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Le travail des enseignants spécialisés étudié sous l’angle de la tâche

1.2 L’enseignement envisagé dans une perspective ergonomique

Comme spécifié en introduction, cette thèse prend pour objet d’étude la formation à l’enseignement conçu et défini comme un travail. Nous nous arrêtons donc plus longuement4 sur les apports de la psychologie du travail et de l’ergonomie, pour circonscrire une partie5 du travail de l’enseignant6. Comme nous l’avons mentionné plus loin, la psychologie du travail (Leplat, 2004) et l’ergonomie de langue française (de Montmollin, 1996 ; Ombredane & Faverge, 1955), s’intéressent également à l’enseignement en le considérant comme un travail au même titre que les autres formes de travail étudiées par ces disciplines. Plusieurs distinctions et mises en tension, organisent toutefois les descriptions possibles de l’enseignement dans la littérature s’en étant saisi dans cette perspective.

1.2.1 La distinction entre travail prescrit et travail réel

Selon Durand (2009, pp. 828-829), la distinction entre le travail prescrit et le travail réel naît de l’écart existant précisément entre la prescription (le travail qui est à faire) et ce que l’individu7 fait lorsqu’il travaille, autrement dit, l’effort fourni pour parvenir à faire ce qui est demandé.

Le travail prescrit

Le travail prescrit correspond à l’ensemble des consignes orales ou écrites, données par le cadre institutionnel, organisationnel ou encore hiérarchique du travail (de Montmollin, 1996, pp.46-49). Ces consignes portent généralement sur les objectifs quantitatifs et qualitatifs à atteindre, ainsi que sur les procédures à suivre pour parvenir à les atteindre. Parmi les procédures auxquelles le travailleur se doit de se référer figurent également certaines normes, règles et conventions micro-culturelles implicites. De plus, d’après de Montmollin, qui dit prescriptions, dit risque de s’exposer à des sanctions en cas de leur non-respect, d’autant plus que, comme le mentionnent Tardif et Lessard (2004), le travail de l’enseignant

4 Il ne s’agit toutefois ici que d’une présentation succincte de principes de base contribuant à circonscrire l’enseignement en tant que travail et articulant la dimension prescrite du travail à sa dimension effective ou réelle (notamment au travers de la notion d’activité). La notion d’activité étant elle-même approfondie dans le cadre théorique et méthodologique fondant notre recherche, nous évoquons ici essentiellement la question du travail prescrit et de la tâche.

5 La notion de travail est en effet bien plus large et complexe, convoquant des dimensions que nous n’abordons pas dans cette thèse.

6 Le travail de l’enseignant au sens générique, concerne ici tant celui de l’enseignant régulier et que celui de l’enseignant spécialisé.

7 Le sujet, opérateur, acteur ou agent, selon les perspectives théoriques.

est largement codifié (mandat à honorer ; statut et formation requise des travailleurs ; environnement de travail ; cadre organisationnel et cadre de fonctionnement des structures d’enseignement ; structuration temporelle des parcours de formation, etc.).

Pour Amigues (2003) les prescriptions sont consubstantielles de l’action des enseignants. Paquay, Perrenoud, Altet, Etienne et Desjardins (2014, pp. 21-24) mentionnent quant à eux et à cet égard, que l’étendue des prescriptions entourant le travail enseignant est importante. Selon ces auteurs, les prescriptions concernent en principe les contenus à enseigner (curriculum prescrit), ainsi que les objectifs à viser en termes de progression et d’apprentissages chez les élèves. Or, ils nous rendent également attentifs au fait que ces prescriptions varient selon les pays, les époques et les ordres d’enseignement. Comme pour de Montmollin (1996), Durand (1996), Amigues (2003), ou Tardif &

Lessard (2004), pour Paquay et al. (2014), les sources des prescriptions du travail de l’enseignant identifiées sont multiples. Elles peuvent ainsi émaner des différentes instances institutionnelles, mais néanmoins hiérarchiques régissant l’enseignement : ministère de l’éducation et de la formation, directions générales des différents ordres d’enseignement, directions des services d’enseignement au sein de ces directions générales, directions de secteurs ou de commissions scolaires, directions d’établissement. À celles-ci s’ajoutent les prescriptions émanant des acteurs et auteurs des champs disciplinaires, et plus généralement celles émanant de la communauté des chercheurs intervenant dans la définition, conception du curriculum prescrit, suivies à leur tour des prescriptions émises par les centres de formation. Les auteurs, précédés par Amigues (2003, p. 9) mentionnent également que les prescriptions sont produites par les collectifs de travail auxquels les enseignants eux-mêmes appartiennent (équipes pédagogiques au sein d’un établissement scolaire par ex.), nuançant ainsi la coupure qui peut être perçue comme existant entre prescription et exécution de la tâche. Finalement, les enseignants doivent également tenir compte des prescriptions relevant des acteurs syndicaux et des associations professionnelles.

