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La notion d’activité pour décrire et comprendre le travail réel des étudiants-stagiaires

3.3 Transformations dans le « cours » de la marche… le chemin gagne en longueur et en largeur avec les notions d’enaction et d’expérience

3.3.2 L’activité humaine selon le programme de recherche empirique du cours d’action Le programme de recherche empirique du cours d’action, est fondé sur la conjonction entre deux

3.3.2.2 L’hypothèse de l’autopoïèse des systèmes vivants et l’enaction

La théorie de l’autopoïèse des systèmes vivants comme troisième voie entre le cognitivisme et le connexionnisme

Les propositions théoriques de l’approche enactive s’inscrivent dans le contexte particulier des années 70-80 aux États-Unis, contexte ayant lui-même contribué à son émergence. Comme nous l’avons déjà évoqué dans la section précédente, il s’agit d’un contexte de fascination sociale et scientifique pour l’informatique et les intelligences artificielles, un contexte dans lequel les sciences cognitives modernes79 cherchent à modéliser le fonctionnement de l’esprit humain, et à travers lui, celui de la cognition et de la connaissance. Au cœur des sciences cognitives, le cognitivisme puis le connexionnisme80 occupent alors les devants de la scène de l’exploration de la connaissance, une scène par ailleurs devenue légitime aux yeux de la science. Or, face aux présupposés sur lesquels reposent le cognitivisme, de même que face aux alternatives néanmoins problématiques proposées par le connexionnisme, (Theureau, 2004 ; Varela, 1989b ; Varela, Thompson & Rosch, 1993), une nouvelle perspective est avancée pour comprendre, conceptualiser et décrire la cognition et plus particulièrement certains mécanismes de la cognition telles que la perception, la mémoire, la vision, ou encore l’imagination. L’enaction renverse la conception d’un monde dont les propriétés particulières, mesurables, tangibles et donc objectivables seraient prédéfinies et représentables préalablement par des symboles, et se désolidarise d’une définition de la cognition envisagée comme un traitement d’informations ou de résolution de problèmes, basée sur une manipulation de codes et de symboles et assimilant pour ainsi dire le cerveau humain à un ordinateur.

En effet, est-il toujours possible de représenter à partir de symboles prédéfinis, un monde complexe, instable, dynamique, peu prévisible ? Est-il par ailleurs possible de résoudre, à partir de l’anticipation de réseaux de connexion, les problèmes posés par ce monde complexe, autrement dit, le monde naturel, le monde du vivant, s’interroge Varela ?

Si le chercheur se pose cette question et y répond en invoquant l’incapacité de « notre monde naturel et vivant » à être classifié d’une part, à l’être de l’extérieur d’autre part, c’est aussi parce qu’il est issu des Sciences de la Vie et qu’il invite les Sciences de la Vie à prendre place sur la scène de l’exploration de la cognition (Le Blanc, 2014). En effet, l’approche enactive repose sur le principe de l’autopoïèse, élaboré de concert avec son collègue, ami et compatriote chilien Humberto Maturana, suite à une thèse réalisée en biologie sur la rétine des insectes et la perception des couleurs. Or, la théorie de l’autopoïèse, littéralement en grec la production (poïein) / de soi ; par soi (autos), met en évidence la propriété de toute cellule vivante à s’autoproduire dans une interaction dynamique avec son environnement (Maturana &Varela, 1987).

79 L’intérêt et la production de théories sur l’Esprit et la connaissance n’ont pas attendu l’ère des sciences dites cognitives pour se pencher sur la question, rappelle Varela (1989b, p.10). Il précise par ailleurs (Varela, 1989a), que dans le contexte scientifique nord-américain de l’époque, il est fait peu cas des traditions et réflexions épistémologiques dans la recherche (du moins dans le domaine qui est le sien).

80 Pour un approfondissement à ce sujet, consulter, Theureau, 2004, p. 27, se référant lui-même à McClelland, Rumelhart et The PDP Research Group (1986) ou encore Varela (1989b), pp. 53 à 87.

Les systèmes vivants : structure et organisation

Les chercheurs soulignent tout d’abord l’importance de faire apparaître la dualité structure/organisation pour la description de ce qu’ils nomment les systèmes vivants. Selon eux, ceux-ci sont dotés d’une structure d’une part et d’une organisation d’autre part. La structure du système vivant peut être définie comme étant « l’ensemble des interrelations effectives de ses composants, indépendamment de ces composants eux-mêmes. » (Varela, 1989a, p. 41). Ceux-ci sont soumis à chaque instant à une dynamique interne d’équilibration et de désordres successifs. L’organisation du système consistant quant à elle, en l’ensemble des relations qui contribuent à spécifier le système comme une unité vivante » (ibid.). L’organisation du système est donc bien indépendante de la structure, « de la matérialité des composants au sein de laquelle cette organisation est incorporée » (ibid., p. 43). Ainsi, la présence de cette dualité permet dès lors de définir le système vivant soit comme une structure en insistant sur la manière dont les composants du système s’agencent au sein des interactions qui le constituent, soit comme une organisation en privilégiant les relations dynamiques spécifiques entre les composants qui définissent le système (ibid.).

