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Chapitre 1 : Les acteurs touristiques locaux face aux problématiques d’aménagement et

3. L’émergence du développement territorial : un modèle d’affirmation du territoire et de

3.3 Application et exemples de réussite

Une des limites consiste à croire que la politique d’encouragement du tourisme règlera tous les problèmes. Le tourisme rural était perçu comme solution pour les économies rurales, or son application nécessite un réseau d’acteurs, des subventions et des volontés politiques claires. Le développement du tourisme rural conditionne tout le reste, à savoir le maintien des services de proximité.

Sébastien Rayssac en a fait son objet d’étude dans sa thèse « Tourisme et devenir des territoires ruraux : jeux d’acteurs, discours et requalifications de la ruralité dans trois Pays du sud-ouest français » en 2007. Il y aborde particulièrement la question de l’activité touristique dans le département de l’Aude par l’intermédiaire de la marque territoriale Pays Cathare qui a permis de maintenir toute une série de services (viticulture, artisans, commerçants, …) qui sans cela seraient aujourd’hui en difficulté voire menacés. Il y interroge notamment un élu local qui évoque :

« Les gens trouvaient que ces vieilles pierres n’avaient aucun intérêt. L’ancienne municipalité a donc loué le château (de Quéribus). Moi j’ai eu la chance de connaître Roquebert et ces gens-là, qui m’ont fait comprendre qu’on avait un patrimoine extraordinaire et qu’il fallait agir (…) La

Décennie 1950 : Développement et sous-développement Décennie 1960 : Développement local Décennie 1980 : Développement durable Décennie 1970 : Ecodéveloppement

Figure 3 : Processus d’évolution chronologique de la notion de développement Source : ALBERT L., 2020

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démarche, c’est de savoir si les femmes et les hommes d’un lieu considèrent qu’un tas de cailloux est une ressource pour le développement, parce qu’il est témoin d’une histoire, ou si point de regard sur le tas de cailloux. C’est le débat qu’il y avait au niveau des châteaux cathares au départ. Mais quand un tas de cailloux attire près de 200 000 visiteurs, on peut s’interroger si ce n’est pas une ressource pour le développement du territoire. A partir de là, il y a une démarche d’appropriation. Est-ce qu’on veut fixer de l’activité, générer de l’emploi, permettre à des gens de mieux vivre tout au long de l’année ? » (RAYSSAC Sébastien, Tourisme et devenir des territoires

ruraux : jeux d’acteurs, discours et requalifications de la ruralité dans trois Pays du sud-ouest français, Thèse de doctorat en géographie et aménagement, Toulouse : Université de Toulouse Jean-Jaurès, 2007, p 186)

L’Aude est un département historiquement lié à l’agriculture. La marque Pays Cathare qui voit le jour par le biais de fonds européens LEADER 1 et LEADER 2 sous-entend de diversifier son économie en faisant du patrimoine un véritable levier de développement. Nous sommes dans les années 1980 et le département fait face à une importante crise agricole et notamment viticole. La décision a été prise de fédérer à l’échelle du département une économie touristique incluant les acteurs qui font le territoire tels que les producteurs de vins, de produits alimentaires et des hébergeurs. Le processus nécessite différents axes d’intervention tels qu’une mobilisation des acteurs derrière le projet, une définition des champs d’intervention à travers le dialogue, une identification et valorisation des sites patrimoniaux liés au « Catharisme », une promotion et une qualification de l’offre à travers une charte de qualité « Pays Cathare », un nouveau maillage territorial autour de sites pôles et une politique d’intégration du tourisme dans l’économie locale en harmonie avec les autres activités déjà présentes.

Cette dynamique est le fruit d’une réflexion ascendante qui a par la suite été impulsée par les pouvoirs publics et diffusée à l’échelle du territoire. Elle est le résultat d’une collaboration entre tissu associatif, socioprofessionnels (hébergeurs, restaurateurs, gérants de sites, …) et différents acteurs institutionnels tels que les Chambres Consulaires, Comité Départemental du Tourisme et Département.

D’autres territoires ruraux à faible densité de population peuvent bénéficier de multiples services grâce au tourisme. C’est le cas de l’Aubrac dans lequel le tourisme est complémentaire avec la dynamique territoriale. Ce terroir est reconnaissable à sa forte identité paysagère, minérale, et végétale. Ces terres d’héritage représentées par des familles d’éleveurs ont longtemps essayé de résister à l’avènement du moteur mais face à une agriculture française qui dans les années 1970 s’ouvre à l’industrialisation, se pose alors la question du rendement agricole pour ce territoire.

