitre permet d’avoir un regard d’ensemble sur le vieillissement dans les Centres Sociaux, l’histoire de cette action et les réflexions qui sont portées à l’échelle fédérale dans une logique politique et partenariale. Il s’agit de s’interroger sur le recours au terme bien-vieillir dans la définition de l’action des Centres Sociaux. Le développement d’actions vers un public âgé de plus de 60 ans par les Centres Sociaux étant antérieur à l’utilisation du « bien-vieillir », pourquoi avoir eu recours à ce terme ? (II.5.1.)

Le second volet de ce chapitre se penche sur les compréhensions du bien-vieillir par les professionnels des Centres Sociaux et les personnes de plus de 60 ans. Les observations, entretiens et divers échanges ont mis en lumière des tensions autour de la définition du bien-vieillir et de son usage au sein du réseau, ainsi qu’autour du rôle du Centre Social dans sa construction. Il s’agit donc d’éclairer le sens du bien- vieillir pour les Centres Sociaux, tout en s’intéressant à ce qu’est le bien-vieillir pour les personnes des plus de 60 ans dans les Centres Sociaux (II.5.2.).

1. Dire le bien-vieillir dans les Centres Sociaux : enjeux

stratégiques et lisibilité de l’action

Introduction

Les Centres Sociaux accueillent tous les habitants sans distinction de sexe, d’âges ou de cultures. Néanmoins, leur histoire et leur implication dans le champ de l’éducation populaire (voir partie I chapitre 1 – 1.1) les ont rendus lisibles dans les domaines d’actions enfance jeunesse-famille, mais peu dans celui des personnes âgées. C’est pourtant un public qui a toujours été présent au sein des structures. On retrouve des actions envers un public « âgé » dès les structures pionnières. Leur place, leur considération et l’action qui leur étaient destinées ont évolué au cours de l’histoire des Centres Sociaux. La dynamique de réflexion fédérale nationale sur le vieillissement, qui aboutit à la l’adoption du terme bien-vieillir, date de 1999/2000.

Un retour sur l’histoire des plus de 60 ans dans les Centres Sociaux permet de dégager les deux niveaux à prendre en considération : celui de l’action locale de Centres Sociaux singuliers et celui de la formulation de cette action à un niveau global. Cet exposé permet de souligner deux points essentiels :

- Il n’est pas possible d’offrir un regard sur l’action des Centres Sociaux en ne prenant en compte que l’une ou l’autre de ces échelles.

- La formulation de l’action des Centres Sociaux dépend d’un contexte démographique, politique et partenarial particulier. Cette formulation est le résultat d’évolutions successives, elle continue à évoluer et ne peut pas être comprise comme le résultat d’une réflexion endogène au réseau des Centres Sociaux.

La proposition des Centres Sociaux a fortement évolué au cours de son histoire et reste un champ d’intervention en construction. Les plus de 60 ans sont passés de sujets passifs d’une intervention sanitaire à des sujets actifs d’une animation sociale. L’action des Centres Sociaux se définit sur trois piliers relevant de leurs histoires, de leurs pratiques et de leurs valeurs (voir Galand 2019) : la prévention, la participation et l’intergénérationnel (II.5.1.1). Cette évolution des pratiques amorce une dynamique fédérale et partenariale conduisant à un positionnement stratégique sur le bien-vieillir (II.5.1.2). La combinaison de ces dynamiques locales et fédérales et des manières de les qualifier et de les présenter rend difficilement lisibles les actions des Centres Sociaux envers les plus de 60 ans (II.5.1.3).