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à leur activité et ses transformations en contextes de stage : Problématique et questions de recherche

4.1 Problématique

En Suisse, à l’instar d’autres pays d’Europe, du Québec et des États-Unis, la formation initiale à l’enseignement spécialisé se déroule majoritairement dans un institut de formation de niveau tertiaire, à l’Université ou dans une haute école pédagogique. En Suisse, c’est l’Accord Intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée établi par la Conférence Suisse des Directeurs de l’instruction publique (CDIP, 2007) qui spécifie d’une part l’obligation aux cantons concordataires d’engager des enseignants spécialisés titulaires d’un diplôme reconnu d’enseignant spécialisé, et d’autre part l’exigence que ce diplôme soit de niveau master et délivré par une haute école reconnue et habilitée pour les formations d’enseignants (chapitre 2). Il s’agit de filières de formation initiale proposant un cursus de formation de 90 à 120 crédits ECTS, et prévoyant un certain nombre d’unités de formation comportant des orientations thématiques, de la formation à la recherche, et de la formation dite pratique.

Or, et nous l’avons également souligné, les programmes d’études des formations initiales à l’enseignement spécialisé sont, en Suisse, indistinctement conçus et destinés à deux grands profils d’étudiants relativement hétérogènes du point de vue des parcours, des connaissances, des expériences ou des cultures d’action (CDIP, 2008a, 2008b).

Le premier profil d’étudiants est composé d’étudiants détenteurs d’un diplôme de niveau bachelor en enseignement pour les degrés préscolaire et primaire, ou encore secondaire reconnu et délivré par une haute école pédagogique ou par une université suisse ou étrangère (CDIP, 2008b). Il s’agit donc d’enseignants ayant déjà accompli un programme de formation de minimalement 180 crédits (pour les enseignants primaires) ou de 270 crédits (pour les enseignants secondaires), qui souhaitent poursuivre et approfondir leur formation initiale d’enseignants afin de pouvoir l’exercer dans des contextes d’enseignement spécialisé ou régulier, auprès d’élèves que nous disons institutionnellement déclarés à besoins éducatifs particulier (Pelgrims, 2012, 2019 ; Pelgrims & Bauquis, 2016), d’étudiants ayant été formés à l’acquisition et au développement de compétences professionnelles d’enseignant régulier, telles que celles-ci sont définies dans la plupart des référentiels de compétences de formation initiale d’enseignants des degrés préscolaire, primaire, ou secondaire (Cook & Schrimer, 2003 ; Paquay, 1994 ; Perrenoud, 1999).

Or, le règlement de reconnaissance des diplômes émanant de la conférence des directeurs de l’instruction publique (CDIP, 2008a) rend aussi possible l’admission en formation initiale à l’enseignement spécialisé, d’étudiants issus de parcours de formation relevant de filières de formation dans des domaines dits voisins, ne comprenant pas spécifiquement des unités de formation focalisées sur les compétences professionnelles d’enseignement (sciences de l’éducation, éducation spéciale et sociale, psychologie, logopédie, psychomotricité). Ainsi, sont admissibles et acceptés dans les programmes de formation initiale à l’enseignement spécialisé de niveau master suisse, des étudiants diplômés par une Haute école de travail social, des psychologues ou encore des logopédistes diplômés d’une faculté de psychologie ou autre institut facultaire (CDIP, 2008a ; 2008b). Sachant qu’une propension à souhaiter aider l’autre, et notamment les élèves considérés dans le besoin et/ou en difficulté, ainsi qu’une envie de prodiguer un enseignement susceptible de permettre aux élèves de réussir à apprendre tout en retirant une certaine satisfaction à agir de la sorte, ont déjà pu être identifiées chez les futurs étudiants en enseignement spécialisé, notamment à l’entrée en formation (Gavish, 2017), force est de constater une absence majeure de littérature permettant de savoir si les étudiants de ce

second profil sont davantage concernés par cette tendance. Les préoccupations et/ou aspirations, les besoins ou difficultés, comme les dispositions à agir avec lesquelles les étudiants de nos contrées non-détenteurs d’un diplôme d’enseignant reconnu, entrent en formation, s’engagent, construisent des connaissances, et se développent professionnellement durant leur formation initiale au travail d’enseignant spécialisé semblent en effet peu documentés à notre connaissance (chapitres 1 et 2).

