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Des tâches confrontant les enseignants spécialisés à certains défis lors de leur accomplissement leur accomplissement

Le travail des enseignants spécialisés étudié sous l’angle de la tâche

1.8 Des tâches confrontant les enseignants spécialisés à certains défis lors de leur accomplissement leur accomplissement

Outre l’étude des facteurs, circonstances ou raisons conduisant les enseignants spécialisés états-uniens à abandonner prématurément leur profession, et qui ont fait l’objet de plusieurs travaux (par ex : Billinglsey, 2003 ; 2004 ; Miller, Brownell & Smith, 1999), certaines recherches se sont intéressées aux expériences et défis rencontrés par les enseignants spécialisés durant leur première année de travail (p.

ex., Carter & Scruggs, 2001 ; Boyer & Lee, 2001 ; Kilgore & Griffin, 1998 ; MacDonald & Speece, 2001 ; Mastropieri, 2001 ; Kilgore et al. 2003). Peu de travaux ont cependant véritablement porté sur l’étude des besoins exprimés par les enseignants spécialisés débutants (p. ex., Whitaker, 2000, 2003) bien que des liens puissent être inévitablement tissés entre les connaissances produites dans ces trois domaines de recherche. L’étude récente des contingences et des conditions avec lesquelles les enseignants spécialisés genevois accomplissent leurs tâches dans différents contextes d’enseignement spécialisé (Pelgrims et al., 2015 ; Pelgrims et al., 2017 ; Pelgrims et al., Emery, 2018) a permis de mettre en évidence plusieurs dilemmes vécus par les enseignants spécialisés.

Nous présentons tout d’abord les difficultés et besoins significatifs identifiés par la littérature dans les contextes nords-américains, puis nous pointons les difficultés qui émergent des travaux s’étant intéressés aux contextes d’enseignement spécialisé européens, davantage orientés vers une perspective d’école inclusive. Nous terminons par une présentation de certains dilemmes identifiés à partir du contexte scolaire genevois et français.

1.8.1 Les difficultés des enseignants spécialisés expérimentés

Les difficultés des enseignants spécialisés expérimentés sont inférées à partir de l’étude des facteurs les conduisant à quitter la profession. Il ressort d’une note de synthèse portant sur la littérature nord-américaine s’étant penchée sur ces questions (Billingsley & Cross, 1992 ; Billingsley, 200328) que l’intention de rester ou de quitter la profession dépend de nombreux facteurs, certains plus déterminants que d’autres.

Un modèle écosystémique (Brownell & Smith, 1993 ; Miller, Brownell & Smith, 1999) inspiré du modèle de Bronfenbrenner (1977), permet d’aborder cette problématique en situant les différents facteurs d’abandon identifiés au sein de quatre systèmes imbriqués et inter-reliés les uns aux autres. Au cœur du modèle se trouve tout d’abord le microsystème. Celui-ci est constitué de l’environnement immédiat de l’enseignant spécialisé et prend en compte l’ensemble des interactions de l’enseignant avec les caractéristiques changeantes de la classe (nombre d’élèves, hétérogénéité scolaire, diversité des besoins individuels à considérer). S’appuyant sur des travaux ayant précisément étudié l’influence de ces facteurs sur l’intention de quitter ou de rester dans l’enseignement spécialisé, ces auteurs postulent

28 Billinglsey, B.-S. (2003). Special Education Teacher Retention and Attrition: A critical Analysis of the Literature, Center on Personel Studies in Special Education, University of Florida.

dès lors que selon les compétences professionnelles et les dispositions personnelles de l’enseignant spécialisé, les interactions de ce dernier avec les différentes caractéristiques de la classe sont susceptibles d’avoir des effets positifs ou au contraire négatifs sur le degré de satisfaction professionnelle de l’enseignant et son engagement dans la profession.