À titre d’illustration, et parmi les domaines de prescriptions identifiés pour le travail de l’enseignant primaire (Capitanescu, 2010) sont certes mises en évidence des prescriptions concernant les objectifs et le programme, mais également des prescriptions touchant l’emploi du temps et la grille horaire, les méthodes et les moyens d’enseignement, les devoirs, les procédures et échelles d’évaluation, les sanctions, l’organisation de l’espace et de l’ameublement, la sécurité, la santé et les relations adéquates avec les élèves, la coopération professionnelle et le suivi collégial de l’élève, les relations famille-école, la participation à la vie de l’établissement scolaire. Or, comme nous le verrons ultérieurement pour le travail de l’enseignement spécialisé, ces prescriptions ne sont pas aussi nombreuses, mais en comprennent d’autres. (Pelgrims, 2001, 2006, 2009 ; Eurydice, 2018).

Le travail réel

Le travail réel est défini comme « ce qui se passe effectivement » dans l’espace et durant le temps imparti aux travailleurs pour atteindre les objectifs quantitatifs et qualitatifs, selon les procédures assignées (de Montmollin, 1996). Il s’exprime dès lors d’une part en termes de « performances » réalisées ou non, d’autre part en termes de « comportements, d’actions ou encore de modes opératoires»

(de Montmollin, 1996, pp. 46-47) conformes ou non aux prescriptions. En effet, dans une logique productive, le travail réel peut être mis en relation avec les résultats (quantitatifs et qualitatifs) effectivement obtenus, lorsque les objectifs sont effectivement atteints, partiellement atteints ou au contraire ne sont pas atteints. Mais, il peut également être mis en relation avec la manière dont les travailleurs s’y prennent pour accomplir le travail. Or, pour réaliser ce qui est quantitativement et qualitativement prescrit, le travailleur est le plus souvent amené à réinterpréter hic-et-nunc des prescriptions généralement standardisées (Durand, 2009), ce qui ne se produit pas sans une « expérience des normes » conditionnant au quotidien les travailleurs (Durrive, 2015). Ces normes mises en débat par les travailleurs, leur font vivre par ailleurs certaines tensions, qu’ils traversent en procédant à une renormalisation au travers notamment d’une hiérarchisation des prescriptions (Schwartz, 2007). Ainsi, le travail réel correspond en principe rarement au travail prescrit (de Montmollin, 1996 ; Durand, 2009).

Le constat est identique dans l’enseignement régulier (Durand, 1996 ; Lussi Borer, Durand & Yvon, 2015 ; Lussi Borer & Muller, 2014a ; Paquay et al. 2014 ;) : le travail réel des enseignants ne se superpose pas directement au travail prescrit. Les auteurs avancent de plus que l’écart existant entre travail prescrit et travail réel est non seulement irréductible, mais qu’il n’est également, guère imputable à un manque de conscience professionnelle. Comme nous le verrons, le postulat est aussi adopté pour

l’enseignement spécialisé (Pelgrims, 2001). En effet, c’est bien en raison de la contrainte qu’il y a à produire le travail attendu dans des conditions parfois incompatibles avec les prescriptions données, (par ex : exigences quantitatives et qualitatives relatives aux contenus d’enseignement à traiter dans une temporalité réduite), que les enseignants contournent précisément ces prescriptions pour exécuter le travail. Ainsi, « loin d’une tricherie, une désinvolture, une paresse, un accident, l’écart à la prescription est un signe de compétence, et de responsabilité, il met en évidence, la volonté de nombreux travailleurs de faire le travail, avec ou contre la prescription. » (Paquay et al., 2014, p. 22.).

Lussi Borer et Muller (2014a) introduisent dès lors un élément supplémentaire dans la distinction entre travail prescrit et travail réel et considèrent la triade « travail prescrit/conditions de mises en œuvre/travail réel » pour décrire et comprendre le travail de l’enseignant. À la suite de Schwartz (2007) les auteurs, appréhendent le travail réel comme une renormalisation de prescriptions se situant bien au-delà des normes prescrites par l’institution formelle (travail prescrit), mais s’étendant plus largement au travail normé.

