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Section 2. Quantification de la télémédecine en France

2.1 La double fonction

Le reflet du monde

Quantifier permet de « chiffrer, de donner une quantité »296. C’est un point de repère indispensable pour évaluer l’ampleur du sujet étudié. François Dagognet met d’ailleurs l’accent sur ce que l’on pourrait nommer les propriétés formelles de la quantification. Elle réalise trois prouesses qu’il y a tout lieu de priser : « un pouvoir fédératif et heuristique […] Elle permet que nous nous emparions de l’insaisissable […] Favorise la révélation du réel. »297. Mesurer permet de remplir une fonction de communication par ses critères de rigueur et d’objectivité. En plus de disposer de la quotité de la télémédecine dans un système plus large, il est aussi possible d’établir des relations comparatives ; ce ne serait pas uniquement « se livrer à un calcul : ce serait, simultanément et de façon tout aussi déterminante, respecter un engagement moral en faveur de la recherche d’un accord. »298. Le second niveau de cette « mathématisation du réel »299 concerne l’évolution en nombre de ses applications ainsi que l’analyse du marché. Cette quantification se veut être un signe d’objectivité, de clarté, de rigueur et d’impartialité, sans être une simple réduction numérale qui aurait l’ambition de jouir de la                                                                                                                

295 Philippe Roqueplo, « Les avatars de la communication du fait de la technique », dans Lucien Sfez et Gilles Coutlée (dir.), Technologie et symbolique de la communication, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1990, p. 402-435, p. 415.

296 Dictionnaire de la Langue Française, [En ligne], disponible sur : http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/, (consulté le 9 janvier 2008).

297 François Dagognet, Réflexions sur la mesure, Fougères, Encre Marine, 1993, p. 166.

298 Albert Ogien, « La volonté de quantifier. Conceptions de la mesure de l’activité médicale », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 55, n°2 (mars-avril 2000), p. 283-312, p. 285.

299 Giorgio Israël, La mathématisation du réel : essai sur la modélisation mathématique, Paris, Le Seuil, 1996.

78   totale maîtrise de notre objet.

La transformation du monde

La quantification ne se réduit pas à la mesure ce qui existe déjà au préalable. Bien au contraire, il s’agit de la construction de conventions d’équivalence, impliquant des négociations, des compromis, des traductions, des codages et des calculs conduisant à la mise en nombre. Quantifier c’est donc plus qu’enregistrer le monde, c’est le produire, c’est agir sur lui pour reprendre une des « idées phares » d’Alain Desrosières300. Le passage de l’équivalence à la mesure de la télémédecine permet de la réifier. Par l’affirmation de son existence, elle devient une « réalité » : « Une fois les procédures de quantification codifiées et routinisées, leurs produits sont réifiés. Ils tendent à devenir la réalité, par un effet de cliquet irréversible. »301. A partir de là, les acteurs sociaux peuvent orienter ou justifier leurs actions, comme le montrent par exemple les nombreux indicateurs qui rythment la vie sociale :

« Postuler et construire un espace d’équivalence permettant la quantification, et donc la mesure, est un acte tout à la fois politique et technique. »302. Il s’agit d’un élément crucial de l’activité de gouvernement parce que la production administrative de chiffres préfigure une utilité pour l’exercice du pouvoir : « En la tenant pour une construction visant à justifier, sous couvert d’une description numérique censée impartiale, une certaine orientation donnée à un processus de décision. »303. La volonté de quantification des pratiques de télémédecine est assez récente (14 ans seulement). Cela traduit le nouveau modèle de gouvernement qui tend actuellement à s’imposer, au niveau des Etats comme à celui des relations internationales. La légitimité du raisonnement gestionnaire repose sur l’étroitesse du rapport qu’il entretient avec la mesure. L’usage du verbe quantifier, se scandant en deux moments, « convenir et mesurer »304, attire l’attention sur la dimension socialement et cognitivement créatrice de cette activité. Celle-ci ne fournit pas seulement un reflet du monde (point de vue méthodologique) mais elle le transforme en le reconfigurant autrement car « l’objet quantifié est comme naturalisé. »305. La difficulté est sans doute de contextualiser ces formes quantifiées sans pour autant anéantir leur force sociale de point de repère et d’appui argumentatif solide.

                                                                                                               

300 Alain Desrosières, Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique. 1, Paris, Presses de l’école des Mines, 2008, p. 12.

