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La télémédecine via les premiers outils de télécommunications

Chapitre 2. Etat des lieux de la télémédecine

1.2 La télémédecine via les premiers outils de télécommunications

La médecine « télégraphique »

Au fil des siècles, certains rêves demeurent bien ancrés dans les esprits192. Parmi ces rêves, on retrouve celui qui consiste à créer un nouvel outil capable de prendre le relais des moyens traditionnels de communication en les optimisant vers « l’instant présent, l’instant Roi »193. Un rêve perpétuel, incessant, que Armand Mattelard identifie depuis l’invention du télégraphe jusqu’à celui des autoroutes de l’information : « Traversant les âges de la vapeur, de l’électricité, des ondes, de l’image animée et de la télématique, cette même idée n’a cessé de se renouveler au gré des générations techniques. »194. D’ailleurs, à ses yeux, les autoroutes de l’information réincarnent de vieux projets technologiques mis sur papier par des inventeurs d’une autre époque. Ces projets, souvent utopiques, continuent de nourrir l’imaginaire de ceux qui ont conçu, planifié et organisé le développement de ces nouveaux réseaux : « L’histoire humaine toute entière paraît se concentrer dans une lutte infinie contre la distance. Boussole, sextant, horloges, diligences, machines à vapeur, télégraphe, moteur à explosion, téléphone, automobile, avion, fax, Internet… Chaque génération

                                                                                                               

191 Bernard Convert et Lise Demailly, op. cit., p. 242.

192 Philippe Breton, « L’esprit et la matière. Bref plaidoyer pour une sociologie amontiste des techniques », dans Jacques Prades (dir.), La Technoscience. Les fractures des discours, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 45-51.

193Jean Ollivro, Quand la vitesse change le monde, Paris, Editions Apogée, 2008, p. 208.

194Armand Mattelard, « Nouvelles utopies, Grandes inquiétudes. Une éternelle promesse : les paradis de la communication », Le Monde diplomatique, novembre 1995, p. 4-5, p. 4.

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réduit les distances en ayant l’impression de les supprimer. » 195.

C’est à la fin de la Révolution française que le premier véritable réseau de télécommunication fut créé. Le télégraphe optique, présenté par Chappe en 1792, permettra de relier Paris et Lille grâce à un réseau de sémaphores véhiculant des messages codés de proche en proche. L’Etat moderne incarnait le rôle d’agent social prêt à prendre en charge la mise en place d’infrastructures permanentes. Le télégraphe s’inscrivait dans l’époque de la révolution dont l’idéologie était de forcer « l’unité nationale en créant des divisions reposant sur une égalité spatiale ou démographique. »196. Il s’immergeait dans cette dynamique de « cohérence spatiale », participant à l’aménagement de l’espace national. La nouvelle « temporalité télégraphique », permettant une diffusion presque instantanée de l’information, traduisait aussi la révolution du temps qui devait mettre fin à l’arbitraire métrologique. En effet, l’Etat-nation avait besoin pour garantir sa cohérence et son uniformité d’un système de communication rapide197. Le succès du télégraphe est donc intimement lié à son inscription dans la nouvelle grille de lecture de l’espace et du temps apparue sous la Révolution. Les inventions précédentes relevant du même procédé étaient bien souvent considérées comme des curiosités. Ce sera après un demi siècle de service que le télégraphe électrique se substituera en 1837 au télégraphe optique. Une nouvelle technique s’était constituée : l’électricité198. Il eut pour premier usage celui de la sécurité des « routes de fer » dans le but d’éviter les collisions et de réguler le trafic199. Le 1er mars 1850, le gouvernement présenta à l’Assemblée un projet de loi sur la

« correspondance télégraphique privée », même si la crainte d’une perte du monopole d’utilisation par le gouvernement était bien présente200.

En médecine, des essais de communication à distance avec le télégraphe rivalisaient avec la lettre de consultation qui passait par la poste conventionnelle. Certains auteurs y reconnaissent la première phase concrète de la télémédecine : « The growth in telemedicine really began with the development of methods of electronic communication. In the first, analogue communications were used (telegraph, telephone and radio) ; in the second current phase, digitals communications have been employed. »201. Le contexte est aussi celui de la révolution des transports, avec l’accélération de la vitesse de circulation des informations par la construction des axes routiers et la création par Turgot                                                                                                                

195 Emmanuel Vigneron, Distance et santé, Paris, Presses Universitaires de France, 2001, p. 11.

196 Patrice Flichy, Histoire de la communication moderne. Espace public et vie privée, Paris, La Découverte, 1991, p. 22.