De plus, Amigues (2003) précise que la perception de l’écart entre travail prescrit et travail réel, varie selon s’il est appréhendé par l’institution, la direction, l’employeur, ou par l’ergonome. En effet, l’employeur va certainement y voir un manque d’expertise ou de sérieux, mettant ainsi à défaut l’enseignant. Il va dès lors chercher à réduire cet écart en renforçant la prescription, en en précisant les contours. L’ergonome va y voir quant à lui précisément le cœur de l’activité de l’enseignant, mettant en lumière la capacité de l’enseignant à faire des choix, prendre des décisions, tout en insistant sur les prises de risques et les tensions inhérentes à l’écart présent. La prise en compte de ces points de vue divergents à propos du travail prescrit et du travail réel, amène ainsi Amigues à se saisir de cet écart pour mettre en évidence les malentendus opposant régulièrement enseignants et instances institutionnelles hiérarchiques. Ces malentendus sont d’autant plus marqués que les prescriptions sont floues, ce qui d’après lui, est le cas pour l’enseignement. S’appuyant d’ailleurs précisément sur ce flou des prescriptions dans l’enseignement qui limite fortement le traitement cohérent et uniforme des problèmes rencontrés par les travailleurs, Rayou (2014) le rejoint dans ce sens et insiste sur le caractère uniforme du recours au bricolage (Perrenoud, 1996) de la part des enseignants :

L’unité du métier ne tient plus tant dans la reprise plus ou moins individualisée d’un rôle prédéfini, que dans la capacité à bricoler hic et nunc des solutions tenant compte des contraintes des situations auxquelles il convient tout autant de s’adapter que de tenter de les redéfinir dans le sens de la meilleure action pédagogique. (Rayou, 2014, p. 37).

1.2.2 La notion de tâche

Dans une perspective psychologique et ergonomique du travail, la notion de tâche, se situe dans une étroite articulation avec celle de travail prescrit. Selon de Montmollin (1996, p. 50), la distinction entre tâche et activité, prolonge en la précisant celle établie entre travail prescrit et travail réel. À la suite des travaux réalisés dans ce domaine (voir p. ex., Faverge, 1972 ; Leplat & Cuny, 1984 ; Leplat & Hoc, 1983 cités par de Montmollin, 1996), la tâche peut selon lui, tout d’abord être grossièrement définie comme « ce qui est à faire », tandis que l’activité consiste dans le « comment c’est fait ». Analyser le travail consiste dès lors pour Leplat (2004) à définir la tâche et l’activité d’une part, leur articulation d’autre part.

La tâche

Circonscrire davantage la définition de la tâche revient à la considérer comme une reprise plus précise et approfondie du travail prescrit, soit l’ensemble des objectifs et sous-objectifs, les procédures et contraintes, les conditions physiques et organisationnelles (de Montmollin, ibid.), ou pour le dire de manière plus synthétique : « le but à atteindre et les conditions dans lesquelles il doit être atteint » Leplat (2004, p.102).

Le but de la tâche consiste rarement en un but unique. Ce dernier se décline en effet le plus souvent en sous-buts, voire en plusieurs buts, impliquant de la part du travailleur une prise en considération de ces multiples buts à obtenir, parfois peu compatibles les uns avec les autres (ibid.). Ceux-ci correspondent aux objectifs quantitatifs et qualitatifs à atteindre, déjà mentionnés pour la définition du travail prescrit, repérables au travers des performances à réaliser. Les conditions de travail, concernent quant à elles, d’une part, les conditions dites extérieures à la réalisation de la tâche. Sont ainsi

mentionnées, l’environnement physique, technique, matériel, organisationnel dans lequel la tâche est supposée être effectuée. L’environnement social fait également partie de ces conditions. D’autre part, les conditions dites internes ou caractéristiques des individus (Leplat, 2004 ; Rogalski, 2003) se rapportent à l’ensemble des habiletés, compétences, qualités de l’individu nécessaires pour réaliser la tâche. Il s’agit ici de conditions prescrites pour réaliser la tâche. C’est ainsi que pour Durand (1996), le but et les conditions d’atteinte du but, consistent en des contraintes qui vont infléchir l’activité des enseignants.

Comme déjà mentionné à propos du travail prescrit versus le travail réel réalisé par le travailleur, une distinction entre tâche présente et tâche effective est finalement mise en évidence par Leplat (2004) et d’autres auteurs qu’il cite (Ombredane & Faverge, 1955 ; Hackeman, 1969 ; Vermersch, 1977) , en recourant à d’autres désignations similaires, insistant à chaque fois, malgré des termes différents sur la distinction existant entre ce qui est prescrit et la redéfinition que l’individu fait de la prescription : tâche formelle / tâche informelle ; prescrite/redéfinie ; officielle/privée ; pour l’expert/ réelle.

