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Une technologie comme agent d’accroissement de la fracture entre urbanité et ruralité

Chapitre 1 : Une évolution technologique au solde d’une cartographie plus précise pour les

3. Une technologie comme agent d’accroissement de la fracture entre urbanité et ruralité

3.1 Un coût budgétaire non-négligeable

Ces équipements nécessitent un certain investissement matériel et immatériel pour les structures qui souhaitent en disposer. Certaines entreprises sont dotées de moyens plus importants et peuvent se permettre de telles commandes, d’autres sont dépendantes de financements et enfin certaines se retrouvent exclues de par leur incapacité à pouvoir se payer ce type de matériel. Un intervenant ayant travaillé dans le secteur privé et interrogé dans le cadre ce mémoire confirme ce phénomène. Selon lui :

« Tout cela dépend des structures. Mais après, évidemment, il y a quand même un certain investissement en équipement informatique. Surtout si on veut faire des choses comme de la 3D, il faut un ordinateur puissant et il faut avoir la compétence. Dans les bureaux d'études dans lesquels

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je travaillais, nous étions justement équipés. Au bout d'un moment, on ne peut pas faire des économies de bouts de chandelles. Les patrons s'en rendent compte, mais il faut le prouver. Moi, ça a été compliqué de prouver que, par exemple, que quand on essaye de faire un truc, cela plante. Donc, il a fallu plusieurs fois appeler le patron pour qu’il puisse le constater. » (Cf. Annexe B,

p 154)

On assiste alors à une certaine réalité économique qui crée de fait des disparités en fonction des possibilités financières des uns et des autres. On fait face à une certaine confrontation entre une logique de développement industriel qui est dans son rôle et cherche à développer un marché et une logique de gestion de l’aménagement et d’optimisation des outils d’observation. Ces évolutions parallèles ne soulèvent pas le coût de ces équipements et il devient dès lors difficile pour certains territoires d’en bénéficier de par les tarifs donc mais aussi de par les compétences requises. Par compétences, cela sous-entend soit la formation que l’on verra au prochain point, soit l’embauche d’une personne qualifiée et formée. Les deux solutions représentent quoiqu’il en soit une nouvelle dépense pour les territoires.

La loi NOTRe du 7 août 2015 sur la nouvelle organisation territoriale de la République contribue à asseoir le statut des intercommunalités et des régions aux dépens des communes et des départements. Il devient plus difficile pour ces derniers, et d’autant plus s’ils se situent en milieu rural, de s’octroyer de technologies et cela vient alors impacter le maillage territorial qui requiert un certain nombre d’agents de développement local. Le Pôle d’Equilibre Territorial et Rural (PETR) pourrait alors jouer une mission capitale par l’intermédiaire de ses Groupes d’Action Locales (GAL) en incitant et en communiquant davantage sur les disponibilités et les possibilités de financements européens LEADER et FEDER.

3.2 Un manque de formation et de maîtrise de l’outil

Au-delà des questions d’ordre financier, il est avant tout question de savoir utiliser les dispositifs numériques afin de pouvoir profiter de ces nombreuses possibilités. L’arrivée et le développement d’Internet ont grandement aidé les territoires. Très vite, face aux manques de solutions et de moyens à leurs dispositions, des réseaux se sont tissés et mis à disposition des données et des expériences quant à l’utilisation de certains outils. On a ainsi vu se propager les blogs, les forums, les chaînes YouTube et autres voies d’accès facilitant les échanges et les familiarisations avec ces outils numériques. Cette mise en relation de véritables communautés sur Internet a permis un certain accompagnement des agents de développement local, des collectivités et des acteurs du tourisme dans l’utilisation par exemple de SIG et de bases de données. Le site Géo Forum illustre bien cela avec des réflexions menées sur les pratiques d’utilisation de logiciels et de plateformes en ligne et les retours d’expériences. Ces réseaux

69 « fantômes » ont aussi été un moyen de diffuser les bonnes pratiques et ainsi symbolisé des réels influenceurs pour la cartographie.