Si le règlement de reconnaissance des diplômes de la CDIP (2008) impose donc aux instituts de formation des enseignants spécialisés de prévoir des plans individuels de compléments de formation en enseignement régulier pour les étudiants non titulaires d’un titre d’enseignant reconnu, plans qui sont réalisés en fonction de chacune des trajectoires individuelles, une liberté d’organiser et de mettre en œuvre de manière autonome la prescription est ensuite octroyée aux cantons. Comme nous l’avons mentionné (chapitre 2), ces compléments de formation individuels équivalent à 30 crédits minimum et à 60 crédits maximum. Certains programmes prévoient leur réalisation en pré-requis avant l’entrée en formation, tandis que d’autres les placent en co-requis.

Plus précisément, dans le canton de Genève, la formation à l’enseignement spécialisé est proposée par l’institut universitaire de formation des enseignants (IUFE) dans le cadre d’un programme de maîtrise universitaire de 120 crédits ECTS. Les crédits du complément de formation en enseignement régulier sont à réaliser durant la première année de formation de la maîtrise, mais peuvent toutefois être cumulés aux unités de formation réalisés dans le cadre du programme de maîtrise universitaire. Comme nous l’avons vu, la MESP est un programme de formation orienté spécifiquement vers l’acquisition et le développement de compétences professionnelles attendues et exigées pour l’accomplissement de la tâche d’enseignant spécialisé (Chapitre 1 et 2) et fondé sur des études des pratiques et du travail d’enseignement spécialisé, des obstacles et multiples déclinaisons particulières dans les trois types génériques des contextes professionnels (Pelgrims, 2001, 2005, 2013, 2018) : les classes spécialisées, les institutions spécialisées et les dispositifs au sein desquels les enseignants spécialisés accomplissent des tâches de soutien à l’intégration en classe régulière, d’élèves déclarés à besoins éducatifs particuliers (Pelgrims, 2001, 2005, 2013, 2018). Ce programme comporte trois modules orientés vers des apports relatifs aux dimensions historiques, sociales et politiques de la pédagogie spécialisée (module 1), aux connaissances des déficiences, troubles et besoins particuliers des élèves (module 2), ainsi qu’aux dimensions des rôle et identité (module 3). Ces apports sont conçus comme étant des connaissances de pédagogie spécialisée contributives à la formation académique et professionnelle d’enseignement spécialisé plus directement travaillée dans le module 4 (90 crédits), enseignement et apprentissages en contextes d’enseignement spécialisé. Ce module comprend, outre la formation aux démarches de recherche et de prise de distance de son activité professionnelle, les stages respectifs à chaque contexte.

Chaque stage est étroitement lié à des cours et séminaires dont les apports et le travail, sont directement en lien avec l’activité didactique, pédagogique et collaborative que les étudiants doivent planifier et déployer durant le stage. Les dispositifs à la fois de stages et d’apports à l’université articulés aux stages, sont conçus dans le but de permettre aux étudiants de construire dans l’alternance, des connaissances et des compétences pédagogiques, didactiques, collaboratives, d’analyse et de régulation de son activité professionnelle d’enseignant spécialisé. Les dispositifs de stages de la MESP seront plus finement présentés dans le chapitre méthodologique, mais ils contribuent donc, a priori, tous au développement de compétences d’enseignant spécialisé incluant celles d’analyse, de compréhension, de régulation et de prises de conscience des conditions ou contingences contextuelles et situationnelles qui risquent fortement d’infléchir l’activité et l’écarter des intentions d’enseignement (Pelgrims, 2009, 2013 ; Pelgrims, Delorme & Emery, 2011, 2015). Chacun contribue à nourrir la compréhension des apports théoriques et de l’activité professionnelle des enseignants spécialisés, telle que celle-ci se déploie dans les trois grands contextes d’enseignement spécialisé : les classes spécialisées, les institutions spécialisées et les classes ou structures d’enseignement régulier au sein desquels les enseignants spécialisés accomplissent des tâches de soutien à l’intégration d’élèves déclarés à besoins éducatifs particuliers (Pelgrims, 2013, 2018 ; Pelgrims et al., 2010 ).

En outre, sensible à l’enjeu des transformations de postures professionnelles, à la mobilisation et à l’intégration d’outils et de pensée typiques d’une culture d’action d’enseignants spécialisés, le programme d’études de la MESP prévoit des dispositifs dits polyphoniques dans lesquels, comme leur nom l’indique, les étudiants sont amenés à appréhender des problématiques particulières à la profession d’enseignant spécialisé au diapason de plusieurs voix (voies) professionnelles et théoriques de la pédagogie spécialisée s’exprimant simultanément à propos d’un même fait (Pelgrims, 2018). Les enjeux et questionnements fréquents relatifs aux normes scolaires, aux besoins dits didactiques et pédagogiques des élèves (Pelgrims, 2012), aux interventions spécifiques dispensées par les enseignants spécialisés et à leur collaboration avec d’autres acteurs, sont ainsi travaillés sous différentes formes durant la formation initiale.

