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Partie II. LE PROTOCOLE DE RECHERCHE

Section 3. La télémédecine comme moteur et résultat de la modernisation du système de santé système de santé

3.2 Le canevas d’hypothèses

Les TIC sont à l’agenda du politique dans de nombreux pays industrialisés à la suite de l’impulsion décisive des autorités américaines à cet égard. Elles apparaissent depuis près de trois décennies comme un paradigme de transformation, c’est-à-dire qu’elles constituent la composante centrale du modèle de transformation sociale, économique et institutionnelle qui prédomine dans la société. En                                                                                                                

509 Sophie Boutillier et al., op. cit., p. 131.

510 Michèle Guigue-Durning, Les mémoires en formation. Entre engagment professionnel et construction de savoirs, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 235.

511 Madeleine Grawtiz, Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1993, p. 345.

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modifiant les conditions et les moyens de production, les formes de distribution et les modes de consommation, elles agissent non seulement en tant que levier socio-économique, mais aussi comme facteur de transformation socioculturelle.

Articulée autour de la thématique de l’informatisation sociale, la première phase fut amorcée durant les années soixante-dix en partie grâce à l’initiative structurante des gouvernements des pays industriels avancés menée en faveur de la production, de la diffusion, du traitement et de la consommation de l’information informatisée. Sur le plan technique, cette phase correspond au passage à la micro-informatique marquant ainsi une rupture importante avec l’informatique lourde et coûteuse des années cinquante et soixante. Il est fait état de l’importance croissante des activités informationnelles dans les économies et, incidemment, ce qui configure les autoroutes de l’information comme un important vecteur pour la compétitivité et la création d’emplois. En effet, le développement de l’informatique constituait essentiellement une stratégie de sortie de crise en réponse à la remise en cause de l’interventionnisme keynésien et du providentialisme. La persistance de la crise structurelle du système capitaliste a, par la suite, contribué à reconduire, au début des années quatre-vingt-dix, le projet d’informatisation sociale, mais cette fois derrière la métaphore des autoroutes de l’information. De ce fait, une seconde phase évoque les transformations attendues qui pourraient contribuer à l’amélioration des activités sociales et politiques, comme les conditions de vie ou de travail, la démocratie, la culture et bien sûr la santé. L’on exprime enfin la nécessité de modifier les cadres réglementaires et législatifs de façon à offrir toutes les chances possibles aux acteurs qui concrétiseront ce grand projet et à tirer le plein potentiel des inforoutes. Les autoroutes de l’information (ou inforoutes) apparaissent alors comme la figure emblématique du nouvel arsenal technologique qui est offert. Le système de représentations structure les discours et les stratégies politiques et économiques des gouvernements. Quatre éléments ressortent avec évidence ; la conception déterministe à l’égard de la technique, qui évacue tout questionnement critique sur le sens du changement ; l’urgence avec laquelle les initiatives gouvernementales doivent être réalisées, urgence qui repose sur un sentiment de retard continuel ; la nature promotionnelle du discours attendu du gouvernement par les partisans des autoroutes de l’information, pour que celui-ci exerce un véritable leadership en la matière ; enfin, la connivence entre le politique et l’économique dans la mise en place de ces réseaux électroniques, phénomène qui serait un gage de succès de la démarche programmée.

Ainsi, dans le contexte de la réforme du système amorcée au début des années quatre-vingt-dix, c’est largement par la mise en place des TIC que s’opère la modernisation technologique du système de santé. L’une des principales sources de changement devient l’informatisation et la mise en réseau technique touchant à la fois l’organisation, la gestion et la prestation de soins et de services. Les autorités ont considéré l’utilisation accrue des TIC comme faisant partie des conditions essentielles de

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succès de la transformation. Cette décennie donna lieu à une réflexion plus poussée sur la télémédecine, à la définition d’orientations et de planifications stratégiques, à la réalisation de projets pilotes et à l’accroissement du financement en vue de généraliser les dispositifs et leurs usages sociaux au niveau des activités cliniques. Il ne s’agit alors que d’une nouvelle extension et exemplification de la logique technicienne en général, celle-ci est caractérisée par son rapport instrumental au monde, la télémédecine n’étant qu’un nouvel avatar de la technique, c’est-à-dire de l’action fondée sur la recherche des moyens les plus efficaces en vue d’atteindre un but donné.