Au niveau suivant, se situe le mésosystème, qui englobe le microsystème et qui comprend par ailleurs le réseau des interactions entre l’enseignant et les différents paramètres survenant au sein de l’établissement scolaire dans lequel enseigne le professionnel (présence ou absence de soutien de la direction et/ou de la part des collègues, présence ou absence d’opportunités de développer des compétences professionnelles par le biais de formations continues, possibilité ou impossibilité de participer au processus décisionnel relatif à des enjeux directement reliés à l’enseignement et à la vie scolaire). Là également, les auteurs soulignent que lorsque l’ensemble de ces facteurs sont présents au sein d’un établissement scolaire, les enseignants spécialisés se sentent moins dépourvus face aux défis posés par l’enseignement à des élèves déclarés à besoins éducatifs particuliers. Si les deux niveaux suivants s’éloignent de l’accomplissement direct des tâches d’enseignement par l’enseignant spécialisé, l’exosytème (caractéristiques des organisations scolaires au niveau du district, politiques éducatives des différents états, ainsi qu’au niveau fédéral) et le macrosystème (conditions économiques et sociales, croyances et idéologie de la culture dominante, etc.), comprennent tout de même des facteurs identifiés comme susceptibles d’influencer l’intention et la décision de partir des enseignants spécialisés.

Outre les enjeux de qualification requise – absence de formation initiale ou de formation quantitativement ou qualitativement évaluée comme suffisante – ce sont la perception d’un haut niveau de stress en lien avec l’accomplissement des tâches prescrites, ainsi que la perception d’un climat scolaire délétère, qui figurent au premier rang des causes d’abandon effectif identifiées (Billinglsey, 2003, 2004 ; Miller, Brownell & Smith, 1999). Selon ces auteurs, les résultats de leurs études contribuent tout d’abord à différencier les facteurs à l’origine des intentions déclarées de quitter ou de rester dans la profession, des facteurs à l’origine des décisions effectives. Ils contribuent également à révéler la prépondérance de certaines variables environnementales (degré de formation certifié, les conflits de rôles, la surcharge de travail et le peu de temps alloué à son accomplissement, ainsi que le climat de travail au sein de l’établissement scolaire) sur certains autres facteurs personnels (nombre d’enfants dépendant financièrement du professionnel, années d’expérience dans l’enseignement, salaire) à propos des décisions effectives prises par les enseignants spécialisés.

Ces auteurs recommandent dès lors aux autorités scolaires de s’abstenir d’engager du personnel non qualifié, y compris lorsqu’il s’agit d’enseignants réguliers recrutés à défaut d’enseignants spécialisés disponibles. Si toutefois cela devait être le cas, ils suggèrent alors que ces derniers puissent bénéficier de la mise en place d’un plan individualisé de soutien et de ressources susceptible de limiter les difficultés rencontrées par ces enseignants assignés à une fonction pour laquelle ils n’auraient pas été formés. Outre le fait de miser sur de meilleures collaborations entre institutions de formation et institutions scolaires afin de renforcer le soutien et la supervision offerts aux enseignants ayant bénéficié d’une formation alternative et accélérée de moindre qualité, Mamlin (2012) rappelle quant à elle, la responsabilité incombant également aux institutions de formation, dans ce processus. Il s’agit selon elle de proposer davantage de futurs enseignants spécialisés ayant bénéficié d’un programme de formation rigoureux sur le marché de l’emploi, afin de contrer l’augmentation de l’accès à la profession au travers de ces filières alternatives.

