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La politique du mode connait plusieurs inflexions. À partir de 1975, l’action des politiques des modes de vie, qui prônent une logique d’intégration, se heurte à l’exclusion de plus en plus rapide du monde du travail.

Les axes de l’action sur le mode de vie se limitent de plus en plus à une politique de maintien à domicile. L’État semble abandonner sa position de défenseur des droits et accepter de plus en plus des cessations précoces d’activité. « Les pouvoirs publics en sont réduits à s’épuiser à lutter, en aval, par les politiques du mode de vie, contre une marginalité et une ségrégation que les politiques de désemploi ont produite et consolidée en amont (Guillemard et Viriot-Durandal 2015, p.20) ».

L’essoufflement de la croissance, les différentes crises économiques, la transition démographique et ses conséquences sur les coûts de financement des retraites amènent à repenser les dispositifs. Les politiques spécifiques aux personnes âgées s’inscrivent dans cette trajectoire générale des politiques sociales. On assiste à la structuration de deux secteurs : un volet assurantiel, représenté par l’assurance vieillesse et un volet « assistanciel » avec le développement de nouvelles « politiques vieillesse » (Grand 2016).

Cela va conduire à une modification du sens des politiques de la vieillesse. Comme le montrent les travaux d’Anne-Marie Guillemard (1986, 2005), le droit à la retraite se mue progressivement en un droit au repos, à des loisirs forcés, à une obligation de retrait dans une logique de partage du travail en fonction de l’âge. Après la mise en avant d’un mode de vie particulier pour le 3e âge dans la décennie précédente, la personne âgée est de nouveau définie par ce qu’elle n’est pas : c’est-à-dire un in-actif. Dans ces considérations « comptables », la vieillesse est considérée comme une charge et un coût. Les réformes des retraites qui s’en suivent sont guidées par des préoccupations de contingence.

Décentralisation

Le contexte de crise économique modifie les acteurs impliqués. Cela se traduit par le double mouvement de stratification territoriale et sectorisation du domaine d’intervention. Le début des années 80 s’accompagne des premières lois de décentralisation (Lois Deferre 1982-1983) qui vont diffuser les compétences sociales à l’échelle locale dans le but d’établir des modes de régulation transversaux et locaux (Blanchet 2011). D’après Dominique Argoud (1998), le contexte de rigueur économique empêcha la remise à plat de l’architecture de l’action entre sanitaire et social, au profit d’une double logique sectorielle et gestionnaire :

« Dans ce contexte, la stratégie de l’État a consisté à se désengager de secteurs où sa tâche était rendue difficile par la raréfaction des ressources disponibles face à une augmentation des besoins. La logique qui a prévalu lors du partage de compétences montre qu’en fait de tels enjeux ont évincé toute réflexion sur les politiques sociales locales » (Argoud, 1998 p.59).

La loi du 22 juillet 198358 fixe les règles gérontologiques et opère une distinction entre l’État et les

collectivités locales. Les communes conservent leurs compétences en matière d’action sociale et les conseils généraux prennent en charge la gestion des prestations d’aide sociale, le fonctionnement de la plupart des services et des établissements sociaux et médicosociaux. De son côté, l’État maintient sa position de contrôle et la gestion des prestations relevant de la solidarité nationale. L’action gérontologique ressort divisée de cette décentralisation : l’action sociale tombe sous la responsabilité des conseils généraux, les questions médicales et hospitalières restent sous gestion de l’État (via des relais régionaux que furent les DRASS, les ARH et que sont aujourd’hui les ARS).

Les politiques de la vieillesse promeuvent alors une gestion de proximité, présentée comme plus à même de gérer la complexité des problématiques. Dans cette dynamique, les collectivités locales prennent un rôle nouveau. Elles ne se contentent plus de mettre en place des orientations nationales, elles ont désormais l’occasion de développer une politique qui leur est propre en se basant sur la réalité de leurs territoires.

L’action sociale de la vieillesse, menée par le département et les communes, devient plus politique et plus locale (Argoud 2016a), ce qui va entrainer de grandes disparités entre les départements. Il apparait une géographie des inégalités de la prise en charge du vieillissement (Dumont 2009). La gestion par les conseils départementaux des aides et des actions sociales se décline en deux volets. Le premier, obligatoire, consiste en la mise en place des législations nationales et est en partie financé par l’État (dotations régulièrement revues à la baisse). Le second volet est un volet facultatif, dépend de la politique du département et sont le financement va dépendre de l’économie du département (Grand 2016).

« La logique de la décentralisation, qui a attribué certaines compétences, mais aussi les obligations financières qui leur sont liées, signifie des engagements forts variés selon les territoires en fonction de leurs propres caractéristiques géodémographiques » (Dumont 2009, p.35).

Dans cette thèse, qui propose un regard à l’échelle de la région des Pays de la Loire, la différence des caractéristiques géo-démographiques de chaque département et de l’engagement de chaque conseil départemental dans la question du vieillissement a également une importance. En effet les différents contextes départementaux ne conduisent pas à la même visibilité de l’action des Centres Sociaux (cela s’illustre particulièrement avec les Conférences des financeurs, voir partie III chapitre 8 – 2.2).

58 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et