197 René Rebuffat, « Végèce et le télégraphe Chappe », Mélanges de l’Ecole française de Rome, vol. 90, n°2 (1978), p. 829-861, p. 849.

198 Maurice Ponte, « Ampère et le télégraphe électrique. Réflexions sur les conceptions d’Ampère relatives aux conséquences économiques et sociales de la découverte scientifique et sur les délais qui séparent celle-ci de ses applications », Revue d’histoire des sciences, Tome 30, n°4 (1977), p. 289-302.

199 James Foreman-Peck, « L’Etat et le développement du réseau de télécommunications en Europe à ses débuts », Histoire, économie et société, vol. 8, n°3 (1989), p. 383-402.

200 Louis Cahen, « La télégraphie électrique des origines au début du XXe siècle », Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, Tome 1, n°2, 1947, p. 131-16, p. 143.

201 Olga Ferrer-Roca et Marcello Sosa-Ludicissa, op. cit., p. 2.

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de la Régie des diligences202. La quête de vitesse est même apparente au sein de la pratique médicale.

Au même moment, le « diagnostic éclair »203 deviendra une sorte de mode, notamment dans la Vienne du XIXe siècle, dans le sens où la rapidité de la consultation devient une fin en soi, un exercice gratifiant de compétence.

Dans ce contexte historique spécifique, le télégraphe devient un outil qui améliore la collaboration et le partage des connaissances entre médecins, que l’on désigne aujourd’hui par les termes de téléformation ou de téléstaff : « With new communications technology, the telegraph in 1844, patients were able to summon physicians quickly and inexpensively, further shortening the time constraint on healthcare. In addition, physicians could now easily confer with one another, facilitating collaboration and expanding their mutual knowledge base, there by improving care and the quality of life. »204. Il fut également abondamment employé pendant la Guerre civile américaine pour envoyer des listes de commandes et des instructions aux contingents militaires. Des listes de victimes ou de blessés, transmises par le télégraphe, auraient impliqué des consultations médicales :

« This expansion began in the Unites States with the inauguration of intercity public telegraph services between Washington and Baltimore in 1844. During the Civil War, the military ordered medical supplies and transmitted casualty lists by telegraph, and it seems probable that somes uses of the telegraph in its early decades involved medical consultations. »205. Les applications évoquées sont majoritairement des échanges B2B de « professionnels à professionnels » dans le cadre restreint d’une « télémédecine militaire ». Pour autant, d’autres pratiques sont relatées. Tel est le cas de son utilisation citée pour la transmission des clichés dentaires206. Certaines applications persisteront également dans certains territoires à grandes disparités géographiques. En 1917, John Joseph Holland, dans son article « Traitement by telegraph » décrira que le télégraphe a été utilisé pour charger un fonctionnaire postal d’effectuer une cystostomie sur un patient souffrant de graves lésions du bassin dans une région inaccessible du nord-ouest de l’Australie207. Un peu plus tôt, le 20 novembre 1888, le New York Times publiera un éditorial sur l’usage « dérivé » du télégraphe à des fins médicales par une téléconsultation établie entre Londres et Victoria208.

Bien que les pratiques médicales mobilisant le télégraphe furent à maints égards exceptionnelles, l’intérêt d’analyser l’objet technique réside davantage dans la mise en exergue de «                                                                                                                

202 GuyArbellot, « La grande mutation des routes de France au XVIIIe siècle », Annales. Economies, Sociétés, Civilisations, vol. 28, n°3 (mai-juin1973), p. 765-791.

203 Fielding Hudson Garrison, An Introduction to the History of Medicine, Philadelphia and London, Saunders, 1929, p.

432.

204 Claudio Cipolat et Michael Geiges, « The history of telemedicine », dans Guenter Burg (dir.), Telemedicine and Teledermatology, Zürich, Karger, 2003, p. 6–11, p. 6.Claudio Cipolat et Michael Geiges, op. cit., p. 6.

205 Karen Zundel, op. cit., p. 72.

206 Olga Ferrer-Roca et Marcello Sosa-Ludicissa, op. cit., p. 3.

207Ibidem.

208 Cf. Annexe. Figure n° 2.

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matrices » exacerbés aujourd’hui dans la télémédecine dite « moderne » : quête incessante de vitesse, d’immédiateté, d’aménagement du territoire par les « réseaux invisibles », de processus d’objectivisation du corps…

La méthode épistolaire a sans doute inauguré la première pratique de téléconsultation depuis le domicile du patient, l’invention du télégraphe, quant à elle, consacre les prémices de la télécardiologie par l’extériorisation et le transit de données biologiques.