Les notions de tâche comprise et celle de tâche appropriée, telles que développées par Falzon (2004), et mobilisées pour décrire une certaine transformation de la tâche prescrite par l’individu lorsqu’il effectue son travail, rejoignent à peu près les distinctions évoquées ci-dessus. La première concerne ce que l’individu comprend et traduit effectivement de la tâche prescrite, tandis que la seconde correspond à la réinterprétation des prescriptions telles que réalisées par les travailleurs, autrement dit ce qu’ils se donnent à faire compte tenu ou pas de ce qu’ils pensent prescrit. De même cet auteur, opère une distinction entre la tâche affichée (buts, consignes explicites et procédures explicites pour y parvenir) et la tâche attendue (buts, consignes, procédures implicites, mais néanmoins attendus par les prescripteurs).

La tâche des enseignants s’avère quant à elle complexe à délimiter dans la mesure où certains de ses aspects sont lisibles tandis que d’autres le sont beaucoup moins (Durand 1996, pp. 37-61). D’autre part, selon l’auteur, la hiérarchisation des buts et sous-buts de la tâche de l’enseignant, également variables selon les besoins et le point de vue adopté pour l’analyse, rendent cette délimitation peu évidente. Ainsi la question de savoir « où et quand » débute puis se termine la tâche de l’enseignant est posée par l’auteur. Celui-ci y répond en postulant qu’il appartient à l’analyste du travail (en l’occurrence au chercheur dans son cas) de définir les limites faisant sens pour son étude, tout en précisant que cette délimitation ne peut qu’être fluctuante lorsqu’il est tenu compte de la variabilité des composantes de l’activité et des caractéristiques des enseignants pour le faire (1996, p.43).

Les buts de la tâche des enseignants sont nombreux et variés. Le premier d’entre eux, un but général, déclinable en sous-buts en fonction des différentes disciplines scolaires, consiste à transmettre des connaissances aux élèves et à veiller à ce que ceux-ci réalisent des apprentissages plus ou moins complexes (Durand, 1996). Or, comme il le précise, il s’agit d’une tâche « dans laquelle les actions sont à long délai de réponse » (p. 47).

Parmi les contraintes (buts, procédures et conditions de réalisation de la tâche) identifiées par Durand (1996) sont répertoriées8 :

• le caractère scolaire de l’enseignement

• le découpage disciplinaire

• la définition des contenus à enseigner

• l’organisation en classe

• la délimitation du temps et de l’espace

• les particularités des élèves

D’après l’auteur, si certaines de ces contraintes sont explicites et émanent de textes réglementaires, elles ne couvrent pas non plus l’ensemble de la tâche des enseignants, réservant ainsi une marge d’autonomie à ces travailleurs. Nous aurons par ailleurs l’occasion de revenir sur cette incomplétude des prescriptions lorsque nous explorerons l’activité des enseignants spécialisés envisagée selon le modèle heuristique des contingences situationnelles et institutionnelles (Pelgrims, 2003, 2006, 2009).

8 Pour une description détaillée des caractéristiques de la tâche des enseignants, se reporter à Durand, 1996, pp. 49-63.

L’activité

La notion d’activité, est une notion polysémique, traitée sous plusieurs angles théoriques et méthodologiques distincts sur lesquels nous aurons précisément l’occasion de revenir dans le cadre du troisième chapitre de ce manuscrit. De Montmollin (1996, pp. 51-55) propose quant à lui quatre définitions de l’activité, appréhendée dans un approfondissement de la notion de travail réel, comme

« ce qui est mis en œuvre par le sujet pour exécuter la tâche » (Leplat, 2004 p.102). Ainsi selon de Montmollin, l’activité peut tout d’abord être définie comme des comportements et les traces laissées par ces comportements (gestes, postures, regards, verbalisations dans le travail). Elle peut ensuite être définie comme logiques d’actions, notamment lorsqu’il s’agit d’accéder et d’expliquer aux composantes mentales de l’activité et que celles-ci sont majoritaires. L’activité correspond alors précisément aux différentes logiques avec lesquelles l’individu attribue des significations dans et par l’action « aux informations, actions et communications dont se nourrit son activité, en référence aux tâches qui lui sont assignées (ou qu’il s’assigne), dans les situations qu’il rencontre (ou qu’il crée). » (p.53). L’activité, comme vécu, et avec lui l’ensemble de ses composantes affectives, subjectives, voire psychiques, constitue la troisième définition possible envisagée par l’auteur. L’activité peut finalement être définie comme processus biologiques (rythmes cardiaques, diamètre pupillaire, sécrétions hormonales, etc.). À chacune de ces définitions de l’activité, correspondent des méthodes d’analyse qui ont chacune leurs cadres spécifiques issus de courants théoriques distincts (Ibid. voir également Clot, 1999 ; Durand, 2009 ; Pastré, 2002 ; Savoyant, 2006, 2007 ; Theureau, 1992, 2004, 2006 ).