Ainsi, et comme mis en évidence avec régularité dans la littérature (chapitre 2), ce sont sur les dispositifs de formation pratique en tant que leviers centraux des apprentissages professionnels, de la confrontation au travail réel et du développement de l’identité professionnelle d’enseignant spécialisé, que le plan d’étude de la MESP s’appuie pour former aux compétences professionnelles des enseignants spécialisés. Or, si les stages, en tant que dispositif de formation, sont en effet largement plébiscités et recommandés par de nombreux auteurs pour « Apprendre à enseigner » (Lussi Borer & Ria, 2016), tant dans la littérature concernant la formation des enseignants réguliers, que dans celle concernant les enseignants spécialisés (Brownell, et al. 2005 ; Nagro & deBettencourt, 2017), peu de travaux contribuent à étudier les enjeux sous-jacents à la conception des dispositifs de stages en enseignement spécialisé et les conséquences que celle-ci peut avoir sur le travail de formation à l’enseignement spécialisé déployé par les étudiants d’une part, sur le travail d’enseignant spécialisé qu’ils exerceront à son issue, d’autre part.

En effet, au-delà des intentions déclarées par les politiques de la formation, leur interprétation par les concepteurs des programmes de formation et leur opérationnalisation dans une ingénierie de formation sous forme de dispositifs cherchant à rendre possible l’atteinte des objectifs fixés aux conditions données, la question du travail réel fourni par les étudiants en enseignement spécialisé au sein de ces dispositifs de formation pratique demeure encore sous-documentée (chapitre 2). En outre, comme l’ont mis en évidence Nagro & deBettencourt (2017), si certaines thématiques sont certes investiguées par certains auteurs, elles le sont souvent à partir de conditions de formation pratique singulières, locales, non mises en relation avec les contextes-types de l’enseignement spécialisé et elles concernent de fait des publics d’étudiants en formation (voire parfois d’enseignants déjà en fonction) peu différenciés sur le plan de leurs parcours de formation et/ou professionnel antérieurs, de leurs connaissances, de leurs attentes, de leurs préoccupations relatives au travail qu’ils vont être amenés à effectuer durant leurs stages. Or, à l’instar des parcours de formation antérieurs des étudiants admis en formation d’enseignant spécialisé, et des contextes de travail dans chaque système, les caractéristiques et les typologies des dispositifs de stage proposés par les instituts de formation des enseignants spécialisés en Suisse sont aussi très variables : les repères donnés (chapitre 2) montrent à quel point les objectifs visés, les modalités de réalisation, d’encadrement et d’évaluation comportent bon nombre de similitudes, mais sont de facto bien différents les uns des autres.

Dès lors, comment les étudiants interprètent-ils les prescriptions relatives à la tâche qui les attend durant la formation pratique ? Comment s’engagent-ils dans ce travail ? Comment mobilisent-ils durant leurs stages, les connaissances issues de leurs parcours de formation, de leurs trajectoires personnelles et/ou professionnelles, et a fortiori lorsqu’ils ne détiennent pas un diplôme ou un parcours de formation à l’enseignement à l’entrée en formation ? Si notre expérience empirique contribue à nous rendre attentive à certaines difficultés, zones de tensions, voire à certains dilemmes rencontrés par les étudiants-stagiaires lorsqu’ils sont en stages, peu de connaissances scientifiques nous permettent de savoir et comprendre ce qui préoccupe les étudiants-stagiaires lorsqu’ils sont en stages en contextes d’enseignement spécialisé, et de comprendre comment ceux-ci opèrent des choix lorsqu’ils accomplissent leurs tâches. Nous ne détenons en effet que peu d’éléments sur ce à quoi ils s’attendent ou ne s’attendent pas, sur ce qu’ils ressentent, et sur la manière dont ceux-ci construisent du sens, compte

tenu de la diversité, de la singularité et de la complexité des situations potentielles auxquelles ils sont confrontés durant leurs différents stages. En outre, nous ignorons si et en quoi ces problématiques de formation et d’enseignement rencontrées par les étudiants-stagiaires dans ces multiples et singulières situations de formation au travail, sont très spécifiques, ou peuvent au contraire être généralisées et modélisées, constituant de ce fait des repères concernant des formes de dispositions à agir typiques (Muller & Plazaola Giger, 2014) d’étudiants-stagiaires dans les différents contextes d’enseignement spécialisé. Cette absence de connaissances, réduit par conséquent la possibilité de prendre appui sur les points forts et les limites des différents dispositifs construits en référence aux prescriptions institutionnelles communes à l’ensemble des cantons, tout en veillant aux zones de vigilance scientifiquement mises en évidence, pour concevoir, évaluer et réguler les dispositifs de formation pratique actuels.