Les premiers pas de la télécardiologie

Courant est de faire coïncider l’arrivée du télégraphe avec l’exorde de la télécardiologie : « Before, the electrocardiograph was not transportable. In order to record electrocardiograms from hospital patients, it was necessary to use telegraph wires. »209. C’est la consécration pour l’homme occidental de l’extériorisation de ses paramètres physiologiques. Mais cette « sortie de corps » ne peut se comprendre uniquement par l’émergence de la télégraphie qui est admise, bien que de première importance, comme « un événement totalement étranger à la médecine et l’électrophysiologie. »210. Initialement, il a fallu spécifier un contenu et émettre la possibilité de l’extérioriser. L’identification et la méthodologie d’« extraction » de la production électrique du cœur sont à indiquer avant de qualifier sa « rencontre » avec le télégraphe. Cela nécessite le recours à des données issues à la fois de l’histoire de la cardiologie et de l’électrophysiologie. En effet, une distinction s’opère entre : « La cardiologie interventionnelle, qui traite vulgairement des problèmes de « tuyauterie » et ce que l’on nomme la rythmologie qui s’intéresse, en gros, aux problèmes électriques du cœur, regroupant l’électrophysiologie et la stimulation cardiaque. »211. Il faut saisir la constitution de ces deux champs, entre « plomberie du cœur » et « électricité du cœur ».

La circulation proprement dite est assurée par le cœur qui a pour rôle de pomper et de distribuer le sang, en assurant un échange régulier entre la petite et la grande circulation. La « régularité de ces échanges est commandée par un stimulus électrique qui peut être observé en mesurant les différences de potentiel de plusieurs électrodes à la surface du corps. »212. L’interprétation de ces différences de potentiel relève du domaine de l’électrocardiographie. Le corps humain étant électriquement conducteur, les potentiels d’actions générés lors de l’activité électrique cardiaque peuvent être recueillis par des électrodes placées sur la peau. L’enregistrement de cette activité électrique du cœur est désigné par le terme d’électrocardiogramme (ECG). Pour résumer, c’est une « une projection                                                                                                                

209 George Edward Burch et Nicholas De Pasquale, A history of electrocardiography, San Francisco, Reprint, 1990, p. 42.

210 Alain Bardou, « Eléments d’électrophysiologie », dans Philippe Tracqui et Jacques de Mongeot (dir.), Eléments de biologie à l’usage d’autres disciplines. De la structure aux fonctions, Grenoble, EDP Sciences, 2003, p. 207-227, p. 207.

211 Cf. Entretien. Professionnel de santé (cardiologue clinique Saint-Laurent).

212 François Portet, Pilotage d’algorithmes pour la reconnaissance en ligne d’arythmies cardiaques, Thèse de doctorat en Informatique, Université de Rennes 1, Rennes, 2005, p. 15.

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graphique archivée » de la surface de l’action électrique du cœur par des électrodes reliées à l’électrocardiographe qui amplifie ces signaux électriques. En définitive, il est essentiel d’analyser la construction de la notion d’ECG, comme tracé de l’activité électrique dans le cœur, afin de saisir sa liaison avec le télégraphe.

Pendant que se mettent en place au cours du tournant du XVIIe et du XIXe siècle, les réseaux de communication, l’électricité s’est constituée en une nouvelle technique. Jusqu’au premier tiers du XVIIIe siècle, les phénomènes électriques n’étaient qu’une simple curiosité. Depuis l’Antiquité, ils étaient reliés aux phénomènes naturels et au vivant, comme les éclairs et la décharge du poisson torpille. Les Grecs anciens utilisaient cette torpédo marmorata pour traiter les douleurs, les maux de têtes et les douleurs de l’accouchement213. Mais le rôle fondamental des nerfs en tant que composant biologique spécifique, et de l’électricité comme véhicule de l’information dans ce processus, ne date pas de la nuit des temps. Toutefois, on savait grâce à Galien (IIe siècle av. J.-C), que les mouvements étaient commandés par les nerfs qui, en se basant sur l’observation du comportement de gladiateurs blessés, fut le premier a mettre en évidence la différence entre les nerfs moteurs et les nerfs sensitifs, en les considérant comme « de petits tuyaux dans lesquels circulait une substance infiniment ténue […] qui résultait de faction du cerveau, dont le rôle aurait été de transformer les esprits vitaux générés par le cœur et transportés par le sang. »214. Suivant cette théorie, la conscience était considérée comme répartie, avant d’être, plus tard, par René Descartes, localisée dans le cerveau. La mise en évidence de l’intervention de phénomènes électriques dans ce processus, dans cette rencontre entre physique et biologie, allait bouleverser profondément les conceptions de l’époque.