A en croire un intervenant, ancien cadre en bureau d’études,

« Il faut aussi avoir le temps de s'autoformer, de savoir les prendre en main et les utiliser. Ça prend du temps et quand on travaille dans le privé, il faut produire et faire des sous. Quand il fallait travailler sur les dossiers, faire les plans, les cartes pour que cela soit prêt pour les réunions et bien cette autoformation, tu la feras si tu as le temps, mais là on n'a pas le temps. » (Cf. Annexe B,

p 152)

Alors bien sûr, ces propos soulignent l’importance des entreprises à rester en veille permanente avec les solutions informatiques utilisées tout en préservant les activités commerciales de la structure. Face à l’évolution quotidienne des technologies, il est fréquent aussi que l’employé lui-même doive rester connecté face aux nouvelles techniques et autres mises à jour de ces outils. Il ajoute « qu'il n'y a rien qui se soit automatisé, tout seul et c'est moi qui interagis avec le logiciel. Si je ne suis

pas derrière, il faut savoir s'en servir. Donc oui, il y a des possibilités énormes, mais il faut savoir les utiliser. »

(Cf. Annexe B, p 152)

La démocratisation observée par le biais de l’ère de l’Open Data et des logiciels gratuits ou libres est notable aujourd’hui mais cela ne fut pas toujours le cas. Il y a encore quelques années, il fallait se rassembler et trouver des solutions pour financer à plusieurs parfois des logiciels SIG. A l’inverse, de nos jours, on constate que l’accès à ces outils s’est grandement popularisé voire généralisé mais les formations à ces outils et à la compréhension des données nécessitent des recherches et des investissements personnels pour pouvoir manipuler ces instruments numériques. Cependant, la solution de facilité pousse souvent les usagers à faire confiance aux logiciels et croire que quelques tutoriels suffiront pour prétendre faire de la cartographie.

3.3 Une recherche et une innovation centrées sur les territoires urbains

Les territoires ruraux sont souvent oubliés par les politiques entreprises en matière d’innovation et de développement territorial. Le concept de Smart City porte bien son nom et confirme le contexte sociétal ancré autour des grandes métropoles et des grandes régions. L’innovation ne fait alors que de confirmer la déprise des services en milieu rural. Les territoires ruraux se retrouvent, comme lors des grandes politiques touristiques lancées par les instances de gouvernance, oubliés par ces démarches touristiques, juridiques mais aussi numériques. Sans vouloir faire de disgression mais le paradoxe est saisissant dans un climat marqué par la pandémie du Covid-19 et un exode des villes vers les campagnes alors qu’il y a quelques mois encore, les campagnes montaient dans les villes pour exprimer leurs colères lors des gilets jaunes.

70 Ainsi, il y a un certain besoin de reconnaissance pour ces espaces qui cherchent à se développer mais aussi à s’émanciper d’un système qui tend à les mettre de côté.

De tels équipements seraient bien utiles pour accroître la connaissance des résidents et personnes qui vivent chaque jour ce territoire mais aussi celle des touristes et autres visiteurs de passage. Au-delà de la gestion des flux, il est aussi question d’une gestion budgétaire qui permet de fixer une meilleure répartition des axes de développement fixés. Aussi, la connaissance et la maîtrise d’un tel instrument favorisent le désenclavement en générant des emplois, en améliorant la question de la mobilité et des transports, en réduisant l’exode rural et en accroissant l’aire d’influence de ces espaces.

Le numérique dépasse le simple cadre du tourisme et son usage pensé et réfléchi permet à un territoire de mettre en place un certain nombre d’outils (Base de données, inventaires territoriaux, etc.) destinés à l’aider dans le contrôle, dans la prise de décisions et ainsi d’impulser une véritable dynamique territoriale.

En ce qui concerne le tourisme, le numérique et ses outils incarnent une porte d’entrée majeure aujourd’hui. Sans instruments, il est difficile d’exister touristiquement dans un marché toujours plus concurrentiel. De nombreux territoires, de par leurs interfaces géographiques enclavées, se doivent d’être en capacité de recenser les populations, les connaître spécifiquement et les interpeller. Ces solutions informatiques donnent la possibilité à des territoires de structurer une offre touristique riche et diversifiée pour exister face à la concurrence, d’irriguer le territoire et de mettre en valeur le patrimoine et les savoir-faire mais aussi d’établir une certaine forme d’indépendance politique sans intermédiaire de par les données propres recueillies.

Il faut néanmoins nuancer le propos tant les élus sont conscients de cette fracture sociale et sociétale. Les politiques publiques à l’image des trois actes de la décentralisation démontrent l’intérêt porté à ces espaces et les solutions recherchées afin de réduire ces disparités. Or, il est important que les politiques menées par les industriels et les produits proposés s’accordent ou au moins s’accommodent avec les politiques publiques afin préserver les potentialités et les richesses de ces espaces ruraux. La question des indicateurs à l’image du bien-être et ses nombreuses études en ce sens apporteront sans doute une réponse et un certain changement dans les observations territoriales.

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Chapitre 2 : Un usage de la cartographie contrarié pour les professionnels du