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Chapitre 2. Etat des lieux de la télémédecine

1.1 La télémédecine « pré-électronique »

Un détour nécessaire

Si le sociologue peut « se donner le droit d’isoler dans le flux historique tel ou tel phénomène »156, nous éviterons d’être rivés à une genèse événementielle ensevelie sous des monceaux de faits, échappant au conjoncturel. L’enjeu est de découvrir, à travers des événements anciens, les ruptures et les continuités, qui nous les rendront significatives par rapport « aux profondeurs de notre présent »157. Il s’agit plus d’établir un « rapport actif » à défaut de dire mieux, en tentant de décrire non pas de quoi est faite l’histoire de la télémédecine, mais comment elle s’est faite, développée, apparue, ses chemins, ses directions. Nous avons certainement omis de « rendre à César ce qui appartient à César » en oubliant la référence à certaines pratiques de télémédecine tant la variable

« espace-temps » est étendue. De même, nous assumons pleinement avoir sciemment écarté certains faits par leur récurrence, en prenant pour excuse que l’oubli peut parfois être une condition de la mémoire, à l’instar de Jorge Luis Borges « Penser c’est oublier, c’est généraliser, abstraire. »158. Cette genèse sera élucidée davantage d’un point de vue thématique que d’une façon strictement chronologique. Nous avons enchevêtré la pratique de télémédecine par sa représentation de la distance (thérapeutique ou problématique), par ses phases (post-électronique, digitale), selon les outils mobilisés (lettres, télégraphe, Internet..), par la finalité de l’acte (préventif, diagnostic..), selon le type de communication (synchrone, asynchrone), par le domaine d’activité (médecine militaire, professionnelle, privée) et selon les rôles des acteurs (patient, médecins).

Ce sont donc plusieurs niveaux de lecture qui interviennent, non pas pour constater un caractère obsolète des recherches anciennes, pas plus que pour rechercher obstinément une « modernité » des textes, mais pour rendre compte soit de la permanence de certaines interrogations, soit des ruptures.

Bien que le danger de la dispersion de l’attention rode à cause de la diversité des objets et de la grande variété des cas et des situations auxquels la télémédecine est à rattacher, acceptons d’être menacé constamment par l’éparpillement. Et en sens inverse, si on cherche à y échapper, on court peut-être le risque de perdre de vue la réalité dans sa complexité au profit de remarques trop statistiques, trop générales, trop abstraites.

                                                                                                               

156 Raymond Boudon et François Bourricaud, « Dictionnaire critique de la sociologie », Paris, Presses Universitaires de France, 2006 p. 280.

157André Petitat, « Entre histoire et sociologie, une perspective constructiviste appliquée à l’émergence des collèges et de la bourgeoisie », Revue française de pédagogie, vol. 78, n°1(1987), p. 21-29, p. 22.

158 Jorge Luis Borge, Fictions, Paris, Gallimard, 1974, p. 127.

51   Par où commencer ?

La « date de naissance » de la télémédecine est assez imprécise, un peu comme pour ces personnages historiques : « né vers l’an… ». Considérant sa définition actuelle comme l’arrimage des TIC à la pratique médicale, le point de départ de notre genèse pourrait, d’une façon plutôt commode, débuter à partir des années soixante. Mais ce serait taire le fait que cette « amputation préhistorTIC » condamnerait à une compréhension bien partielle des conditions et des raisons structurelles du développement de la télémédecine. Le récit apparaîtrait alors factuel, anecdotique, en restant à

« moitié muet ».

Dans leur ouvrage « History of telemedicine », Rashid Bashur et Gary-William Shannon tracent une genèse de la télémédecine depuis la Grèce Antique jusqu’à nos jours159. Selon eux, toute transmission à distance d’informations médicales relèverait de la télémédecine : « A definition of Telehealth as synonymous with current information technology systems misses the fact that as humans we were able to communicate information about states of health over distances long before these modern technologies were available. Simple device such as bells, flags, and signs were used for this purpose in the past. »160. Il serait donc dans ces conditions tout à fait impossible de fixer un moment où une