Autonomie des systèmes vivants et clôture opérationnelle

Maturana & Varela (1987) attribuent par ailleurs aux systèmes vivants une capacité autopoïétique, soit la possibilité d’engendrer et de spécifier continuellement leur propre organisation. Le biologiste explique en effet que le système vivant autopoïétique « accomplit ce processus de remplacement de ses composants parce qu’il est continuellement soumis à des perturbations externes et constamment forcé de compenser ces perturbations » (Varela,1989a, p. 45). Ce système vivant cherche donc à maintenir à chaque instant son équilibre dont l’invariant fondamental est sa propre organisation. L’auteur énonce quatre conséquences à l’organisation autopoïétique des systèmes vivants. Selon eux, les systèmes vivants sont des systèmes autonomes dans la mesure où « tous leurs changements sont subordonnés au maintien de leur propre organisation, même lorsque les processus de maintien entraînent des transformations profondes du système » (ibid.). Ils disposent d’une individualité ou une identité indépendante. Ils consistent en des unités, au sens où ceux-ci sont distincts d’autres unités et de leur propre environnement. Finalement les systèmes vivants n’ont ni outputs ni inputs.

Ces caractéristiques des systèmes vivants soulignent ainsi leur autonomie, au sens à nouveau littéral de leur « obéissance » à une loi (nomos) de soi ; par soi (autos), et non pas à une définition de l’extérieur (allonomie) (Varela, 1989a). L’autonomie est l’expression d’un processus naturel, celui d’une boucle circulaire permanente, contribuant à clore opérationnellement le système et récusant l’idée d’une entrée (input) et d’une sortie (output) au système. « Des événements extérieurs peuvent [toutefois] perturber [les systèmes autopoïétiques] et ils peuvent subir des transformations structurales internes afin de compenser ces perturbations. Si les perturbations se répètent, le système peut à son tour répéter des séries de transformations internes » (ibid, p. 47).

Or, c’est précisément en fonction de la dualité organisation/structure que le système vivant va être en mesure de spécifier l’ensemble des perturbations qu’il sera en mesure de supporter sans se désintégrer. Il est alors question d’un couplage dit structurel, de l’organisme ou système vivant avec son environnement :

Les interactions continues d’un système structurellement plastique au sein d’un environnement source de perturbations récurrentes produiront une sélection continue au sein des structures possibles du système. Cette structure [produit de la sélection], d’une part déterminera l’état du système et le domaine de perturbations permises [celles qui ne tuent pas le système], d’autre part lui permettra de fonctionner sans se désintégrer au sein de cet environnement. Nous nommons ce processus le couplage structurel. (Varela, 1989a, p., 29).

Le système s’avérant en effet structurellement plastique et sensible aux perturbations de l’environnement, ne s’y adapte pas mais agit sur l’environnement en retour. En effet, en sélectionnant uniquement les perturbations pertinentes pour lui et en produisant une réaction à la perturbation, il transforme l’environnement ainsi que l’organisation interne. Insistant, sur la terminologie utilisée pour décrire leurs observations et constats, les chercheurs préfèrent d’ailleurs la notion de perturbations du système à celles de stimuli provenant d’un monde extérieur et suscitant une réaction interne du système.

Celle-ci contribue ainsi à nuancer ainsi la logique de pression, de contrainte adressée par l’environnement au système, et à laquelle celui-ci devrait répondre par une réaction : un ajustement, une adaptation, un rejet.

Ces interactions constituent l’histoire à la fois biologique et phylogénétique, mais également ontogénétique du système vivant.