Comme évoqué en introduction, l’activité des enseignants primaires et secondaires fait l’objet de récents travaux toujours plus nombreux. Le plus souvent articulée à une visée de conception et/ou de régulations des dispositifs de formation initiale ou continue, l’analyse de l’activité enseignante est également appréhendée par de multiples cadres théoriques et méthodologiques (p.ex., : Lussi Borer, Yvon & Durand, 2015 ; Plazaola Giger & Durand, 2007 ; Yvon & Durand, 2012 ; Yvon & Saussez, 2010). Celle-ci fait l’objet de nombreuses communications lors de colloques et congrès, réseaux de rencontres en sciences de l’éducation, donne lieu à des colloques ou journées d’études prenant spécifiquement l’activité pour objet, à l’instar du colloque « l’activité en débat », organisé par l’Université de Lille 3 en 20159 ou la journée « Raisons éducatives : Analyse du travail et formation dans les métiers de l’éducation » organisée à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Genève (Lussi Borer, Yvon & Durand, 2015) rassemblant à chaque fois de nombreux chercheurs en sciences de l’éducation. Il est intéressant de souligner à ce propos que l’activité des enseignants est en outre étudiée sous de multiples angles. Si l’activité des enseignants débutants a fait et continue à faire l’objet de plusieurs travaux (p.ex., Azéma, 2015 ; Méard & Bruno, 2009 ; Ria, 2009, 2016, 2017 ; Serres, 2006 ; Serres & Ria, 2007 ; Saujat, 2014), celle des enseignants chevronnés l’est également.

Chacun de ces travaux contribuent ainsi à mettre en lumière, certaines facettes de l’activité enseignante permettant de mieux en saisir sa complexité, ses traits spécifiques mais également ses aspects relativement génériques : les préoccupations des enseignants débutants et les dimensions émotionnelles de l’activité chez les débutants, la construction d’une culture d’action, l’improvisation, l’articulation entre l’activité de l’enseignant et celle des élèves en classe ; les gestes de métier et leur éventuelle transmission dans le cadre d’une perspective de didactique disciplinaire, ou de didactique professionnelle.

L’activité des enseignants spécialisés, encore peu étudiée à notre connaissance, fait également l’objet de présentations et communications à des réseaux de rencontres et congrès internationaux, mais pour l’heure, ceux-ci demeurent essentiellement francophones. Elle est essentiellement étudiée à partir d’une perspective située et interactionniste des pratiques d’enseignement spécialisé (Pelgrims, 2001, 2006) et de formation. Elle porte sur différents objets : la réinterprétation en termes d’ajustements à des contraintes et libertés de pratiques régulièrement observées en mesure d’appui à l’intégration et en classe spécialisée (Pelgrims, 2001, 2006, 2009), l’analyse des obstacles auxquels sont confrontés les étudiants-stagiaires de la LME, dans différents contextes d’enseignement spécialisé (Pelgrims et groupe de réflexion, 2005). La collaboration des professionnels impliqués, en contexte d’institution spécialisée,

9Pour plus d’informations : https://live3.univ-lille3.fr/collections/lactivite-en-debat-dialogues-epistemologiques-et-methodologiques-sur-les-approches-de-lactivite

dans l’élaboration et la mise en œuvre de projets éducatifs individualisés (Emery 2016), les contraintes et dilemmes professionnels dans l’activité de soutien à l’intégration en classe régulière d’élèves à BEP menée par des titulaires de classes intégrées, des enseignants itinérants, ou encore d’enseignants en équipe pluridisciplinaire constituent également un axe d’étude de l’activité des enseignants spécialisés (Pelgrims, Bauquis, Delorme & Emery, 2015 ; Pelgrims, Delorme, Emery, & Fera, 2017 ; Pelgrims, Delorme & Emery, en soumission ; Pelgrims & Emery, Haenggeli & Danalet, 2018).

1.2.3 Opacité et visibilité du travail

De même que de Montmollin (1996) et Durand (1996, p. 38) le mentionnent, les outils et méthodes d’investigation de la psychologie du travail et plus particulièrement de l’ergonomie de langue française,

De même que de Montmollin (1996) et Durand (1996, p. 38) le mentionnent, les outils et méthodes d’investigation de la psychologie du travail et plus particulièrement de l’ergonomie de langue française,

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