En ce sens, le cadre théorique et méthodologique sur lequel cette thèse s’appuie (chapitre 3), nous invite à explorer ce champ de connaissances non encore visité et à investiguer la formation pratique des étudiants-stagiaires en contextes d’enseignement spécialisé, en circonscrivant certaines composantes parmi d’autres, et en accordant de l’importance à deux des multiples aspects pour lesquels le domaine de la formation à l’enseignement spécialisé manque de références.

Compte tenu de nos préoccupations de chercheure-formatrice dans le domaine de la formation pratique à l’enseignement spécialisé, il est pour nous essentiel de chercher à décrire et comprendre, à travers la notion d’activité, ce qui se joue pour les principaux acteurs concernés par ce dispositif central de la formation. Comme évoqué précédemment, celui-ci est lui-même conçu selon certains principes d’ingénierie de formation (Enlart & Mornata, 2006), comme un dispositif supposé être bénéfique, efficient, pour la formation des étudiants-stagiaires, valorisé et apprécié de leur part. De plus, adoptant une forme pédagogique distincte de la forme universitaire traditionnelle (cours et séminaires au sein de l’institut de formation), les stages sont supposés favoriser la construction des premiers repères du travail de l’enseignant spécialisé et permettre aux étudiants-stagiaires d’exercer des tâches d’enseignement in situ et in actu, soit face à de « vrais » élèves institutionnellement déclarés à besoins éducatifs particuliers, dans des environnements de travail réels et non à partir de l’expérience d’autrui sous forme de vidéoformation ou à partir d’études de cas fictives, etc. Les dispositifs de stage prescrivent donc un certain nombre de tâches de formation sous-tendues par des objectifs à atteindre et des conditions de réalisations de ces tâches.

Or, nous l’avons montré dans les chapitres 1 et 3, la tâche des enseignants (caractérisée par ses prescriptions, ses buts et sous-buts ainsi que les procédures permettant d’y parvenir) se distingue de l’activité (caractérisée par la manière dont les acteurs interprètent les prescriptions pour agir et en agissant) (Leplat, 2004). Partant du principe que les travailleurs ne font jamais exactement ce qu’il leur incombe de faire (Amigues, 2003 ; Leplat, 2004 ; Paquay et al., 2004 ; Schwarz, 2007), la littérature avance également que l’écart entre la prescription et l’activité peut toujours être justifiée par les acteurs, ceux-ci ayant précisément toujours de bonnes raisons de faire ce qu’ils font, y compris, s’écarter de la prescription pour accomplir la tâche prescrite (Paquay et al., 2004). De plus, comme nous l’avons rappelé, les conceptions théoriques et méthodologiques avec lesquelles cet écart peut lui-même être appréhendé, décrit et modélisé, divergent selon les courants et modèles d’analyse du travail existant (Amigues, 2003 ; Bucheton, 2014 ; Durand, 2009 ; Goigoux, 2001; Schwartz, 2007 ; Saujat, 2004 ; Yvon & Saussez, 2010; Yvon & Durand, 2012). En effet, ceux-ci n’accordent pas la même importance à la tâche, aux points de vue des acteurs, au contexte, ou encore à la situation de travail, et ne recourent guère aux mêmes méthodes pour accéder à la description de ces écarts. D’autres encore ne prennent pas l’écart entre tâche et activité en tant qu’objet de l’enquête, mais le situent dans un arrière-fond à disposition pour comprendre l’activité déployée par l’acteur (Champy-Remoussenard, 2005 ; Lussi Borer, Durand & Yvon, 2015). S’il existe un repère commun parmi ces approches de l’analyse du travail enseignant, c’est bien l’impossibilité d’analyser le travail sans prendre en considération, la situation dans laquelle celui-ci se déploie d’une part, et la manière dont le travail lui-même agit en retour sur la situation d’autre part (Chapitre 1 et 3).