301 Ibid., p. 13.

302 Ibidem.

303 Albert Ogien, op.cit., p. 285.

304 Alain Desrosières, op. cit., p. 11.

305 Ibid.,p. 12.

79   2.2 Cartographies des applications de télémédecine

Le recensement : un préalable à l’action publique

Le début de cette recherche s’est traduit par une volonté d’élaborer un recensement exhaustif des applications de télémédecine à domicile afin de connaître l’état de l’art, technique et fonctionnel ainsi que leur degré de couverture territoriale. Mais face à l’éclatement de l’offre technologique, le nombre important de promoteurs, la rapide évolution des technologies, la multiplicité des pratiques potentielles, l’abandon de certaines applications et le caractère exploratoire de plusieurs projets, le pari semblait difficile voire perdu d’avance. Nous avons, en conséquence, repris celles effectuées à l’initiative du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, puis par le Ministère de la Santé de la Famille et des Personnes Handicapées sous plusieurs générations (1996, 2000, 2004 et 2007).

En 1996, la DHOS réalisait la première cartographie des applications de télémédecine en France, assistée d’une société privée et d’un comité de pilotage composé de représentants d’ARH et de fédérations hospitalières306.Ce recensement a succédé aux trois ordonnances de 1996 dites « Juppé », considérées comme l’étape initiale ayant marqué la constitution des réseaux de santé en France. En posant le principe de ces modes coopératifs de soins, contenant une série de mesures visant à perfectionner l’ensemble du système de santé et à contrôler les dépenses, elles organisent les soins en réseaux et en filières307. Sans énumérer toute la prolifération des investigations concernant les TIC appliquées au secteur de la santé, il s’agit plus ici de situer l’environnement dans lequel a émergé cette première cartographie : celui de la promotion-diffusion de dispositifs technico-organisationnels.

C’est plus globalement le contexte de la maîtrise de coûts inhérents au système de santé, et donc admettre que « les objets quantifiés naissent dans des moments de crise. »308.

Les pratiques référencées dans ce premier observatoire devaient utiliser les TIC et permettre des échanges d’informations relatives aux patients. Etaient donc exclus du champ de référence les systèmes d’information hospitaliers dédiés à la seule communication interne et les systèmes fondés sur les échanges par téléphone, fax ou messagerie non sécurisée. Cette cartographie de 1996 a permis de dénombrer 168 applications ou projets de télémédecine, dont 41 en exploitation par l’enquête réalisée dans les établissements publics français309. Suite à ce premier recensement, des orientations nationales ont été arrêtées afin de promouvoir la télémédecine parmi les moyens d’aménagement du territoire et de favoriser ainsi les établissements de proximité. La collecte d’information était un                                                                                                                

306 Pierre Simon et Dominique Acker, op. cit., p. 98

307 Jean-Michel Budet et Françoise Blondel, La réforme de l’hospitalisation publique et privée, les clés de l’ordonnance hospitalière du 24 avril 1996, Paris, Berger-Levrault, 1997.

308Alain Desrosière, op. cit., p. 16.

309 Magalie Contoux et Fabrice Prodhomme, « Etat de l’art et apport de la Télémédecine en Hospitalisation à Domicile », Projet DESS, UTC, 2002, p. 43.

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élément critique pour disposer de données utiles à la décision et par voie de conséquence, orienter la politique de Santé310. Madame Dominique Gillot, alors Secrétaire d’Etat à la Santé et aux Handicapés, précisa que les retombées de cette première cartographie ont permis effectivement de « définir une stratégie nationale et de préciser les orientations du développement de la télémédecine. »311.

En 2000, la refonte de cette cartographie déjà ancienne et ponctuellement mise à jour en 1999 a été décidée. Elle devait être modernisée, évolutive et son champ élargi à tous les aspects de télésanté. Ce second recensement devait mettre à disposition de la collectivité un outil cognitif aux multiples finalités : être un vecteur de communication vers les patients, les citoyens et les structures de soins, être une aide pour les industriels du secteur afin que le marché soit connu et que leur offre soit ainsi mieux ciblée et créer un réseau de connaissance autour de la télémédecine, formant ainsi une véritable communauté virtuelle en France312. La représentation numérique constituait un objet-frontière entre les différents acteurs. Le « mariage » de la carte et des chiffres a en effet la caractéristique d’être suffisamment plastique pour s’adapter aux différents contextes. Il facilite l’échange et la compréhension mutuels et ceci d’autant plus que les champs d’intérêt à l’origine de chacun diffèrent.

