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Section 2. Des processus de catégorisation aux caractéristiques

2.3 Les caractéristiques et enjeux

La numérisation

Se tourner vers les caractéristiques des TIC inscrites dans la télémédecine à domicile permet de préciser les enjeux sous-jacents, ses possibilités du côté des usagers et des décideurs, ainsi que ses conséquences potentielles. Bien que les projets ou applications de télémédecine ne soient pas encore diffusés à grande échelle dans un système bien formalisé, ils posent malgré tout un certain nombre de questions. Nous verrons qu’aux objectifs de modernisation de l’offre de soins, d’amélioration de la qualité de vie, peuvent venir se greffer ceux de la commercialisation, de la désinstitutionalisation des services et de la distribution différentielle des ressources professionnelles sur le territoire. Il y a dans les écrits une mise en évidence de certaines dimensions significatives des TIC. Il est possible de circonscrire celles-ci en identifiant quelques spécificités fondamentales : la numérisation, la

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réseautification, la présentification, l’interaction, la programmation et la simulation114. Reprenons successivement ces dimensions.

L’histoire des techniques se caractérise par des périodes de relative stabilité entrecoupées de moments saisissant de rupture via la naissance d’un nouveau complexe technologique115, tel ici le numérique.

Point de ralliement du secteur de l’informatique et des télécoms, la numérisation est « une innovation radicale : elle consiste à transformer toute information en un code binaire de 0 et 1. »116. Originellement circonscrit au domaine de l’informatique, le numérique s’est imposé dans celui des communications se substituant au mode analogique alors en cours et bouleversant le monde des télécommunications. Cette « révolution annoncée »117 a déclenché un abus de superlatifs. On parle de ville numérique, de campus numérique et bien sûr de santé numérique. Il semblerait que tout document produit au début du XXIe siècle soit « à un moment de son cycle, numérique. »118.

Jusqu’ici les informations nécessaires au diagnostic médical ont été essentiellement extraites, analysées et échangées à travers des observations, des entretiens, des discussions mobilisant des formats divers : la palpation, l’écrit, le cliché radiologique… Si pour conduire les auscultations les médecins utilisent habituellement des moyens techniques analogiques simples (stéthoscope, tensiomètre, thermomètre), depuis une dizaine d’années, nous assistons à une mise en forme numérique de ces modalités119. Des outils de diagnostic utilisant la 3D, de la réalité virtuelle augmentée, des jeux vidéo à visée thérapeutique, des prothèses intelligentes, font leur apparition dans le secteur santé. La télémédecine traduit ce phénomène de numérisation comme un processus de transformation de tous les genres d’informations, sans pour autant être uniquement réduit à un simple passage vers un autre type de support. C’est bien au sens de rupture que nous entendons caractériser cette conversion de l’information en mode numérique. Il n’y a pas de continuité, la numérisation en télémédecine se singularise comme un « espace transformationnel » même si elle se construit toujours autour d’une « perceptive structure »120 par des images, symboles, écriture. En effet, la visite chez le cardiologue se mute en « consultation virtuelle », la feuille-papier pour le suivi des données de dialyse laisse place aux données sur « écran ». Le support pour effectuer le diagnostic n’est plus une surface physique (corps, feuille) mais un ensemble de « couches calculatoires superposées »121. Nous                                                                                                                

114 Marc Lemire, op. cit., p. 75.

115 Lewis Mumfort, Technique et civilisation, Paris, le Seuil, 1950.

116 François du Castel, Les télécommunications, Paris, Berger-Levrault, 1993, p. 51.

117 Bernard Spitz, « La révolution du numérique : l’ère de la convergence », Communication et langages, vol. 121, n°121(mai1999), p. 115-121, p. 115.

118 Dominique Cotte, Le concept de « document numérique », Communication et langages, Vol. 140, n°140, (2ème trimestre 2004), p. 31-41, p. 41.

119 Emmanuel Cordonnier, « Communication dans la santé, vers la connectivité médicale multimédia », Les cahiers du numérique, Vol. 2, n°2 (2001), p. 13-35.

120 Franck Ghitalla, « L’espace du document numérique », Communication et langages.n°126 (décembre 2000), p. 74-84, p.

76.

