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Qualité des enseignants spécialisés et qualité des formations initiales à l’enseignement spécialisé : outils de pensée ou leviers d’évaluation du travail des enseignants auprès des élèves à spécialisé : outils de pensée ou leviers d’évaluation du travail des enseignants auprès des élèves à

La formation au travail de l’enseignant spécialisé

2.1 Préoccupations saillantes autour de la formation initiale à l’enseignement spécialisé spécialisé

2.1.1 Qualité des enseignants spécialisés et qualité des formations initiales à l’enseignement spécialisé : outils de pensée ou leviers d’évaluation du travail des enseignants auprès des élèves à spécialisé : outils de pensée ou leviers d’évaluation du travail des enseignants auprès des élèves à

des fins politiques ?

Les politiques éducatives, qu’elles soient internationales, nationales ou locales tendent à recommander de manière unanime, la nécessité de former des enseignants hautement qualifiés, capables de répondre de manière adéquate (et efficace) aux exigences posées par les transformations de l’école, et de répondre aux besoins éducatifs particuliers des élèves qui leurs sont confiés (Agence européenne pour le développement de l’éducation des personnes ayant des besoins particuliers, 2012 ; Donnelly &

Watkins, 2011 ; Florian, 2014 ; ONU, 2006 ; UNESCO, 2010, 2014). De ce fait, la conception de formations de niveau tertiaire, de haute qualité, sont exigées dans la plupart des pays de l’Occident, et notamment en Suisse (CDIP, 2007 ; Eurydice, 2018). La notion de « haute qualité » ne fait cependant pas pareillement débat dans l’ensemble de ces régions. Dans certains pays comme les États-Unis, ayant fait de cette prescription une puissante injonction politique transformant dispositifs et contenus de formation d’une part, critères d’accès à l’exercice de la profession d’autre part, les écrits s’intéressant à la formation des enseignants spécialisés concernent majoritairement ces enjeux depuis plusieurs décennies (voir par ex : Brownell, Ross, Colon & McCallum, 2005 ; Brownell et al. 2010).

D’autres pays comme la Suisse, prenant certes au sérieux l’injonction à former des enseignants spécialisés de « haute qualité », semblent plutôt s’en servir comme un précieux point de départ pour affirmer la légitimité à concevoir et mettre en place des programmes de formation pour enseignants spécialisés, de niveau tertiaire, complémentaires à ceux de l’enseignement régulier (CDIP, 2007, 2008;

Pelgrims et al., 2010 ; Pelgrims, 2018), tandis que d’autres encore comme la France, le Québec ou la

Belgique ne semblent pas s’y arrêter34.

Or, nombreux sont encore les pays contraints de faire face à une difficulté chronique à engager uniquement des enseignants formés selon ces exigences (Florian, 2014 ; UNESCO, 2014). Aux États-Unis, outre la voie traditionnelle de formation (formation universitaire), l’accès à un poste d’enseignant spécialisé demeure, encore de nos jours, accessible à des enseignants non formés ou formés par des voies accélérées alternatives (Brownell & Sindelar, 2016), un moyen parmi d’autres de limiter la diminution du nombre d’enseignants spécialisés et de contrer la pénurie. Bien que probablement régulièrement exposés à des risques de pénurie d’enseignants spécialisés (p. ex., Floor, 2011 ; Fédération de Wallonie-Bruxelles, 201935), la littérature francophone et anglo-saxonne des pays occidentaux ayant retenu notre intérêt dans le cadre de cette recherche, mentionne peu dans les écrits relatifs à la formation des enseignants spécialisés, la nécessité de recourir à des engagements d’enseignants spécialisés peu ou pas formés à l’exercice de ce travail. Les enjeux de professionnalisation des enseignants, eux-mêmes étroitement articulés aux enjeux de formation et aux réformes subies dans ces différentes filières durant les dernières décennies, ainsi qu’à la diminution voire la pénurie des enseignants, sont toutefois abondamment étudiés, mais essentiellement en ce qui concerne les enseignants réguliers du primaire et du secondaire (voir p. ex., Akkari & Broyon, 2008 ; Lehmann, Criblez, Guldimann, Fuchs & Périsset Bagnoux, 2007 ; Lussi Borer & Kamm, 2012 ; Maroy, 2006 ; 2008).

