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L’enseignement spécialisé : domaine de recherche et pratique sociale de référence au sein de la pédagogie spécialisée référence au sein de la pédagogie spécialisée

Le travail des enseignants spécialisés étudié sous l’angle de la tâche

1.3 L’enseignement spécialisé : domaine de recherche et pratique sociale de référence au sein de la pédagogie spécialisée référence au sein de la pédagogie spécialisée

Le domaine de l’enseignement spécialisé, compris comme une pratique sociale de référence aux côtés d’autres pratiques sociales avec des personnes déclarées à besoins éducatifs particuliers (l’éducation pré-scolaire, l’éducation post-scolaire, l’éducation para-scolaire et les interventions médico-psycho-thérapeutiques) est, sur le plan politique et institutionnel, plus spécifiquement inscrit dans le champ de la pédagogie spécialisée (Bürli, 2005, CDIP, 2007). Cette appartenance peut être interrogée sur le plan académique, certains le considérant dans une prolongation de l’enseignement régulier, l’enseignement dit spécialisé bénéficie de son côté, de cadres d’analyses similaires à l’enseignement régulier également saisis à partir de perspectives disciplinaires et d’ancrages théorico-méthodologiques multiples (Chatelanat & Pelgrims, 2003 ; Pelgrims & Perez, 2016). En effet, ce domaine couvre

outre les pratiques de scolarisation, les faits de politiques et structures scolaires, les processus d’orientation scolaire, les réseaux de ressources et de soutien, les approches et actions pédagogiques et didactiques ou plus généralement l’ensemble des paramètres, macro, méso et micro-systémiques en relation avec les pratiques de scolarisation des enfants, adolescents, jeunes adultes, élèves, apprenants ayant des besoins spécifiques (Chatelanat & Pelgrims, 2003, pp, 9-10).

Figure 1.1 : Objets d’études pris en considération par le domaine de l’enseignement spécialisé (Pelgrims, 1999 ; 2012)

Envisagé dans une perspective didactique et pédagogique des pratiques d’enseignement, l’enseignement spécialisé fait l’objet de plusieurs travaux.

La perspective didactique s’intéresse de ce point de vue-là à l’enseignement spécialisé, à partir des interactions didactiques que les enseignants spécialisés entretiennent autour et avec les savoirs mathématiques (p.ex., Assude, Perez &, Tambone, 2012 ; Assude, Perez, Tambone & Vérillon, 2011;

Assude & Suau, 2016 ; Cange & Favre, 2003 ; Dias & Tièche Cristinat, 2012 ; Maréchal, 2006 ; Mary

& Schmidt, 2003 ; Vendeira-Maréchal 2010, 2013), et l’enseignement du français (p.ex., Dolz, da Silva-Hardmeyer & Pelgrims, sous presse ; Goigoux & Thomazet, 1999 ; Gombert & Roussey, 2007).

D’autres travaux émanant du champ de la didactique comparée servent de point d’appui pour comprendre et décrire ce qui se joue dans l’articulation des systèmes didactiques principaux et/ou auxiliaires de l’enseignement régulier et spécialisé, ainsi que leurs conséquences sur les apprentissages réalisés par les élèves dans ces conditions didactiques (p.ex., Tambone & Mercier, 2003). En revanche, pauvres sont à notre connaissance, les études portant sur l’enseignement spécialisé envisagé selon une perspective didactique dans d’autres disciplines scolaires (par ex : sciences de la nature, chimie, physique, géographie, histoire, langues étrangères, etc.).

En ce qui concerne les pratiques de l’enseignement spécialisé, des travaux portent également leur intérêt aux questions relatives à la régulation par les enseignants spécialisés, des comportements en classe (p.ex., Robbes, 2011) tandis que d’autres travaux de recherche s’intéressant plutôt à comprendre l’activité des élèves en lien avec les pratiques d’enseignement spécialisé et l’appréciation qu’en font les élèves (Chlostova Munoz, thèse en préparation ; Pelgrims, 2003, 2006, 2009). Il convient de préciser, que la majorité des travaux s’attachent à identifier et tester l’efficacité de méthodes d’enseignement, d’outils etc.

En outre, l’évolution des contextes de scolarisation des élèves en situation de handicap et/ou institutionnellement déclarés à besoins particuliers depuis les années 1990 (Doré, 2001), associée à une transformation massive et croissante de l’enseignement en contexte régulier (Lantheaume , 2007 ; Maroy, 2006, 2008), ainsi qu’à une reconfiguration du métier d’enseignant spécialisé (Jeanne &

Seknadjé-Askénazi, 2011 ; Thomazet & Mérini, 2011 ; Thoullec-Théry & Lescouarch, 2014) conduit, comme le problématisent Chatelanat et Pelgrims, 2003, également à une redéfinition implicite des frontières entre champs de recherches inscrites en sciences de l’éducation et en pédagogie spécialisée, à partir de l’intérêt porté par des disciplines telles que la psychologie, la sociologie de l’éducation, voire

même l’éducation spéciale, aux questions relatives aux faits situés dans une intersection entre enseignement régulier et enseignement spécialisé.