121 Ibidem.

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verrons que le statut des systèmes sémiotiques utilisés (texte, images, symboles) ne vise pas seulement à signifier un contenu mais ils participent aussi à la transformation du « document » tel que le corps, réduit à une « base de données ». Ce changement de matérialisation est donc enjeu majeur et soulève la question de l’ « authenticité » du réel par la médiation technique dans un domaine où, d’une part, le diagnostic à l’origine du raisonnement médical repose sur la précision des observations visuelles, tactiles, auditives même olfactives, faites à partir de l’être humain et où, d’autre part, les relations sont parties prenantes de l’exercice médical : « Il n’est évidemment pas indifférent, que le patient et le médecin deviennent réciproquement virtuels, ni que le radiologiste et le clinicien soient également mutuellement dématérialisés. »122. La numérisation des informations préfigure-t-elle des médecins « manager de données » ? A l’art de la pratique pourrait se substituer l’automatisation de la pratique. L’image du « bouton » sur lequel un médecin peut appuyer à tout moment pour avoir le portrait de l’état de santé d’un patient est à cet égard représentative. C’est cette dimension manipulatoire, qui tout en faisant disparaître le rapport charnel, crée de nouvelles capacités d’exploration du corps « réel ».

La mise en réseau

La seconde caractéristique des TIC porte sur la mise en réseau. Inscrite dans le projet des autoroutes de l’information, la réseautification peut être définie comme : « la création et l’exploitation de systèmes techniques donnant forme à un ensemble de relations d’échanges entre différentes entités […] Elle désigne le processus d’interconnexion entre des entités techniques, sociales ou organisationnelles au moyen de systèmes composés généralement d’infrastructures de télécommunication, d’équipements informatiques et de logiciels de traitement de l’information numérique. »123. Si cette description en terme de processus semble presque « universelle » à tous les réseaux de santé, leur champ d’intervention a fortement changé depuis le cours des années quatre-vingt jusqu’à nos jours. Les réseaux sont passés d’une problématique monothématique centrée sur la thérapeutique à l’intégration d’autres pathologies, aboutissant à une approche populationnelle qui aborde à côté des traitements, la prévention, les actions de santé publique et la participation communautaire124. En un peu plus de dix ans, s’est forgée la notion de réseaux de santé, qui, venue des acteurs, a envahi l’imaginaire des politiques qui l’ont repris dans la loi du 4 mars 2002, entérinant son existence : « Les réseaux de santé ont pour objet de favoriser l’accès aux soins, la coordination,                                                                                                                

122 Vincent Hazebroucq, « La télémédecine, source de modifications structurelles et organisationnelles du monde de la santé», dans Dominique Carré et Jean-Guy Lacroix (dir.), La santé et les autoroutes de l’information : la greffe informatique, Paris, l’Harmattan, 2001, p.127-146, p. 134.

123 Marc Lemirre, op. cit., p. 79.

124 Philippe Chossegros « Les réseaux de santé, une histoire française », dans Bernard Allemandou et François Vedelago (dir.publ.), « Les réseaux de santé, 20 ans après… », Revue sociologie santé, n°29 (décembre 2008), p. 17-30

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la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en charge sanitaires, notamment de celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires. Ils assurent une prise en charge adaptée aux besoins de la personne tant sur le plan de l’éducation, de la santé, de la prévention, du diagnostic que des soins. Ils peuvent participer à des actions de santé publique. Ils procèdent à des actions d’évaluation afin de garantir la qualité de leurs services et prestations. »125. La loi veut faire converger les deux approches pour faire des réseaux de santé un levier de réorganisation du système de santé français dans une perspective de maillage territorial et de proximité. Le réseau doit décloisonner, agencer plus rationnellement les « éléments » du monde de la santé, et donc entraîner des gains de productivité comme étant une solution évidente à un problème de coordination ou de gouvernance. La télémédecine à domicile s’inscrit dans ce projet de

« réseautification » si l’on se réfère à Dominique Carré et Jean-Guy Lacroix qui identifient quatre dimensions de la modernisation du système de santé : « La mise en réseau des professionnels de la santé avec les assureurs ; celle des établissements hospitaliers entre eux ; celle des établissements hospitaliers avec les cabinets médicaux ; enfin, celles des professionnels de la santé avec leurs patients. »126. Même si la réseautification n’est pas uniquement constituée pour la télémédecine, elle en est la plupart du temps l’ « infrastructure » voire « un facteur incitatif. »127.