À l’instar des décisions prises au sein de la communauté internationale, concernant les politiques éducatives, certains décrets émanant du Congrès américain, tels que le No Child Left Behind Act (2001) ou le The Race to the Top Act (2011) incitent les états à développer des filières de formation accélérées et alternatives parallèles aux filières universitaires traditionnelles, afin de faire face à la diminution du nombre d’enseignants spécialisés (Billinglsey, Crockett & Kamman, 2014) et contribuent de ce fait à mettre en place une formation initiale à double vitesse. Présentes sur la moitié du territoire américain (24 états sur 50) ces filières de formation alternatives aux curriculums très variables mais toujours réduits en regard de ce qui est proposé dans les filières traditionnelles, forment en effet, à l’occasion d’universités d’été, des étudiants plus âgés non certifiés dans l’enseignement d’une discipline enseignable (Ibid.). Ces filières alternatives sont ainsi en quelque sorte concurrentielles aux filières traditionnelles qui elles s’avèrent plus longues, plus approfondies et plus coûteuses également sur le plan financier. Elles sont cependant officielles et largement reconnues, dans la mesure où les décideurs politiques, états et établissements scolaires recrutant les enseignants spécialisés issus de ces programmes, leur reconnaissent tant une valeur formative, que qualitative (Brownell, et al., 2010).

Cependant comme déjà mentionné en fin de premier chapitre, force est de constater qu’un lien est établi entre, des risques accrus d’épuisement professionnel, des carrières dans l’enseignement spécialisé écourtées, et une absence de certification chez les enseignants spécialisés débutants (Bettini et al., 2017 ; Billinglsey, 2003 ; Billinglsey et al., 2014 ; Miller et al., 1999 ;). Il est également montré que l’impact de cette pénurie a plus de conséquences dans les districts défavorisés, étant donné la présence majoritaire d’enseignants spécialisés non formés qui y sont engagés.

En outre, plusieurs auteurs s’étant penchés sur la notion de qualité des enseignants, relèvent la difficulté à spécifier ce qui est considéré par « qualité » des enseignants spécialisés, étant donné la polysémie du terme et la complexité du choix des variables à considérer pour évaluer tant la qualité des enseignants spécialisés que celle des formations à l’enseignement spécialisé (Billinglsey, 2003 ; Blanton, Sindelar & Correa, 2006 ; Brownell, et al., 2010). S’appuyant sur Kennedy (2010) qui évoque quant à elle, l’intérêt qu’il y aurait à évaluer les pratiques d’enseignement en situation et leurs liens avec les apprentissages des élèves, plutôt que celui d’une évaluation de l’enseignant et à travers lui, celle de ses caractéristiques individuelles, Brownell, Steinbrecher, Kimerling, Park, Bae et Benedict (2014) soulignent par ailleurs que les facteurs contextuels et situationnels auxquels sont confrontés quotidiennement les enseignants spécialisés, rendent cette évaluation encore plus complexe. En effet, essentiellement orientées par un paradigme processus-produit, attribuant directement les résultats scolaires des élèves à la qualité des enseignants, la plupart des études ayant d’ailleurs été menées en

34 La manière dont la recherche se saisit des enjeux de professionnalisation des enseignants spécialisés varie fortement, selon les régions, infléchissant également l’importance accordée dans la littérature internationale aux différentes dimensions du champ de la formation des enseignants spécialisés.

35 Portail de l’Enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles repéré sur : http://www.enseignement.be/index.php?page=28147&navi=4564

contexte d’enseignement régulier, cherchent à évaluer la qualité des enseignants en regard des apprentissages effectifs des élèves et d’une amélioration de leurs résultats scolaires. En contexte d’enseignement spécialisé, nous comprenons bien que, comme le mentionnent Brownell et al., 2014, cette démarche s’avère précisément plus complexe étant donné la difficulté à saisir l’efficacité des pratiques d’enseignement spécialisé, le caractère limité des données disponibles concernant les normes de réussites des élèves de l’enseignement spécialisé, ainsi qu’une certaine incompatibilité des évaluations étatiques, avec l’évaluation de l’efficacité d’enseignants spécialisés pour les apprentissages d’élèves handicapés ou présentant des déficiences.

