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Chapitre 3 : Une cartographie analytique aux perspectives futures harmonisées

3. Vers une cartographie à valeur ajoutée

3.1 Un marché en quête d’expérientiel et de sensoriel

Les différentes observations menées dans le cadre ce mémoire démontrent que la cartographie n’utilise pas toutes les potentialités offertes à sa disposition qui pourraient représenter une direction intéressante pour les professionnels du tourisme. La cartographie permet jusqu’alors d’unifier les territoires et d’en percevoir l’ensemble de l’offre touristique. Cependant, l’offre telle qu’elle est présentée dans les cartes traditionnelles est vectrice de disparités iconographiques et patrimoniales. La connaissance et l’appropriation du territoire par les acteurs et par les visiteurs se retrouvent alors déséquilibrées car les cartes ne prennent pas en compte toutes les composantes et caractéristiques des territoires.

Au-delà d’élaborer une simple cartographie, il s’agit de créer une certaine interactivité. Le principe serait de donner la possibilité à l’usager de visionner l’offre dans son ensemble ou bien de sélectionner une offre spécifique. La cartographie pourrait mettre en évidence une destination touristique multi-registre, faite de paysages (biodiversité, terroir), de patrimoine matériel (bâti, arts populaires), de patrimoine immatériel (fêtes, évènements, traditions, folklore, marchés), de sens (odeurs, saveurs, sons), d’hommes et de femmes aussi qui font le territoire, d’agriculture et pas simplement les sites touristiques posés sur une carte. Il importe de trouver

91 une approche qui s’inscrit en complémentarité avec les informations plus traditionnelles données physiquement par l’office de tourisme par exemple. Elle peut se destiner à tout un ensemble de sites d’un réseau de partenaires afin de diffuser au maximum ses informations ou simplement être placée sur des sites web plus représentatifs tels que ceux des institutionnels du tourisme.

La réalisation d’une carte numérique interactive s’inscrit comme une forme de valeur ajoutée et de complémentarité à la version papier, statique, plane et silencieuse. Toujours dans un souci de singularisation, il importe de fournir à cet outil de nouvelles fonctions et autres possibilités qui pourraient s’assimiler à une cartographie expérientielle (figure 7)11, dont les nouveaux outils

permettraient de pallier certains manques identifiés pour la cartographie topographique et thématique. Une cartographie tridimensionnelle, temporelle ou encore sensorielle pourraient alors marquer des éléments forts d’identification pour une destination touristique.

Ce processus requiert une certaine maîtrise de la donnée qui permet de passer du stockage des données à l’analyse et à la modélisation spatiale avec l’appui technologique et théorique des SIG. Les retombées produites amélioreront la gestion, l’aménagement et l’irrigation de l’espace ainsi que la vision d’ensemble des offres touristiques proposées.

11 OpenEdition. Cartographie interactive et multimédia : vers une aide à la réflexion géographique [en ligne]. Disponible sur

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3.2 Le cas de la cartographie sensible

La société est actuellement imprégnée par un besoin d’authenticité. Cette tendance et ce retour à l’espace et au vivant est aussi perceptible en cartographie. La cartographie sensible caractérise ce phénomène dans lequel on part du ressenti du terrain pour produire un support cartographique. Cette branche de la cartographie est de plus en plus adoptée par des artistes ou par les professionnels du social.

La cartographie sensible a la particularité d’être dessinée ou produite à la main et fait appel aux populations locales. Elle a pour but de représenter le ressenti des habitants qui font les territoires. Il implique au cartographe ou à l’agent qui a recours à cette méthode d’aller à la rencontre des gens et de leur demander de dessiner ou de mettre en forme leurs quartiers, leurs espaces de vie. Il s’agit d’une réelle démarche participative.

Figure 7 : cartographie multimédia

93 Ici, la cartographie quitte sa zone de confort constituée de données et autres chiffres insensibles pour inciter le dialogue et dégager des analyses basées sur l’humain et l’émotion. L’autre changement pour la discipline, c’est que ces dynamiques permettent aux quelques collectivités qui appliquent cette méthodologie de prendre le pouls des politiques mises en place et d’effectuer si besoin des modifications. Les quartiers sensibles urbains ont déjà fait l’objet de la cartographie sensible pour améliorer les politiques publiques dans ces espaces difficiles. Ces cartes sont dénuées de légendes mais accompagnées de discours et analyses. La carte va déclencher le débat et les discours. Il arrive aussi quelque fois que les structures fassent appel à des dessinateurs intermédiaires qui vont esquisser des illustrations, des formes mais aussi des cartes et matérialiser les idées et autres ressentis des populations locales. Ces agents sont qualifiés de facilitateurs graphiques et sont amenés à intervenir lors de réunions ou d’autres manifestations comprenant les habitants des territoires.

En ce qui concerne le tourisme, il serait alors question de construire une cartographie représentative du territoire face à des touristes toujours plus demandeurs de spécialités et autres typicités locales. Ils auraient l’occasion de découvrir un territoire autrement à travers les yeux des populations locales. On ne serait plus dans l’aspect traditionnel de la carte touristique traditionnelle.

Un enseignant-chercheur en cartographie sollicité pour cette étude fait part d’un exemple vécu personnellement.