Des enjeux importants en résultent. Dans ce contexte d’émergence des échanges des données de santé, il est primordial d’apporter aux patients et aux professionnels de santé des garanties élevées et uniformes en termes de confidentialité et de sécurité des informations de santé personnelles. La sécurité des systèmes d’information doit garantir, au juste niveau requis, la sécurité des informations d’un organisme et des systèmes qui en assurent l’élaboration, le traitement, la transmission ou le stockage. Le menace porte sur le fait que les informations véhiculées à des fins médicales servent finalement à d’autres fins illégales. Les risques de mauvais usages revêtent une grande importance dans un domaine tel que celui de la santé. Cécile Coumau, dans son article percutant « Un milliard d’euros : la sécu vend ses données de santé aux complémentaires »128, parle « d’hypermarché des données de santé. »129. Monique Hérold évoque de son côté le risque de la constitution d’« un casier sanitaire »130. La réseautification implique de nouveaux intermédiaires tels que les entreprises en télécommunications. Et c’est parce qu’il surplombe le marché des TIC que le secteur privé joue un rôle accru à différents niveaux de l’organisation du système de santé. Par ce biais, une autre réflexion                                                                                                                

125Article L6321-1, Code de la santé publique, [En ligne], disponible sur : legifrance.gouv.fr, (consulté le 12 mai 2008).

126 Dominique Carré et Jean Guy Lacroix, «Virage ambulatoire et autoroutes de l’information dans le secteur de la santé », Sciences de la société, n°47 (mai 1999), p. 23-41, p. 25.

127 Jean-Michel Croels, op. cit., p. 26.

128 Cécile Coumau, « Un milliard d’euros : la sécu vend ses données de santé aux complémentaires », medecinews, 10 octobre 2008, p. 1-2, [En ligne], disponible sur : http://www.medecinews.com, (consulté le 6 septembre 2009).

129 Ibid., p. 2.

130 Cf Monique Hérold, « Vers un casier sanitaire ? », débat dans Surfichés, ne vous en fichez plus, Paris, Ligue des Droits de l’Homme, 25 avril 1998.

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associée à la précédente découle de la possibilité d’accorder une plus grande place aux acteurs privés sous couvert d’un nécessaire « partenariat » avec le secteur public qui de son côté « amorce la pompe ». Ce qui n’est pas sans avoir d’impact sur les responsabilités encourues. Dans le cadre de la télémédecine, les intervenants sont plus nombreux que dans une relation médicale traditionnelle limitée aux rapports médecin-patient. La télémédecine s’inscrit en pratique dans le droit des obligations et le droit de la propriété intellectuelle. Elle est un domaine où les droits des patients doivent impérativement être protégés. Habituellement, lorsqu’un patient subit les dommages d’une négligence ou d’une erreur médicale, il peut introduire une action contre son médecin, au civil ou au pénal. Mais, du fait de l’utilisation des TIC, les intervenants se multiplient car le diagnostic est parfois fait sur la base d’une décision collective de l’équipe médicale. La question persiste de savoir qui est responsable : le professionnel de santé pris individuellement ? Le tiers consulté ? Il est donc nécessaire de confronter le cadre juridique français avec les multiples niveaux de responsabilité envisageables afin d’éviter une dissolution de ces dernières : celle du fabriquant du dispositif utilisé, celle du médecin et celle des intermédiaires.

La présentification

La troisième caractéristique concerne la présentification, désignant le fait de porter en présence des informations qui ne sont plus. Les données peuvent rester en mémoire, sans limite de temps, dans l’ordinateur où les informations ont été emmagasinées. Cette possibilité permet aux professionnels de santé d’utiliser les informations en tout temps en fonction de leur besoin. D’où la possibilité d’instaurer des communications asynchrones : « C’est-à-dire que les usagers peuvent consulter les informations de façon autonome sans la présence obligatoire des autres usagers à distance. »131. Cette mise à disponibilité d’informations permet de faire un diagnostic « à la demande». Dans le cas de la télédialyse, le néphrologue peut juger nécessaire de faire remonter à la surface de l’écran des données sur un patient « capturées » dans le « passé » : « Le système Diatélic permet à tout moment, de visualiser l’état de santé d’un patient à un moment X. Les données peuvent être datées du jour même, de la semaine ou du mois précédents. On peut visualiser les évolutions, l’historique… » 132. La présentification laisse ainsi le « présentifié apparaître comme s’il était à nouveau actuel […] Ce comme si et à nouveau. »133. La mise en présence observable des paramètres médicaux découle logiquement des deux dimensions énoncées précédemment. Elle est formatée par la numérisation et permise par la réseautification. C’est un nouveau potentiel dans la pratique médicale puisque la                                                                                                                

131 Hachimi Sanni Yaya et Chiara Raffelini, op. cit., p. 45.

132 Cf. Entretien. Société Diatélic (informaticien).

133 Edmund Husserl et Bruce Begou, De la synthèse passive: logique transcendantale et constitutions originaires, Paris, Million, 1998, p. 56.