Or, la prégnance présumée des considérations économiques, budgétaires, industrielles et commerciales dans le choix des orientations de développement de la télémédecine sème le doute quant au poids que peuvent y exercer simultanément les questions proprement sociales, puisque les ténors de la critique du système ont construit la perception de la crise et des solutions à cette crise à partir des seuls critères administrativo-économiques.

Les discours sur les vertus de la télémédecine coïncident effectivement avec une autre catégorie de discours, aussi incisive et récurrente, sinon davantage, qui porte sur « la crise du système de santé » et par extension « la crise des finances publiques ». Il ne s’agit pas d’une rencontre fortuite entre les deux catégories de discours, mais d’un arrimage stratégique qui offre à la première (discours sur la télémédecine) de construire en partie son argumentation de légitimation sur les bases de la seconde (discours sur la crise). La référence à cette crise se situe aussi parmi d’autres grandes chaînes argumentaires qui servent à convaincre de la légitimité et de la pertinence des interventions étatiques.

Ces grandes chaînes argumentaires prennent d’abord racine dans un ensemble de postulats sur l’émergence de la société de l’information, la valeur de l’information, la puissance des technologies, la crise des finances publiques et la crise du système de santé. Elles sont ensuite développées autour de grandes thématiques qui débordent de la simple question de la qualité des soins et des services pour inclure aussi, et cela est significatif des intentions des gouvernements en regard de la mise en place des nouvelles technologies, la transition vers une économie de l’information, le renouvellement des services publics, la pression en faveur de changements majeurs du système et de son organisation, la réforme des modes de gestion et, enfin, la remise en ordre des finances publiques.

La situation financière du système de santé n’est pourtant pas seule à rendre compte des difficultés que doit relever la télémédecine à domicile. Parmi les autres facteurs, l’apparition de problématiques nouvelles attribuables au vieillissement de la population, l’incidence de la démographie des professions médicales sur la disponibilité des effectifs, deviennent les nouveaux défis à relever. Ces propos aboutissent à l’affirmation selon laquelle le déploiement de la télémédecine est incontournable pour assurer une évolution viable du système de santé, voire de « maintenir » son existence.

Dans ce sens, la télémédecine doit permettre de faciliter la circulation, l’accès et le partage des informations, engager une information plus pertinente, de qualité et accessible en tout temps

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entraînant de nombreux avantages : meilleure prise de décision, meilleur diagnostic, soins de plus grande qualité, accès accru aux soins et services, notamment à domicile, économie de temps et d’argent dans certaines circonstances, renforcement de la formation des professionnels, accroissement de l’autonomie des individus, amélioration de l’état de santé, application du principe de précaution, outil de développement durable…. Ceci fait du changement un processus complexe d’interactions entre technique, social, offre et usage, processus dans lequel l’offre détient toutefois un rôle décisif en tant qu’initiateur puis moteur du développement des usages. Dans ce cadre, il est possible que les usages, jusqu’ici prescrits, permettent de s’approcher de certains objectifs ou d’entrevoir certains bénéfices.

Plus qu’à une stricte mise en œuvre du programme politique, c’est à un processus de mise en place de la télémédecine dans lequel les gouvernements jouent un rôle majeur. En fait, l’Etat aura eu, au cours des deux dernières décennies, un triple rôle à cet égard : celui de légitimateur, de « législateur-régulateur » et de mobilisateur de ressources. Concernant ses domaines et ses modalités d’intervention, on constate une évolution des priorités qui dépend des normes, des valeurs et des exigences structurelles qui ont été considérées à un moment donné de l’histoire. C’est ainsi qu’en prenant une part active dans la régulation de l’économie que l’Etat, dans les pays industrialisés, est de plus en plus intervenu par l’allocation de moyens, surtout à partir de la Seconde Guerre mondiale, sur des secteurs jugés stratégiques comme la haute technologie. Cette façon pour les gouvernements d’exercer une influence dans l’innovation technologique, quand elle ne repose pas sur des objectifs strictement militaires, renvoie essentiellement à des finalités économiques. Révélateur de cette conception est le rôle réservé à l’Etat dans le projet d’informatisation sociale, un projet qui fut associé dès le départ au renforcement d’une économie axée sur la valeur financière et marchande de l’information et de la communication.

