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Chapitre 1 : Une évolution technologique au solde d’une cartographie plus précise pour les

2. Un marché marqué par les influences et les intérêts

2.1 Un secteur industrialisé

Le marché de la géomatique a été lancé et développé par les entreprises en informatique qui ont sues déceler une certaine potentialité économique. Ainsi, les modèles de Smart Cities comme évoqués précédemment, qui reposent sur l’utilisation de technologies dont le SIG, y ont perçu un moyen de s’organiser non plus au niveau de la commune mais au niveau des métropoles et des agglomérations. L’objectif de ces entreprises est de mettre à disposition de ces villes des produits reposant sur une informatisation du territoire. C’est-à-dire des nouveaux services intelligents qui permettent d’interconnecter des systèmes entre eux à l’image des ERP, abordés auparavant en fin de première partie.

En réalité, derrière le concept émergent de Smart City, se cachent bien d’autres marchés de niches comprenant tous des produits et autres solutions de gestion informatique tels que les systèmes de gestion technique urbaine de type circulation, voirie, énergie ou l’immobilier. Les structures privées ou publiques sont en quête de solutions destinées à améliorer leurs gestions d’entreprises et l’informatisation de leurs services et de leurs activités va en ce sens. Ainsi, depuis quelques années, le microcosme professionnel touristique a vu le phénomène des SIG prendre une telle ampleur qu’ils équipent aujourd’hui une place centrale dans la plupart des structures. De ce fait, « la valeur de la géolocalisation est désormais bien connue pour tous les services et applications en

ligne et les enjeux juridiques sur la propriété des données, notamment du cadastre, donnent lieu à des conflits virulents. » (Sociologie du numérique, Boullier, 2016, p 232) Dès lors, on assiste à une lutte entre

services pour pouvoir obtenir la responsabilité de solutions tels que les SIG de par les mines d’informations qu’elles incarnent au niveau des bases de données, de l’observation et de l’analyse. Cependant, ces dissonances ne servent pas le territoire qui voient la potentialité de ces solutions domotiques réduites.

Il faut cependant reconnaître que ces intérêts prononcés pour les SIG ont aussi poussé les fabricants de solutions informatiques à proposer de nouveaux modèles et de nouvelles formes à leurs produits. Les SIG sont ainsi passés de systèmes lourds et destinés aux professionnels, à des plateformes bureautiques dites « desktops » puis à des outils libres d’accès via Internet. Il en

65 demeure que les clientèles doivent se méfier des effets d’annonces face à des industriels qui ont pour mission de vendre des logiciels et des solutions informatiques et qui n’hésitent pas à faire rêver les usagers sur les différentes possibilités de leurs produits. Cette tendance tend peu à peu à s’estomper face aux politiques incarnées par l’Open Data et des données publiques disponibles (Insee, IGN, etc.) et des plateformes et logiciels en libre-service.

2.2 De grands enjeux et une concurrence rude

L’avènement de ces solutions représente un certain enjeu au niveau des ventes et bénéfices générés mais cela va bien au-delà pour un phénomène qui s’impose et imprègne la société actuelle. Ces solutions dites intelligentes sont utilisées par les populations, nourries par les flux de datas, mises en forme par un nombre infini de réseaux techniques et sociaux, manipulées au travers d’objets numériques, améliorées par des procédés (algorithmes, applications, API, services) et donc espérées par les collectivités qui sont en attente de réponses face à leurs problématiques économiques, sociales et environnementales.

Forts de constat, de nombreux acteurs majeurs y décèlent alors un moyen d’adapter, de développer et de proposer leurs produits face à ce marché porteur. On peut observer la présence de sociétés spécialisées dans les solutions informatiques à l’image des Cisco, Siemens ou IBM, les réseaux sociaux et la géolocalisation avec Facebook, Google et Waze, les startups telles qu’Airbnb, Uber, Blablacar, le secteur de l’énergie aussi avec Schneider, Vinci, Engie …, les transports, la distribution et même l’automobile.

Le Consumer Electronics Show, ou CES, est devenu le plus important salon consacré à l'innovation technologique en électronique grand public. Il se tient annuellement chaque année en janvier à Las Vegas aux Etats-Unis. A cette occasion, le constructeur japonais Toyota a ainsi annoncé en janvier dernier avoir lancé son projet de ville intelligente appelée Woven City.4 Ce

site laboratoire composé de capteurs générant des données est censé permettre aux chercheurs, ingénieurs et scientifiques de tester librement des technologies concernant l’autonomie, la mobilité en tant que service, la robotique, la maison intelligente, la santé ou encore l’Intelligence Artificielle dans un environnement réel. Il sera alimenté en électricité par des piles d’hydrogène souterraines et doté d’un filtrage de l’eau. Les voiries, les modes de livraisons et de distributions ont aussi été pensés. L’habitat n’est pas en reste avec une fabrication en bois durable. L’ensemble de ces technologies est destiné à simplifier le quotidien que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de leur logement.