Ainsi, à partir de notions telles que celles de besoins éducatifs particuliers (Pelgrims, 2012, 2019 ; Pelgrims & Bauquis, 2016), celles d’école inclusive (par ex : Pelgrims & Perez, 2016) d’inclusion et d’intégration scolaires (p. ex., Ebersold, 2009 ; Ebersold & Detraux, 2013 ; Ebersold & Mauguin, 2016 ; Gardou, 2006) celle de difficulté (difficulté scolaire, difficulté d’apprentissage, difficulté d’enseignement, Pelgrims, 2012, 2016, etc.) ou encore celles de différences, diversité, différenciation, voire celle d’hétérogénéité scolaire, celles d’adaptations, d’aménagements, des gestes spécifiques ou génériques (Dunand & Feuilladieu, 2014), nous assistons effectivement à un déplacement progressif mais régulier des intérêts portés par la communauté des chercheurs en sciences de l’éducation, sur des objets d’étude qui auraient pu, il y a quelques décennies, concerner majoritairement, voire exclusivement des contextes d’enseignement spécialisé ou des élèves institutionnellement déclarés à besoins éducatifs particuliers, ponctuellement intégrés en classe régulière.

Comme l’argumente et le déplore Pelgrims (2001, 2005, 2006, 2010, 2019) l’enseignement spécialisé ne demeure pas moins, de par son insertion au sein du champ de la pédagogie spécialisée, une pratique sociale et un objet d’étude largement et encore bien souvent envisagé dans une perspective bio-psycho-médicale, ou encore dans une perspective de compensation des handicaps ou de remédiation. Ainsi de nombreux travaux visant à recommander des pratiques d’enseignement dites efficaces à mettre en œuvre pour l’instruction et l’éducation, voire parfois pour une prise en charge thérapeutique qui sont postulées spécifiques à des catégories de troubles et de déficiences présentées par les élèves. Nous faisons ici référence à l’ensemble des travaux concernant l’enseignement aux élèves dont le diagnostic concerne le trouble du spectre de l’autisme (DSMV), ou aux travaux concernant l’enseignement aux élèves présentant des déficiences sensorielles, telles que les déficiences auditives et visuelles.

1.4 Des professionnels de l’enseignement spécialisé aux désignations multiples….

Nous souhaitons tout d’abord nuancer la désignation des professionnels accomplissant le travail d’enseignant spécialisé.

Le constat d’une variation dans la littérature francophone et anglo-saxonne, des désignations des professionnels qualifiés à Genève d’enseignants spécialisés, nous permet de mieux spécifier le lien souvent implicite entre les missions prescrites et les buts à poursuivre, les conditions de travail, les compétences professionnelles attendues et la désignation institutionnelle des travailleurs sensés les assumer.

À l’instar de l’enquête et analyse comparant les appellations, titres et fonctions des enseignants spécialisés au Canada effectuée récemment par Tremblay et Granger (2018), la consultation de plusieurs sites officiels des administrations et secteurs de l’éducation et de la formation au niveau international, régional et local, (Amérique du Nord et certains pays d’Europe, Suisse et Genève) montre que ce que nous désignons dans le cadre de ce manuscrit comme travail de l’enseignant spécialisé, correspond souvent à une tâche comportant de nombreux invariants mais pourtant accomplie par des professionnels n’étant pas désignés par le même vocable.

Ainsi aux États-Unis, les sources sitographiques repérées10, désignent le plus souvent les enseignants spécialisés par le terme « special education teachers », ce qui est également le cas dans la littérature.

Lorsque nous rencontrons le vocable « special educators » (p. ex., Molteni, McCombs-Tolis & Roots, 2015), la notion d’éducation est alors à interpréter ici dans un sens professionnel restreint d’éducateurs social (Chatelanat & Pelgrims, 2003, pp. 9-10). La notion de « spécial » contribue notamment à différencier le travail et les problématiques rencontrées par des enseignants spécialisés, du travail et des problématiques vécus par les enseignants réguliers (Cochran-Smith & Dudley-Marling, 2012 ; Cook &

Schirmer, 2003).

Les enseignants spécialisés américains peuvent également se voir désignés enseignants inclusifs (Inclusion Teachers), enseignants spécialisés en structures spécialisées séparées (Self-Contained Special Education Teacher), ou encore enseignants ressources en enseignement spécialisé (Special Education

10 Voir références webographiques en fin du manuscrit.

Resource Teachers). Il est à noter que la notion d’enseignants inclusifs est étroitement articulée à l’orientation donnée à l’enseignement et à la formation à l’enseignement aux États-Unis, depuis le mandat national voté par le congrès en 2001 au travers du No Child left behind Act et aspirant à fournir un enseignement de haute qualité dans chacune des classes du territoire incluant en son sein des élèves déclarés à besoins éducatifs particuliers.