32 Dans cette période de mutation pour leurs élevages ovins et bovins, l’Aubrac se trouvait au carrefour de deux décisions capitales pour son futur :

- Préserver la typicité de ses races (rusticité, fécondité, longévité, qualité organoleptique de sa viande) via un programme de sélection efficace visant à produire des animaux de pure race et de qualité

- Ou procéder à des croisements dans un souci d’accroître le rendement.

Après quelques années d’atermoiements qui auront vu leurs races d’élevage en voie de disparition, le territoire va opter pour la 1ère solution et s’appuyer sur des travaux de recherche

du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) de chercheurs (ethnologues, agronomes, historiens, géologues, …). Ces chercheurs étudient la vie, les coutumes et les traditions des éleveurs des trente communes de cette région du Massif Central, dont l'économie repose sur l'exploitation des pâturages naturels des régions élevées. Ils observent les techniques traditionnelles des élevages ovin et bovin avec estivage. Suite à leurs travaux, ils constatent un début de phénomène d’acculturation à l’image des burons (bâtiment typique de l’Aubrac en pierre exploité de façon saisonnière pendant la fabrication du fromage) peu à peu abandonnés, le fromage étant fabriqué dans des laiteries.

Ces études créent un électrochoc et s’enclenche alors une réflexion pour maintenir le pastoralisme, vecteur de lien et de survie pour ce territoire. Ainsi, l’objectif est de susciter une synergie territoriale afin de relancer et de préserver ces produits typiques de l’Aubrac. L’innovation est également requise par la création d’une station d’élevage dotée d’une insémination artificielle afin de faire perdurer la race. Le territoire a cependant rencontré différents problèmes dans sa transformation. Confrontés à l’attractivité grandissante de ce territoire, les acteurs locaux se sont associés avec des agences immobilières pour favoriser leur accès au foncier. Certaines communes ont même investi pour sauvegarder leur patrimoine. Les achats d’équipements représentent aussi un frein financier et une certaine dépendance face aux banques mais pour pallier cet inconvénient, la création d’une coopérative locale est actée. Elle est l’agent fédérateur du territoire avec 80 producteurs pour 106 emplois.

La Maison de l’Aubrac et le PNR de l’Aubrac et qui ont vu le jour en jour respectivement en 2002 et en 2017 s’inscrivent dans cette politique de réduire l’exode rural, la disparition d’exploitations et limiter le problème démographique par le tourisme. Dans les faits, cela se traduit par une complémentarité entre tourisme, agriculture et gastronomie. L’Aligot et bien d’autres produits ont connu une grande réputation grâce aux touristes. Ces différentes actions et autres dispositifs permettent à l’Aubrac de dépasser le simple cadre des frontières et d’avoir

33 juridiquement un périmètre à protéger, à limiter et à partager et cela même s’il se situe au carrefour de 2 régions et de 3 départements. Ce territoire est désormais une référence qui suscite de la curiosité d’autres régions aussi bien en France qu’à l’étranger de par la revalorisation de ses ressources pour la construction, la vente à distance, l’accompagnement de porteurs de projets et la qualité de vie.

Les territoires enclavés ont vu jaillir des initiatives de développement local dans un contexte de globalisation, de mondialisation et d’internationalisation. Ces mobilisations constituent un certain contrepoids afin de ne pas perdre son identité locale. L’idée représente malgré tout un risque financier à prendre pour un territoire mais face à un mouvement d’urbanisation de plus en plus marqué, le risque semble moindre et donne à ces espaces oubliés un moyen de se démarquer. Ignacy Sachs écrit en 1980 dans son ouvrage Stratégies de l’écodéveloppement, « L’enjeu, c’est de trouver des modalités et des usages de la croissance qui rendent compatibles le progrès social et la gestion saine des ressources et du milieu. » Autrement dit, le développement n’est pas un mécanisme reproductible et il est propre à chaque territoire. Les seules ressources matérielles et les infrastructures ne suffisent pas à déclencher une dynamique de développement. Il faut réaliser un véritable inventaire territorial et établir un positionnement marqué par des spécificités de territoire à intégrer. Par ailleurs, ce processus requiert une place prépondérante à l’empowerment, à la participation citoyenne, aux organisations, aux collectifs, aux réseaux d’acteurs qui sont le terreau du développement local.

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Chapitre 2 : Réflexions sur la cartographie et son application dans le tourisme

1. La cartographie au service de l’action territoriale