La cartographie incarnait également un outil pour les pouvoirs publics pour la réalisation des appels à projets de différents ministères consacrés au développement des TIC dans le domaine sanitaire et social (santé, aménagement du territoire, recherche, industrie, affaires étrangères). Edouard Couty, alors directeur de la DHOS, déclarera en 2000 que « la médecine, et beaucoup plus largement la santé, emprunte en cette fin de siècle les chemins de la modernité tracés par l'utilisation des TIC. »313. Ainsi, pour mieux appréhender le développement de la télémédecine, « un recensement était nécessaire où la notion de territoire renvoie ipso facto à la celle de cartographie. Peut-on mieux décrire des réseaux de télésanté que par une visualisation cartographique ? »314. Il fallait donc connaître dans un premier temps par une enquête nationale, l’état de diffusion des réseaux de télésanté, puis, dans un deuxième temps, représenter cet état dans des modes adaptés à sa promotion et son partage.

Les premières analyses de la base de données, issues de cette deuxième version, ont montré une progression considérable. Le nombre d’établissements en réseaux a triplé : 260 en 1997, 810 en 2000.

Celui des applications a presque doublé : 168 en 1997, 308 en 2000315. Ce développement des réseaux de télémédecine a véritablement été renforcé par un certain nombre d’actions de l’Etat, notamment                                                                                                                

310 Régis Beuscart, op. cit., p. 6.

311 Stéphan Fraisse et al., op. cit., p. 51.

312 Dominique Gillot, « Cartographie des applications de télésanté : télémédecine 2000 », collection des discours publics, Paris, 12 janvier 2001, [En ligne], disponible sur : http://lesdiscours.vie-publique.fr/,(consulté le 8 mars 2007).

313 Edouard Couty, « Cartographie des applications de télésanté », Les dossiers de la santé, [En ligne], disponible sur : http://www.sante.gouv.fr/, (consulté le 9 avril 2007).

314Ibidem.

315 Cartographie des applications de télésanté, [En ligne], disponible sur : http://observatoire-telesante.sante.gouv.fr/, (consulté le 18 mai 2008).

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depuis le lancement du programme d’action gouvernemental pour la société de l’information en 1998 (PAGSI). En 1999, le premier programme national de mise en réseaux des maternités dit projet

« Périn@t », a été réalisé avec un double objectif de santé publique et d’aménagement du territoire.

Financé par la DATAR à hauteur de 20 millions de francs, il a permis la mise en réseau de plus de 400 maternités. Sans oublier l’appel à projets e.s@nté 2000 qui a financé 35 projets de réseaux, soit 95 établissements, pour un montant de 10 millions de francs316. Incontournable est de citer également l’ « acteur historique de la télétransmission », le Réseau santé social (RSS), sorte d’ « intranet officiel » du monde socio-sanitaire en France, qui a été concédé le 16 mars 1998317. Un certain nombre d’expérimentations ont alors été tentées à partir de ces années, que les anglo-saxons appellent des « islands ». Ces îlots étaient autant de tentatives sans lien les unes avec les autres.

Toujours autour de cette volonté de recensement, la Ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, Claudie Haignere, commanditera en 2003 un rapport sur l’état des lieux des pratiques de télémédecine. Il fallait « mettre en valeur les pratiques existantes, évaluer leur efficience et examiner leurs possibles développements. »318. L’enjeu était de contribuer à la préparation de l’action du gouvernement en faveur du développement de la télémédecine, considérée à la fois comme un vecteur du progrès médical et comme un vecteur d’appropriation par le public des technologies de l’Internet et de la micro-informatique, nécessaire pour progresser vers la Société de l’information et vers l’industrie européenne de la connaissance319. L’objectif de ce rapport était peut-être de décrire la réalité, mais surtout de « déterminer un ensemble de règles qu’il faut imposer à la réalité pour la façonner selon certains objectifs. »320.