En effet, comme le précisent Maturana & Varela (1987), tout organisme vivant, (de la cellule la plus primitive – l’éponge par ex. – à l’organisme le plus sophistiqué – l’homme) a une histoire qui remonte à des millions d’années et qui spécifie la manière d’être au monde de chacun de ces organismes (phylogénèse). De plus tout individu a lui-même sa propre histoire, son ontogénèse :

L’ontogénèse est l’histoire du changement structurel dans une unité sans perte de l’organisation de cette unité. Ce changement structurel continue se produit dans l’unité, d’instant en instant, ou comme un changement déclenché par les interactions venant de l’environnement dans lequel elle existe, ou comme un résultat de sa dynamique interne. En ce qui concerne ses interactions continues avec l’environnement, la cellule unité, les classe et les considère en accord avec sa structure à chaque instant. Cette structure, à son tour change, continuellement du fait de sa dynamique interne. Le résultat final est que la transformation ontogénétique d’une unité cesse seulement avec sa désintégration. (Maturana & Varela, cités par Theureau, 2004, p. 29).

Cette histoire à la fois universelle et individuelle, ouvre dès lors certains possibles à certaines structures vivantes, tandis qu’elle ne les ouvre pas à d’autres. En effet, pour Varela, c’est la structure biologique de l’individu qui fait émerger la plus ou moins grande complexité du monde. Plus la structure biologique ou le système vivant est complexe, plus la boucle circulaire perception-action dans son couplage à l’environnement sera susceptible de faire émerger des variations, de la diversité et donc une certaine complexité du monde.

Activité perceptive et subjectivité des animaux … autre forme de couplage structurel ?

Ce phénomène à présent bien connu des biologistes et des neurobiologistes (Varela et al., 1993) puise toutefois ses origines dans le modèle de l’Umwelt développé au 19ème siècle par l’éthologue Jacob Von Uexküll comme proposition alternative et symétrique à l’utilisation de la notion de « milieu » telle qu’elle a pu être développée jusque-là (Chamoix, 2016, p. 176). Bien que les chercheurs chiliens ne se réfèrent ni à cet auteur, ni à cette notion, elle présente néanmoins certaines ressemblances avec une conception de l’activité (ici essentiellement perceptive) comme couplage structurel du système vivant avec son environnement, et donc comme enaction. Von Uexküll désigne par Umwelt, « le monde produit par l’organisme » (Von Uexküll cité par Chamois, 2016, p. 176). Ce dernier considère en effet que chaque organisme opère en agissant, une sélection parmi l’ensemble des stimuli de son environnement, l’action n’étant ainsi ni objective, ni uniquement dépendante des stimuli extérieurs. Il va ainsi évoquer la subjectivité des animaux (Bégout, 2013). Ainsi pour Uexküll, chaque organisme agit dans un environnement qui lui est propre, un « monde-propre » (Durand, 2006) et non pas dans un environnement indifférencié, soit « indépendant des caractéristiques propres de l’organisme », ou inconditionné (Chamois, 2016, p. 176). L’organisme spécifie, sélectionne les stimuli auquel il sera en mesure de réagir, en fonction de ses propres organes percepteurs et de l’organisation de son système percepteur, contribuant en quelque sorte à produire les stimuli pertinents pour lui (ibid.). Pour l’éthologue, chaque espèce participe ainsi au processus d’émergence des stimuli qui lui seront spécifiquement pertinents. Ainsi, dans une prairie, un Umgebung ou « environnement » unique et identique pour tous, l’abeille va configurer son « monde propre », son Umwelt, son « milieu », en sélectionnant les éléments de la prairie qui sont spécifiques et particulièrement pertinents du point de vue de son espèce, pour se déplacer, se nourrir, se défendre contre des agressions potentielles, se reproduire (Bégout, 2013). Il y a donc de fortes chances que le monde propre de l’abeille diffère largement de celui d’un chat, d’un mulot, ou encore d’une petite fille se trouvant dans ce même environnement. En outre, au sein de ces mêmes environnements, les mondes propres configurés par les organismes, le sont en fonction de leurs besoins respectifs et spécifiques (reproduction, alimentation, habitat, combat/défense). (ibid.).

Nous pouvons ainsi rapprocher cette notion de « monde propre » au sens d’Uexküll, des sélections que le système vivant opère dans le cadre du couplage structurel mis en évidence par Maturana et Varela

(1987). Les animaux sélectionnent ainsi les perturbations significatives de l’environnement, leur permettant de continuer à agir sur cet environnement tout en produisant leur « monde propre » en retour.

L’enaction comme cognition incarnée

Si nous revenons à la question initialement posée par Varela, et à la réponse négative qu’il y apporte en affirmant « qu’aucun aspect de notre monde naturel et vivant ne peut être classifié à partir de délimitations nettes : on ne peut en faire un domaine dont on tracerait la carte » (Varela, 1989b, p.95), c’est que le biologiste constructiviste cherche également à renouer avec le sens commun ou avec une cognition faisant émerger l’arrière-plan de savoirs eux-mêmes incarnés, puisant de manière toujours contextualisée, dans un monde expérience et favorisant l’enaction à chaque instant de questions pertinentes pour agir et en agissant. Il s’agit donc plutôt de « savoirs comment » qu’on aurait « sous la main », que de « savoirs sur… ou de savoirs que… » (ibid.).