Autour de 1730, Petrus van Musschenbroek à Leyde aux Pays-Bas et Ewald Kleist en Poméranie, trouvent un dispositif pour emmagasiner l’électricité. La « bouteille de Leyde » sera l’instrument de base d’expériences scientifiques « amusantes » effectuées dans les cabinets de physique215. Cette époque est caractérisée par la « non-distinction » concrète entre la science et technique. Les savants vont à la fois envisager l’hypothèse d’un lien entre énergie vitale et fluide électrique. Ainsi, l’électricité sera utilisée à des fins médicales, où par exemple, l’abbé Nollet va se demander, en 1746, si la secousse électrique peut « ressusciter le mouvement plus ou moins interdit dans une partie malade. »216. Mais les premiers dispositifs de mesures électrophysiologiques sont classiquement attribués à l’école italienne.

En 1756, les premiers effets physiologiques directs de l’électricité ont été mis en évidence par Léopoldo Caldani qui démontra que la décharge d’une bouteille de Leyde induisait l’excitation d’un                                                                                                                

213 Alain Bardou, op. cit., p. 209.

214 Alain Faure, Cybernétique des réseaux neuronaux : commande et perception, Paris, Hermes Sciences, 1998, p. 11.

215 Patrice Flichy, op. cit., p. 49.

216 Uri Zelbstein, « Médecine et électricité. Histoire collatérale de la médecine et de l’électricité au Siècle des Lumières », Culture Technique, n°15 (novembre 1985), p. 294-302, p. 297.

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nerf ou d’un muscle isolé217. En 1842, Carlo Matteucci mettra en évidence l’existence d’un courant électrique de contraction au niveau de toutes les masses musculaires, dont le cœur218. Parallèlement, jusqu’au début du XIXe siècle, la cardiologie, en tant que branche scientifique de la médecine était pour ainsi dire très « rudimentaire » et le diagnostic des maladies du cœur n’était encore possible qu’à l’ouverture du cadavre. Le cœur était bien souvent reconnu comme un organe ne souffrant pas de pathologies particulières. De nombreux médecins partageaient le vieux préjugé de Pline cité par Mirko Drazen Grmek et Alain Rousseau : « De tous les viscères, seul le cœur n’est pas altéré par les maladies et ne prolonge pas les souffrances de la vie »219. Tout au long du XVIIIe siècle, les cliniciens français, anglais, italiens et allemands se sont efforcés, presqu’en vain, d’établir une sémiologie des maladies du cœur basée sur cinq groupes de symptômes (modification du pouls, dyspnée, cyanose, œdèmes et palpitations)220. Une étape fut franchie lorsque Corvisart déclara en 1806 que « les maladies organiques les plus fréquentes, la phtisie pulmonaire exceptée, sont celles du cœur. »221. Ce passage traduit la jonction de la nouvelle médecine clinique comme une « médecine des signes » à l’anatomie pathologique, à travers laquelle Corvisart préconisera le constat obligatoire des signes extérieurs de la défaillance cardiaque et son explication par l’analyse mécanique des facteurs cardio-vasculaires. A partir de la première moitié du XIXe siècle, les cliniciens ont donc acquis le souci du fait scientifique absolu. Jules Marey (1830-1904), médecin français, pionnier, dans l’exploration du système cardiovasculaire, allait, en précurseur, inventer un petit appareil capable d’enregistrer les pulsations du cœur et les transcrire sous forme d’un graphique sur un papier déroulant. Etudiant en médecine, il fit la connaissance de Jean Müller, qui en 1841, lui remit le travail de Matteuci « Essai sur le phénomène électrique des animaux » paru en 1840 à Paris. Cette circonstance décida de sa carrière222. Attiré à la fois par la physiologie du cœur et par la circulation du sang, Jules Marey voulait

« suspendre toutes ces choses qui se passaient pendant ce temps si court, pas même une seconde, que dure la révolution cardiaque. »223. Il souhaitait reconnaître la succession de tous ces phénomènes et étudier la synchronisation des mouvements du cœur. Mais c’est au Hollandais Willem Einthoven (1860-1927) que revint la paternité de l’électrocardiographe. Après ces importantes découvertes, à la fois au niveau de la physiologie et de la cardiologie, Einthoven a reconnu parallèlement le potentiel du nouveau galvanomètre de Clément Ader en 1897, système d’amplification utilisé pour les lignes                                                                                                                

217 Alain Bardou, op. cit., p. 208.

218 Ibidem.

219 Mirko Drazen Grmek et Alain Rousseau, « L’œuvre cardiologique de Léon Rostan », Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, Tome 19, n°1 (1996), p. 29-52, p. 30.