« J'ai une thèse d'une ancienne élève qui a travaillé au Maroc auprès de femmes pour savoir quelle était leur façon de vivre l'espace et comme elle ne savaient pas dessiner mais faisaient pas mal de couture, elle a donc remplacé le dessin par la couture et leur a fait construire des cartes en tissu et en broderie (figure 8)12. Et comme elle se projette dans la couture, elles vont choisir. Elles vont choisir les tissus et les matières. Elles vont choisir les fils, les couleurs et vont produire une carte symbolique. Ce n'est pas de la cartographie exacte, constructive, c'est de la cartographie symbolique. » (Cf. Annexe A, p 146)

12 MAPPEMONDE. Médier les récits de vie. Expérimentations de cartographies narratives et sensibles [en ligne]. Disponible sur

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3.3 Une interactivité entre visiteur et visité à recréer

La création de cartes offre un grand nombre de possibilités aux professionnels du tourisme mais différentes étapes sont quelque fois oubliées voire peu considérées par les concepteurs de cartes. Au préalable, pour donner de la pertinence à cet outil, une connaissance du territoire ainsi qu’une inscription des populations locales à la démarche seraient alors à envisager.

Une fois le réseau d’acteurs identifié, il est question de le fédérer et de l'affilier à une offre d’ensemble. Ces informations constituent le socle sur lequel repose la cartographie participative. Le support généré devrait alors être conçu en adéquation avec les sites web existants afin de pouvoir l’insérer sans trop de problèmes.

Une sensibilisation de la carte et de ses enjeux est également à considérer dans l’optique de former les professionnels et construire une carte sous format papier qui revêt toujours une place importante en matière de communication touristique. La carte papier doit être produite et imprimée par les institutionnels puis redistribuée à l’ensemble du réseau d’acteurs non seulement touristique mais également socio professionnel mais dans des quantités limitées dans un souci environnemental et pour amorcer une transition douce vers le numérique. Par ailleurs, elle peut se décliner sous plusieurs thématiques (sites touristiques, activités et loisirs, hébergements, restaurants, artisans, l’agroalimentaire avec les marchés et les domaines, etc.) afin de répondre aux attentes spécifiques de la clientèle mais aussi dans le but de représenter la globalité des acteurs touristiques de cette destination.

Figure 8 : carte textile de l’espace vécu des femmes de Sidi Yusf (Photographie Élise Olmedo, 2014) Source : http://mappemonde.mgm.fr/118as2/

95 Le choix de miser sur une politique ascendante dite « Bottom up » inscrit et responsabilise les habitants dans le projet du territoire et la cartographie vient en appui et sert des intérêts qui dépassent le simple cadre du tourisme. Ces initiatives permettent aux institutionnels de recréer des liens, de souder les populations dans une synergie collaborative et solidaire qui peut bénéficier à une stratégie touristique d’ensemble, la destination elle-même.

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Conclusion Deuxième partie

Cette partie a décidé de traiter de l’évolution de la cartographie face au règne du numérique dans la société. L’utilisation de ce dispositif est encore aujourd’hui très importante et notamment pour les acteurs professionnels du tourisme local.

Les travaux de recherche menés pour cette étude ont permis de mettre en évidence que le numérique a considérablement augmenté les possibilités de la discipline en dépit du fait qu’il a un peu pris le pas sur la cartographie elle-même.

Au-delà de cette science, une réorganisation territoriale permettrait de fluidifier son exploitation et d’irriguer par la même occasion les territoires ruraux de façon géographique, touristique mais aussi technologique. Il est question d’améliorer son utilisation par les utilisateurs en termes d’accessibilité tarifaire mais aussi concernant la formation et son maniement.

Aussi, la recherche et les sciences humaines ont impulsé une nouvelle dynamique à la cartographie facilitant sa compréhension et sa manipulation. Cet élan a pris une nouvelle dimension portée par l’apparition de solutions informatiques et géographiques libres qui ont démocratisé la cartographie. Ces directions prises ont mené la cartographie à la croisée des chemins, entre une certaine forme de cloisonnement d’un côté et un retour à une tangible transversalité de l’autre.

Désormais, il s’agit pour la discipline, dans une conjoncture caractérisée par de plus en plus de dynamiques citoyennes et environnementales, d’impliquer un plus grand nombre d’acteurs sous la forme de projets et d’initiatives participatives et collaboratives.

Dans l’optique de compléter et d’affiner ces informations, une expérience professionnelle au sein d’un institutionnel du tourisme semble appropriée et pertinente.

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TROISIEME PARTIE : Une cartographie au service de la valorisation du

patrimoine : l’initiative du Département du Tarn dans les parcours

d’orientation

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Introduction Troisième partie

La cartographie permet d’établir différents constats quant à son évolution relative à l’essor du numérique et des nouvelles technologies. Les hypothèses de travail ont été établies et il importe désormais de les éprouver à l’échelle d’un territoire spécifique avec le soutien d’une méthodologie de travail adaptée.

Par ailleurs, il est important de sélectionner un terrain d’application qui s’inscrive dans une certaine démarche de cartographie analytique et numérique au service de l’action territoriale touristique.

Le choix s’est ainsi porté sur le département du Tarn et le Syndicat Mixte pour l’Aménagement de la Découverte (SMAD) qui est l’identité administrative de gestion de l’ensemble du site de Cap Découverte. Cette structure a fait l’objet de nombreuses études et il semble intéressant de s’arrêter sur ce lieu, son passé, son présent et ses projets futurs.

Pour cela, il conviendra dans un premier temps de présenter l’entreprise et son organisation, le territoire sur lequel elle s’est implantée mais aussi ses réflexions autour d’un projet nécessitant l’usage du numérique dans un souci de développement territorial.

Enfin, le second et dernier chapitre se consacrera, d’une part, à mettre en évidence la méthodologie déjà mise en place par la structure et ses partenaires pour favoriser le lancement de ce projet. D’autre part, il sera question de mettre à l’épreuve les hypothèses posées par l’intermédiaire d’une méthodologie probatoire et toujours dans l’idée de favoriser le développement du projet numérique de Cap Découverte.

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