1.8.2 Les difficultés des enseignants spécialisés débutants

Si nous considérons à présent les difficultés repérées avec régularité chez des enseignants spécialisés débutants, il semblerait que celles-ci soient majoritairement attribuées à des facteurs présents au niveau du microsystème et du mésosystème mis en évidence par Brownell et Smith, 1993. En effet comme déjà évoqué à propos des compétences professionnelles requises pour enseigner, Kilgore et Griffin (1998) et Kilgore et al. (2003), repèrent l’influence prédominante de l’environnement scolaire direct et indirect dans lequel les enseignants spécialisés travaillent29, sur la capacité (ou l’incapacité) que ceux-ci ont à

29 Nous aurons l’occasion de revenir de manière approfondie sur ces différents facteurs dans le chapitre 3, lorsque nous présenterons la notion d’activité en lien avec celle des contingences contextuelles et situationnelles, telle que développée dans le modèle heuristique des contingences de Pelgrims.

faire face aux difficultés rencontrées quotidiennement au sein de la classe et de l’école. Ces difficultés rapportées par des enseignants spécialisés débutants, étant identifiées et confirmées par plusieurs auteurs (Mastropieri, 2001 ; Pierard, 2012 ; Troncin, 2013), nous les présentons ici en articulation avec l’accomplissement des quatre ordres de tâches présentés précédemment.

Difficultés dans l’accomplissement des tâches pédagogiques

L’ensemble des travaux met en avant des difficultés rencontrées avec la gestion des comportements problématiques en classe et le maintien de l’ordre en classe. Les enseignants spécialisés demeurent préoccupés, par des dimensions de contrôle et de surveillance des comportements considérés comme problématiques. Une partie de leur temps et de leur engagement est dès lors consacré à instaurer dès les premiers jours de leur première année d’enseignement, une dynamique de classe propice au travail scolaire (Kilgore & Griffin, 1998). Les comportements manifestés par les élèves sont alors désignés comme étant des comportements-défis (Mastropieri, 2001), dans la mesure où ceux-ci poussent le plus souvent les enseignants spécialisés débutants dans leurs retranchements (Lovingfoss, Molloy, Harris &

Graham, 2001 ; Carter & Scruggs, 2001) et génèrent un profond sentiment d’impuissance et de solitude.

Les enseignants spécialisés débutants s’avouent démunis et peu compétents pour anticiper et désamorcer les situations conflictuelles, et créer des conditions de travail agréables pour tous (Kilgore et al., 2003).

Ces difficultés les amènent à penser leur contexte de travail dans lequel, cette dimension de l’enseignement prend souvent une large ampleur, et ce parfois au détriment de la dimension didactique de l’enseignement (ibid.).

Difficultés dans l’accomplissement des tâches didactiques

Les enseignants spécialisés débutants disent consacrer un temps conséquent d’une part à l’appropriation de l’ensemble des savoirs à enseigner, et d’autre part à la planification et à la préparation de leurs séances d’enseignement, à la création du matériel didactique en lien avec chacune des disciplines scolaires à enseigner et autres domaines de compétences sociales ou capacités transversales à développer chez leurs élèves (Kilgore & Griffin, 1998 ; Kilgore et al., 2003 ; Mastropieri, 2001). Ces auteurs relèvent que ces difficultés se situent essentiellement du point de vue de l’organisation temporelle (peu de temps à disposition pour mener à terme de manière adéquate, l’ensemble de ces préparations tout en prenant en considération les besoins individuels de leurs élèves) et du point de vue des ressources à dispositions (défaut de compétences perçu pour assumer la préparation et la mise en œuvre de l’enseignement pour l’ensemble des degrés scolaires ainsi que dans l’ensemble des disciplines et domaines d’apprentissages requis). Pour ce qui est des aspects d’organisation temporelle, McDonald et Speece (2001) évoquent quant à eux les défis rencontrés par les enseignants spécialisés débutants pour planifier leurs séances d’enseignement dans les différentes classes régulières et le peu de temps effectif à disposition pour l’enseignement en classe. Busch et al., (2001) ainsi que Carter et Scruggs (2001) mentionnent par ailleurs la difficulté pour les enseignants spécialisés débutants, à concilier l’enseignement d’objets de savoirs situés dans une même discipline, mais portant sur des degrés scolaires forts éloignés les uns des autres et ce durant la seule période d’enseignement qu’ils ont à disposition.