La formation des enseignants spécialisés est dès lors perçue comme une variable importante à considérer, dans la mesure où celle-ci est susceptible de contribuer in fine, à une meilleure réussite scolaire des élèves en formant des enseignants compétents et efficaces (voir p.ex., Blanton, McLeskey

& Hernandez Taylor, 2014 ; Brownell et al., 2014, ou UNESCO, 2014), pour autant que les futurs enseignants spécialisés puissent toutefois y accéder. Un autre paramètre vient en effet ajouter de la complexité à une évaluation minimalement et communément acceptable de ce qui pourrait être établi comme étant « de qualité ». En effet, la communauté de chercheurs nord-américains met en évidence les contraintes posées par les injonctions des décideurs en matière de politiques scolaires, finançant eux-mêmes les recherches visant à déterminer la qualité des enseignants. Ainsi, depuis la signature du NCLB Act (2001), la certification requise pour enseigner, n’est plus considérée comme un critère nécessaire pour être recruté, celui-ci étant en effet remplacé par la nécessité d’être un enseignant « hautement qualifié » (Billingsley et al. 2014). Or, cherchant à répondre aux exigences nationales et internationales en matière de « qualité », les décideurs désignent alors tant les enseignants spécialisés ayant bénéficié des filières accélérées, comme étant des enseignants hautement qualifiés (Blanton, et al., 2006), que ceux qui n’ont bénéficié d’aucune formation en enseignement. L’obtention de cette forme de label, est uniquement conditionnée au fait d’être titulaire d’un bachelor, et d’avoir pu faire état de connaissances suffisantes dans les disciplines scolaires qu’ils sont supposés enseigner lors d’un examen d’état (Billingsley et al. 2014).

Nous comprenons aisément qu’une telle situation, imposée par les décideurs, placent les universités et instituts de formations initiales traditionnels dans des positions pour le moins paradoxales : en effet, ces filières alternatives se voient enrichies de collaborations avec les universités qui sont amenées à proposer des modules adaptés aux besoins des futurs enseignants dans une intention de limiter les dommages en matière d’apprentissages pour les élèves. Si certains auteurs estiment que ce double positionnement des instituts de formation, contribue à entamer sérieusement la légitimité, et dans une certaine mesure la crédibilité de la formation initiale proposée dans les filières traditionnelles (Drame, 2010), d’autres estiment qu’il est nécessaire de faire avec, voire qu’il est enrichissant pour les dispositifs de formation traditionnels de s’adresser à un public d’étudiants hétérogène, aux expériences professionnelles, âges et parcours de formation très divers (Mamlin, 2012).

L’ensemble de ces constats s’inscrit dans une histoire de la formation des enseignants spécialisés aux États-Unis, elle-même fort complexe, puisque cette dernière s’est construite ces trois décennies durant, dans une interdépendance entre les connaissances produites par la recherche sur la formation des enseignants spécialisés (mais également ses financements, ses mandats, etc.), la politique éducative fédérale et internationale (adoption de nouvelles législations et réformes successives, contraintes imposées aux institutions de formation relatifs aux curricula de formation, ainsi qu’aux établissements scolaires, etc.), les formes d’enseignement spécialisé presté aux élèves déclarés à besoins éducatifs particuliers et les résultats scolaires que ceux-ci obtiennent, ainsi que finalement la formation et l’évaluation des enseignants (pour une synthèse voir Brownell, et al., 2010).

2.1.2 Le glas d’une formation initiale d’enseignants spécialisés serait-il près de sonner ? Comme nous l’avons mentionné plus haut, s’il existe à présent pléthore de travaux s’intéressant à la formation des enseignants dont plusieurs des tâches d’enseignement sont à réaliser auprès d’élèves institutionnellement déclarés à besoins éducatifs particuliers, ces travaux abordent davantage les enjeux et besoins de formation d’enseignants réguliers de plus en plus confrontés aux implications effectives de l’école inclusive sur leurs pratiques d’enseignement (p. ex., Avramidis & Norwich, 2002 ; Nash &

Norwich, 2010 ; Norwich & Nash, 2011). Ainsi, bien que les thématiques et les problématiques de formations – tournant par ailleurs passablement autour de la collaboration - soient sensiblement

identiques à celles rencontrées par leurs pairs, elles ne concernent pas spécifiquement un public d’étudiants en formation initiale d’enseignants spécialisés destinés à travailler autant en contextes séparatifs qu’inclusifs. En outre, au fur et à mesure que le mouvement de l’école inclusive, initié dès les années 1990 (Doré, 2001 ; Doré et al.1995) se développe, surgissent également dans la littérature des interrogations à propos de l’intérêt et de la pertinence qu’il y aurait à former encore de nos jours, de manière spécifique et séparée, les enseignants spécialisés d’une part et les enseignants réguliers d’autre part (p. ex., Donnely & Watkins, 2011 ; Duschene, 2014; Florian & Linklater, 2010 ; Pugach & Blanton, 2011 ; Pickl, Holzinger & Kopp-Sixt, 2016 ; Puig, 2015). L’existence même d’une formation à l’enseignement spécialisé constituerait-elle ainsi un obstacle à une transformation de l’École, en école inclusive ?