« telle » télémédecine aurait commencé. Il faudrait en tout cas remonter très haut dans l’histoire, bien avant même que l’on conçoive l’idée de médecine, bien avant l’apparition de l’écriture, autant dire à la nuit des temps. Prenons l’exemple de l’être humain, qui, dans les sociétés de la plus lointaine préhistoire, a prévenu son semblable en criant d’un danger imminent afin de permettre à celui de s’en préserver. On pourrait dire, en ce sens, qu’il y a toujours et partout eu une certaine forme de télémédecine. Qu’il n’y a pas de sociétés qui soient absolument dépourvues d’une pratique de médecine à distance. Cependant, mettre sur le même plan et accorder le même statut à la télémédecine qu’à tout acte distant pouvant profiter à la santé des individus, quel que soit historiquement le contexte intellectuel dans lequel il s’est inscrit, est-ce aussi ne pas admettre que la télémédecine apparaisse par la prise de conscience qui s’opère de sa possibilité et de sa nécessité ? En fait, une des idées sous-jacente à cette section est de démontrer que les possibilités actuelles de la télémédecine ne sont que le point le plus « avancé » d’un processus amorcé depuis déjà un certain temps. Si l’information a connu quatre grandes révolutions : le procédé de l’écriture, le livre, l’imprimerie et la révolution électronique, nous verrons comment les pratiques de médecine à distance sont intimement liées à ces grandes révolutions et donc au type de support utilisé pour la communication. Il faut considérer ici l’évolution comme fournissant un ordre historique référentiel                                                                                                                

159 Rashid Bashur et Gary-William Shannon, History of telemedicine, evolution, context and transformation, New York, New Rochelle, 2009, p. 27.

160 Adam Darkins et Margaret Cary, Telemedicine and telehealth : principes, policies, performance and pitfalls, New York, Springer Publishing Co Inc, 2000, p. 219.

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pour l’interprétation de série plus courtes et de séquences intermédiaires sans a priori de linéarité. Il s’agit d’exprimer la nature de la logique technique, logique ne signifie pas prédétermination. Le changement technique procède par phases, par paliers, par processus d’association et de dissociation où les rapports acquis antérieurs aussi bien qu’aux buts recherchés ne peuvent être laissés au hasard.

La distance « vitale »

C’est la lutte contre certaines épidémies qui aurait préfiguré la télémédecine. Si depuis l’Antiquité les hommes connaissaient les symptômes des maladies infectieuses, ils ne savaient pas par quoi étaient provoquées ces maladies. Tout au long de l’histoire, une lente évolution va se faire dans la pensée de l’étiologie des maladies infectieuses. A l’époque préhistorique déjà, les maladies étaient attribuées à une punition des dieux ou à quelque démon malfaisant. Durant l’Antiquité l’idée n’évolue guère et on retrouve chez les Grecs un culte des dieux de la médecine. Jusqu’à la Renaissance, toutes civilisations confondues, les connaissances en anatomie sont quasiment nulles, sans avoir pleinement conscience que c’était l’homme qui était « responsable » de la « férocité des épidémies. »161.

Malgré les incertitudes concernant les connaissances médicales, les hommes ont perpétué une stratégie de communication pour contrôler la propagation des épidémies : « Has been practiced since Antiquity using primitive communication technologies to prevent and control the spread of infectious disease. »162. Il s’agissait d’une « mise à distance » nécessaire afin d’éviter les contagions : « Long before people understood the cause of leprosy was an infectious agent, they realized it spread from those who were not people with leprosy were avoided and segregated from non sufferers in an effort to escape contracting the disease. »163. Prenons deux exemples significatifs : un drapeau noir était dressé à l’entrée des villages où sévissait la peste afin d’alerter les ambulants164. Mais aussi, les petites crécelles, instruments de bois sonores que portaient les lépreux au Moyen-Age, prévenaient qu’il fallait se tenir à l’écart de son propriétaire165. La télémédecine, telle qu’elle est décrite avant sa

« greffe TIC », spécifie un échange d’information à distance dont le but est de prévenir, maintenir ou optimiser l’état de santé des individus : « Indeed, the rudimentary roots of telemedicine can be traced back to ancient societies, where simple forms of distance communication were used as means for coping with external threats, famines and diseases. »166.

Constat similaire quelques siècles après. Notre décennie a été marquée par les questions de veille et de sécurité sanitaire avec l’arrivée, entre autre, des « épidémies » de grippe aviaire (H5N1) et de                                                                                                                

161 Gualde Norbert, Comprendre les épidémies : la co-évolution des microbes et des hommes, Paris, Empêcheurs de Penser en Rond, 2006, p. 13.