220 Ibidem.

221 Jean-Nicolas Corvisart des Marets, Essai sur les maladies et les lésions organiques du cœur et des gros vaisseaux, Paris, Mediqualis, 2007 (1ère édition 1806), p. 10.

222 Jean-François Heymans, « Emile du Bois-Reymond », Revue néo-scolastique, vol. 4, n°13 (1897), p. 80-84, p. 84.

223 Martine Franzin-Garrec, « L’électrocardiogramme ou l’enregistreur du cœur », Soins, vol. 51, n°sup. 702 (février 2006), p.1.

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télégraphiques sous-marines. Le galvanomètre est capable de mesurer les changements de potentiel électrique dus aux contractions du muscle cardiaque et de les enregistrer graphiquement. Il sera présenté à l’Institut Marey par Einthoven en 1901 avant de publier en 1913 des tracés, obtenus au moyen de cette technologie, qui correspond finalement aux tracés électrocardiographiques actuels224. Ce fut donc l’utilisation conjointe et réappropriée du galvanomètre à aiguille et des électrodes qui a permis d’élaborer la technique désignée par Einthoven de « télécardiogramme ». Et ce sera en 1905 qu’il a été précurseur en transmettant des électrocardiogrammes de son laboratoire vers un hôpital distant de 1,5 km via le câble téléphonique225, inaugurant l’optimisation de l’échange de données

« objectives ». La cardiologie consacrera les premières applications cliniques de la télémédecine :

« After careful scrutiny of various sources of information, wa can attest that the first clinical application in telemedicine was in cardiology. »226.

Bien que l’usage simultané avec le télégraphe fût relevé, dans le cadre de l’organisation de la livraison des vaccins contre la diphtérie227, le téléphone va peu à peu le supplanter dans toutes les pratiques qu’elles soient privées ou professionnelles.

Allô docteur !

Une étape supplémentaire dans la genèse de la télémédecine est en passe d’être franchie avec l’invention du téléphone. L’échange de données entre les médecins et de messages avec les patients, impulsé par le télégraphe, va se poursuivre avec cette nouvelle possibilité technique228.

Cette invention d’Alexander Graham Bell, qui dépose son brevet pour un système de transmission de la voix le 14 février 1876, est considérée par de nombreux auteurs comme le début de la « vraie » télémédecine : « La télémédecine a commencé il y a longtemps par la simple communication téléphonique entre deux médecins. »229. Le téléphone incarne l’outil sur lequel la télémédecine a pu se développer : « These technical advances significantly extended the foundation on which telemedicine could build. »230 ; « The first and simplest form of telemedicine technology. »231 ; « The first major milestone marking the arrival of telehealth. »232.

Contrairement au télégraphe, ce dernier a été immédiatement utilisé pour transmettre des informations médicales à distance : « Telephony became widespread in the late 19th century and was                                                                                                                

224 Irving Ershla, « Willem Einthoven-The man, the string Galvanometer Electrocardiograph », Archive of internal medicine, vol. 148, n°2 (février 1988), p. 453-455.

225 William Einthoven, « Le télécardiogramme », Archives internationales de physiologie, vol.4 (1906), p. 132-64.

226 Rashid Bashur et Gary-William Shannon, op. cit., p. 7.

227 Rashid Bashur et Gary-William Shannon, op. cit., p. 142.

228 Stanley Joel Reiser, op. cit., p. 200.

229 André Thénot, « Préface », dans Dominique Jolly, op. cit., p. XI.

230 Marylin Field, op. cit., p. 35.

231 Olga Ferrer-Roca et Marcello Sosa-Ludicissa, op. cit. p. 1.

232 Adam Darkins et Margaret Cary, op. cit., p. 6.

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used for medical work from the beginning. »233. Le début de l’histoire de l’usage du téléphone est pour l’essentiel celle de l’adoption de l’outil par les communautés de commerçants et de professionnels. Les médecins constituaient à ce titre une large proportion des abonnés et ont été les premiers « adoptants » de l’outil. Fréquents deviennent les diagnostics effectués uniquement par le biais du téléphone234. Aussi, il ne concerne pas que des échanges vocaux, puisqu’il est mentionné

used for medical work from the beginning. »233. Le début de l’histoire de l’usage du téléphone est pour l’essentiel celle de l’adoption de l’outil par les communautés de commerçants et de professionnels. Les médecins constituaient à ce titre une large proportion des abonnés et ont été les premiers « adoptants » de l’outil. Fréquents deviennent les diagnostics effectués uniquement par le biais du téléphone234. Aussi, il ne concerne pas que des échanges vocaux, puisqu’il est mentionné