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Chapitre 2 : Réflexions sur la cartographie et son application dans le tourisme

1. La cartographie au service de l’action territoriale

1.1 Définition et principes de la cartographie

La discipline se divise en trois grandes familles. Elle comprend la production industrielle de cartes topographiques, routières et touristiques élaborées par le biais de puissantes institutions publiques ou privées. Elle joue un rôle dans l’éducation et la culture par l’intermédiaire de maisons d’éditions qui développent des atlas de nomenclature à destination des écoliers ou du grand public. Enfin, elle est un outil d’aide à décision thématique pour les acteurs publics ou privés qui font le territoire par la production de revues, de rapports d’études, de médias ou autres campagnes publicitaires.

La cartographie actuelle nécessite différentes compétences. Tout d’abord, il s’agit d’être en capacité de réaliser des cartes, de savoir chercher, traiter et retranscrire des données puis de les mettre en page. Il est donc indispensable de connaitre ses principes théoriques, ses concepts, de pouvoir utiliser ses outils permettant son application tels que les tableurs, les outils statistiques, les SIG (Système d’Information Géographique), les logiciels de cartographie ou encore les DAO (Dessins assistés par ordinateur).

La carte peut être produite sous diverses formes à l’aide d’un crayon, d’un pinceau, d’une souris ou encore d’un SIG généré

dynamiquement via une application informatique en ligne mais elle est surtout le résultat des décisions prises par son créateur. Ainsi, les compétences du cartographe se situent dans son habileté à construire une réalité. Pour autant,

« La cartographie n’est pourtant pas qu’une affaire technique. C’est surtout l’art de

formaliser l’espace

géographique, de rendre visible ce que l’œil ne peut pas voir. Le cartographe manipule les

Figure 4 : Une discipline à la croisée des chemins

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données, les localise, les interprète et les met en scène. Il dessine l’espace selon des hypothèses et des objectifs. A travers son œil, le cartographe porte un regard sur le monde et le donne à voir. » (Manuel de Cartographie, Lambert et Zanin, 2016, p 200)

Cette définition met bien évidence les savoirs et autres savoir-faire que manipule tout cartographe quotidiennement. La figue ci-contre illustre par ailleurs la place de la cartographie actuellement.

La cartographie analytique décrit donc des éléments constitutifs, ou formations, de la nature que l’on souhaite traiter au sein d’un territoire d’étude. En cela, elle représente un support intéressant pour les collectivités territoriales, désormais dotées de plus grandes responsabilités notamment en matière de tourisme, dans leurs études.

1.2 Un dispositif fondamental dévoué à l’observation et à l’ingénierie

François de Dainville dans son ouvrage « La cartographie reflet de l’histoire » porte un regard sur la cartographie à travers l’évolution de la notion et de la technique et sur le fait qu’elle manifeste « l’expression de la vie en société sous ses aspects urbains et ruraux, industriels et agricoles,

institutionnels (administratifs, judiciaires, militaires), culturels et religieux ». (La cartographie reflet de

l’histoire, De Dainville François, 1986, p 3)

Ainsi, la discipline est transversale dans nos différentes sociétés et les cartes ont toujours eu une mission importante à jouer en termes de gouvernance et de pouvoir. Qu’il s’agisse de conflits, de crises économiques, de catastrophes environnementales, de gestion des flux ou de maladies virales, elles symbolisent des ressources capitales dans le but de trouver des solutions.

Il existe différents types de cartes avec des fonctions et finalités diverses. Les cartes d’inventaire, à l’image des cartes topographiques, routières, atlas ou encore géologiques sont un premier filtre pour les populations dans le but d’appréhender et de comprendre différents phénomènes. Elles représentent une base importante pour les cartes thématiques. Ces dernières approfondissent, analysent et décryptent ces phénomènes et certaines d’entre elles regroupant différentes thématiques, abordent une approche comparative.

Techniciens, géographes, urbanistes, aménageurs, historiens, politologues ou encore économistes sont amenés à produire des cartes dans le cadre de leurs professions. Les collectivités territoriales et les bureaux d’études collaborent souvent en matière d’urbanisme, d’environnement, d’aménagement et de développement territorial et notamment par l’élaboration de cartes au niveau local. L’aménagement et le développement territorial sont encadrés juridiquement par une législation en vigueur à l’échelle du territoire français. Le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) permet de mettre en cohérence l’ensemble des

36 politiques d’aménagement menées sur un territoire en matière d’urbanisme, d’habitat, de déplacements, d’équipements commerciaux, de protection de l’environnement et de fixer un cadre de développement dans un temps d’application imparti. Il constitue un document de référence permettant de coordonner l'action des collectivités au-travers de leurs documents d'urbanisme que sont le PLUI (Plan local d'urbanisme intercommunal), le PLU (Plan local d'urbanisme) et autres cartes communales. Cela en fait un outil privilégié pour construire un projet de territoire dans une démarche de développement durable.

Il n’occulte pas le volet environnemental et doit identifier les principaux réservoirs de biodiversité et du patrimoine naturel s’il est traversé par des zones ZNIEFF (Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique) ou Natura 2000.