Pour Varela, il existe toutefois une réelle difficulté à formuler ces connaissances qui relèvent du sens commun, sous la forme d’une connaissance explicite (Varela, 1989b, p. 90 ; Varela et al., 1993, p. 207-208), de même qu’il est complexe de « spécifier ce qui compte comme objet, comme événement, comme situation, indépendamment du type de situation qu’il s’agit d’accomplir (…) l’individuation des objets, des événements, des propriétés variant en fonction de la tâche en jeu. » (Varela et al., 1993, p. 208).

« Le monde où nous vivons est si présent que nous ne réfléchissons pas à ce qu’il est, ni à la manière dont nous l’habitons. » (Varela, 1996, p.25). En effet, les différentes situations que nous sommes amenés à vivre au quotidien constituent précisément une succession de micro-mondes auxquelles sont couplées tout autant de micro-identités (formes de dispositions culturelles, biologiques, psychologiques à agir dans des situations données). Varela se réfère alors à la notion de flux de micro-transitions, pour désigner l’incarnation du passage (inaperçu) d’un micro-monde à un autre, d’une micro-identité à une autre, au travers de la capacité dont un individu dispose pour agir de manière pertinente à chaque instant, en faisant émerger des micro-mondes récurrents, invariants, historiquement constitués, ou autrement dit appris. (ibid. p, 26). Or, il arrive bien évidemment que l’individu soit confronté à des situations inédites :

« Les nouveaux comportements et les transitions, ou les ponctuations, qui les articulent correspondent à des micro-ruptures que nous vivons continuellement. Parfois, les ruptures ne sont pas vraiment ‘micro’

mais d’ordre macroscopique. » (ibid., p.26). Ce sont en effet ces ruptures qui nous permettent de réaliser, l’écart entre nos dispositions naturelles à agir, penser, nous déplacer, nous comporter dans une situation habituelle, et le comportement, l’action, la pensée, le mouvement adopté dans la nouvelle situation.

Les auteurs défendent ainsi la thèse d’une cognition ne pouvant s’affranchir de l’expérience d’un corps doté de diverses capacités sensori-motrices, qui elles-mêmes s’inscrivent dans un contexte biologique, culturel, psychologique plus large. Cette thèse insiste sur la cognition conçue comme une action incarnée, et donc sur l’impossible séparation entre la perception et l’action dans une cognition vécue (ibid. ; Varela, 1996). Comme aiment à l’affirmer Varela et ses collègues, le corps de tout individu est organisé dans une boucle de couplage sensori-moteur, ce qui revient à dire que tout ce qui est réalisé, produit par l’individu se déploie toujours dans le cadre d’un cycle sensori-moteur, « perception-action ».

Ce couplage sensori-moteur constitue le noyau fondamental de la logique du système neuronal (logique commune à l’ensemble des systèmes vivants), associant dans une boucle perpétuelle, l’action à la perception, la perception à l’action, donc le corps à l’esprit, l’esprit au corps.

L’enaction peut donc être définie à partir de deux idées clés : a) la perception est une action guidée par la perception et b) « les structures cognitives émergent des schèmes sensori-moteurs récurrents qui permettent à l’action d’être guidée par la perception » (Varela et al., 1993, p. 235). Cette approche contribue ainsi à orienter l’analyse de l’activité vers une analyse s’intéressant à la perception de l’individu à partir de la manière dont le système nerveux relie les surfaces sensorielles et motrices de l’individu et non à partir d’un environnement pré-donné. Theureau y voit dès lors d’importantes conséquences épistémologiques et méthodologiques, tout en ne limitant pas l’étude de l’activité humaine au cadre de la boucle « action-perception ».

3.3.2.3 Implications de la théorie de l’enaction pour l’étude empirique de l’activité humaine Theureau (1992, 2004), rappelons-le, considère le paradigme de l’enaction dans la mesure où celui-ci contribue entre-autres à fonder la scelui-cientificelui-cité du programme de recherche du cours d’action, comme programme ayant pour objet d’étude l’activité (de travail) des acteurs en interaction avec un environnement instable, dynamique, peu prévisible, complexe, soit dans leurs situations naturelles. En ce sens, l’étude de l’activité perceptive des acteurs à partir de l’autopoïèse s’avère de loin peu suffisante.