Au vu de la croissance des applications de télémédecine impulsées par l’Etat, et pour justifier la troisième version de cartographie, Jean François Mattéi, Ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, dira que : « Le champ sanitaire et social, tout comme l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, la recherche, la culture n’a pas échappé aux profondes mutations de la société de l’information et a tout naturellement emprunté la voie de la modernité représentée par l’utilisation des TIC. »321. Dans ce sens, la quantification de la télémédecine devient la preuve son existence et sert simultanément à un usage argumentatif. En prenant appui sur les résultats des cartographies, il s’agit à la fois de la rendre « réelle » tout en la considérant comme un agent de transformation de la réalité. La troisième version se devra d’être un « véritable outil d’aide à                                                                                                                

316 Hélène Faure, op. cit., p. 4.

317 Pierre Maret et Chirine Ghédira, « Dossiers numériques confidentiels et répartis », Document numérique, vol. 6, n°2 (2002), p. 47-59, p. 54.

318 Vincent Hazebroucq, « Rapport sur l’état des lieux en 2003 de la télémédecine française », Rapport au Ministère délégué à la recherche et aux nouvelles technologies, 2003, p. 2.

319 Ibid., p. 3.

320 Giorgio Israel, La mathématisation du réel, Paris, Seuil, 1984, p. 87.

321 Jean-François Mattéi, « Préface à l’observatoire de télésanté », [En ligne], disponible sur : http://www.observatoire-telesante.sante.gouv.fr/, (consulté le 9 octobre 2008).

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l’organisation des soins et à la recomposition hospitalière. »322.

Les enjeux de ces cartographies résultent bien plus d’une activité stratégique pour satisfaire des impératifs de réformes que les responsables des pouvoirs publics sont seuls en position de définir, que d’être des opérations établissant un univers communication et d’échange partagé de connaissances sur la télémédecine. A la question de savoir si la description numérique est une mise en équivalence conduisant à faciliter un « débat argumenté », nous serions tenté de répondre par la négative.

L’analyse en détails de la dernière actualisation des données, datée du 23 août 2007, va être l’objet de ce qui suit.

Analyse des données par thématique et stade de développement

Un premier constat s’est imposé au niveau de la nature des activités de télémédecine ; la téléconsultation représente la part la plus importante (30%), loin devant celle de télésurveillance (2%).323. Il est inapproprié d’envisager la télémédecine à domicile comme un axe de développement ayant marqué la dernière décennie.

Le rapport sur l’état des lieux de la télémédecine en France stipule que la principale application est celle de la visioconférence par l’échange d’avis entre professionnels de santé, souvent intriquée avec de la formation continue, notamment pour le suivi des grossesses et la médecine périnatale. Plusieurs CHRU ont mis en place de telles visioréunions (Lille, Toulouse). Ensuite, les applications de téléexpertise et de télédiagnostic d’images médicales ou de signaux physiologiques divers servent surtout en France à obtenir un second avis ou un conseil de prise en charge, plutôt qu’un véritable télédiagnostic.

Sa mise en application s’est essentiellement réalisée sous l’impulsion de grands centres hospitaliers régionaux, principalement autour de programmes de téléexpertise, prenant appui sur les transferts d’images médicales et sur des équipements en visioconférence. Elle est donc largement restée dans un périmètre hospitalier et inter-hospitalier, facilitant ainsi la maîtrise des risques juridiques potentiels, en les cernant par la seule responsabilité administrative des établissements publics. Les services de téléassistance médicale, quant à eux, sont encore peu nombreux en France, puisque l’Ordre des médecins réprouvait les consultations individuelles par téléphone et sur Internet.

Les seules applications de télésurveillance médicale menées concernaient les enregistrements avec transmissions du rythme cardiaque fœtal, des contractions utérines et des mouvements du bébé chez les femmes enceintes ; l’oxygénothérapie à domicile des insuffisants respiratoires et la surveillance de

                                                                                                               

322 Ibidem.

323 Cf. Annexe. Tableau n°1.

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l’électrocardiogramme pour l’analyse d’anomalies intermittentes324.