En définitive, l’entrée en crise structurelle du système économique capitaliste au milieu des années soixante-dix a donné lieu à la formulation, dans plusieurs pays, du projet de société informatisée, qualifié alors de virage technologique. La succession de ces initiatives sur une période de vingt ans, indique que le changement technologique dans le système de santé dépend d’un véritable programme d’action. La diversité des initiatives témoigne d’une véritable opérationnalisation du programme dont il nous faudra approfondir, au moment de l’analyse, la compréhension du contenu spécifique. Les efforts de mise en place de la télémédecine ont donné lieu, depuis les années quatre-vingt-dix à une multiplication des projets pilotes et des expérimentations sur le terrain. Ces projets étaient appelés à agir d’au moins trois façons dans la concrétisation du programme politique : en participant à sa légitimation, à la sensibilisation des acteurs concernés et éventuellement, en continuité logique avec les deux autres façons, à la formation des usages sociaux de la technologie. Dans ce sens, la puissance publique occupe une place et joue un rôle particulier parce qu’elle se situe à la fois en dedans et en

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dehors des relations sociales qui se nouent autour de la télémédecine. En dedans, lorsqu’elle participe par exemple aux efforts de recherche ou de financement des projets, ou encore lorsqu’elle se forge elle-même une représentation de son usage sous la forme d’un mythe mobilisateur. En dehors, car la puissance publique a la faculté d’agir sur les règles du jeu selon lesquelles se déroulent les interactions sociales entre acteurs, par l’ancrage, entre autre, de la télémédecine dans un cadre législatif. Cette double action apparaît dans le caractère ambigu des « politiques d’usage » élaborées par la puissance publique pour accompagner le développement de la télémédecine. Celles-ci oscillent entre, d’un côté, des mesures destinées à définir et organiser un espace de discussions entre les différentes parties prenantes en laissant celle-ci négocier librement leur coopération, et, d’un autre côté, des mesures destinées à promouvoir et encourager un type d’usage particulier.

Pour autant, le gouvernement n’est pas le seul promoteur de la télémédecine. Prétendre que les autorités politiques ont une idée claire de la vision à adopter et des actions à entreprendre à moyen et long termes paraît toutefois exagéré. En fait, les dirigeants politiques ont laissé à d’autres le « champ libre » dans le déploiement de la télémédecine. Dépassés par la complexité des enjeux, ils seraient plutôt emportés par la force d’entraînement des acteurs économiques. Le maillage entre objectifs socio-sanitaires et économiques prend notamment la forme de mesures visant à favoriser le « partenariat » avec le secteur privé. De plus, les autorités ne sont pas en mesure de contrôler l’ensemble de l’évolution des dispositifs utilisés dans le secteur de la santé. Ce déploiement dépend de nombreux facteurs dont plusieurs lui échappent, comme le poids des stratégies déployées par les acteurs industriels pour la vente, le prêt, le don ou la location de produits et services à court, moyen ou long termes et les innovations internes aux établissements qui exercent une influence sur le développement technologique dans ces milieux précis. Les grandes firmes industrielles ne cessent de concevoir des stratégies symboliques d’accompagnement pour orienter, légitimer ou justifier les types d’usages les mieux à même de soutenir leurs objectifs commerciaux ou financiers. A ces stratégies symboliques s’ajoutent des actions concrètes, parfois incisives.

Le processus de changement technologique est donc conditionné aussi par le travail de nombreux autres « entrepreneurs » qui interviennent directement sur le terrain. Par conséquent, la contribution des prestataires privés à la généralisation des projets publics est tributaire de la nature des interactions socio-techniques au cœur du projet. Mais il importe aux prestataires privés de prendre conscience qu’ils n’ont qu’une autonomie apparente, quelles que soient la nature et l’étendue du contrat qui les lient au projet. L’entreprise privée doit être en mesure de modeler son offre de produits et services en fonction des exigences gouvernementales. Parallèlement, le gouvernement voit un intérêt à inscrire le plus possible sa demande en conformité avec les normes de l’industrie et les tendances du marché.