Comme présenté dans le chapitre 3, nous émettons l’hypothèse d’une complémentarité possiblement fructueuse, d’un analyse empruntant tant aux postulats du programme de recherche empirique du cours d’action (Theureau, 2004, 2006, 2009, 2015) qu’à ceux du programme de recherche consacré aux contingences situationnelles et institutionnelles (Pelgrims, 2003, 2006, 2009 ; Pelgrims et al., 2015;

Pelgrims et al., 2017 ; Pelgrims et al., 2018). Leur association provisoire dans le cadre d’un espace de recherche (Theureau, 2015) peut selon nous constituer un potentiel intéressant de synergies possibles en matière d’enquêtes sur l’activité en contextes d’enseignement spécialisé, même si ceux-ci ne partagent pas les mêmes postulats relatifs à la notion d’activité.

Le premier considère l’activité (en l’occurrence celle des enseignants spécialisés) comme un ajustement à des contingences situationnelles décrites en termes de contraintes et de libertés inhérentes aux différents contextes d’enseignement spécialisé (Pelgrims, 2016). Le second considère l’activité humaine comme une totalité autonome, dynamique, culturellement et historiquement située, résultant d’un couplage structurel entre un acteur et son environnement, couplage auquel il est par ailleurs accordé un primat à l’intrinsèque, c’est-à-dire au point de vue de l’acteur spécifiant ce qui est pertinent, à chaque instant, compte tenu de ses préoccupations, de ses attentes et de ses connaissances à cet instant (Theureau, 2006).

Plus précisément, Pelgrims, s’appuyant notamment sur une perspective interactionniste située, ainsi que sur une perspective écologique de la classe (Doyle, 1986. 2013), postule que l’acteur s’ajuste à ces différentes contingences pour enseigner en tentant d’actualiser à la fois ses intentions didactiques (enseigner et faire progresser les apprentissages) et pédagogiques (obtenir la participation et l’intégration de chacun au groupe collectif). Ce faisant, il peut être contraint malgré lui de s’écarter d’intentions didactiques et pédagogiques initiales, notamment lorsque sous l’effet de contraintes, les deux ordres de tâches sont incompatibles et que la seule marge de liberté possible est d’écarter l’un au profit de l’autre (Pelgrims, 2009 ; Pelgrims et al., 2015). L’auteure fait le pari de mettre en évidence ces configurations de contingences spécifiques aux différents contextes et de révéler, en amont, aux acteurs, la présence de « zones à risque » potentielles sur le chemin grâce aux différents modèles heuristiques des contingences situationnelles. Ce travail de formation, en principe réalisé en séminaire, fait aussi le pari que les régulations de l’activité professionnelle qu’il devrait produire demeure suffisamment prégnant pour aboutir dans l’activité même des étudiants en stage, en présence d’un formateur de terrain, d’élèves et d’autres professionnels (Pelgrims, 2018). Nous pouvons donc considérer une circonscription des ouverts et des implications des modélisations possibles de l’activité des enseignants spécialisés en fonction de ces différents modèles.

Cette position et ces postulats ne sont toutefois pas assumés par les tenants du programme de recherche empirique du cours d’action pour qui l’activité est « ouverte aux deux bouts ». Ceux-ci laissent dès lors complètement ouverte la possibilité que les enseignants dans leurs couplages avec tel ou tel contexte, telle ou telle situation d’enseignement déployée dans telle ou telle classe au sein d’un contexte d’enseignement particulier, puissent ne pas prendre en considération certaines contraintes ou ressources de l’environnement (chapitre 3). En effet, Theureau (2006) s’appuyant sur l’hypothèse de l’autopoïèse (Varela et Maturana, 1987 ; Varela, 1989a), l’hypothèse de la conscience préréflexive et celle de l’activité-signe (Theureau, 2006) postule que l’environnement n’étant a priori ni prédéfini et donc encore moins prédéterminé par un ensemble de contraintes ou de ressources, c’est l’acteur qui spécifie ce qui est significatif pour lui, y compris en termes de contraintes et de ressources à son activité, à chaque instant lorsqu’il agit. Cette perspective a dès lors l’avantage de s’intéresser, moyennant certaines conditions d’expression de la conscience préréflexive, à ce que vivent, ressentent, font les acteurs dans leurs couplages à ces situations jugées a priori à risques ; autrement dit à la manière dont ils vont singulièrement interagir avec la situation comprenant (possiblement) ces contingences.

Considérant l’ensemble des contraintes et libertés situationnelles et institutionnelles auxquelles les

Considérant l’ensemble des contraintes et libertés situationnelles et institutionnelles auxquelles les

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