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télémédecine devient porteuse d’un « temps médical sans durée ». Jean-Guy Lacroix note également que la technologie informatique se caractérise par cette mise en service potentielle de l’information :

« Cette mise à disposition numérique de l’information sous toutes ses formes (son, image, texte) et de toute sorte (administrative, commerciale, financière, scientifique, artistique, d’actualité...) »134. C’est en fonction de l’information collectée par le système automatisé que le diagnostic s’élabore et non à partir du patient lui-même. Les données captées, stockées, transmises sont « réactualisables » bien que leur contexte d’émergence ait disparu. Par ailleurs, la présentification peut participer à une surveillance des actes médicaux dans le sens d’une évaluation de la « performance-activités (efficiency). »135.

L’interactivité

La quatrième caractéristique des TIC se rapporte au phénomène de l’interactivité. Qu’elles soient communes ou plus spécialisées, les définitions du concept d’interaction comportent l’idée d’une influence entre deux objets. Interaction : « Influence qu’exercent les uns sur les autres des phénomènes, des faits, des objets, des personnes. »136.

Dans le champ informatique, l’interaction a fait son apparition en 1964 à la veille de la création du langage BASIC137. Durant les années qui vont suivre (1968-1973), les trois principes majeurs de l’idéal révolutionnaire s’actualisent en trois traductions informatiques : « la convivialité (user-friendliness) comme traduction du principe de liberté, l’accès universel comme traduction du principe d’égalité, et l’interactivité comme traduction du principe de fraternité, même si cette transformation majeure est déjà implicite dans le travail des cybernéticiens. »138. L’interactivité présente alors l’informatique comme un médium, une machine à communiquer par une

« participation active du bénéficiaire d’une transaction d’information. »139. Le discours d’accompagnement des TIC vend l’interactivité comme une modalité indispensable et suffisante qui couvre un champ immense, allant du moyen de contrôle de l’homme sur un processus technique à la projection d’ « un dialogue multimédiaté »140.

En considérant alors l’interaction comme une « action sociale réciproque »141, nos trois applications                                                                                                                

134 Jean-Guy Lacroix, « Sociologie et transition millénariste: entre l’irraison totalitaire du capitalisme et la possibilité-nécessite de la conscientivite », Cahiers de recherche sociologique, n°30 (1998), p. 79-152, p. 100.

135 David Forest, Le prophétisme communicationnel, Paris, Editions Syllepse, 2004, p. 48.

136 Académie française, [En ligne], disponible sur : http://www.academie-francaise.fr/dictionnaire/, (consulté le 8 juin 2009).

137 Joelle le Marec, « Dialogue interdisciplinaire sur l’interactivité », Communication et langage, vol. 128, n°128 (juin 2001), p. 97-100, p. 106.

138 Thierry Bardini, « Les promesses de la révolution virtuelle : Genèse de l’informatique personnelle, 1968-1973 », Sociologie et sociétés, vol. 32, n° 2 (2000), p. 57-72, p. 59.

139 Pierre Levy, Cyberculture, Paris, Odile Jacob, 1997, p. 99.

140 Marie Després-Lonnet, « Présentation », Communication et langages, vol. 137, n°137 (juin 2003), p. 25-29, p. 28.

141 Harold Garfinkel, « A propos de la structure de l’interaction : la réciprocité des motivations », Réseaux, vol. 8, n° Hors Série n°1 (1990), p. 51-68, p. 52.

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de télémédecine se fédèrent par des interactions « patient - objet technique » et « professionnel de santé - objet technique »142. L’interaction avec les dispositifs de télémédecine est manifeste puisque « la machine peut réagir en fonction des réactions de l’homme »143. Réciproquement, les « réactions » de la technologie portent un effet sur les actions humaines, tout en étant formatées et déterminées par ces dernières : « Dans la mesure où la perception du sujet percevant est modifiée par l’attente d’une réciprocité, il y a interaction sociale [...] C’est la réciprocité, la conduite en retour, qui donne aux conduites à l’égard d’autrui leur caractère d’interaction, non le fait qu’elles soient sociales. »144. L’enjeu sera d’apprécier les modifications des conditions de l’interaction en consultation à distance par rapport à une consultation en face-à-face via le médium technique, ainsi que les modalités interactionnelles entre l’interactant humain et l’objet technique. Il sera également question de saisir en quoi l’injonction à l’interactivité suppose que les usagers soient « actifs » dans le processus de soins, devant acquérir un minimum de compétences pour utiliser les dispositifs de télémédecine.

