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Rôles particuliers des formateurs de terrain dans l’accompagnement des stages Outre l’importance accordée aux dispositifs de stages eux-mêmes, nous constatons que dans la

La formation au travail de l’enseignant spécialisé

2.5 Constats, enjeux et défis posés par les dispositifs de stage dans les formations initiales à l’enseignement spécialisé

2.5.3 Rôles particuliers des formateurs de terrain dans l’accompagnement des stages Outre l’importance accordée aux dispositifs de stages eux-mêmes, nous constatons que dans la

littérature, cette importance est régulièrement associée à la nécessité d’un accompagnement de qualité (p. ex., Billinglsey, 2001 ; Brownell, et al. 2005 ; Mamlin, 2012 ; Young, Jones & Low, 2011). Par ailleurs, nous avons vu que cette qualité de l’accompagnement n’est pas systématiquement garantie étant donné les contraintes avec lesquelles les établissements de formation initiale à l’enseignement spécialisé composent.

Or, il semblerait que les conditions d’un accompagnement fiable soient d’autant plus nécessaires que la formation concerne celles de futurs enseignants spécialisés. Alors que certains étudiants, nous l’avons vu, ne sont pas au bénéfice d’une formation préalable dans l’enseignement, de nombreux autres sont des enseignants spécialisés en emploi (sans formation initiale traditionnelle) ayant été engagés pour des raisons de pénurie dans le domaine, tandis que d’autres encore poursuivent leur parcours de formation initiale en ne bénéficiant uniquement des dispositifs de formation pratique pour être exposés à des situations s’apparentant au travail qui les attendra dès l’obtention du diplôme requis pour être autorisés à enseigner. La diversité des profils composant ce public hétérogène d’étudiants en formation, requiert dès lors des compétences de formation avérées de la part des formateurs de terrain accueillant les étudiants dans leur classe ou les accompagnant dans leurs propres pratiques d’enseignement spécialisé.

De nombreuses attentes pèsent donc inévitablement sur ces acteurs de la formation, émanant tant de la part des étudiants eux-mêmes (Cabre & Sartori, 2019), que de la part des établissements de formation (Brownell, et al. 2005). En outre, comme nous l’avons mentionné plus tôt, ces mêmes établissements de formation ne confient pas sine qua non les étudiants aux formateurs de terrain, en postulant simplement qu’en raison de leurs années d’enseignement et de leurs qualités avérées de formateurs, ceux-ci peuvent former, guider et orienter les étudiants selon leurs propres valeurs, conceptions, normes d’action concernant la formation à l’enseignement spécialisé d’une part, et l’enseignement spécialisé d’autre part (Mamlin, 2012). En effet, les formateurs de terrain devraient être en mesure de servir de modèles pour les étudiants-stagiaires (Gervais & Desrosiers, 2005), de leur montrer, en y ayant recours, les « bonnes pratiques » spécifiques à l’enseignement spécialisé et préconisées par les standards nationaux et internationaux (Brownell, et al. 2005). Toutefois, les formateurs de terrain ne devraient pas se contenter de montrer ce qu’ils font, mais également et surtout favoriser chez les étudiants une meilleure compréhension de la complexité inhérente à l’exercice de ce travail, et ce quelques soient les structures dans lesquelles ils l’exercent (Roberts, et al., 2013). Pour assumer cette tâche, il serait dès lors pertinent de permettre aux formateurs d’être et de se sentir davantage outillés quant à la manière

d’entrer en relation, d’accompagner, de former, d’évaluer (Ibid.). Les auteurs mentionnent à ce propos, l’importance de former les formateurs de terrain à assumer au mieux cette tâche ou du moins de les soutenir au mieux, dans la mesure où leur contribution consisterait en l’un des plus puissants leviers du développement professionnel des étudiants. Roberts et al. (2013) indiquent dès lors trois axes à partir desquels, les formateurs de terrain en contextes d’enseignement spécialisé pourraient orienter leurs pratiques d’accompagnement et d’évaluation : l’axe des dimensions émotionnelles et affectives de l’enseignement spécialisé, l’axe des dimensions pédagogiques, didactiques et collaboratives de l’enseignement spécialisé, et finalement l’axe des dimensions réflexives en lien avec la préparation, la régulation de l’enseignement. Il s’agit ainsi pour eux, de permettre aux formateurs de proposer les conditions de formation permettant aux étudiants-stagiaires de « sentir, ressentir, se sentir comme » un enseignant spécialisé, « d’agir comme » un enseignant spécialisé et finalement de « penser et réfléchir » comme un enseignant spécialisé.