Même constat à l’international, très peu de projets de téléassistance médicalisée visant l’autonomie des personnes malades dans leur milieu de vie ont été réalisés au Québec durant les années quatre-vingt-dix. L’un des seuls exemples de téléassistance médicalisée observé durant cette période est celui de TéléMédisys, une entreprise privée ayant développé et commercialisé, de 1995 à 1999, un système de télémonitoring cardiaque325. En France, ce sera une équipe de recherche du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble qui a réalisé un projet pilote de téléassistance médicalisée (Téléger), au milieu des années quatre-vingt-dix, avec pour objectif de sécuriser le milieu de vie des personnes âgées en perte d’autonomie, que ce soit l’hôpital ou la maison, grâce à la mise en place d’un système informatique expert relié à une caméra et à des détecteurs de mouvements et de sons. Lorsque le système constatait une situation à risque, comme une chute ou un cri, il devait envoyer un message d’alarme à un centre d’assistance où le personnel en place communiquait aussitôt par téléphone avec la personne âgée pour vérifier la situation326. En définitive, la télémédecine à domicile a été plutôt marginale en termes de développements concrets.

Deuxième constat, le nombre total d’établissements en réseaux a connu depuis 2000 une sensible baisse passant de 810 à 703327. Si en 4 ans (1996-2000) les pratiques ont presque doublé, intimement liées aux politiques mises en place, en 7 ans (2000-2007) elles ont diminué d’environ 15%. Cette sensible chute peut tenir au fait d’un défaut de complétude et de mise à jour régulière de la base de données. Mais aussi, l’essentiel des applications répertoriées dans les cartographies se trouvait dans les 2 et 3ème phases de leur cycle de vie. Elles visaient strictement à « déterminer la faisabilité technique des TIC appliquées à la santé »328 et, ce, aux dépens de l’analyse des besoins des populations et des professionnels de santé. Ce qui explique, en partie, l’absence de percée significative de la télémédecine. En privilégiant la technologie et le marché aux dépens de l’évaluation des nécessités et des avantages en santé publique, de nombreux projets n’ont jamais véritablement décollé.

Au demeurant, la faible pénétration des projets de la télémédecine dans le quotidien des médecins tiendrait majoritairement à la discontinuité dans leur financement. La diffusion de la télémédecine exige un engagement à long terme de la part des institutions qui les financent, ce qui n’est pas le cas                                                                                                                

324 Vincent Hazebroucq, op. cit., p. 10-20.

325 Marc Lemire, Eric Chapalain et Jean-Guy Lacroix, « Une initiative privée de télémonitoring : TéléMédisys », dans Dominique Carré et Jean Guy Lacroix (dir.), op. cit., p. 175-188.

326 Vincent Rialle, Technologie et Alzheimer. Appréciation de la faisabilité de la mise en place de technologies innovantes pour assister les aidants familiaux et pallier les pathologies de type Alzheimer, Thèse de Doctorat en Ethique médicale et biologie, Université René Descartes, Paris 5, 2007, p. 34.

327 Cartographie des applications de télésanté, [En ligne], disponible sur : http://observatoire-telesante.sante.gouv.fr., (consulté le 18 mai 2008).

328 Catherine Suarez, « La télémédecine, quelle légitimité d’une innovation radicale pour les professionnels de santé », Revue de l’IRES, vol. 2, n°39 (mai 2002), p. 2-29, p. 24.

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actuellement, ni en France, ni à l’échelle européenne. L’assurance d’un financement permettant la pérennité des projets semble être une des conditions essentielles au succès des programmes de télémédecine. Le développement des pratiques de télémédecine mises en place à la fin des années quatre-vingt-dix (17% en 1999) et au début du 21e siècle (24 % en 2001)329, après l’investissement important des Pouvoirs publics au début des années 2000, est donc fortement dépendant de l’attribution de subventions et de financements publics ou privés.

On souligne aussi le découragement des « leaders » positionnés sur des projets : « Une lassitude des acteurs pionniers qui estiment porter leurs applications à « bout de bras » depuis plusieurs années, souvent bénévolement. Ces applications peuvent donc s’arrêter du jour au lendemain si des financements spécifiques au « temps télémédecine » ne sont pas reconnus rapidement. Cet épuisement est peut être une des raisons de l’abandon ou du non développement d’un grand nombre d’applications qui furent recensées en 2001 dans l’observatoire du Ministère de la santé. »330.

Jusqu’ici les expériences de télémédecine recensées étaient trompeuses quant à la réalité de l’usage qui était fait. La vision enchantée, omniprésente dans les discours et qui prête à tous les fantasmes sur

Jusqu’ici les expériences de télémédecine recensées étaient trompeuses quant à la réalité de l’usage qui était fait. La vision enchantée, omniprésente dans les discours et qui prête à tous les fantasmes sur