Concernant les ressources à disposition, Mastropieri (2001) souligne que si le matériel pédagogique et didactique30 est effectivement disponible sur le marché, encore faut-il que les jeunes enseignants spécialisés y accèdent, et soient en mesure de l’utiliser efficacement. Par ailleurs, dans le contexte nord-américain, ces auteurs rappellent également que la probabilité que du matériel pédagogique et didactique introduit en formation initiale auprès des étudiants et considéré comme efficace et éprouvé par la recherche, fasse défaut dans les établissements scolaires, est malheureusement bien réelle. Les enseignants spécialisés débutants pensent donc pouvoir s’appuyer à la fois sur des méthodes d’enseignement et des moyens d’enseignement fiables, mais sont mis à défaut de le faire, en raison de leur inaccessibilité. Ils se trouvent donc contraints de créer dans l’urgence du matériel sur mesure et adapté aux besoins particuliers qu’ils attribuent à leurs élèves.

30 Sont également compris ici, le matériel informatique et autres outils numériques à disposition en classe ou dans l’école.

Difficultés dans l’accomplissement des tâches collaboratives

La plupart des enseignants spécialisés débutants déclarent rencontrer des difficultés à initier et à mettre en œuvre des projets d’intégration partielle ou complète pour leurs élèves alors même qu’ils se trouvent dans des contextes dits inclusifs, ou valorisant ces paradigmes (Boyer & Lee, 2001 ; Carter &

Scruggs, 2001 ; Kilgore et al. 2003). Il n’est pas rare que ceux-ci se sentent par ailleurs isolés et peu soutenus par des enseignants réguliers peu enclins à la collaboration, ce qui pèse fortement sur leur capacité à résoudre certaines difficultés d’enseignement (Kilgore & Griffin, 1998). Cette difficulté semble accrue lorsque les enseignants spécialisés exercent dans des classes spécialisées (Ibid.). D’autres difficultés ont trait au nombre d’élèves pour lesquels les enseignants spécialisés sont référents et le nombre d’interlocuteurs (principalement d’enseignants réguliers) auxquels ils ont à faire contraignant parfois les élèves à devenir les intermédiaires des interactions les concernant directement (Kilgore et al.

2003). Finalement, ces auteurs relèvent, que les habituelles modalités d’organisation internes aux établissements permettant aux enseignants réguliers de collaborer et d’échanger autour de leur travail (par ex : classes parallèles attribuées à des enseignants de degrés identiques, groupes et séances de travail planifiés en fonction des degrés scolaires) ne sont pas systématiquement mises en place lorsqu’il s’agit d’enseignants spécialisés (Kilgore & Griffin, 1998).

Dans certains états des États-Unis, les enseignants spécialisés américains sont également amenés à collaborer avec des assistants socio-éducatifs (AIS) présents dans les classes à leurs côtés. Or, il arrive que ceux-ci soient quelques fois exposés au manque de compétences avérées de ces AIS dans leurs classes. Cette collaboration consiste alors davantage en une charge qu’en un soutien pour l’accomplissement de leurs tâches d’enseignement auprès des élèves (Kilgore & Griffin, 1998). De plus, lorsqu’ils collaborent avec des AIS, les enseignants spécialisés doivent être au bénéfice de compétences de supervision et de gestion, ce qui n’est pas forcément le cas de l’ensemble des enseignants spécialisés débutants (Mastropieri, 2001). Ces premières collaborations se caractérisent donc par de nombreux essais et erreurs qui se soldent cependant parfois par des réussites fructueuses.

Difficultés dans l’accomplissement des tâches administratives

La gestion de la charge de travail et donc l’épuisement sont décrites comme l’une des principales difficultés rencontrées par les enseignants spécialisés débutants dans plusieurs travaux (Kilgore &

Griffin, 1998, 2003). Ces auteurs mentionnent toutefois que selon les contextes dans lesquels les enseignants spécialisés débutants travaillent, cette charge peut toutefois être perçue comme étant plus légère. Ainsi enseigner en contexte inclusif peut s’avérer moins épuisant qu’enseigner en classe spécialisée (Ibid.).