Au Québec, les enseignants spécialisés sont le plus souvent désignés « enseignants en adaptation scolaire » ou encore enseignants spécialisés en adaptation scolaire. Il est à noter que la désignation d’enseignants en adaptation scolaire concerne également les enseignants réguliers de soutien pédagogique. Leur désignation peut aussi être associée au public d’élèves auxquels ils enseignent : professeur pour personnes déficientes intellectuelles, professeur pour personnes handicapées de la vue.

Bien que parfois utilisées à titre d’appellations synonymes dans le sens commun et parfois également dans la littérature (Tardif & Lessard, 2004 ; Tremblay & Granger, 2018), les enseignants en adaptation scolaire (Desbiens & Bowen, 2011) se distinguent pourtant des orthopédagogues du point de vue de leur formation (Martinet, Raymond & Gohier, 2001). Cette profession est quant à elle répertoriée comme une profession apparentée à l’enseignement en adaptation scolaire, sur les sites officiels de présentation des métiers. Tremblay & Granger (2018, p. 95) mentionnent finalement, que l’appellation « enseignant ressource » utilisée, pour désigner les enseignants spécialisés dans certaines provinces canadiennes, est également employée au Québec, mais ne correspond pas en revanche dans ce cas-là à de l’enseignement spécialisé. Il s’agit d’enseignants réguliers prestant, sans titre requis, du soutien à des élèves déclarés en difficultés scolaires ou d’adaptation à raison de 50 % au plus de la totalité des tâches à effectuer. Comme aux États-Unis, les politiques scolaires du Québec s’orientent depuis plusieurs décennies vers une politique de l’adaptation scolaire (Gaudreau, Legault, Brodeur, Hurteau, Dunberry, Séguin & Legendre, 2008) impliquant une intégration scolaire en classe régulière des élèves déclarés « élèves avec handicaps ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) ». Cette politique s’accompagne de la mise à disposition de ressources humaines (les enseignants en adaptation scolaire). C’est aux commissions scolaires ensuite de les répartir en fonction des besoins émanant de la part des différentes écoles sous la leur responsabilité.

Dans un tel contexte, les enseignants en adaptation scolaire, sont donc le plus souvent des enseignants spécialisés chargés de soutenir l’intégration scolaire en classe ordinaire d’élèves déclarés EHDAA et lorsque cette dernière n’est pas possible ou pas pertinente, des enseignants responsables de groupes classes à effectifs variables et le plus souvent réduits (Tardif & Lessard, 2004).

Tableau 1.1 : Désignation des enseignants spécialisés selon les régions

PAYS Désignation des enseignants spécialisés

USA Enseignants autonomes en enseignement spécialisé Enseignants inclusifs en enseignement spécialisé Enseignants spécialisés ressources

QUÉBEC Enseignants en adaptation scolaire – Enseignant spécialiste en adaptation scolaire – Orthopédagogues

ROYAUME-UNI Special educational needs teachers BELGIQUE Enseignants spécialisés

FRANCE Enseignants spécialisés (spécifiques à différents troubles , déficiences) SUISSE Enseignants spécialisés

Schulische Heilpädagog Schulische Sonderpädagog

Au Royaume-Uni, les recommandations trouvées sur les sites d’orientation professionnelles, permettent de mettre en évidence une nuance entre la désignation des enseignants spécialisés états-uniens et celles ayant cours en Angleterre, en Écosse, au Pays-de-Galle ou encore en Irlande. En effet, il est ici question de « special educational needs teachers ou SEN teachers », donnant à penser que c’est davantage la spécificité des besoins éducatifs des élèves, que la spécialisation de l’enseignant lui-même, qui est mise en lumière à travers cette appellation.

En Belgique francophone, en France comme en Suisse romande, la désignation principale et la plus courante des professionnels de l’enseignement spécialisé est identique : ceux-ci sont nommés

« enseignants spécialisés ». La caractéristique de la spécialisation, souvent étendue à celle de

l’expertise, semble alors attribuée au professionnel lui-même et non au travail effectué (Benoît, 2010 ; Jeanne & Seknadjé-Askénazi, 2010). En Suisse alémanique la notion d’enseignement spécialisé, peut être alternativement désignée sous les vocables de « Schulischepädagogik » ou « Schulische Heilpädagogik ». Les enseignants spécialisés se voient ainsi attribuer le titre de Schulische Heilpädagogin à l’issue de leur formation. Comme la distinction sémantique vue ci-dessus en ce qui concerne les termes anglophones, il semblerait qu’une nuance puisse être établie entre des enseignants dont l’enseignement contribuerait à soigner, et un enseignement qui serait lui, spécial ou encore spécialisé.

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