162 Adam darkins et Margaret cary, op. cit., p. 4.

163 Ibid., p. 5.

164 René Delamare, Histoire des Rues de Louviers, Evreux, Imprimerie de l’Eure, 1941 p. 255.

165 Gilles Brücker, « Les maladies de la décennie », Les Tribunes de la santé, vol. 4, n°25 (hiver 2009), p. 39-49.

166 Rashid Bashur et Gary-William Shannon, op. cit., p. 6.

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grippe A (H1N1). Très rapidement, la télémédecine a été associée à dispositif pouvant interférer dans la gestion d’une éventuelle pandémie. L’idée qu’elle puisse permettre des consultations par visioconférence, empêchant toute contamination des professionnels de santé, a été exprimée dans l’extrait d’un rapport de l’Assemblée Nationale fait au nom de la Mission d’Information sur la grippe aviaire : « Il est possible pour un médecin de traiter intégralement un patient par l’intermédiaire d’une station de télémédecine qui permet de prendre la tension ou d’ausculter le malade. Dans le cadre de la lutte contre une pandémie, nous nous trouverions en présence de particuliers dotés d’un ordinateur, éventuellement couplé à une webcam. En cas de pandémie, la notion de circonstances exceptionnelles, au sens juridique de ce terme, permet d’utiliser le matériel disponible. »167. Plus récemment, le rapport du Député Pierre Lasbordes sur la télésanté précise ce qui suit : « Des situations de crise pandémiques comme celles de la grippe A/H1N1, de la grippe aviaire ou du SRAS illustrent quels avantages pourraient être tirés des applications de la télésanté pour fiabiliser des diagnostics tout en réduisant les déplacements de patients ou de professionnels, pour désengorger les services d’urgences… »168.

Que ce soit par le biais de l’insuffisance de connaissances sur les maladies ou a contrario de leur quasi « sur-connaissance », la stratégie d’éloignement des malades demeure perpétuée. L’outil technique, aussi protéiforme soit-il, que ce soit une crécelle du Moyen-Age ou un système de téléconsultation propre à notre siècle, « compose » sur une zone géographique en figeant une distance, autant éphémère dans son existence que variable dans sa mesure, entre l’émetteur et le récepteur de l’information médicale. Pour autant, les applications de télémédecine se sont développées majoritairement pour pallier une distance davantage « problématique » qu’une distance nécessairement « vitale ». Après avoir créé un espace, il s’agit dorénavant de le « désintégrer » au maximum.

La méthode épistolaire

Ce sont les disparités géographiques qui alourdissent les procédures de soins à la fois en termes d’accès et de délais de prise en charge. Ainsi, des documents attestent l’existence usitée de consultations médicales par correspondances.

Conrad Gesner (1516-1565), médecin de la ville de Zurich, examinait le cas d’un boucher épileptique uniquement par la méthode épistolaire169. Le médecin français Théophraste Renaudot (1584-1653) avait établi une pratique à Paris qui offrait des soins gratuits aux malades qui étaient trop pauvres                                                                                                                

167 Jean-Pierre Door, « Menace de pandémie grippale : préparer les moyens médicaux », Rapport d’information, Assemblée Nationale, 2006, p. 138.

168 Pierre Lasbordes, op. cit., p. 60.

169 Candice Delisle, « Une maladie rare aux symptômes cruels : représentations de l’épilepsie dans la correspondance de Conrad Gesner (1516-1565) », Epilepsie, vol. 20, n°2 (2008), p. 27-32,

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pour engager un médecin. Il avait publié une brochure intitulée « La présence des absences », un document à tous égards novateur, puisque ce fut le premier traité français sur le diagnostic ayant pour but de permettre aux personnes éloignées de toute aide médicale de décrire leur symptôme au médecin170.

Au XVIIIe siècle, l’activité « clinique » des médecins réputés aussi bien que des petits praticiens et chirurgiens de campagne ne se cantonne pas à l’espace géographique et mental du lit du malade. Elle comprend aussi l’écriture de conseils dispensés à la clientèle ou de demandes adressées à leurs collègues171. Le jugement étant alors en grande partie fondé sur l’exposé des symptômes ressentis par le malade. Les rapports entre les états du corps et ceux de l’âme, reconnus et valorisés, renforcent d’autant l’importance du contexte biographique dans la production des récits morbides et accentuent par là même leurs particularités individuelles172. Cette dimension épistolaire éclaire l’idée même du discours sur la maladie, qui est d’abord celui du malade. Bien plus qu’une maladie, c’est toujours d’une histoire qu’il s’agit exposant un « morceau de vie », « a subjective portrait of illness »173. Bien évidemment, les lettres voyagent avec lenteur, l’état du patient a largement le temps d’empirer avant le retour de courrier. Ce n’est pas donc l’urgence qui a présidé à ce type de démarche car le substantif se confond avec le nom : « patient avec patience »174. Mais ces consultations épistolaires étaient considérées comme un acte médical à part entière impliquant même une rémunération : « Elles laissaient transparaître une sorte de tarification préétablie d’un louis, ou 24 livres, pour une consultation épistolaire […] Cette consultation par lettres coûte plus cher que les autres, et parfois même le double, car elle réclame le temps de la rédaction. »175. Actuellement, l’article 53 du code la santé publique stipule que : « L’avis ou le conseil dispensé à un patient par téléphone ou correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire »176 alors même « qu’elle prend du temps et engage la responsabilité du praticien »177 dira le CNOM. Il n’est pas inutile d’analyser les modalités du passage de la rémunération de la consultation épistolaire à sa non-reconnaissance en tant que pratique médicale.