Roberts et al. (2013) proposent alors différentes pistes d’action très concrètes que les formateurs de terrain pourraient adopter dès lors qu’ils s’engagent dans un processus d’accompagnement et d’évaluation d’étudiants-stagiaires en enseignement spécialisé. Bien que réalisé dans une perspective essentiellement prescriptive, cet inventaire contribue à notre sens à documenter dans une logique s’apparentant à celle de la « job-analysis », certaines dimensions de la tâche des formateurs de terrain en contextes de stages de formation au travail de l’enseignant spécialisé rarement repérées dans la littérature concernant la formation des enseignants spécialisés. En effet, les quatre phases le plus souvent décrites à propos de l’accompagnement des stagiaires au fil d’un stage (Bouvier & Obin, 1998 ; Pelpel, 1989, 2003 ; Gervais & Desrosiers, 2005) et par ailleurs prévues dans certaines prescriptions de dispositifs de stages (HEP Vaud, Uni Fribourg, par ex.) sont ici considérées comme points de repère pour l’anticipation et la mise en œuvre de ces différentes pistes d’action (cf. tableau 2.7). Le formateur de terrain devrait donc veiller pour chacun de ces trois axes, à réaliser certaines tâches : a) en amont du stage, b) au début du stage, c) pendant le stage et d) après le stage.

Tableau 2.7 : Pistes d’actions proposées aux formateurs de terrain dans les stages en contextes d’enseignement spécialisé selon Roberts et al. 2013. (traduit par nous)

Aider l’étudiant à « sentir, ressentir, se sentir » comme un enseignant spécialisé Avant le début du stage Informer les parents et les élèves de l’accueil d’un étudiant-stagiaire dans la classe

Consulter le contrat pédagogique du stage

Organiser la première rencontre avec le superviseur (universitaire) Au début du stage Présenter l’école et l’équipe à l’étudiant-stagiaire

Aider l’étudiant-stagiaire à se présenter et à s’affirmer en tant qu’enseignant face aux élèves

Rappeler aux élèves de considérer et traiter l’étudiant-stagiaire avec le même respect que celui qu’ils lui accordent

Fournir à l’étudiant-stagiaire les règles de l’établissement scolaires et diverses autres procédures en usage Au cours du stage Prévoir des rencontres régulières pour discuter des problématiques rencontrées en classe, des

problématiques en lien avec l’enseignement

Établir/déterminer quelles seront les premières modalités de la communication quotidienne entre le formateur de terrain et le stagiaire (courriel, discussions, téléphones, cahier de communication)

Inviter l’étudiant-stagiaire à participer aux différentes réunions organisationnelles, administratives, synthèses en équipe multiprofessionnelle

Partager avec l’étudiant-stagiaire les techniques vous permettant de réduire votre propre niveau de stress et encourager l’étudiant-stagiaire à trouver ses propres moyens, techniques à cet effet

Aider l’étudiant-stagiaire à entrer en contact avec d’autres enseignants spécialisés, et autres collègues de manière à réduire la sensation d’isolement possiblement ressentie

À la fin du stage Remercier l’étudiant-stagiaire d’avoir passé ce temps dans la classe

Mettre en lumière les zones de développement et de forces constatées

Proposer à l’étudiant-stagiaire une lettre de recommandation de sa part

Inviter l’étudiant-stagiaire à le solliciter par la suite pour toute question, besoin, conseil au sujet de sa pratique d’enseignement spécialisé

./.