Comme l’ont mis en évidence Brownell et al. (2010) et de nombreux autres chercheurs, Florian (2014) présente à partir d’une synthèse internationale sur la formation des enseignants susceptibles de travailler avec des élèves handicapés, les deux conceptions de la formation des enseignants spécialisés actuellement présentes au niveau international. Ces deux conceptions reposent, sur deux postulats distincts. L’un prend appui sur une conception bio-psycho-médicale de l’enseignement spécialisé, elle-même fondée sur une approche catégorielle du handicap et des déficiences ainsi que sur le modèle individuel et médical du handicap (OMS, 1980). L’autre, à l’inverse est fondé sur une conception prenant au sérieux le droit à « une école pour tous », soit la dimension inclusive à laquelle l’école et l’enseignement devrait prétendre. Cette conception est elle-même ancrée sur le modèle social et interactionniste du handicap. Nash et Norwich (2010) nous rendent tout de même attentifs au risque de simplification sous-tendue par cette catégorisation des approches et des modèles de formation sur lesquels s’appuieraient la plupart des pays. En effet, comme les auteurs le précisent, les pratiques et les politiques des pays évoluent, passant d’une approche à une autre, s’installant parfois dans des voies hybrides cherchant à faire concilier tant bien que mal les deux postulats.

D’après Florian (2014), les tenants du premier postulat reconnaissent, malgré certaines controverses présentes dans la littérature (Cook & Schirmer, 2003 ; Lewis & Norwich, 2005), l’existence de pratiques pédagogiques suffisamment spécifiques pour qu’il puisse être question d’enseignement spécialisé. De ce postulat princeps, il devient ensuite aisé de décliner une trilogie de conséquences. En effet, si l’enseignement spécialisé existe, alors :

a) il est nécessaire de proposer un enseignement spécialisé aux élèves handicapés, présentant des difficultés, des déficiences ou des troubles spécifiques

b) la présence d’enseignants formés à l’usage de cette pédagogie spécialisée est requise c) l’existence d’une formation spécifique à cette pédagogie spécialisée s’impose.

Selon Florian (2014), ce premier postulat, adopté par les politiques éducatives de nombreux pays, dont les États-Unis et les états souverains du Commonwealth consiste dès lors, à considérer qu’il est nécessaire de mettre en place une formation initiale distincte de celle des enseignants réguliers, ainsi que des qualifications particulières, pour être en mesure d’enseigner en prenant en compte de manière ciblée et spécifique, les différents troubles, déficiences ou pathologies présentés par les élèves. Une telle pédagogie spécialisée et adaptée à chacun de ces différents troubles serait alors non seulement susceptible de contribuer à un enseignement efficace mais également à accroître l’égalité des chances entre élèves. Or, Florian (2014) rappelle à quel point ce premier postulat développe chez de nombreux enseignants réguliers, le sentiment de ne pas être au bénéfice des compétences suffisantes et/ou nécessaires pour enseigner aux élèves présentant déficiences et troubles spécifiques. Ce rappel fait écho à de nombreux travaux faisant état de ces sentiments et de ces inquiétudes manifestées par les enseignants réguliers que ceux-ci soient débutants ou expérimentés (p. ex., Benoît, 2017 ; Carroll, Forlin

& Joblin, 2003 ; Scruggs & Mastropieri, 1996 ; Sermier Dessemontet, Benoît & Bless, 2015). Florian (Ibid.) souligne également le risque d’une déresponsabilisation de l’ensemble des acteurs du système scolaire concernant la prise en charge des apprentissages de tous les élèves, lorsque l’accent est mis sur une spécialisation de la formation des enseignants, supposée détenir des connaissances spécialisées que les enseignants réguliers n’auraient pas.

C’est dès lors bien ce que les partisans du second postulat mettent en avant : l’incompatibilité d’un développement de formations spécialisées et distinctes aboutissant à une spécialisation des enseignants, et le développement d’un enseignement inclusif. S’appuyant sur la littérature tendant à défendre un profil d’enseignants inclusifs (p. ex., Allan, 2006 ; Booth, Nes & Strømstad, 2003) Florian mentionne que selon cette seconde approche, la formation initiale envisagée ne met plus l’accent sur l’identification

des formes particulières de handicaps, troubles ou difficultés, mais conduit plutôt à lever les obstacles aux apprentissages et à une participation sociale de la part de l’ensemble des élèves. Il s’agit dans ce cas d’une formation unique et identique pour tous les enseignants, dans laquelle un fort accent est mis sur l’enseignement aux élèves déclarés à besoins éducatifs particuliers scolarisés en classe régulière, dans les mêmes conditions que celles de leurs pairs (Nash & Norwich, 2010). Retraçant l’histoire de 1909 à nos jours, des qualifications requises en France pour l’enseignement spécialisé, obtenues uniquement grâce à des formations spécifiques, Puig (2015) fait également appel à la notion de trilogie de la spécialisation pour décrire cette logique organisationnelle de l’enseignement spécialisé et de la formation à l’enseignement spécialisé tout en montrant son paradoxe ségrégatif et son incapacité à survivre au paradigme d’une école inclusive.