                                                                                                               

170 Alexandre Wenger, « Rendre un grand bien communicable : la présence des absens de Théophraste Renaudot », dans Andréa Carlino et Michel Jeanneret (dir.), Vulgariser la médecine : du style médical en France et en Italie (XVIeet XVIIesiècles), Genève, Droz, 2009, p. 243-254.

171 Séverine Pilloud, Stefan Hächler et Vincent Barras, « Consulter par lettre au XVIIIe siècle », Gesnerus, vol. 61, n°3/4 (2004) p. 232-253.

172 Hubert Steinke et Martin Stuber, « Medical Correspondence in Early Modern Europe. An Introduction », Gesnerus, vol.

61, n°3/4 (2004) p. 139-160.

173 Stanley Joël Reiser, Medecine and the Reign of Technology, Cambridge, Cambridge University Press, 1978, p. 2.

174 Gilles Barroux, Philosophie, maladie et médecine au XVIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2008, p. 67.

175 Micheline Louis-Courvoisier, « Le malade et son médecin : le cadre de la relation thérapeutique dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle », Bulletin canadien d’histoire de la médecine, vol. 18 (2001), p. 277-296, p. 285.

176 Article R.4127-53 du Code de la santé publique, [En ligne], disponible sur : legifrance.fr, (consulté le 18 septembre 2009).

177 Bernard Hoerni, « Appels téléphoniques de patients et consultation médicale », Rapport CNOM, 1998, p. 2.

55   Déontologie et distance

Dans les nosologies du XVIIIe siècle, les maladies étaient définies par leurs symptômes. Les médecins fondaient essentiellement leurs diagnostics sur les déclarations orales ou écrites de leurs patients, auxquelles s’ajoutait « l’examen traditionnel de l’habitus, du pouls, de la langue et de l’urine »178. Au XIXe siècle, l’anatomie pathologique et l’examen physique élaboré ont transformé la

« traditionnelle histoire du malade en un bavardage fallacieux faisant obstacle à la certitude du diagnostic. »179. C’est donc vers le début du XIXe siècle que la profession médicale a réagi à la pratique de la médecine épistolaire qui fut condamnée depuis l’invention du « regard clinique » et l’essor de la médecine anatomo-clinique. L’individu mis en question, écrit Michel Foucault, devient

« moins la personne malade que le fait pathologique indéfiniment reproductible chez tous les malades semblablement atteints. »180. La médecine clinique requiert la « désintégration » de la distance, la présence corporelle du médecin et du patient puisque « ce n’est plus l’oreille tendue vers un langage, c’est l’index qui palpe les profondeurs. »181.

Depuis, le code de déontologie stricto sensu considérait qu’il n’y a d’acte médical qu’en présence physique du praticien. L’impératif de sécurité et de qualité impose aux médecins de réaliser un examen clinique du patient : « Les professionnels de santé doivent assurer à la personne examinée une qualité et une sécurité des soins. Il semble en résulter une interdiction, pour le médecin, de réaliser des consultations à distance car n’ayant pas procédé à un examen clinique du patient, il méconnaîtrait alors cette obligation. »182. Pour autant, de nombreux auteurs soulignent qu’ « aucun texte français ne lie impérativement le diagnostic médical à la présence du médecin au chevet du malade. »183. Cependant, il est possible de trouver le biais à cette disposition dans le Code de la Santé Publique à l’article R. 51-94 qui précise : « Toute ordonnance comportant une prescription de médicaments ou produits mentionnés à la présente section doit être rédigée après examen du malade. »184. La rédaction d’une ordonnance, qui peut être regardée comme le point final de l’acte médical, ne peut se réaliser sans examen clinique du malade. Alors, un acte médical complet ne peut se réaliser à distance.

D’ailleurs, le Conseil d’Etat du 29 octobre 1990 (n° 110. 332, monsieur Diennet) avait pour objet la condamnation d’un médecin généraliste qui, après une conversation téléphonique, avait adressé des

                                                                                                               

178 Steven Peitzman et Russel Maulitz, « L’élaboration du diagnostic », dans Mirko Drazen Crmek et al., Histoire de la pensée médicale en occident, Paris, Le Seuil, 1998, p. 170-185, p. 176.