Dit autrement, il n’y a pas de retrait total de l’Etat, mais son retrait plutôt relatif par une transformation profonde de ses modalités d’intervention, en direction d’une plus grande place

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accordée aux mécanismes du marché et aux initiatives privées, à la déréglementation et à des politiques plus ciblées visant le relèvement de la compétitivité. D’un côté, il y aurait une plus grande intervention des pouvoirs publics pour régenter et réorganiser le secteur de la santé par la télémédecine, en imposant une plus grande rationalisation, et de l’autre un « laisser jouer » dans un certain cadre préétabli les forces du marché favorisant une régulation par l’offre et la demande. En clair, l’Etat contribue ainsi à amorcer la pompe du côté de la demande et favorise de l’autre côté la constitution d’une offre qui se veut dynamique et compétitive. Ce n’est pas une disparition de l’Etat mais une métamorphose favorisant la montée d’un « gouvernement indirect », lequel lui permet de faire remplir, en partie, par les acteurs privés le rôle qu’il exerçait auparavant directement.

Il existe alors de nombreuses interactions entre les politiques publiques, les structures industrielles et organisationnelles, les cadres législatifs et réglementaires, les stratégies d’entreprises et les usages sociaux présents et antérieurs. Dans tous les cas, les acteurs promoteurs cherchent généralement à influencer les décisions à l’avantage des intérêts et des valeurs qu’ils défendent et en fonction des ressources à leur disposition et des contraintes et opportunités qu’ils perçoivent. De ce fait, les stratégies d’offre des promoteurs pèsent lourd dans la dialectique de formation des usages sociaux de la télémédecine. Cependant, l’écart entre les promesses et les changements annoncés est tout de même déjà apparent et nous serons à même, de montrer certaines contradictions mises en lumière lors de la réalisation de projets technologiques. En effet, les technologies ne sont pas des objets ou des systèmes figés, déjà donnés et complets, que les promoteurs installent dans un environnement stable et inerte dans lequel les utilisateurs, plus ou moins passifs, ne feraient que sanctionner (ou non) l’innovation proposée. Tout au long du processus, au contraire, les technologies sont façonnées par le jeu des acteurs sociaux (dont les promoteurs et les usagers) et par certaines conditions dites objectives (ressources des acteurs, structures industrielles ou organisationnelles, cadres législatifs et réglementaires, stratégies d’entreprises, habitudes et usages sociaux en place, innovations précédentes, contraintes inhérentes à l’objet technique proposé, etc.). D’ailleurs, certains changements s’effectuent à partir d’initiatives de la base, menées par les acteurs du terrain, ainsi que le conçoit la perspective d’analyse des politiques publiques dite « bottom-up », c’est-à-dire ascendante.

Pour autant, la capacité de l’usager est en grande partie limité par l’approche classique de planification qui ne réserve aucune place significative à la population dans le processus décisionnel, même si c’est cette dernière qui subira le plus les conséquences des décisions. Il est donc essentiel de s’interroger sur l’importance réelle que les promoteurs accordent au destinataire de la technique, outre une importance marchande rattachée au statut de client ou d’utilisateur, compte tenu du fait que l’offre technologique est généralement stimulée, dans le secteur privé du moins, par la perspective du développement de marchés solvables. Compte tenu de la logique dans laquelle les entreprises

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évoluent et des intérêts qu’elles défendent, tout indique que les effets sociaux et politiques de la technologie ne représentent pour elles qu’un sujet de préoccupation très secondaire.

Les usagers à qui sont destinés en fin de parcours les dispositifs de télémédecine, à savoir les patients, interviennent rarement dans les décisions sauf en ce qui concerne leur consentement à s’équiper.

Mais, le succès du changement dépend bien de l’appropriation effective de ces dispositifs par les acteurs ciblés. D’une façon générale, ce sont les professionnels de la santé qui décident, au nom des patients, des ressources dont ils peuvent bénéficier et des soins à prodiguer. Le médecin est donc appelé à jouer un rôle de premier plan dans toutes décisions relatives à l’utilisation de la télémédecine pour des fins cliniques.