En outre, les enseignants spécialisés débutants se plaignent le plus souvent du manque d’intérêt des membres de l’administration scolaire pour leurs difficultés d’enseignants débutants d’une part, mais concernant également pour le travail effectué auprès des élèves déclarés à besoins éducatifs particuliers au sein de leurs établissements scolaires. (Kilgore & Griffin, 1998).

1.8.3 Les besoins des enseignants spécialisés débutants

Parmi les besoins les plus significatifs manifestés par des enseignants spécialisés débutants au terme de leur première année d’enseignement (Kang, Farnan & Lynn, 2018 ; Whitaker, 2003) sont identifiés le besoin de :

• connaître les politiques, les procédures en lien avec l’enseignement spécialisé, ainsi que l’ensemble du travail administratif qui est à fournir

• recevoir du soutien émotionnel

• apprendre à connaître le système de transmission des informations et de communication utilisés au sein des établissements scolaires

• apprendre à connaître le matériel scolaire et toute autre ressource pédagogique à disposition pour enseigner.

Des besoins secondaires mais néanmoins exprimés, sont également mis en évidence dans cette étude. Il s’agit du besoin de recevoir de l’aide pour connaître et maîtriser les programmes scolaires à enseigner, de l’aide concernant l’accomplissement des tâches didactiques et pédagogiques (évaluation

des besoins spécifiques des élèves, transmission de connaissances, adaptation et utilisation des ressources pédagogiques et gestion de classe), ainsi que les tâches collaboratives (gestion des interactions avec l’ensemble des personnes concernées).

D’après Whitaker (2003), l’ensemble de ces besoins sont en étroite relation avec les problèmes et difficultés régulièrement mis en évidence dans les travaux ayant étudié les principales difficultés rencontrées par les enseignants débutants réguliers (Dollase, 1992 ; Veennman, 1984, cités par Whitaker, 2003). Il s’agit des difficultés ou problèmes en relations avec : la discipline en classe, l’engagement des élèves, les différences interindividuelles entre élèves (en termes de besoins, d’intérêts, de compétences et de difficultés), les ressources et le matériel scolaire, le manque de temps, l’organisation, la planification et la mise en œuvre des tâches en fonction des périodes scolaires et de la collaboration avec les autres professionnels, les méthodes d’enseignement efficace. Whitaker s’appuie également sur les travaux antérieurs portant sur les besoins exprimés par les enseignants débutants réguliers (Gordon, 1991 ; Huling-Austin & Murphy, 1987 ; Odell, 1986 ; Sears, Marshall & Otis-Wilborn, 1994, cités par Whitaker, 2003) afin de souligner des résultats similaires à ceux obtenus une vingtaine d’années plus tôt par ses confrères. Outre les besoins persistant au début des années 2000, certains de ces auteurs mettaient cependant en évidence le besoin d’aide dans le domaine des corrections et celui de la communication avec les parents.

Whitaker (2003) confirme avec ses résultats et ceux d’une étude antérieure portant sur les bénéfices du soutien apporté par un dispositif de mentorat institutionnellement alloué aux étudiants spécialisés débutants en réponse à leurs besoins déclarés (Whitaker, 2000), ce que d’autres auteurs ont pu mettre en avant concernant les préoccupations prioritaires exprimées par les enseignants durant leurs premières années d’enseignement ( Cheney, Krajewski & Combs , 1992 ; Fuller & Brown, 1975 cités par Whitaker, 2003, p. 112). En effet, il s’avère que ceux-ci manifestent tout d’abord leurs propres besoins avant d’exprimer des besoins en lien avec « la mécanique du travail », puis ce n’est qu’à la fin de la première année qu’ils commencent à se focaliser sur les besoins particuliers de leurs élèves. Ce sont des résultats similaires que l’on trouve également dans des travaux plus récents s’intéressant à l’activité d’enseignants débutants réguliers dans l’enseignement secondaire et primaire (Durand, 1996 ; Ria, 2005, 2009 ; Saujat, 2004). À travers son modèle de simplexe pour analyser l’activité enseignante, Saujat (2012) montre ainsi à quel point l’activité des enseignants réguliers débutants est faite de dilemmes et de compromis résultant d’ajustements aux prescriptions et aux contraintes de l’environnement de travail, les amenant tout en enseignant, à chercher à maintenir en équilibre une zone de confort et une zone d’inconfort.