Aider l’étudiant à « agir » comme un enseignant spécialisé

Avant le début du stage Considérer l’étudiant-stagiaire comme un partenaire dans la classe et utiliser un langage inclusif à son égard

Planifier les différentes phases du stage

Programmer comment les responsabilités seront progressivement partagées durant le temps du stage et prévoir du temps pour des préparations/planifications communes de l’enseignement

Préparer les informations nécessaires à donner à l’étudiant-stagiaire au sujet des besoins particuliers des élèves et de leurs apprentissages

Au début du stage Prévoir des occasions permettant à l’étudiant-stagiaire d’observer les leçons de manière à ce que ce dernier puisse

Réfléchir au processus de planification

Apprendre des techniques pédagogiques

Relier la théorie à la pratique

Modéliser le processus de pensée et de réflexion engagé dans la planification des leçons de manière à ce que l’étudiant-stagiaire puisse saisir votre pensée

Au cours du stage Être plutôt trop impliqué activement dans le développement professionnel et les apprentissages de l’étudiant-stagiaire que pas assez

Au fur et à mesure que l’étudiant-stagiaire assume la responsabilité des différentes tâches, rester présent dans la classe

Profiter de ce temps pour travailler en plus petit groupe avec certains élèves ou pour mieux prendre en compte les élèves avec trouble du comportement, tout en supervisant l’étudiant-stagiaire et en lui apportant son soutien

Profiter de la présence de l’étudiant-stagiaire pour introduire plus de tâches de manipulation ou encore des projets impliquant la présence de deux adultes en classe

À la fin du stage Fournir à l’étudiant-stagiaire une évaluation finale positive, bien que critique, de ses forces et des zones de travail à améliorer

Aider l’étudiant à « réfléchir, penser » comme un enseignant spécialisé

Avant le début du stage S’informer de l’existence d’un instrument d’évaluation formative permettant de fournir un feed-back structuré à l’étudiant-stagiaire suite à l’observation, auprès de l’université

Si ce document existe, s’en servir pour interagir avec l’étudiant-stagiaire suite aux observations

Développer la conscience de l’ensemble des décisions et micro-décisions prises durant les temps d’enseignement et tout au long de la journée scolaire

Illustrer ses pratiques d’enseignement en ayant recours à un langage technique et spécifique

Au début du stage Prendre l’habitude de communiquer à l’étudiant-stagiaire l’objet de ses réflexions, ses réflexions en elles-mêmes, et de les justifier

Filmer l’étudiant-stagiaire lors d’une séance d’enseignement et observer/discuter de la séance ensemble

Discuter avec l’étudiant-stagiaire de la contribution de l’évaluation formelle des compétences professionnelle pour le développement professionnel

Au cours du stage Guider l’étudiant-stagiaire au travers de questions

Conférer à l’étudiant-stagiaire de fréquentes et diverses occasions de penser, réfléchir et répondre à vos questions avant de partager votre point de vue

Équilibrer les critiques et les éloges

Programmer des observations formelles de l’étudiant-stagiaire

Porter son attention sur:

les stratégies d’enseignement dont l’effet de levier sur les apprentissages est élevé

des pratiques d’enseignement efficaces spécifiques à la discipline enseignée

une relation étudiant-stagiaire / élèves positive

la cohérence entre l’enseignement pourvu par l’étudiant-stagiaires et le projet éducatif individualisé de chaque élève

À la fin du stage Au fur et à mesure que l’étudiant-stagiaire endosse davantage de responsabilités, inverser les rôles et encourager l’étudiant-stagiaire à décrire, illustrer ce qu’il fait en pensant à haute voix

Cabre & Sartori (2019) ont quant à elles cherché à répertorier les gestes d’accompagnement, de formation et d’évaluation que six formateurs de terrain ont déclaré avoir déployé lors de l’accueil d’un étudiant-stagiaire en enseignement spécialisé et réciproquement les gestes que six étudiants-stagiaires en enseignement spécialisé ont par ailleurs perçu en termes d’accompagnement, de formation et d’évaluation de la part de leurs formateurs de terrain, dans le cadre d’un mémoire que nous avons dirigé et réalisé pour l’obtention de la Maîtrise universitaire en enseignement spécialisé (Unige). Celles-ci produisent des connaissances sur les différents gestes destinés à accueillir le stagiaire et permettant à celui-ci de se sentir accueilli au sein de la structure d’enseignement spécialisé, du groupe classe et plus spécifiquement auprès des élèves. Il y est également question des gestes permettant au stagiaire de se sentir encadré dans son processus de formation ainsi que des gestes associés spécifiquement à la formation aux tâches des ordres didactique, pédagogique et collaboratif, à la formation au développement d’une posture professionnelle et à la connaissance du contexte institutionnel. Il ressort toutefois de cette étude à caractère exploratoire, un recours peu fréquent de la part des formateurs de terrain à des gestes spécifiques de formation aux tâches collaboratives, pourtant tellement mises en avant dans la littérature exposée précédemment. Du côté des stagiaires, ceux-ci expriment en revanche le