Dans tous les cas, il est difficile de penser qu’un arbitrage assumé par les responsables politiques entre les différentes logiques à l’œuvre dans le processus de changement technologique assure un développement qui se fasse de facto et clairement dans le sens des attentes de tous les acteurs du réseau public, y compris des patients. Il n’y aurait généralement pas de lien direct entre les préférences de l’usager et les choix définitifs de l’acquéreur, puisque dans l’énonciation de leurs visions stratégiques, les autorités indiquent du même coup la place, le rôle et le comportement qu’ils attendent de l’usager de la télémédecine. C’est en ce sens que les autorités considèrent l’acceptation et l’adhésion au changement par les usagers de la télémédecine comme une condition primordiale de succès. Mais, plutôt que d’être invités à prendre part à la conception ou à l’orientation du changement, ceux-ci sont invités à se prononcer sur des questions relevant strictement de l’aménagement et de la réalisation des projets. Toute méfiance ou refus d’utiliser la télémédecine est considéré dans l’esprit des autorités comme une résistance qui ne doit pas être, qu’il faut combattre par différentes stratégies. Disons ici que la recherche de l’adhésion s’inscrit dans une double logique : d’abord une logique politique, qui est liée à l’affirmation de la légitimité du pouvoir, puis une logique instrumentale, qui est essentiellement celle de l’adoption des dispositifs de télémédecine en tant que prérequis dans l’atteinte des objectifs fixés dans le changement technologique. Dans ce cadre, les usagers peuvent être identifiés comme étant la cause de l’impossibilité pour les autorités de tenir toutes leurs promesses quant aux retombées de la télémédecine, à l’instar du discours sur le diagnostic de la crise du système de santé qui a été porteur d’une idéologie de la culpabilisation. A travers celle-ci, les promoteurs du changement en sont venus à identifier l’individu, le citoyen, le consommateur de soins et de services comme l’un des deux principaux responsables de la hausse des coûts du système de santé, l’autre étant le médecin. Plus fondamentalement encore, le citoyen apparaît comme premier responsable de ses habitudes de vie et de sa santé, bien que l’environnement écologique,

Dans tous les cas, il est difficile de penser qu’un arbitrage assumé par les responsables politiques entre les différentes logiques à l’œuvre dans le processus de changement technologique assure un développement qui se fasse de facto et clairement dans le sens des attentes de tous les acteurs du réseau public, y compris des patients. Il n’y aurait généralement pas de lien direct entre les préférences de l’usager et les choix définitifs de l’acquéreur, puisque dans l’énonciation de leurs visions stratégiques, les autorités indiquent du même coup la place, le rôle et le comportement qu’ils attendent de l’usager de la télémédecine. C’est en ce sens que les autorités considèrent l’acceptation et l’adhésion au changement par les usagers de la télémédecine comme une condition primordiale de succès. Mais, plutôt que d’être invités à prendre part à la conception ou à l’orientation du changement, ceux-ci sont invités à se prononcer sur des questions relevant strictement de l’aménagement et de la réalisation des projets. Toute méfiance ou refus d’utiliser la télémédecine est considéré dans l’esprit des autorités comme une résistance qui ne doit pas être, qu’il faut combattre par différentes stratégies. Disons ici que la recherche de l’adhésion s’inscrit dans une double logique : d’abord une logique politique, qui est liée à l’affirmation de la légitimité du pouvoir, puis une logique instrumentale, qui est essentiellement celle de l’adoption des dispositifs de télémédecine en tant que prérequis dans l’atteinte des objectifs fixés dans le changement technologique. Dans ce cadre, les usagers peuvent être identifiés comme étant la cause de l’impossibilité pour les autorités de tenir toutes leurs promesses quant aux retombées de la télémédecine, à l’instar du discours sur le diagnostic de la crise du système de santé qui a été porteur d’une idéologie de la culpabilisation. A travers celle-ci, les promoteurs du changement en sont venus à identifier l’individu, le citoyen, le consommateur de soins et de services comme l’un des deux principaux responsables de la hausse des coûts du système de santé, l’autre étant le médecin. Plus fondamentalement encore, le citoyen apparaît comme premier responsable de ses habitudes de vie et de sa santé, bien que l’environnement écologique,