La programmation et la simulation

La cinquième caractéristique des TIC se matérialise dans la programmation. D’une façon générale un programme sert à : « Transformer un problème vivant et concret en une suite de procédures logiques et abstraites formulées de telle sorte qu’une machine effectuant un nombre d’opérations logiques puisse les traiter sans erreur et sans incertitude. »145. Reposant sur un effort préalable de normalisation du traitement et de formalisation des données, la programmation permet d’appliquer une procédure comme la création d’alertes : « Le système intelligent de Diatélic analyse les données reçues et prévient les médecins en cas d’anomalies ou de risques d’aggravations de la santé du patient qui est à son domicile. Le système est basé sur un modèle Markovien. Le principe est simple puisque le modèle fournit au médecin un diagnostic sous la forme de probabilités sur les possibles états de santé du malade. Le module est organisé autour d’un modèle dont les états représentent les conditions pathologiques du dialysé. L’état du patient sera évalué par sa probabilité d’appartenance à chacune de ces situations. Nous avons un modèle à cinq états, centré sur une situation idéale du patient. Autour de cette situation idéale, il y a des variations réparties sur deux axes : l’hydratation et la qualité du réglage du poids-sec […] Les cinq états sont donc normal, déshydraté, hyperhydraté, poids-sec trop haut, et poids-sec trop bas. »146.

Dans ce sens, la programmation peut ouvrir la voie à un accroissement et à un approfondissement                                                                                                                

142 Le projet « Altermed » rajoute quant à lui une situation interactionnelle « inter-humaine ». En effet, le patient peut avoir une interaction verbale à distance avec un professionnel de santé.

143 David Forest, op. cit., p. 57.

144 Germaine De Montmollin, L’influence sociale. Phénomènes, facteurs et théories, Paris, PUF, 1977, p. 20-21.

145 Philippe Breton, Une histoire de l’informatique, Paris, Seuil, 1990, p.179.

146 Cf. Entretien. Société Diatélic (directeur).

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toujours plus important des formes d’automatisation et de standardisation147. Un des enjeux serait celui de la déresponsabilisation, du désengagement intellectuel dans l’acte de diagnostic. Les systèmes d’aide à la décision sont un système informatique conçu pour faciliter la prise de décision à plusieurs niveaux : analyse des données, identification du problème, prise de décision proprement dite. Il y a donc substitution d’une partie de l’action du médecin par celle de la technologie. Les systèmes experts utilisés dans le cas de la télédialyse et de la télécardiologie sont des programmes conçus pour raisonner habilement à propos de tâches dont on pense qu’elles requièrent une expertise humaine considérable.

Complémentaire à la programmation et à la numérisation, la simulation est l’opération qui formalise une « représentation modélisée, figurée d’un phénomène »148 qui permet de réduire les « parties fondamentales »149 du corps humain et de sa pathologie en « symboles qui servent à reproduire le comportement de ces parties. »150. Il s’agit d’imiter le processus intellectuel de construction d’un diagnostic par la représentation de ses phénomènes complexes, couplée elle-même au traitement automatisé des données. Mais la simulation n’est finalement pas « décrochée » du raisonnement traditionnel en médecine. Simuler n’est pas l’équivalent du fonctionnement du monde, mais une image d’un certain nombre de nos propres idées concernant la façon dont le monde fonctionne151. En effet, les systèmes se basent sur des occurrences moyennes d’un certain type d’événement basé sur des occurrences individuelles. Les événements cliniques sont ainsi des variables aléatoires qui arrivent avec une certaine probabilité. L’enjeu de la simulation peut également représenter un mode de gestion basé globalement sur de la prévision puisque la télémédecine à domicile doit permettre

Complémentaire à la programmation et à la numérisation, la simulation est l’opération qui formalise une « représentation modélisée, figurée d’un phénomène »148 qui permet de réduire les « parties fondamentales »149 du corps humain et de sa pathologie en « symboles qui servent à reproduire le comportement de ces parties. »150. Il s’agit d’imiter le processus intellectuel de construction d’un diagnostic par la représentation de ses phénomènes complexes, couplée elle-même au traitement automatisé des données. Mais la simulation n’est finalement pas « décrochée » du raisonnement traditionnel en médecine. Simuler n’est pas l’équivalent du fonctionnement du monde, mais une image d’un certain nombre de nos propres idées concernant la façon dont le monde fonctionne151. En effet, les systèmes se basent sur des occurrences moyennes d’un certain type d’événement basé sur des occurrences individuelles. Les événements cliniques sont ainsi des variables aléatoires qui arrivent avec une certaine probabilité. L’enjeu de la simulation peut également représenter un mode de gestion basé globalement sur de la prévision puisque la télémédecine à domicile doit permettre