Leurs années d’entrée dans le métier sont alors empreintes de choix se situant en tensions entre différents pôles : enseigner versus contrôler (l’ordre en classe par ex.), s’adresser à plusieurs individualités au sein de la classe ou plutôt à un collectif classe (au sein duquel règne un climat de travail acceptable), transmettre des savoirs ou des valeurs.

Figure 1.3 : Modèle de simplexe pour analyser l’activité enseignante chez les enseignants débutants (Saujat, 2012)

1.8.4 Les dilemmes d’enseignants spécialisés expérimentés

Une analyse du travail de soutien à l’intégration scolaire dans l’enseignement régulier, déployé par des enseignants spécialisés à partir de plusieurs contextes d’enseignement spécialisé genevois31 fait l’objet de travaux réalisés par l’équipe de recherche PACES32 à Genève (Pelgrims et al., 2015 ; Pelgrims et al., 2017 ; Pelgrims et al., 2018a ; Pelgrims et al., 2018b). L’étude du travail de soutien à l’intégration déployé par des enseignants spécialisés concerne le travail effectué à partir de classes spécialisées situées dans l’enseignement régulier, à partir d’un centre médico-pédagogique, ou encore le travail des enseignants spécialisés soutenant l’intégration de façon itinérante dans plusieurs écoles et finalement le travail déployé par des enseignants spécialisés œuvrant au sein d’équipes pluridisciplinaires présentes dans des établissements scolaires primaires de l’enseignement régulier genevois.L’analyse menée à partir de ces trois contextes, contribue déjà à mettre en évidence la présence de plusieurs dilemmes émergeant au fil du travail effectué dans des conditions le plus souvent contraignantes (voir chapitre 3).

D’après les auteurs ces dilemmes révèlent une part des difficultés et obstacles auxquels les enseignants spécialisés sont confrontés et avec lesquels les enseignants spécialisés composent leur travail. Ils définissent les dilemmes comme la confrontation simultanément à plusieurs buts peu compatibles au fil de leur activité ; les enseignants spécialisés s’ajustant en optant pour l’un ou pour l’autre, c’est-à-dire par l’option qui comporte selon leurs appréciations le moins de risque, le moins de conséquences négatives. Les résultats montrent que selon les contextes d’enseignement spécialisé à partir desquels les tâches de soutien à l’intégration se réalisent, ce sont tantôt l’accomplissement concomitant de tâches d’ordre administratif, pédagogique, didactique et collaboratif qui suscitent l’émergence de ces dilemmes, tantôt la divergence de cultures d’actions en présence (enseignement régulier vs enseignement spécialisé avec une orientation psycho-médicale) qui semblent les provoquer.

Ainsi, les enseignants spécialisés exerçant à la fois une fonction d’enseignants spécialisés titulaires d’une classe spécialisée à effectif réduit au sein d’un établissement scolaire régulier ainsi qu’une fonction de soutien à l’intégration scolaire de leurs élèves dans les classes régulières de l’établissement

Ainsi, les enseignants spécialisés exerçant à la fois une fonction d’enseignants spécialisés titulaires d’une classe spécialisée à effectif réduit au sein d’un établissement scolaire régulier ainsi qu’une fonction de soutien à l’intégration scolaire de leurs élèves dans les classes régulières de l’établissement

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