Florian (2014) reconnaît par ailleurs que dans cette seconde approche, la complexité réside dans la capacité à prendre en considération certaines différences « faisant la différence », tout en ne produisant pas une nouvelle forme de ségrégation par la réponse donnée à ces différences (ignorance ou excès de prise en charge, par ex.). Du côté francophone, cette complexité à cerner de manière adéquate les réponses à donner aux différences entre élèves est également mise en évidence dans la littérature.

Pelgrims et Buholzer (2013) soulignent en effet l’extrême difficulté à la fois « conceptuelle et de transposition dans le champ des pratiques » (p. 7) posée par le concept d’hétérogénéité scolaire, avançant que « plus on tente de saisir le concept d’hétérogénéité scolaire, plus il apparaît insaisissable et suscite des interrogations, voire des contradictions, difficiles à démêler » (ibid., p.7).

Florian, propose dès lors une voie médiane contribuant à honorer un peu plus les prescriptions posées par les conventions internationales : celle d’une formation initiale destinée à former tant les enseignants spécialisés que les enseignants réguliers à développer des pratiques pédagogiques favorisant l’inclusion de tous les élèves au sein de l’école. Cette troisième voie, serait une voie dans laquelle les enseignants spécialisés ont certes leur place, mais dans laquelle ils endossent un rôle distinct de celui qu’ils occupaient dans une approche catégorielle des déficiences. Cette voie, celle privilégiant une intersection qui offrirait des synergies entre formations d’enseignants réguliers et les formations d’enseignants spécialisés et serait représentative d’une cohérence du système éducatif, est également prônée par Blanton, Pugach & Boveda (2018).

Acteur au cœur de la pédagogie spécialisée, Blanc (2015) rejoint pleinement cette proposition lorsqu’il interroge en effet la pertinence d’une conception territoriale de l’enseignement, axée davantage sur les lieux en tant que structures institutionnelles, plutôt que sur des lieux permettant un ajustement réel des conditions pédagogiques, matérielles et environnementales aux besoins des élèves. Fort de ce raisonnement, Blanc soutient qu’il est pertinent de maintenir une pédagogie spécialisée ainsi que des structures d’enseignement spécialisé dans une logique de complémentarité et non dans une logique séparative. Il affirme ainsi :

plutôt que le territoire propre d’une école, c’est le territoire du dispositif scolaire qu’il faut concevoir de manière inclusive. Et, par lui, considérer tous les lieux scolaires, ordinaires et spécialisés, comme un seul ensemble regroupant tous les élèves et répondant à leurs besoins (Blanc, 2015, p.32-33).

Finalement, nous pouvons nous appuyer sur Nash et Norwich (2010), qui relèvent que quels que soient les choix adoptés en matière de scolarisation des élèves institutionnellement déclarés à besoins éducatifs particuliers, adoptés par les différents pays, ceux-ci ne conditionnent pas entièrement les logiques de formation des enseignants du pays (ibid.). En effet, le fait d’avoir opté pour un modèle de scolarisation unique, comme c’est le cas de la Norvège, ne sous-entend pas forcément, selon eux, l’absence de formation d’enseignants spécialisés. En effet, certains élèves, même s’ils demeurent minoritaires, sont encore scolarisés dans des structures scolaires séparées de l’enseignement régulier, justifiant ainsi le maintien d’une formation d’enseignants spécialisés.

La question que pose l’école inclusive à la formation des enseignants (spécialisés et réguliers) pourrait néanmoins revêtir selon nous, le mérite d’amener les chercheurs des domaines de la formation à l’enseignement spécialisé et régulier, à créer davantage de synergies dans leurs recherches, contribuant ainsi à explorer différentes voies médianes, susceptibles de permettre tant aux enseignants spécialisés de maintenir et d’affirmer un rôle et des compétences spécifiques d’enseignant spécialisé à travers une formation spécifique, qu’aux enseignants réguliers de développer les leurs en tenant compte des spécificités et des enjeux de l’école inclusive (Pelgrims, 2003, 2013).

2.2 Caractéristiques générales de la formation au travail d’enseignant

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