Les territoires sont régis par une juridiction relative à un certain périmètre nécessitant une visualisation géographique dans l’optique de mettre en exergue les autorisations et interdictions. Le tourisme, en dépit de l’essor du numérique et du fait qu’il atténue cette notion de frontière, fonctionne de la même manière. Les différentes institutions telles que les CRT, les CDT et les OT sont dans la grande majorité pourvues d’observatoires touristiques. Ces organismes ont des missions variées qui sont liées directement ou indirectement à la cartographie et à ses ramifications. Les cartes facilitent et harmonisent leurs tâches quotidiennes qu’elles touchent à la conception d’études, au suivi, à la veille (concurrentielle ou sur le marché pour rester alerte face aux innovations) ou encore dans le conseil. L’outil cartographique incarne un dispositif à la fois d’inventaire, de traçabilité et d’aide à la décision pour les territoires. Il permet d’améliorer les gestions des flux, budgétaires, les gains de temps, de noter des évolutions ou des régressions, de faire des prospectives et rétrospectives, de mettre en évidence le maillage territorial des acteurs du tourisme, d’orienter les clientèles dans un souci d’irrigation ou encore d’établir des diagnostics.

De fait, la cartographie permet aux structures de se jauger, d’évaluer ou réévaluer leurs stratégies de développement touristique dans le but d’anticiper et de répondre aux besoins des territoires. Face à l’évolution des TIC, la dimension collaborative des cartes a connu un nouvel élan et débouché sur des outils plus portés sur l’externalisation et le partage des données dans un souci de synergie et de gain de connaissance à l’échelle d’un ou plusieurs territoires. Les SIG et SIT (Systèmes d’informations géographiques et systèmes d’informations touristiques) singularisent cette opération de mise en réseau des acteurs territoriaux. Ces dispositifs intègrent une base de données spatialisées, un logiciel de traitement de cette information et un logiciel de visualisation. Ils rendent compte des phénomènes localisés dans un espace spécifique et facilitent les décisions

37 à prendre sur cet espace. Ils sont à la fois des matériels informatiques, mais aussi des méthodes et compétences humaines et des données géographiques. C’est pourquoi, ils requièrent un processus de d’application et de management territorial dans lequel chaque maillon de la chaîne importe au moment de la collecte de données, de la préparation, du traitement, de la sémiologie graphique, de la création et dessin de la carte et de l’impression.

1.3 Un outil touristique d’irrigation du territoire et d’orientation de la clientèle

La carte incarne véritablement un support vecteur de lien entre un territoire et ses acteurs. Pour Christian Jacob :

« La carte est ce dispositif qui montre ce que nul œil ne peut voir, quand bien même elle représenterait le territoire le plus familier, celui des déambulations quotidiennes. Elle délimite un nouvel espace de visibilité dans la distance, même minimale, instaurée par la représentation, fût- elle la plus mimétique. Espace qui présuppose peut-être cet arrachement, ce déracinement, cette délocalisation violente du corps. » (L’Empire des cartes : Approche théorique de la

cartographie à travers l’histoire, Jacob, 1992, p 15)

Ainsi, une carte permet aux populations et aux touristes de se rendre compte en un coup d’œil des passerelles existantes entre différents sites d’un territoire. Ils peuvent connaitre les potentialités d’un territoire en matière d’hébergements, d’activités et de patrimoine. Les cartes sont en ce sens vectrices de messages subliminaux auprès des consommateurs touristiques dans le processus de prise de décision.

L’écomusée du Chianti dans la province italienne de Sienne est un exemple d’approche novatrice destinée à valoriser le territoire dans son ensemble par l’intermédiaire de la cartographie et dans des logiques Web et communautaires. Cette institution culturelle a misé sur une cartographie numérique interactive incluant des dimensions supplémentaires d’appropriation du territoire relative à 5 thématiques :

- Paysages (biodiversité, anthropologie, agriculture, géographie et mémoire des lieux), - Patrimoine culturel matériel (archéologie, arts populaires, arts visuels, architecture,

archives documentaires),

- Patrimoine culturel immatériel (fêtes et traditions, culture agroalimentaire, histoire locale, métiers et savoirs, littérature),

- Vie quotidienne (lieux et itinéraires ordinaires et extraordinaires, lieux de rencontre, lieux de travail, lieux de consommation, lieux pratiques),

38 Cette vision se veut en complémentarité avec l’information donnée par les sites institutionnels de promotion touristique physique qui se concentrent quant à eux plus sur une approche plus traditionnelle. La cartographie du territoire rural s’inscrit ici entre économie touristique et économie résidentielle en invitant à découvrir le territoire à la fois aux touristes mais aussi aux populations locales dans une dimension de proximité, du quotidien. Chaque point de la cartographie donne accès à des contenus d’informations (photos, audios, vidéos, liens avec d’autres sites) mais il est possible également d’apporter sa contribution individuelle au site en signalant des patrimoines ou en envoyant des suggestions de ce qui pourrait enrichir le territoire dans une logique Wikipédia.

Ce cas dénote dans l’univers touristique mais souligne la place prépondérante de la carte dans le maillage et l’irrigation des territoires. L’intégration des nouvelles technologies à la carte ne fait que renforcer voire accroître les possibilités d’orientation des clientèles touristiques. La carte a donc une valeur fondamentale tridimensionnelle pour les touristes désireux de connaître les atouts d’un territoire, pour les institutionnels pour valoriser les ressources territoriales et les acteurs du territoire dans un souci de représentativité. Une bonne utilisation de ce support a la capacité de générer un cercle vertueux passant tour à tour par une appropriation, une immersion, une fréquentation et donc une consommation par le touriste sur le territoire d’accueil.