En effet, si les acteurs humains partagent avec les animaux certaines des caractéristiques mises en évidence par Maturana & Varela (1987), Varela (1989a) et Varela et al. (1993), dans le cadre de leurs études sur l’autopoïèse et l’enaction (une activité considérée comme cognitive, autonome, incarnée et située, à la fois individuelle et collective), l’activité humaine s’avère quant à elle, « une activité techniquement constituée et cultivée, c’est-à-dire située dans une culture corporelle, matérielle et symbolique, ainsi que celle d’être vécue au sens [de la conscience pré-réflexive]» (Theureau, 2006, p.

41). L’enaction lui permet toutefois de tirer un certain nombre de conséquences importantes pour la notion d’activité humaine et sa description (en termes d’observatoire, notamment).

Conséquences du postulat de l’autonomie

Ce postulat met en évidence une asymétrie dans la dynamique des interactions que l’acteur entretient avec son environnement, au sens où à chaque instant, c’est l’organisation interne de l’acteur qui spécifie ce qui dans cet environnement est source de perturbations pour son organisation interne (Theureau, 2006). Or, dans le cadre des interactions que les acteurs ont entre eux (par ex. dans le cadre du travail), cette dynamique est similaire pour chacun des acteurs (ibid.) Chacun d’entre eux participe ainsi à chaque instant, à ces interactions à partir d’une structure biologique, une constitution physiologique, des prédispositions psychologiques, des compétences, d’une histoire, et des interactions elles-mêmes asymétriques avec cet environnement à l’instant précédent. Pour Theureau (2011, p. 3), les acteurs peuvent également anticiper un certain nombre de ces perturbations et leurs réponses possibles en les sélectionnant à l’avance, « conférant de ce fait à l’activité humaine une organisation temporelle complexe, synchronique et diachronique » (Theureau, 2011, p. 3). Ceci rend dès lors a priori impossible pour tout observateur externe de connaître l’activité d’un autre acteur à partir d’observations du comportement. (Ibid.)

D’autre part, ce postulat prend au sérieux l’absence de frontières spatiales, temporelles ou encore substantielles déterminables a priori dans la dynamique interactive qu’un acteur peut entretenir avec un environnement (Theureau, 2006, p. 39). En effet, pour Theureau (ibid.) reprenant à son compte l’hypothèse de la clôture opérationnelle des systèmes vivants, le système formé par chacun des acteurs et l’environnement, possède ainsi des frontières constamment variables et donc indéfinissables a priori, dépendant des interactions entretenues au sein du système par chacun des acteurs (soit entre chacun des acteurs et l’environnement concerné), mais également des interactions entre chacun des acteurs et d’autres environnements (loisirs, famille, sport, travail, etc.). Or, l’auteur rappelle que chacun de ces environnements présente ses propres caractéristiques distinctes de celles de l’environnement concerné.

Cette absence de frontières temporelles, spatiales et substantielles, contribuent dès lors à une définition des objets théoriques du programme de recherche empirique, ouverts spatialement et temporellement, tels que les objets « cours d’action », «cours d’expérience », « cours d’in-formation » ou encore « cours de vie relatif à une pratique », contrairement aux objets spécifiques soumis à l’étude dans une recherche particulière (par ex : l’activité des étudiants-stagiaires, celle des enseignants, des directeurs, etc.) dans le cadre de situations naturelles définies spatio-temporellement et spécifiées du point de vue de leur contenu (ibid.).

Finalement, Theureau (ibid) relève une troisième conséquence, relative au couplage structurel dit de premier ordre entre l’acteur et son environnement. Il s’agit de la variabilité de la frontière existant entre le monde-propre d’un acteur (son environnement) et son corps-propre (les interactions entre l’acteur et l’environnement dont font notamment partie les objets techniques). Un objet technique ou symbolique peut ainsi tantôt faire partie du corps propre de l’acteur, tantôt ne plus en faire partie, selon l’activité de l’acteur. Il en va de même pour le monde-propre (Theureau, 2011). Ce postulat implique donc un

Finalement, Theureau (ibid) relève une troisième conséquence, relative au couplage structurel dit de premier ordre entre l’acteur et son environnement. Il s’agit de la variabilité de la frontière existant entre le monde-propre d’un acteur (son environnement) et son corps-propre (les interactions entre l’acteur et l’environnement dont font notamment partie les objets techniques). Un objet technique ou symbolique peut ainsi tantôt faire partie du corps propre de l’acteur, tantôt ne plus en faire partie, selon l’activité de l’acteur. Il en va de même pour le monde-propre (Theureau, 2011). Ce postulat implique donc un

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