179 Ibid., p. 178.

180 Michel Foucault, Naissance de la clinique, Paris, Presses Universitaires de France (2e édition), 1978, p. 97.

181 Ibid., p. 101.

182 Jean-Michel Croels, op. cit., p. 64.

183 Jean Guigué, « Télémédecine : légitimité et responsabilité », La revue des SAMU, (avril 2001), p. 275-276, p. 275.

184 Article R. 51-94, Code de santé publique, [En ligne], disponible sur : legifrance.gouv.fr, (consulté le 13 septembre 2009).

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lettres au malade pour établir son diagnostic185. Le docteur Diennet était connu pour prescrire des cures d’amaigrissement à certains de ses patients et assurer leur suivi par l’unique biais d’une relation épistolaire. Poursuivi devant le conseil régional de l’Ordre des médecins de l’Ile-de-France, il est radié du tableau par décision du 11 mars 1984 pour violation grave des règles de déontologie professionnelle186. Peut-être est-il utile de préciser qu’en tant que citoyen tout médecin est bien évidemment soumis aux dispositions du Code Civil, du Code pénal, du Code de la Santé publique, mais il est plus spécifiquement « astreint au respect des prescriptions du Code de déontologie, parce qu’il est d’ordre réglementaire (c’est un décret). »187.

Mais les principes déontologiques fondamentaux de l’art médical ne sont en réalité que les attributs contextualisés de la pratique professionnelle. Ils ne constituent pas des droits acquis et sont au contraire susceptibles de subir des atténuations en fonction des contraintes économiques et politiques.

Les recommandations de l’Ordre des médecins tout comme la jurisprudence ordinale rappellent que si la consultation n’est pas le seul acte médical possible, elle est au cœur de la pratique médicale et qu’il ne peut y avoir de consultation autrement que dans une relation entre deux personnes présentes en corps : « La consultation se compose d’une anamnèse, qui s’opère dans un dialogue, et d’un examen clinique qui s’opère dans le contact réel entre le corps du médecin et celui du patient. »188. L’impératif le plus fondamental qui se rappelle à travers les recommandations de l’Ordre des médecins à propos de l’activité médicale, est que la médecine est une activité personnelle, qui s’exerce de personne à personne, voire de corps à corps : « Chaque praticien sait combien il est important de savoir capter le regard d’un patient, la moiteur de ses mains, le tremblement de ses extrémités, avant même d'avoir posé ses mains sur l'abdomen ou son stéthoscope sur son thorax. »189. L’établissement du diagnostic comme celui des prescriptions ne peuvent se faire qu’au terme d’une consultation supposant le contact direct entre le patient et le médecin : « Le contact personnel est à la base de l’acte médical : rencontre singulière entre médecin et patient, le plus souvent à l’initiative du patient ou d’un de ses proches, parfois sous l’empire de l’urgence, sans cette initiative. Il y a présence/confrontation physique entre deux personnes avec échanges verbaux et infra-verbaux. »190. Bien évidemment, il est admis qu’une bonne partie des actes médicaux se fait non pas sur le corps

Les recommandations de l’Ordre des médecins tout comme la jurisprudence ordinale rappellent que si la consultation n’est pas le seul acte médical possible, elle est au cœur de la pratique médicale et qu’il ne peut y avoir de consultation autrement que dans une relation entre deux personnes présentes en corps : « La consultation se compose d’une anamnèse, qui s’opère dans un dialogue, et d’un examen clinique qui s’opère dans le contact réel entre le corps du médecin et celui du patient. »188. L’impératif le plus fondamental qui se rappelle à travers les recommandations de l’Ordre des médecins à propos de l’activité médicale, est que la médecine est une activité personnelle, qui s’exerce de personne à personne, voire de corps à corps : « Chaque praticien sait combien il est important de savoir capter le regard d’un patient, la moiteur de ses mains, le tremblement de ses extrémités, avant même d'avoir posé ses mains sur l'abdomen ou son stéthoscope sur son thorax. »189. L’établissement du diagnostic comme celui des prescriptions ne peuvent se faire qu’au terme d’une consultation supposant le contact direct entre le patient et le médecin : « Le contact personnel est à la base de l’acte médical : rencontre singulière entre médecin et patient, le plus souvent à l’initiative du patient ou d’un de ses proches, parfois sous l’empire de l’urgence, sans cette initiative. Il y a présence/confrontation physique entre deux personnes avec échanges verbaux et infra-verbaux. »190. Bien évidemment, il est admis qu’une bonne partie des actes médicaux se fait non pas sur le corps