4 Siècle Digital. Toyota va construire une ville intelligente au pied du mont Fuji [en ligne]. Disponible sur

66 Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des enjeux futurs que représentent les solutions informatiques dans le paysage des territoires. Des réflexions sont alors à mener sur ces services en rappelant qu’il s’agit de trouver une harmonisation entre la dimension numérique territoriale avec la maîtrise des réseaux habituels (voirie, énergie, sécurité, …) et l’arrivée des nouveaux réseaux (fibre, 4G, 5G, wifi, réseaux sociaux et réseaux de partenaires privés et publics). Le but n’est pas de persister dans une course effrénée individuelle entre grandes entreprises pour un produit mais d’aboutir à une logique de concertation collective pour un territoire. Mais il n’en reste pas moins difficile de stopper cette chasse à l’innovation face à cette notion d’intérêt qui pousse les entreprises dans cet engrenage. On assiste alors à des divergences entre des sociétés qui souhaitent profiter d’une certaine dynamique commerciale et des acteurs territoriaux qui sont en attente de solutions censées les aider dans la revitalisation de leurs espaces.

2.3 Une géographie et une cartographie poussées au second plan

La conjoncture sociétale actuelle est marquée par un poids de l’image et de la communication très important. Les territoires retrouvent ces problématiques à leurs échelles avec une volonté de leur part de contrôler l’image de leur territoire face à la circulation désormais facilitée des données numériques qui permet à de nombreux acteurs intermédiaires de contribuer à modifier cette image. La menace de l’Open Data semble cependant assumée voire même pensée dans le but de différencier son territoire face aux autres en faisant exister de nouvelles dimensions territoriales telles que les communautés de communes, les communautés d’agglomérations ou les métropoles par exemple. Cette tâche est rendue plus difficile face aux cartes proposées par Google Maps ou Open Street Maps qui envahissent la sphère du web. En effet, ces services en ligne donnent la possibilité à toute une communauté d’internautes de produire des cartes selon les angles souhaités et privilégiant l’attention sur certains aspects au détriment d’autres. On parle :

« D’une culture du folkmapping qui se diffuse largement, qui emprunte peu à la cartographie car seuls les points et les lignes sont mobilisés mais qui est avant tout orientée action, par opposition à la carte mémoire ou analyse qui était le principe dominant des géographes et même des décideurs. Les codifications standards finissent par être submergées par des codes et des classes d’objets cartographiques ordinaires (folk) et peu structurés a priori. » (Sociologie du

numérique, Boullier, 2016, p 233)

Des interrogations se posent alors quant à la règlementation et à la démocratisation de la cartographie.

67 D’autres sujets posent question à l’image du point de vue énoncé par un enseignant-chercheur à l’Université de Toulouse Jean-Jaurès qui cite : « Et alors les limites de ça, c'est que pendant très

longtemps, ce sont des informaticiens qui ont développé les outils, pas des géographes, pas des cartographes et pendant très longtemps, on a été assez frustré parce que pour faire des bonnes cartes, on était obligé de contourner ce que le logiciel nous proposait par défaut qui était faux. » . (Cf. Annexe A, p 138) Le service créé par

les sociétés est souvent pensé pour les attentes les plus importantes du marché, incarnées par le marketing et le géomarketing et non pour les géographes et cartographes. Le but de ces acheteurs est de leur permettre de localiser leurs structures (agences, magasins, etc.), les clientèles et leurs concurrents. Ces préoccupations, qui représentent le marché principal, sont bien loin des soucis de recherche et d’observation des territoires et qui seraient à même d’utiliser ces dispositifs dans le but de produire du développement.

L’enseignant-chercheur va encore plus loin dans ses propos en affirmant que « les SIG ont pris le

pouvoir et la partie cartographie des SIG est restée une partie très minoritaire et très optionnelle de l'utilisation d'un SIG. » (Cf. Annexe A, p 138) Le SIG s’occupe de la gestion et du traitement des données,

ne laissant qu’une petite place à la représentation à présent automatisée. Il y a l’idée selon lui que la cartographie ne se limite pas à appuyer sur un bouton et générer une carte mais représente des recherches et des connaissances beaucoup plus complexes sur un territoire, sur un champ d’études et à un moment spécifique.

L’image de la cartographie se retrouve biaisée avec des populations qui découvrent une certaine facilité à produire une carte et agrandit le fossé existant entre d’un côté les fabricants et les usagers néophytes et les cartographes et autres experts de l’autre.

3. Une technologie comme agent d’accroissement de la fracture entre urbanité et