besoin de se voir attribuer des formateurs compétents dans un rôle d’accompagnement, de formation et de soutien à la réalisation de l’ensemble des tâches prescrites par les dispositifs de stage, mais plus particulièrement dans les tâches didactiques et pédagogiques.

Finalement, nous retenons également de l’ensemble des travaux nord-américains sur lesquels nous nous sommes appuyés (Brownell et al. 2005 ; Mamlin, 2012 ; Nagro et al. 2017 ; Nagro &

deBettencourt, 2017) la présence de modalités d’accompagnement, de formation, et d’évaluation fondées sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication utilisées en formation, favorisant des dispositifs de formation novateurs, permettant une mise à profit de la tension proximité/distance utile au développement professionnel et allant au-delà des traditionnels entretiens bipartites et ou tripartites (p. ex., Boutet & Pharand, 2008 ; Boutet & Rousseau, 2002 ; Correa Molina

& Gervais, 2008 ; Gervais, 1999, 2003 ; Gervais & Desrosiers, 2005 ; Guillemette & L’Hostie, 2011 ; Perréard-Vité, 2011), ayant par ailleurs montré plusieurs de leurs limites (Chaliès & Durand, 2000, 2009). De nouvelles perspectives de recherche à des fins de conception de dispositifs d’accompagnement, de formation et d’évaluation du travail de formation pratique réalisé par les étudiants dans le cadre des stages, semblent donc prometteur. Le recours à l’analyse du travail réel de formation déployé par les étudiants-stagiaires et leurs formateurs, telle qu’envisagée par plusieurs auteurs ayant adopté différents « courants » de l’analyse du travail enseignant (Yvon & Saussez, 2010), nous amène à considérer avec sérieux l’intérêt que les chercheurs du domaine de la formation à l’enseignement spécialisé en contextes de stages, auraient à s’emparer de la notion d’activité, pour comprendre et décrire « ce que font réellement » les différents acteurs pour faire « ce qu’ils ont à faire » compte tenu des conditions de réalisation de la tâche à disposition.

Nous y voyons un petit pas de côté dans ce domaine très particulier de la recherche et de la formation au sein de la pédagogie spécialisée, dans la mesure où celui-ci contraint à la fois à la sortie d’une logique de recherche « processus-produit » orientée efficacité, qualité et résultats, tout en renonçant également à une seule logique de formation « socio-constructiviste » orientée essentiellement sur la pratique réflexive.

Une nouvelle potentialité s’offre en effet en termes d’Espace de recherche (Theureau, 2009, 2015) et de formation à l’enseignement spécialisé : l’approche interactionniste et située des pratiques et de formation à l’enseignement spécialisé (Pelgrims, 2001, 2006, 2013, 2018 ; Pelgrims et al. 2010), voire écologique à certains égards (Lortie, 1975 ; Kounin, 1970 ; Doyle, 1986), nous invite à explorer simultanément les apports d’une perspective enactive et sémiologique de l’activité humaine (Theureau, 2006 ; Varela, 1989) pour envisager la formation à l’enseignement spécialisé. Prenant en considération, les conditions de réalisation de la tâche des étudiants en formation au travail des enseignants spécialisés, soit l’ensemble des contraintes et des libertés institutionnelles et situationnelles avec lesquelles ils sont tenus de composer l’accomplissement de la tâche (Pelgrims, 2016b), nous nous intéressons à comprendre comment les étudiants-stagiaires vivent leurs stages de formation.

CHAPITRE 3

La notion d’activité pour décrire et comprendre le travail

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